Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Autel

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AUTEL, s. m. Tout ce que l’on peut savoir des autels de la primitive Église, c’est qu’ils étaient indifféremment de bois, de pierre ou de métal. Pendant les temps de persécution, les autels étaient souvent des tables de bois que l’on pouvait facilement transporter d’un lieu à un autre. L’autel de Saint-Jean de Latran était de bois. L’empereur Constantin ayant rendu la paix à l’Église chrétienne, saint Sylvestre fit placer ostensiblement dans cette basilique l’autel de bois qui avait servi dans les temps d’épreuves, avec défense qu’aucun autre que le pape n’y dît la messe. Ces autels de bois étaient faits en forme de coffre, c’est-à-dire qu’ils étaient creux. Saint-Augustin raconte que Maximin, évêque de Bagaï en Afrique, fut massacré sous un autel de bois que les Donatistes enfoncèrent sur lui. Grégoire de Tours se sert souvent du mot archa, au lieu d’ara ou d’altare, pour désigner l’autel. Ces autels de bois étaient revêtus de matières précieuses, or, argent et pierreries. L’autel de Sainte-Sophie de Constantinople, donné par l’impératrice Pulchérie, consistait en une table d’or garnie de pierreries.

Il est d’usage depuis plusieurs siècles d’offrir le saint sacrifice sur des autels de pierre, ou si les autels sont de bois ou de toute autre matière, faut-il qu’il y ait au milieu une dalle de pierre consacrée ou autel portatif. Il ne semble pas que les autels portatifs consacrés aient été admis avant le VIIIe siècle, et l’on pouvait dire la messe sur des autels d’or, d’argent ou de bois. Théodoret, évêque de Cyr, qui vivait pendant la première moitié du Ve siècle, célébra les divins mystères sur les mains de ses diacres, à la prière du saint ermite Maris, ainsi qu’il le dit dans son Histoire religieuse[1]. Théodore, archevêque de Cantorbéry, mort en 690, fait observer, dans son Pénitentiel[2] qu’on peut dire la messe en pleine campagne sans autel portatif, pourvu qu’un prêtre, ou un diacre, ou celui même qui dit la messe, tienne le calice et l’oblation entre ses mains. Les autels portatifs paraissent avoir été imposés dans les cas de nécessité absolue dès le VIIIe siècle. Béde, dans son Histoire des Anglais, parle d’autels portatifs que les deux Ewaldes portaient avec eux partout où ils allaient[3]. Hincmar, archevêque de Reims, mort en 882, permit, dans ses Capitulaires, l’usage des autels portatifs[4] en pierre, en marbre, ou en mosaïques. Pendant les XIe et XIIe siècles, ces autels portatifs devinrent fort communs ; on les emportait dans les voyages. Aussi l’Ordre romain les appelle-t-il tabulas itinerarias. Les inventaires des trésors d’églises font mention fréquemment d’autels portatifs.

Sur les tables d’autels fixes, il était d’usage, dès avant le IXe siècle, d’incruster des propitiatoires, qui étaient des plaques d’or ou d’argent sur lesquelles on offrait le saint sacrifice. Anasthase le Bibliothécaire dit, dans sa Vie du pape Pascal I, que ce souverain pontife fit poser un propitiatoire en argent sur l’autel de Saint-Pierre de Rome, un sur l’autel de l’église de Sainte-Praxède, sur les autels de Sainte-Marie de Cosmedin, de la basilique de Sainte-Marie-Majeure. Le pape Léon IV fit également faire un propitiatoire pesant 72 livres d’argent et 80 livres d’or pour l’autel de la basilique de Saint-Pierre.

Les autels primitifs, qu’ils fussent de pierre, de bois ou de métal, étaient creux. L’autel d’or dressé par l’archevêque Angelbert dans l’église de Saint-Ambroise de Milan était creux, et l’on pouvait apercevoir les reliques qu’il contenait par une ouverture percée par derrière[5].

L’évêque Adelhelme, qui vivait à la fin du IXe siècle, raconte qu’un soldat du roi Bozon, qui était devenu aveugle, recouvra la vue en se glissant sous l’autel de l’église de Mouchi-le-Neuf du diocèse de Paris, pendant que l’on célébrait la messe. Les monuments viennent à cet égard appuyer les textes nombreux que nous croyons inutile de citer[6] ; les autels les plus anciens connus sont généralement portés sur une ou plusieurs colonnes[7] (1 et 2). La plupart des autels grecs étaient portés sur une seule colonne. L’usage des autels creux ou portés sur des points d’appui isolés s’est conservé jusqu’au XVe siècle. L’autel n’était considéré jusqu’alors que comme une table sous laquelle on plaçait parfois de saintes reliques, ou qui était élevée au-dessus d’une crypte renfermant un corps saint, car à vrai dire les reliquaires étaient plutôt, pendant le moyen âge, posés, à certaines occasions, sur l’autel que dessous[8]. Il n’existe plus, que nous sachions, en France, d’autels complets d’une certaine importance antérieurs au XIIe siècle.
On en trouve figurés dans des manuscrits ou des bas-reliefs avant cette époque, mais ils sont très-simples, presque toujours sans retables, composés seulement d’une table supportée par des colonnes et recouverte de nappes tombant sur les deux côtés jusqu’au sol. L’usage des retables est cependant fort ancien, témoin le retable d’or donné par l’empereur Henri II à la cathédrale de Bâle, en 1019, et conservé aujourd’hui au musée de Cluni (voy. Retable) ; le grand retable d’or émaillé et enrichi de pierreries déposé sur le maître autel de l’église Saint-Marc de Venise, connu sous le nom de la Pala d’oro, et dont une partie date de la fin du Xe siècle ; celui conservé autrefois dans le trésor de Saint-Denis. L’autel étant consacré dès les premiers siècles, aucune image ne devait y être déposée en présence de l’Eucharistie ; mais le retable ne l’étant point, on pouvait le couvrir de représentations de personnages saints, de scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament. Sauf dans certaines cathédrales, à dater du XIIe siècle, les autels sont donc surmontés de retables fort riches, et souvent d’une grande dimension. Quant aux tables des autels, jusque vers la moitié du XIIe siècle, elles sont très-fréquemment creusées en forme de plateau.
Saint Remi, archevêque de Lyon, avait donné à l’église Saint-Étienne, pendant le IXe siècle, un autel de marbre dont la table était creusée de six centimètres environ, avec de petits orifices à chacun des coins[9]. D. Mabillon reproduit, dans le troisième volume de ses Annales Benedictini, une table d’autel de sept palmes de long sur quatre de large, donnée par l’abbé Tresmirus à son monastère de Mont-Olivet, du diocèse de Carcassonne, également creusée et remplie d’inscriptions et d’ornements gravés, avec les quatre signes des évangélistes aux quatre coins[10]. La grande table du maître autel de l’église Saint-Sernin de Toulouse retrouvée depuis quelques années dans l’une des chapelles, et conservée dans cette église, était également entourée d’une riche bordure d’ornements et creusée ; cette table paraît appartenir à la première moitié du XIIe siècle. Il semble que ces tables aient été creusées et percées de trous afin de pouvoir être lavées sans crainte de répandre à terre l’eau qui pouvait entraîner des parcelles des Saintes espèces.
Voici (3) la figure de l’autel de la tribune de l’église de Montréal près Avallon, dont la table portée sur une seule colonne est ainsi creusée et percée d’un petit orifice[11]. « Le grand autel de la cathédrale de Lyon, dit le sieur de Moléon, dans ses Voyages liturgiques[12], est ceint d’une balustrade de cuivre assez légère, haute de deux pieds environ, et elle finit au niveau du derrière de l’autel qui est large environ de cinq pieds. L’autel, dont la table de marbre est un peu creusée par-dessus, est fort simple, orné seulement d’un parement par devant et d’un autre au retable d’au-dessus. Sur ce retable sont deux croix aux deux côtés ; Scaliger dit qu’il n’y en avait point de son temps. »

