The Records of the Federal Convention of 1787/Volume 3/Appendix A/III

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III. Mr. Otto, chargé d’affairs de France, au Secrétaire d’Etat des Affaires Etrangères, comte de Montmorin[1]

No. 85.

A New York, le 10 avril, 1787.

  Monseigneur,
Délégués de la pluspart des Etats nommés pour convenir d’un nouveau système de gouvernement. L’insuffisance de la confédération actuelle et la nécessité absolue de la refondre entièrement sont si bien senties, que la plupart des Etats ont nommé sans délai des délégués chargés de s’assembler à Philadelphie pour convenir d’un nouveau système de gouvernement moins défectueux et moins précaire que celui qui existe dans ce moment ci, ou plutôt qu devroit exister.
Le Congrès n’est qu’un phantome de souveraineté. Le Congrès n’est réellement qu’un phantome de souveraineté destitué de pouvoirs, d’énergie et de considération, et l’édifice qu’il doit supporter tombe en ruine.
Résolution cijointe du Congrès pour suggérer l’idée d’une nouvelle Convention générale. Cette assemblée, craignant de perdre le peu d’éclat qui lui reste, a du moins voulu avoir l’air de suggérer l’idée d’un nouvelle Convention générale; c’est dans ce but qu’elle a publié la résolution ci jointe.[2]
Le Rhode-Island est le seul Etat qui ait refusé d’envoyer à Philadelphie des délégués pour cet objet. Le Rhodeisland est jusqu’ici le seul Etat qui ait positivement refusé d’envoyer des délégués a Philadelphie; cette conduite, jointe à plusieurs autres mesures également malhonêtes et imprudentes l’ont rendu complètement méprisable en Amérique.
Cet Etat est méprisé en Amérique. Les papiers publics sont remplis de sarcasmes contre cette petite République, et malhereusement elle paraît mériter tout le mal qu’on en dit.
Membres les plus distingués qui doivent composer cette assemblée à Philadelphie pour régler la nouvelle Convention générale, qui est devenue d’une nécessité indispensable.

Si tous les délégués nommés pour cette Convention de Philadelphie y assistent, on n’aura jamais vu, même en Europe, une assemblée plus respectable par les talens, les connoissances, le désintéressement et le patriotisme de ceux qui la composeront. Le gal. Washington, le Dr. Franklin et un grand nombre d’autres personnages distingués, quoique moins connus en Europe, y sont appellés. On ne sauroit douter que les intérêts de la confédération n’y soient plus solidement discutés qu’ils ne l’ont jamais été. Une triste expérience de plusieurs années ne prouve que trop qu’il est impossible que les choses restent sur le pied actuel. Pendant la guerre, le Congrès empruntait, pour ainsi dire, sa force des armées angloises, qui infestoient les Etats de toutes parts; le papier monnoye qu’il pouvoit créer à l’infini, les subsides de la France, l’énthousiasme et le patriotisme des individus, les confiscations, des troupes nombreuses lui donnoient une importance qui s’est évanouie au moment de la paix. Il s’agit donc d’adopter un nouveau plan de confédération, de donner au Congrès des pouvoirs coercitifs, des impôts considérables, une armée, le droit de régler exclusivement le commerce de tous les Etats. Mais cette nouvelle assemblée n’a elle-même que le pouvoir de proposer. Les Etats voudront-ils se laisser dépouiller d’une partie de leur souveraineté? Voudront-ils consentir à n’être plus que des provinces d’un grand Empire? La majorité des Etats pourra-t-elle faire la loi à ceux qui ne voudront pas sacrifier leur indépendance actuelle? C’est ce dont on a lieu de douter; mais je dois m’attacher, Monseigneur, à vous présenter des faits et non des conjectures.

Je ne puis cependant m’empêcher de vous observer que, quoique cette nouvelle Convention soit l’unique moyen de réunir les membres épars de la Confédération, les Américains les plus instruits sont bien loin de le regarder comme suffisant. Il règne dans la formation de ces Etats un vice radical qui s’opposera toujours à une union parfaite, c’est que les Etats n’ont réellement aucun intérêt pressant d’être sous un seul chef. Leur politique, qui se borne à leurs speculations com[m]erciales, leur inspire même réciproquement de l’aversion et de la jalousie, passions qui se trouvoient absorbées pendant la guerre par l’enthousaiasme de la liberté et de l’indépendance, mais qui com[m]encent à reprendre toute leur force. Ces républicains n’ont plus de Philippe à leurs portes, et, comme ils ont secoué le joug de l’Angleterre pour ne pas payer des taxes, ils portent avec impatience celui d’un Congrès, qui ne peut que les charger d’impôts sans leur offrir aucune protection contre des ennemis qui n’existent plus. La confédération n’est réellement soutenue que par le parti aristocratique et ce parti s’affoiblit tous les jours. Les Cincinnati et tous les créanciers publics se trouvent dans cette classe, mais à mesure qu’ils sont ruinés par les intrigues du parti opposé ou par l’épuisement du trésor continental, ils deviennent plébéiens pour obtenir des places de confiance ou du moins pour avoir de quoi vivre, d’autres vont porter dans les districts occidentaux leur industrie et les foibles débris de leur fortune; un petit nombre d’entre eux passe en Angleterre.

Je suis avec un profond respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Otto.


  1. French Archives: Ministère des Affaires Etrangères Archives. Etats-Unis Correspondence. Vol. 32, pp. 237 ff.
  2. Résolution du Congrès du 21 février 1787. Même volume, fo 239ro. Traduction française.