Guillaume Durand, dans son Rational, que l’on ne saurait trop lire et méditer lorsqu’on veut connaître le moyen âge catholique[13], s’étend longuement sur l’autel et la signification des diverses parties qui le composent. « L’autel, dit-il d’après les Écritures, avait beaucoup de parties, à savoir la haute et la basse, l’intérieure et l’extérieure… Le haut de l’autel c’est Dieu-Trinité, c’est aussi l’Église triomphante… Le bas de l’autel c’est l’Église militante ; c’est encore la table du temple, dont il est dit : « Passez les jours de fêtes dans de saints repas, assis et pressés à ma table près du coin de l’autel… » L’intérieur de l’autel c’est la pureté du cœur…. L’extérieur de l’autel c’est le bûcher ou l’autel même de la croix… En second lieu, l’autel signifie aussi l’Église spirituelle ; et ses quatre coins, les quatre parties du monde sur lesquelles l’Église étend son empire. Troisièmement, il est l’image du Christ, sans lequel aucun don ne peut être offert d’une manière agréable au Père. C’est pourquoi l’Église a coutume d’adresser ses prières au Père par l’entremise du Christ. Quatrièmement, il est la figure du corps du Seigneur ; cinquièmement, il représente la table sur laquelle le Christ but et mangea avec ses disciples. Or, poursuit-il, on lit dans l’Exode que l’on déposa dans l’arche du Testament ou du Témoignage la déclaration, c’est-à-dire les tables sur lesquelles était écrit le témoignage, on peut même dire les témoignages du Seigneur à son peuple ; et cela fut fait pour montrer que Dieu avait fait revivre par l’écriture des tables la loi naturelle gravée dans les cœurs des hommes. On y mit encore une urne d’or pleine de manne pour attester que Dieu avait donné du ciel du pain aux fils d’Israël, et la verge d’Aaron pour montrer que toute puissance vient du Seigneur-Dieu, et le Deutéronome en signe du pacte par lequel le peuple avait dit : « Nous ferons tout ce que le Seigneur nous dira. » Et à cause de cela l’arche fut appelée l’Arche du Témoignage ou du Testament, et, à cause de cela encore, le Tabernacle fut appelé le Tabernacle du Témoignage. Or, on fit un propitiatoire ou couverture sur l’Arche… C’est à l’imitation de cela que dans certaines églises on place sur l’autel une arche ou un tabernacle dans lequel on dépose le corps du Seigneur et les reliques des saints… Donc, ajoute Guillaume Durand plus loin, par l’autel il faut entendre notre cœur ;… et le cœur est au milieu du corps comme l’autel est au milieu de l’église. C’est au sujet de cet autel que le Seigneur donne cet ordre dans le Lévitique : « Le feu brûlera toujours sur mon autel. » Le feu c’est la charité ; l’autel c’est un cœur pur… Les linges blancs dont on couvre l’autel représentent la chair ou l’humanité du Sauveur… » Guillaume Durand termine son chapitre de l’Autel, en disant que jamais l’autel ne doit être dépouillé, ni revêtu de parements lugubres ou d’épines, si ce n’est au jour de la Passion du Seigneur (ce que, ajoute-t-il, réprouve aujourd’hui le concile de Lyon), ou lorsque l’Église est injustement dépouillée de ses droits. Dans son chapitre III (des Peintures, etc.), il dit : « On peint quelquefois les images des saints Pères sur le retable de l’autel… Les ornements de l’autel sont des coffres et des châsses (capsis), des tentures, des phylactères (philatteriis), des chandeliers, des croix, des franges d’or, des bannières, des livres, des voiles et des courtines. Le coffre dans lequel on conserve les hosties consacrées, signifie le corps de la Vierge glorieuse… Il est parfois de bois, parfois d’ivoire blanc, parfois d’argent, parfois d’or et parfois de cristal… Le même coffre, lorsqu’il contient les hosties consacrées et non consacrées, désigne la mémoire humaine ; car l’homme doit se rappeler continuellement les biens qu’il a reçus de Dieu, tant les temporels, qui sont figurés par les hosties non consacrées, que les spirituels, représentés par les hosties consacrées… Et les châsses (capsæ) posées sur l’autel, qui est le Christ, ce sont les apôtres et les martyrs ; les tentures et les linges de l’autel, ce sont les confesseurs, les vierges et tous les saints, dont le Seigneur dit au prophète : « Tu te revêtiras d’eux comme d’un vêtement… » On place encore sur l’autel même, dans certaines églises, le tabernacle (tabernaculum), dont il a été parlé au chapitre de l’Autel.

« Aux coins de l’autel sont placés à demeure deux chandeliers, pour signifier la joie des deux peuples qui se réjouirent de la nativité du Christ ; ces chandeliers, au milieu desquels est la croix, portent de petits flambeaux allumés ; car l’ange dit aux pasteurs : « Je vous annonce une grande joie qui sera pour tout le peuple, parce qu’aujourd’hui vous est né le Sauveur du monde… »

« Le devant de l’autel est encore orné d’une frange d’or, selon cette parole de l’Exode (chap. xxv et xxviii) : « Tu me construiras un autel, et tu l’entoureras d’une guirlande haute de quatre doigts.

« Le livre de l’Évangile est aussi placé sur l’autel, parce que l’Évangile a été publié par le Christ lui-même et que lui-même en rend témoignage. » En parlant des voiles, l’évêque de Mende s’exprime ainsi : « Il est à remarquer que l’on suspend trois sortes de voiles dans l’église, à savoir : celui qui couvre les choses saintes, celui qui sépare le sanctuaire du clergé, et celui qui sépare le clergé du peuple… Le premier voile, c’est-à-dire les rideaux que l’on tend des deux côtés de l’autel, et dont le prêtre pénètre le secret, a été figuré d’après ce qu’on lit dans l’Exode (xxxiv)… Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la célébration de la messe, on étend devant l’autel, tire son origine et sa figure de celui qui était suspendu dans le tabernacle et qui séparait le Saint des saints du lieu saint… Ce voile cachait l’arche au peuple, et il était tissu avec un art admirable et orné d’une belle broderie de diverses couleurs ;… et, à son imitation, les courtines sont encore aujourd’hui tissues de diverses couleurs très-belles…

« Dans quelques églises, l’autel, dans la solennité de Pâques, est orné de couvertures précieuses, et l’on met dessus des voiles de trois couleurs : rouge, gris et noir, qui désignent trois époques. La première leçon et le répons étant finis, on ôte le voile noir, qui signifie le temps avant la loi. Après la seconde leçon et le répons, on enlève le voile gris, qui désigne le temps sous la loi. Après la troisième leçon, on ôte le voile rouge, qui signifie l’époque de la grâce, dans laquelle, par la Passion du Christ, l’entrée nous a été et nous est encore ouverte au Saint des saints et à la gloire éternelle. »

Quelque longues que soient ces citations, on comprendra leur importance et leur valeur ; elles jettent une grande clarté sur le sujet qui nous occupe. Tant que le clergé maintint les anciennes traditions, et jusqu’au moment où il fut entraîné par le goût quelque peu désordonné du XVIe siècle, il sut conserver à l’autel sa signification première. L’autel demeura le symbole visible de l’ancienne et de la nouvelle loi. Chacune des parties qui le composaient rappelait les saintes Écritures, ou les grands faits de la primitive Église. Toujours simple de forme, que sa matière fût précieuse ou commune, il était entouré de tout ce qui devait le faire paraître saint aux yeux des fidèles, sans que ces accessoires lui ôtassent ce caractère de simplicité et de pureté que le faux goût des derniers siècles lui ont enlevé.

Nous allons essayer, soit à l’aide des textes, soit à l’aide des monuments, de donner une idée complète des autels de nos églises du moyen âge. Mais d’abord, il est nécessaire d’établir une distinction entre les différents autels. Dans les églises cathédrales, le maître autel non-seulement était simple de forme, mais souvent même il était dépourvu de retable, entouré seulement d’une clôture avec voiles et courtines, et surmonté au dossier d’une colonne avec crosse à laquelle était suspendue la sainte Eucharistie. Sur les côtés étaient établies des armoires dans lesquelles étaient renfermées les reliques ; quelquefois, au lieu de la suspension, sur l’autel, était posé un riche tabernacle, ainsi que nous l’apprend Guillaume Durand, destiné à contenir les hosties consacrées et non consacrées. Toutefois, il est à présumer que ces tabernacles ou coffres, n’étaient pas fixés à l’autel d’une manière permanente. Sur l’autel même se dressaient seulement la croix et deux flambeaux. Jusqu’au XIIIe siècle, les trônes des évêques et les stalles des chanoines régulier étaient disposés généralement, dans les cathédrales, au chevet ; le trône épiscopal occupait le centre. Cette disposition, encore conservée dans quelques basiliques romaines, entre autres à Saint-Jean-de-Latran, à Saint-Laurent-hors-les-murs (4)[14], à Saint-Clément (5)[15], etc., et qui appartenait à la primitive Église, devait nécessairement empêcher l’établissement des contre-autels ou des retables, car ceux-ci eussent caché le célébrant. Aussi ne voit-on guère les retables apparaître que sur les autels adossés, sur ceux des chapelles, rarement sur les autels principaux des cathédrales. Dans les églises monastiques, il y avait presque toujours l’autel matutinal, qui était celui où se disait l’office ordinaire, placé à l’entrée du sanctuaire au bout du chœur des religieux, et l’autel des reliques, posé au fond du sanctuaire, et derrière ou sous lequel étaient conservées les châsses des saints. C’était ainsi qu’étaient établis les autels principaux de l’église de Saint-Denis en France, dès le temps de Suger. Au fond du rond-point, l’illustre abbé avait fait élever le reliquaire contenant les châsses des saints martyrs, en avant duquel était placé un autel. Voici la description que donne D. Doublet de ce monument remarquable… « En ceste partie est le très-sainct autel des glorieux saincts martyrs (ou bien l’autel des corps saincts, à raison que leurs corps reposent soubs iceluy), lequel est de porphyre gris beau en perfection : et la partie d’au-dessus, ou surface du même autel, couverte d’or fin, aussi enrichi de plusieurs belles agathes, et pierres précieuses. Là se voit une excellente table couverte d’or (un retable), ornée et embellie de pierreries, qu’a fait faire jadis le roi Pepin, laquelle est quarrée, et sur les quatre costez sont des lettres en émail sur or, les unes après les autres, en ces termes : Bertrada Deum venerans Christoque sacrata. Et puis : Pro Pippino rege fælicissimo quondam… Au derrière de cet autel est le sacré cercueil des corps des saints martyrs, qui contient depuis l’aire et pavé cinq pieds et demy de hault, et huict pieds de long sur sept pieds de large, fait d’une assise de marbre noir tout autour du bas d’un pied de hault, et sur la dicte assise huit pilliers quarrez aussi de marbre noir de deux pieds et demy de hault, et sur iceux huit pilliers une autre assise de marbre noir, à plusieurs moulures anciennes, et entre les dicts huit pilliers, huit panneaux de treillis de fonte, enchassez en bois, de plusieurs belles façons de deux pieds et demy de long, le pillier du milieu de derrière, et pareillement le pillier de l’un des coings du dit derrière, couverts chacun d’une bande de cuivre doré, aussi iceux treillis et bois couverts de cuivre doré à feuillages, avec plusieurs émaux ronds sur cuivre doré, et plusieurs clous dorés sur iceux ; et sur le marbre de la couverture, dedans ledit cercueil, une voulte de pierre revestue au dedans de cuivre doré, qui prend jusque soubs l’autel, qui est le lieu où reposent les sacrez corps des apôtres de France saint Denys l’Aéropagite, saint Rustic, et saint Eleuthère, en des châsses d’argent de très-ancienne façon, pendantes à des chainettes aussi et boucles d’argent, pour lesquelles ouvrir il y a trois clefs d’argent… Au-dessus dudit cercueil il y a un grand tabernacle de charpenterie de ladite longueur et largeur en façon d’église, à haute nef et basses voûtes, garny de huict posteaux, à savoir à chacun des deux pignons quatre, les deux des coings ronds de deux pieds et demy de hault, et les deux autres dedans œuvre de six pieds et demy de hault, aussi garny de bases et chapiteaux : et entre iceux trois beez et regards de fenestres à demy ronds portans leur plein centre, et celle du milieu plus haulte que les autres : le dessus des pilliers de dedans œuvre en manière d’une nef d’église de ladite longueur, et de deux pieds et demy de large, portant de costé et d’autre dix colombettes à jour, et deux aux deux bouts à base et chapiteau d’ancienne façon : au-dessus de ladite nef et colombettes de chacun costé est un appentil en manière de basses chapelles, voûtes et allées, les costez et ceintres à demy ronds portans quatre culs de lampe ; à chacun des deux pignons de ladite nef cinq petites fenestres, trois par haut à deux petits pilliers quarrez par voye, et au-dessous deux, au milieu un pillier rond ; le dedans de la nef remply par bas d’une forme de cercueil, et les deux costez aussi remplis par bas d’une même forme de cercueil de bois de la longueur dudit tabernacle, celle du milieu plus haut eslevée que les autres. Le devant du cercueil du milieu joignant ledit autel est garny en la bordure d’en bas de plusieurs beaux esmaux sur cuivre doré, en façon d’applique de diverses façons, et au-dessus desdits esmaux plusieurs belles agathes, les unes en façon de camahieux à faces d’hommes (camées) et les autres en fond de cuve (chatons)… Tout le devant de cet autel est couvert d’or, et enrichy de belles perles rondes d’Orient, d’aigues marines en fond de cuve, de topazes, grenats, saphirs, amatistes, cornalines, presmes d’esmeraudes, esmaux d’applique et cassidoines, avec trois belles croix posées sur la pointe de chacun pignon du cercueil, dont celle du milieu est d’or, et les autres d’argent doré, enrichies de beaux saphirs, de belles amatistes, de grenats et presmes d’esmeraudes. Au derrière du cercueil préallégué ce vers-cy est escrit en lettres d’or sur laiton, ainsi que s’ensuit :

« Facit utrumque latus, frontem, lectumque Suggerus[16]. »
Cette description si minutieuse de l’autel des reliques de l’abbaye de Saint-Denis fait voir que, si le reliquaire était important et aussi riche par son ornementation que par la matière, l’autel placé en avant conservait la simplicité des formes primitives, que cet autel était indépendant du reliquaire, que les trois châsses des saints étaient placées de façon à pénétrer jusque sous la table, et que les cercueils supérieurs disposés dans le grand tabernacle à trois nefs, étaient feints, et ne faisaient que rappeler aux yeux des fidèles la présence des corps saints qu’ils ne pouvaient apercevoir. Sans prétendre faire ici une restauration de cet autel remarquable, nous croyons cependant devoir en donner un croquis aussi exactement tracé que possible d’après la description, afin de rendre le texte intelligible pour tous (6)[17]. Cet autel et son reliquaire, placés au fond du rond-point de l’église abbatiale, n’étaient pas entourés d’une clôture particulière, car le sanctuaire était lui-même fermé et élevé au-dessus du sol de la nef et du transept, de trois mètres environ ;
il n’était accompagné que de deux armoires à droite et à gauche, contenant le trésor de l’église (voy. Armoire). Quant à l’autel matutinal placé à l’extrémité de l’axe de la croisée et presque adossé à la tribune formée par l’exhaussement du sanctuaire, il était entouré de grilles de fer « faites par beaux compartiments, » composé d’une table de marbre portée sur quatre piliers de marbre blanc ; il avait été consacré par le pape saint Étienne[18]. À la fin du XVe siècle, cet autel était encore environné de colonnes de vermeil surmontées de figures d’anges tenant des flambeaux, et reliées par des tringles sur lesquelles glissaient les courtines. Derrière le retable, qui était d’or, avait été élevée la châsse renfermant les reliques du roi saint Louis.

Un délicieux tableau de Van Eyck, conservé à Londres dans la collection de lord ***, nous donne la disposition et la forme des parties supérieures de cet autel ; le dessous de la table de l’autel est caché par un riche parement de tapisserie (7). On retrouve ici le retable donné par Charles le Chauve et la croix d’or donnée par l’abbé Suger[19]. Le tableau de Van Eyck est exécuté avec une finesse et une exactitude si remarquables, que l’on distingue parfaitement jusqu’aux moindres détails du retable et du reliquaire. Les caractères particuliers aux styles différents sont observés avec une scrupuleuse fidélité. On voit que le retable appartient au IXe siècle ; les colonnes, les anges et le reliquaire à la fin du XIIIe siècle.

D. Doublet donne, dans le chapitre xlv de ses Antiquitez de l’abbaye de Saint-Denis, une description minutieuse du retable d’or de cet autel, qui se rapporte entièrement au tableau de Van Eyck ; il mentionne la qualité et le nombre des pierres précieuses, des perles, leur position, les accessoires qui accompagnent les personnages.

Guillaume Durand semble admettre que tous les autels de son temps fussent entourés de voiles et courtines, et en effet les exemples donnés par les descriptions ou les représentations peintes ou dessinées (car malheureusement de tous ces monuments pas un seul ne reste debout) viennent appuyer son texte. Du temps de Moléon (1718), il existait encore un certain nombre d’autels ayant conservé leur ancienne disposition. Cet auteur cite celui de Saint-Seine, de l’ordre de saint Benoit[20]. « Le grand autel est sans retable. Il y a seulement un gradin et six chandeliers dessus. Au-dessus est un crucifix haut de plus de huit pieds, au-dessous duquel est la suspension du saint sacrement dans le ciboire ; et aux deux côtés de l’autel il y a quatre colonnes de cuivre, et quatre anges de cuivre avec des chandeliers et des cierges et de grands rideaux. » À Saint-Étienne de Sens (la cathédrale), même disposition. À la cathédrale de Chartres, « le grand autel est fort large ; il n’y a point de balustres, mais seulement des colonnes de cuivre et des anges au-dessus autour du sanctuaire. Le parement est attaché aux nappes un demi-pied sur l’autel ; la frange du parement est tout au haut sur le bord de la table. Au-dessus de l’autel il y a seulement un parement au retable, et au-dessus est une image de la sainte Vierge d’argent doré. Par derrière est une verge de cuivre, et au haut un crucifix d’or de la grandeur d’un pied et demi, au pied duquel est une autre verge de cuivre qui avance environ d’un pied ou d’un pied et demi sur l’autel, au bout de laquelle est la suspension du saint ciboire, selon le second concile de Tours sub titulo crucis corpus Domini componatur. » À Saint-Ouen de Rouen, « le grand autel est simple, séparé de la muraille avec des rideaux aux côtés, une balustrade de bois, quatre piliers et quatre anges dessus, comme à celui de l’église cathédrale. Au-dessus du retable est la suspension du saint ciboire (au pied de la croix), et les images de saint Pierre et de saint Paul, premiers patrons, entre deux ou trois cierges de chaque côté. Il y a trois lampes ou bassins devant le grand autel avec trois cierges, comme à la cathédrale. » J. B. Thiers[21] démontre clairement que l’usage d’entourer les autels de voiles, encore conservé de son temps dans quelques églises, était général dans les premiers siècles du christianisme. Nous donnons ici la copie de l’ancien maître autel de la cathédrale d’Arras (8), représenté sur un tableau du XVIe siècle conservé dans la sacristie de cette église[22]. Cet autel datait certainement du XIIIe siècle, sauf peut-être la partie supérieure de la suspension, la croix, qui paraît appartenir au XVe. Ce charmant monument était construit partie en marbre blanc partie en argent naturel ou doré. La pile postérieure derrière le retable était en marbre rehaussé de quelques dorures, elle portait une petite statue de la Vierge sous un dais couronné d’un crucifiement en argent avec saint Jean et la Vierge ; trois anges reçoivent le précieux sang de Notre-Seigneur dans de petites coupes. Derrière le dais de la Vierge était un ange en vermeil sonnant de l’olifant. Une crosse en vermeil à laquelle s’attachait un ange aux ailes déployées soutenait le saint ciboire suspendu par une petite chaîne. Sur le retable étaient posés des reliquaires. Six colonnes d’argent et de vermeil portaient six anges entre les mains desquels on distingue les instruments de la Passion. Dans le tableau de la sacristie d’Arras, l’autel ainsi que le retable sont couverts de parements semés de fleurs de lis. Nous ne savons pas comment était décoré le retable sous le parement ; quant à l’autel, il présentait une disposition très-remarquable, disposition que nous reproduisons dans la gravure (fig. 8), d’après un dessin de feu Garnerey[23].

Le maître autel de la cathédrale de Paris, qui est représenté dans une gravure de 1662[24], est disposé comme celui de la cathédrale d’Arras. Quatre anges tenant les instruments de la Passion sont posés sur quatre colonnes de cuivre portant les tringles sur lesquelles glissent les courtines. À Notre-Dame de Paris, l’autel était fort simple, revêtu d’un parement ainsi que le retable ; derrière l’autel s’élevait le grand reliquaire contenant la châsse de saint Marcel. « Premièrement, dit le P. Du Breul[25], derrière et au hault du grand autel, sur une large table de cuivre, soutenue de quatre gros et fort haults pilliers de même estoffe est posée la châsse de saint Marcel, neufième évêque de Paris, laquelle est d’argent doré, enrichie d’une infinité de grosses perles et pierres précieuses… Plus hault d’icelle, est une fort grande croix, dont le crucifix est d’argent doré. »

À côté de ce reliquaire était un autre autel : « Au côté droit, poursuit Du Breul, sur l’autel de la Trinité, dict des Ardents, est la châsse de Notre-Dame, d’argent doré…
À côté senestre dudict autel (principal) est une châsse de bois, ayant seulement le devant couvert d’argent doré, en laquelle est le corps de sainct Lucain, martyr… Au-dessus dudict autel de la Trinité sont plusieurs châsses… »

Voici, d’après la gravure dont nous avons parlé tout à l’heure, la vue de cet autel principal de Notre-Dame de Paris, avec la châsse de saint Marcel suspendue sous son grand baldaquin (9). Ce maître autel paraît avoir été élevé vers la fin du XIIIe siècle ; peut-être était-il contemporain de la clôture du chœur, qui date du commencement du XIVe siècle.

L’autel des reliques de la cathédrale d’Arras disposé au chevet de cette église, et qui est reproduit dans les Annales archéologiques de M. Didron, d’après un tableau conservé dans la sacristie, présentait une disposition analogue à celle de l’autel du chevet de Notre-Dame de Paris, si ce n’est que le reliquaire est suspendu au-dessus de l’autel, scellé aux deux piles extrêmes de l’abside, et qu’on y accède par un petit escalier en bois posé à la droite de cet autel[26].

L’usage de poser des parements[27] devant les autels, bien qu’ancien, ne fut pas adopté uniformément en France. Cela explique pourquoi, à partir du XIIe siècle, quelques tables d’autels anciens sont portées sur des massifs bruts, tandis que d’autres sont soutenues par des colonnettes riches de sculptures, des arcatures, des plaques de pierre ou de marbre incrustées ou sculptées. Le sieur de Moléon[28] observe « que dans les chapelles de l’église cathédrale d’Angers, les autels (selon l’ancien usage qui nous est encore resté le vendredi saint, et il n’y a pas encore longtemps, le samedi saint aussi) sont à nu, et ne sont couverts de quoi que ce soit ; de sorte que ce n’est qu’un moment avant que d’y dire la messe qu’on y met les nappes, qui débordent comme celle qu’on met sur une table où l’on dîne ; et il n’y a point de parement. » La forme la plus habituelle de l’autel, pendant le moyen âge, qu’il soit ou non revêtu de parements, est celle d’une table ou d’un coffre.

Il est certain que les beaux autels des chapelles de l’église abbatiale de Saint-Denis en France dont nous donnons plus loin les dessins, et tant d’autres, portés sur des colonnes ou présentant des faces richement décorées de sculptures, de peintures et d’applications, n’étaient pas destinés à recevoir des parements ; tandis que très-anciennement déjà certains autels en étaient garnis. L’autel majeur de la cathédrale de Reims avait un parement en partie d’or fin, en partie de vermeil, donné par les archevêques Hincmar et Samson des Prés. L’autel des reliques de l’église de Saint-Denis était également revêtu sur la face d’un parement d’or enrichi de pierres précieuses qui avait été donné par Suger. Mais le plus souvent les parements étaient d’étoffes précieuses, pour les devants d’autels comme pour les retables. Guillaume Durand[29] n’admet pour les vêtements ecclésiastiques que quatre couleurs principales : le blanc, le rouge, le noir et le vert ; il ajoute, il est vrai, que l’emploi de ces quatre couleurs n’est pas absolument rigoureux ; l’écarlate peut, selon lui, être substitué au rouge, le violet au noir, la couleur bysse au blanc, et le safran au vert. Il est probable que les parements des autels étaient soumis, comme les vêtements ecclésiastiques, à ces lois, et il faut les distinguer des couvertures ou nappes rouges, grises et noires dont parle l’évêque de Mende dans son troisième chapitre, cité plus haut. En changeant la couleur des vêtements ecclésiastiques suivant les différents temps de l’année, le clergé changeait également, comme cela se pratique encore aujourd’hui, la couleur des parements d’autels, lorsque ces parements étaient faits en étoffes. Il en était de même des voiles et courtines entourant les autels ; ces tentures étaient variables. Nous ajouterons, au sujet des voiles et courtines, qu’ils n’étaient pas uniformément disposés pendant le moyen âge autour des autels. « Outre qu’aujourd’hui, dit Thiers (chap. xiv)[30], il y a peu de ciboires au-dessus des autels, hors l’Italie, il n’y a point d’autels qui aient des voiles ou rideaux tout autour. La vérité est qu’en plusieurs anciennes églises, tant séculières que régulières, les principaux autels ont des voiles au côté droit et au côté gauche ; mais ils n’en ont ni au devant, ni au derrière, parce qu’au derrière il y a des retables, des tableaux ou des images en relief, et que le devant est entièrement ouvert, si ce n’est qu’en carême on y met ces voiles dont parlent Beleth[31], Durand[32], et les Uz de Citeaux[33]. En d’autres églises, les autels n’ont point du tout de voiles, quoiqu’il y ait apparence qu’ils en ont eu autrefois, ou au moins à droite et à gauche, ce qui se reconnoît par les pilastres ou colonnes de bois ou de cuivre que l’on y voit encore à présent. Enfin il y a une infinité d’autels qui non-seulement n’ont point du tout de voiles, mais qui ne paraissent pas même en avoir eu autrefois, n’ayant aucun vestige de pilastres ou colonnes. Il y en avoit cependant autour des anciens autels, dans les églises d’Orient, comme dans celles d’Occident, et on les y tenoit dépliés et étendus (fermés) au moins pendant la consécration et jusqu’à l’élévation de la sainte hostie, afin de procurer plus de vénération aux divins mystères. » Après une dissertation étendue sur l’usage des voiles posés au devant des autels grecs, Thiers termine son chapitre en disant : « À l’égard des églises d’Occident, nous avons des preuves de reste comme les autels y étoient entourés de voiles attachés aux ciboires, à leurs arcades, ou aux colonnes qui les soutenoient. Il ne faut que lire les vies des papes écrites par Anasthase le bibliothécaire pour en être convaincu, et surtout celles de Serge I, de Grégoire III, de Zacharie, d’Adrien I, de Léon III, de Pascal I, de Grégoire IV, de Serge II, de Léon IV, de Nicolas I ; on y verra que ces souverains pontifes ont fait faire en diverses églises de Rome, les uns vingt-cinq, les autres huit, et la plupart quatre voiles d’étoffes précieuses pour être tendus autour des autels ; pour être suspendus aux ciboires des autels ; pour être attachés aux arcades des ciboires autour des autels… Guillaume le bibliothécaire, qui a ajouté les vies de cinq papes, savoir : d’Adrien II, de Jean VIII, de Martin II, ou Marin I, d’Adrien III et d’Étienne VI, à celles qu’Anasthase a finies par Nicolas I, parle encore de ces mêmes voiles, dans la vie d’Étienne VI, où il dit que ce pape donna un voile de lin et trois autres voiles de soie pour mettre autour de l’autel de l’église de Saint-Pierre à Rome… » Thiers, qui ne va guère chercher ses documents que dans les textes, ne paraît pas certain que dans l’église d’Occident il y eût eu des voiles devant les autels. Le fait ne nous semble pas douteux cependant, au moins dans un certain nombre de diocèses. Voici (10) comme preuve la copie d’un ivoire du XIIIe siècle[34], sur lequel le voile antérieur de l’autel est parfaitement visible. Dans cette petite sculpture, que nous donnons grandeur d’exécution, le prêtre est assis dans une chaire sous un dais ; devant l’autel, trois clercs sont également assis, le voile antérieur est relevé. La suspension du saint sacrement est attachée sous le ciborium. On ne voit sur la table de l’autel qu’un livre posé à plat, l’Évangile ; des clercs tiennent trois flambeaux du côté droit de l’autel. Nous trouvons des exemples analogues dans des vitraux, dans des manuscrits et sculptures du XIe au XIIIe siècle. Plus tard les voiles antérieurs des autels sont rares et on ne les retrouve plus, en Occident, que sur les côtés, entre les colonnes, ainsi que le font voir les fig. 7, 8 et 9. Il semblerait que les voiles antérieurs aient cessé d’être employés pour cacher les autels des églises d’Occident pendant la consécration, lorsque le schisme grec se fut établi. C’est aussi à cette époque que le ciborium, ou baldaquin recouvrant directement l’autel, cesse de se rencontrer dans les églises de France, et n’est plus remplacé que par la clôture de courtines latérales. En effet, dans tous les monuments de la fin du XIIIe siècle, ainsi que dans ceux des XIVe et XVe, l’autel n’est plus couvert de cet édicule, désigné encore en Italie sous le nom de Ciborium (voy. ce mot) ; tandis que, pendant la période romane et jusque vers le milieu du XIIIe siècle, on trouve, soit dans les bas-reliefs, les peintures, les vitraux ou les vignettes des manuscrits, des édicules portés sur des colonnes et recouvrant l’autel, comme ceux qu’on peut encore voir à Rome, dans les églises de Saint-Clément, de Sainte-Agnès (hors les murs), de S. Georgio in Velabro ; à Venise, dans l’église de Saint-Marc, etc. Cependant du temps de Guillaume Durand, comme le fait remarquer Thiers, les voiles antérieurs des autels étaient encore posés pendant le carême, et Guillaume Durand écrivait son Rational à la fin du XIIIe siècle. « Il est à remarquer, dit-il[35], que l’on suspend trois sortes de voiles dans l’église, à savoir : celui qui couvre les choses saintes, celui qui sépare le sanctuaire du clergé, et celui qui sépare le clergé du peuple… Le premier voile, c’est-à-dire les rideaux que l’on tend des deux côtés de l’autel, et dont le prêtre pénètre le secret, a été figuré d’après ce qu’on lit dans l’Exode (xxxiv). « Moïse mit un voile sur sa figure, parce que les fils d’Israël ne pouvaient soutenir l’éclat de son visage… » Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la célébration de la messe, on étend devant l’autel, tire son origine et sa figure de celui qui était suspendu dans le tabernacle qui séparait le Saint des saints du lieu saint… Ce voile cachait l’arche au peuple, et il était tissu avec un art admirable et orné d’une belle broderie de diverses couleurs, et il se fendit lors de la Passion du Seigneur ; et, à son imitation, les courtines sont encore aujourd’hui tissues de diverses couleurs très-belles… » Le troisième voile a tiré son origine du cordon de muraille ou tapisserie qui, dans la primitive Église, faisait le tour du chœur et ne s’élevait qu’à hauteur d’appui, ce qui s’observe encore dans certaines églises…[36] Mais le vendredi saint, on ôte tous les voiles de l’église, parce que, lors de la Passion du Seigneur, le voile du temple fut déchiré… Le voile qui sépare le sanctuaire du clergé est tiré ou enlevé à l’heure de vêpres de chaque samedi de carême, et quand l’office du dimanche est commencé, afin que le clergé puisse regarder dans le sanctuaire, parce que le dimanche rappelle le souvenir de la résurrection… Voilà pourquoi cela a lieu aussi pendant les six dimanches qui suivent la fête de Pâques… »

L’autel de la Sainte-Chapelle haute de Paris ne paraît pas avoir été disposé pour être voilé, et l’édicule qui portait le grand reliquaire était placé derrière et non au-dessus de lui. Nous donnons ici (11) le plan de cet autel et de son entourage. L’autel semble être contemporain de la sainte-Chapelle (1240 à 1250) ; quant à la tribune sur laquelle est posée la grande châsse, et dont tous les débris sont aujourd’hui replacés, elle date évidemment

des dernières années du XIIIe siècle. Quatre colonnes portant des anges de bronze doré étaient placées aux quatre coins de l’emmarchement de l’autel ; mais ces colonnes avaient été élevées sous Henri III. Au fond du rond-point, derrière le maître autel A, était dressé un petit autel B ; suivant un ancien usage, ce petit autel était désigné sous le nom d’autel de retro. C’était, comme à la cathédrale de Paris, comme à Bourges, à Chartres, à Amiens, à Arras, l’autel des reliques, qui n’avait qu’une place secondaire, le maître autel ne devant avoir au-dessus de lui que la suspension de l’eucharistie.
Voici l’élévation perspective de cet autel (12) avec la tribune, les deux petits escaliers en bois peint et doré qui accèdent à la plate-forme de cette tribune voûtée et à la grande châsse en vermeil posée sur une crédence de bois doré, surmontée d’un dais également en bois enrichi de dorures et de peintures.

Nous entrerons dans quelques détails descriptifs à propos de cet autel et de ses accessoires si importants, conservés au musée des Augustins et rétablis aujourd’hui à leur place. L’autel n’existe plus, mais des dessins et une assez bonne gravure faisant partie de l’ouvrage de Jérôme Morand[37], nous en donnent une idée exacte. Cet autel était fort simple ; la table formée d’une moulure enrichie de roses, portée sur un dossier et trois colonnettes, n’était pas surmontée d’un retable. Derrière cet autel s’ouvre une arcade formant l’archivolte d’une voûte figurant une abside et s’étendant jusqu’au fond du chevet ; la grande arcade est accompagnée et contre-buttée par une arcature à jour servant de clôture. Deux anges adorateurs sculptés et peints se détachent sur les écoinçons de la grande arcade, ornés d’applications de verre bleu avec fleurs de lis d’or. Sous la courbe ogivale de cet arc sont suspendus des anges plus petits ; les deux du sommet tiennent la couronne d’épine, les quatre inférieurs les instruments de la Passion. L’arcature et les archivoltes en retour s’ouvrant sous la voûte, sont couverts d’applications de verre, de gaufrures dorées et de peintures. La voûte est composée de nervures également gaufrées, enrichies de pierres fausses, et de remplissages bleus avec étoiles d’or. Les deux petits escaliers en bois qui montent sur la voûte sont d’une délicatesse extrême et très-habilement combinés comme menuiserie. Au roi de France seul était réservé le privilège d’aller prendre la monstrance contenant la couronne d’épine renfermée dans la grande châsse, et de présenter la très-sainte relique à l’assistance ou au peuple dans la cour de la Sainte-Chapelle. À cet effet, en bas de la grande verrière absidale, était laissé un panneau de vitres blanches, afin que le reliquaire pût être vu du dehors, entre les mains du roi. La suspension du saint sacrement était devant la grande châsse au-dessus de l’autel. Notre gravure ne peut donner qu’une bien faible idée de ce chef-d’œuvre, où l’art l’emporte de beaucoup sur la richesse des peintures, des applications, des dorures. Il va sans dire que la grande châsse fut fondue et que nous n’en possédons plus que des dessins ou des représentations peintes. Derrière la clôture, l’arcature qui garnit le soubassement de la sainte chapelle continue ; seulement à droite, sous la première fenêtre, est pratiquée une piscine d’un travail exquis (voy. Piscine) ; à gauche une armoire. Deux des douze apôtres, dont les statues ont été adossées aux piliers, sont placés à côté des deux escaliers ; ce sont les statues de saint Pierre et de saint Paul. Au-dessus du petit autel de retro, sous le formeret de la voûte de la tribune, est peint un crucifiement, avec le soleil et la lune et deux figures, dont l’une, couronnée, est probablement saint Louis[38]. Deux marches montent à l’autel principal.

On observera que les autels derrière lesquels s’élèvent des reliquaires, tels que ceux de l’église abbatiale de Saint-Denis, de Notre-Dame de Paris et de la Sainte-Chapelle, sont placés de façon à ce que le dessous du reliquaire forme comme une grotte ou crypte à rez-de-chaussée. À Saint-Denis, cette petite crypte était occupée par les corps saints ; mais à Notre-Dame de Paris, à la Sainte-Chapelle, les châsses sont fort élevées au-dessus du sol, comme suspendues en l’air, de manière à ce que l’on puisse se placer au-dessous d’elles. Cette disposition paraît avoir été adoptée fort anciennement. Il existe dans les cryptes de l’église de Saint-Denis, du côté du nord, proche l’entrée du caveau central, une arcature dépendant de l’église carlovingienne ; sur l’un des chapiteaux de cette arcature, est sculpté un autel (12 a), derrière lequel est posé un édicule portant un reliquaire. Une petite église du midi de la France, l’église de Valcabrère près Saint-Bertrand de Comminges, a conservé dans son chevet, dont la construction appartient à l’époque carlovingienne, un autel établi très-franchement au XIIIe siècle d’après cette donnée. Le plan (12 b) de l’abside de cette église, l’élévation (12 c) et la coupe (12 d) de l’autel, indiquent nettement la petite crypte placée sous le reliquaire contenant la châsse. Un escalier conduit sur la voûte qui reçoit la châsse, et les fidèles peuvent circuler derrière l’autel sous cette voûte, pour se placer directement sous la protection du saint.
Nous verrons tout à l’heure comme ce principe est appliqué aux autels secondaires de l’église abbatiale de Saint-Denis. Il est une chose digne de remarque lorsqu’on examine ces restes précieux, ainsi que ceux qui nous sont encore, et en si grand nombre, conservés à Saint-Denis ;
c’est que, dans les décorations des autels, dans tout ce qui semblait fait pour accompagner dignement le sanctuaire des églises, on s’est préoccupé au moyen âge, surtout en France, d’honorer l’autel, plus encore par la beauté du travail, par la perfection de la main-d’œuvre que par la richesse intrinsèque des matières employées. À la Sainte-Chapelle, ce gracieux sanctuaire n’est composé que de pierre et de bois ; les moyens de décorations employés sont d’une grande simplicité : du verre appliqué, des gaufrures faites dans une pâte de chaux, des peintures et des dorures, n’ont rien qui soit dispendieux. La valeur réelle de ce monument tient à l’extrême perfection du travail lie l’artiste. Toutes les sculptures sont traitées avec un soin, un art, et nous dirons avec un respect scrupuleux de l’objet, dont rien n’approche. N’était-ce pas, en effet, la plus noble manière d’honorer Dieu que de faire passer l’art avant toute chose dans son sanctuaire ? et n’y avait-il pas un sentiment vrai et juste dans cette perfection que l’artiste cherchait à donner à la matière grossière ? Nous avouerons que nous sommes bien plus touchés à la vue d’un autel de pierre sur lequel l’homme a épuisé toutes les ressources de son art, que devant ces morceaux de bronze ou d’argent grossièrement travaillés, dont la valeur consiste dans le poids, et qui excitent bien plutôt la cupidité qu’ils n’émeuvent l’âme. Nous avons déjà parlé des autels de l’église abbatiale de Saint-Denis, et nous avons cherché à donner une idée de ce que pouvait être l’autel des reliques élevé dans son sanctuaire ; mais ce n’est là qu’une restauration dont chacun peut contester la valeur, heureusement plusieurs des autels secondaires de cette église célèbre ont été conservés jusqu’à nous en débris, ou nous sont donnés par de précieux dessins exécutés en 1797 par feu Percier[39]. C’est surtout dans ces autels que l’œuvre de l’artiste apparaît. Là point de retables ni de parements d’or ou de vermeil. La pierre est la seule matière employée, mais elle est travaillée avec un soin et un goût parfaits, recouverte de peintures, de dorures, de gravures remplies de mastics colorés ou d’applications de verre qui ajoutent encore à la beauté du travail, sans que jamais la valeur de l’œuvre d’art puisse être dépassée par la richesse de la matière. Nous donnerons d’abord l’autel de la chapelle de la Vierge située au chevet dans l’axe de l’église. Cet autel, élevé sur un pavé en terre cuite d’une grande finesse et qui dépend de l’église bâtie par Suger, est posé sur une seule marche en pierre de liais gravée et incrustée de mastics. Les gravures forment, au milieu d’une délicate bordure d’ornements noirs, un semis de fleurs de lis et de tours de Castille sur champ bleu verdâtre et rouge (voy. Dallage). Portée sur trois colonnettes et sur un dossier richement peint, la table de l’autel est simple et surmontée d’un retable en liais représentant, au centre, la sainte Vierge couronnée tenant l’enfant Jésus ; à droite, la naissance du Christ, l’adoration des Mages ; à gauche, le massacre des Innocents et la fuite en Égypte. Ces figures, d’un travail remarquable, sont entièrement peintes sur fond bleu losangé et semé de fleurs de lis d’or. Derrière le retable, entre l’autel et le fond de la chapelle, est un petit édicule sous lequel on peut passer, et qui supporte au niveau du dessus du retable un tabernacle en pierre d’une excessive délicatesse. Deux colonnes à huit pans, terminées à leur sommet par des fleurons feuillus, posées aux deux côtés du retable, reçoivent des crosses en fer doré, auxquelles des lampes sont suspendues. Au-dessus du tabernacle, sur un cul-de-lampe incrusté dans la colonne centrale du fond de la chapelle, est posée une jolie statue de la sainte Vierge tenant l’enfant, en marbre blanc, demi-nature ; sur sa tête est un dais.
Voici (13) un plan de cet autel avec la chapelle dans laquelle il est posé, et (13 bis) une vue de l’ensemble du petit monument. Dans le tabernacle, derrière l’autel, était placée une châsse contenant les corps de saint Hilaire, évêque de Poitiers, et de saint Patrocle, martyr, évêque de Grenoble. Cet autel, comme la plupart des autels secondaires de l’église abbatiale de Saint-Denis, avait été élevé par les soins de saint Louis lorsqu’il fit restaurer et rebâtir en partie cette église. À l’entrée du rond-point de l’église abbatiale, du côté gauche (nord), était autrefois la chapelle dédiée à saint Firmin, premier évêque d’Amiens, martyr.
Le pavé de cette chapelle et la marche de l’autel, qui est fort large, étaient en mosaïques, et dataient du XIIe siècle[40]. L’autel est du commencement du XIIIe siècle, ainsi que son retable, qui existe encore en entier[41]. D. Doublet mentionne le pavage en mosaïque de cette chapelle, dont nous avons dernièrement retrouvé des portions en place ; il donne la légende de la châsse de saint Firmin conquise par Dagobert, légende qui était peinte sur le devant de l’autel entre l’arcature dont il était décoré[42]. Il parle de la châsse en bois doré posée derrière l’autel, et d’une certaine « bande de broderie au-dessus de l’autel, toute pourfilée de perles et enrichie de pierreries, de la longueur d’yceluy, à laquelle sont suspendues soixante branslans (glands) d’argent doré. »
Voici (14) la face de l’autel avec son retable en pierre sculptée et peinte, représentant le Christ au centre, avec les quatre évangélistes ; des deux côtés les douze apôtres avec leurs noms au-dessous. En commençant par la droite de l’autel, on lit : Simon, Bartholomeus, Jacobus, Johannès, Andreas, Petrus ; sous le Christ, Apostolus ; puis en suivant, Paulus, Jacobus, Thomas, Filipus, Matheus, Judas (Jude). Dans le quatre-feuilles qui entoure le Christ, on lit cette inscription :Hic Deus est et homo quem presens signal imago ergo rogabit homo quem sculta figurat imago. Le corps de l’autel est composé d’une arcature feuillue soutenue par des colonnettes engagées, cylindriques et prismatiques alternées ; le tout est couvert de peintures ; les feuillages sont colorés en vert ainsi que les chapiteaux ; les colonnettes sont divisées par des compartiments très-fins simulant des mosaïques, assez semblables à celles qui couvrent les colonnettes des cloîtres de Saint-Jean de Latran et de Saint-Paul hors les murs à Rome ; les intervalles entre les colonnettes sont couverts de sujets légendaires, ainsi qu’il vient d’être dit. La table de l’autel était bordée sur ses rives d’une inscription, perdue, et couverte sur le plat d’une mosaïque à compartiments.
Nous donnons ici (15) le plan de cet autel, avec la châsse de saint Firmin placée derrière le dossier, sous une table portée sur des colonnes ; et (16) le côté de l’autel qui fait comprendre la disposition de cette châsse, des grilles dont elle était entourée et de la petite lampe qui brillait sur le corps saint. On voit combien, malgré la richesse des détails, la forme générale de ce petit monument est simple et digne. Comme dans toutes les œuvres du moyen âge, surtout avant le XIVe siècle, on remarque dans le petit nombre d’autels qui nous sont conservés par des dessins ou des monuments et surtout dans leurs accessoires, tels que retables, tabernacles, reliquaires, une grande variété ; que serait-ce si tous ces objets nous eussent été transmis intacts !
Les deux derniers autels nous montrent des reliquaires disposés d’une façon très-différente et parfaitement justifiée par la situation. En effet, l’autel (fig. 13) de la chapelle de la Vierge de Saint-Denis est adossé, et, pour faire voir la châsse, il fallait nécessairement l’élever au-dessus du retable ; au contraire, l’autel de Saint-Firmin est placé de manière que l’on peut tourner facilement tout autour (fig. 15) ; la châsse se trouvait alors au niveau du sol, protégée par un grillage. Au-dessus d’elle, suspendue à la grande tablette qui la recouvrait, se voit la petite lampe. Il existait encore à Saint-Denis un grand nombre d’autels secondaires dont les dispositions accessoires différaient de celles que nous venons de donner.
Voici entre autres l’autel Saint-Eustache, qui se trouvait adossé au fond de la première chapelle carrée au nord, au-dessus de la chapelle de la Vierge Blanche (17). Ici le tabernacle recouvrant la châsse du saint était complètement isolé du retable et porté sur deux colonnes et des consoles à figures. Il paraît difficile de donner une signification à ces monstres accroupis sur des hommes vêtus. Le sculpteur a-t-il voulu faire des syrènes, en se conformant aux textes des bestiaires si fort en vogue pendant les XIIe et XIIIe siècles[43], et rappeler ainsi aux fidèles le danger des séductions du siècle ? Parmi les autels de Saint-Denis, il en est encore un autre dont la place n’a pu être jusqu’à présent reconnue[44], mais qui présente un grand intérêt : il se compose d’un massif en maçonnerie entièrement revêtu sur le devant et les côtés d’applications de verres taillés en losanges et à travers lesquels on aperçoit des tours de Castille sur fond écarlate, des fleurs de lis sur fond bleu, des rosaces et des aiglettes sur fond pourpre. Sur le dossier est un retable également incrusté de verre bleu taillé en polygones avec un crucifiement, saint Jean et la Vierge, l’Église et la Synagogue, en bas-relief. La marche de cet autel est en liais avec bordure de fleurs de lis et tours de Castille très-fines se détachant sur un fond de mastic bleu et rouge ; le milieu présente des dessins d’une grande délicatesse, noirs, bleus et rouges, également en mastic. Le pavé de la chapelle était en mosaïque de terre cuite et de petites pierres de couleur avec carreaux menus de marbre blanc (voy. Pavage). Nous donnons ci-contre (18) une élévation perspective de cet autel.
Dans quelques-uns des exemples donnés ci-dessus, on ne voit pas que l’Eucharistie ait été placée autrement que dans un ciboire suspendu, et nous n’avons pas trouvé de tabernacles ou custodes posés sur les autels pour contenir les hosties consacrées et non consacrées, ainsi que le dit Guillaume Durand dans son Rational. L’usage de réserver l’Eucharistie dans des réduits tenant aux retables des principaux autels ne remonte pas à plus de deux cents ans, et encore, à la fin du XVIIIe siècle, conservait-on l’Eucharistie dans des boîtes en forme de pavillons ou de tours, ou dans des colombes d’argent, suspendues au-dessus des autels majeurs des grandes cathédrales et des églises monastiques. Souvent aussi apportait-on les hosties sur la communion dans des ciboires que l’on posait sur la table de l’autel au moment de dire la messe. Dans ce cas, le ciboire, la boîte de vermeil contenant l’Eucharistie, était habituellement déposée dans un sacraire ou petite sacristie voisine de l’autel. Thiers parle, dans ses Dissertations sur les principaux autels des églises, de tours destinées à contenir l’Eucharistie ; il dit en avoir vu une de cuivre, assez ancienne, dans le chœur de l’église paroissiale de Saint-Michel de Dijon. Cet usage était fort ancien en effet, car saint Remi, archevêque de Reims, ordonna, par son testament, que son successeur ferait faire un tabernacle ou ciboire en forme de tour, d’un vase d’or pesant dix marcs, qui lui avait été donné par le roi Clovis. Fortunat, évêque de Poitiers, loue saint Félix, archevêque de Bourges, qui assista au quatrième concile de Paris en 573, de ce qu’il avait fait faire une tour d’or très-précieuse pour mettre le corps de Jésus-Christ. Les exemples abondent, aussi bien pour les tours transportables que pour les colombes suspendues au-dessus des autels et contenant l’Eucharistie. Peut-être Guillaume Durand, en parlant des tabernacles posés sur les autels, entend-il désigner ces tours ou custodes mobiles qui ne contenaient pas seulement les hosties consacrées, mais encore les non consacrées et même des reliques de saints ; ces custodes, complétement indépendantes du retable, se posaient devant lui, sur l’autel même, au moment de la communion des fidèles. Mais il faut reconnaître que le texte de l’évêque de Mende est assez vague, et l’opinion de Thiers sur les custodes ou tours mobiles nous paraît appuyée sur des faits dont on ne peut contester l’authenticité. Thiers regarde les tours comme des coffres destinés non point à contenir l’Eucharistie, mais les ustensiles nécessaires pour l’oblation, la consécration et la communion, et il incline à croire que l’Eucharistie était toujours réservée dans une boîte suspendue au-dessus de l’autel, que cette boîte fût faite en forme de tour, de coupe ou de colombe. Saint Udalric parle d’une colombe d’or continuellement suspendue sur l’autel de la grande église de Cluny, dans laquelle on réservait la sainte Eucharistie. Mais ces suspensions affectaient diverses formes, sans parler de celle représentée dans la figure 8 ; il existe encore dans le trésor de la cathédrale de Sens un ciboire en forme de coupe recouverte, destiné à être suspendu au-dessus de l’autel ; ce ciboire date du XIIIe siècle. Quant aux ustensiles nécessaires pour l’oblation, la consécration et la communion, tels que le calice, la patène, la fistule, les burettes, le voile, etc., ils étaient conservés ou dans ces coffres mobiles que l’on transportait près de l’autel au moment de l’oblation, ou dans ces petites armoires qui sont généralement pratiquées dans les murs des chapelles à la droite de l’autel en face de la piscine, ou dans de petits réduits pratiqués à cet effet dans les autels mêmes. Nous retrouvons un assez grand nombre d’autels figurés dans des peintures et des bas-reliefs où ces réduits sont indiqués. Voici entre autres (19) un autel provenant d’un bas-relief en albâtre conservé dans le musée de la cathédrale de Séez, sur la paroi duquel est ouverte une petite niche contenant les burettes.
Quant aux retables, ils prirent une plus grande importance à mesure que le goût du luxe pénétrait dans la décoration intérieure des églises (voy. Retable). Déjà très-riches au XIIIe siècle, mais renfermés dans des lignes simples et sévères, ils ne tardèrent pas à s’élever et à dominer les autels en présentant un échafaudage d’ornementation et de figures souvent d’une assez grande dimension, ou une succession de sujets couvrant un vaste champ. Les cathédrales seules conservèrent longtemps les anciennes traditions, et ne laissèrent pas étouffer leurs maîtres autels sous ces décorations parasites. Il faut rendre justice à l’Église française, cependant : elle fut la dernière à se laisser entraîner dans cette voie fâcheuse pour la dignité du culte. L’Italie, l’Espagne, l’Allemagne nous devancèrent et couvrirent dès le XIVe siècle leurs retables d’un fouillis incroyable de bas-reliefs, de niches, de clochetons, qui s’élevèrent bientôt jusqu’aux voûtes des églises. Les retables des autels des églises espagnoles notamment sont surmontés de retables, dont quelques-uns appartiennent au XIVe siècle, et un plus grand nombre aux XVe et XVIe siècles, qui dépassent tout ce que l’imagination peut supposer de plus riche et de plus chargé de sujets et de sculptures d’ornement. Sans tomber dans cette exagération, les autels de France perdent à la fin du XIVe siècle l’aspect sévère qu’ils avaient su conserver encore pendant le XIIIe. Les retables prennent assez d’importance (excepté, comme nous l’avons dit, dans quelques églises cathédrales) pour faire disparaître la belle disposition des autels de Saint-Denis. On n’établit plus cette distinction entre l’autel et le reliquaire s’élevant derrière lui ; tout se mêle et devient confus ; l’autel, le retable et le reliquaire ne forment plus qu’un seul édicule, contrairement à cette loi de la primitive Église, que rien ne doit être placé directement au-dessus de l’autel, si ce n’est le ciboire. Il ne nous appartient pas de décider si ces changements ont été favorables ou non à la dignité des choses saintes, mais il est certain qu’au point de vue de l’art, les autels ont perdu cette simplicité grave qui est la marque du bon goût, depuis qu’on a surchargé leurs dossiers d’ornements parasites, depuis qu’on a remplacé les suspensions du saint ciboire par des tabernacles qui s’ouvrent au milieu du retable, depuis que les retables eux-mêmes, convertis en gradins, ont été couverts d’une quantité innombrable de flambeaux, de vases de fleurs artificielles ; depuis que des tableaux avec encadrements présentent des scènes réelles aux yeux, et viennent distraire plutôt qu’édifier les fidèles. Notre opinion sur un sujet aussi délicat pourrait au besoin s’appuyer sur celle d’un auteur ecclésiastique que nous avons déjà cité bien des fois dans le cours de cet article. Thiers, en parlant de ces innovations qu’il regarde comme funestes, dit[45] : « Les petits esprits, les esprits foibles, les dévots de mauvais goust, qui ont plus de zèle que de lumières, et qui ne sont pas prévenus de respect pour les antiquités ecclésiastiques, louent, approuvent ces nouvelles inventions, jusqu’à dire qu’elles entretiennent, qu’elles excitent leur dévotion. Comme s’il n’y avoit point eu de dévotion dans l’antiquité ; comme si l’on ne pouvoit pas être dévot sans cela ; comme s’il n’y avoit pas de dévotion dans les églises cathédrales, où les tabernacles sont extrêmement simples, aussi bien que les autels, quoique les embellissemens leur conviennent incomparablement mieux qu’aux églises des Réguliers entre autres. » Que dirait donc Thiers aujourd’hui, que toutes les églises cathédrales elles-mêmes ont laissé perdre la vénérable simplicité de leurs autels sous des décorations qui n’ont même pas le mérite de la richesse de la matière, ou de la beauté de la forme ? Depuis l’époque où écrivait notre savant auteur, (1658), que de tristes changements dans les chœurs de nos églises mères, quelle monstrueuse ornementation est venue remplacer la grave et simple décoration de ces anciens autels, témoins des faits les plus émouvants de notre histoire nationale ! Qu’eût dit Thiers en voyant le chapitre de la cathédrale de Chartres démolir son jubé et son autel du XIIIe siècle ; le chapitre de Notre-Dame de Paris présider à la destruction de son ancien autel, de ses reliquaires, de ses tombes d’évêques ; celui de la cathédrale d’Amiens remplacer par du stuc, du plâtre et du bois doré le magnifique maître autel dont nous donnons plus bas la description ? Peut-on, après cet aveuglement qui entraînait, pendant le cours du dernier siècle, le clergé français à jeter au creuset ou aux gravats des monuments si vénérables et si précieux, pour mettre à leur place des décorations théâtrales où toutes les traditions étaient oubliées ; peut-on, disons-nous, trouver le courage de blâmer les démolisseurs de 1793, qui renversaient à leur tour ce qu’ils avaient vu détruire quelques années auparavant par les chapitres et les évêques eux-mêmes ? Ces pertes sont malheureusement irréparables, car, admettant qu’aujourd’hui, par un retour vers le passé, on tente de rétablir nos anciens autels, jamais on ne leur donnera l’aspect vénérable que le temps leur avait imprimé ; on pourra faire des pastiches, on ne nous rendra pas tant d’œuvres d’art accumulées par la piété des prélats et des fidèles sous l’influence d’une même pensée ; car jusqu’à la réformation, sauf quelques légères modifications apportées par le goût de chaque siècle, les dispositions des autels étaient à très-peu de choses près restées les mêmes. En voici une preuve. Le maître autel de la cathédrale d’Amiens avait été érigé pendant le XVe siècle et au commencement du XVIe, soit que l’ancien autel n’eût été que provisoire, soit qu’il eût été ruiné pendant les guerres désastreuses des XIVe et XVe siècles. Ce nouvel autel rappelait les dispositions de celui de la Sainte-Chapelle, ce qu’il est facile de reconnaître en examinant le plan (20)[46] que nous présentons ici.
Grâce au zèle d’un Amiénois dont tous les loisirs sont employés à faire connaître l’histoire de son pays[47] et dont les recherches ont déjà produit de précieux travaux sur la Picardie, nous pouvons donner à nos lecteurs une idée complète du maître autel de la cathédrale d’Amiens. Cet autel était en pierre blanche, percé de trois niches destinées à contenir les châsses des trois saints les plus vénérés du diocèse d’Amiens ; il avait été consacré en 1483 par l’évêque Versé, neveu de J. Coythier, médecin de Louis XI. La table en marbre noir avait 4m,54 de long sur 0m,66 de largeur ; elle avait été donnée en 1413 par un chanoine de la cathédrale, Pierre Millet. Le retable, surélevé au centre, était couvert de panneaux de bois peint représentant la Passion, qui, en s’ouvrant comme des volets, laissaient voir des bas-reliefs d’argent exécutés de 1485 à 1493. Six colonnes de cuivre, dont les fûts étaient ornés de statuettes de saints, posées des deux côtés de l’autel, portaient six anges vêtus de chapes et tenant les instruments de la Passion. Des voiles glissant sur les tringles qui réunissaient les trois colonnes, de chaque côté, fermaient le sanctuaire. Ces voiles furent conservés jusqu’en 1671. Les colonnes avaient été données par un chanoine d’Amiens, Jehan Leclère, en 1511. Un lustre d’Argent à trois branches était suspendu devant l’autel. Trois grands chandeliers de cuivre étaient en outre placés dans le sanctuaire. Un dais en forme de carré long, couvert d’une étoffe de soie semée de fleurs de lis d’or, était suspendu à la voûte immédiatement au-dessus de la table de l’autel. Aux deux angles postérieurs de l’autel, aux extrémités du retable, étaient plantées, sur le dallage, deux colonnes de cuivre en forme d’arbres chargés de fleurs et de fruits. Les corolles des fleurs portaient des cierges que l’on allumait aux jours de fêtes devant les châsses des saints. Quant à la suspension du saint sacrement, elle avait été refaite pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. Il n’est pas fait mention dans les registres capitulaires d’où sont tirés ces renseignements, de la clôture qui, comme à la Sainte-Chapelle de Paris, fermait le rond-point derrière l’autel ; mais il y a tout lieu de croire que cette clôture double, voûtée, formait une galerie élevée sur laquelle étaient exposées les châsses qui, à la cathédrale d’Amiens, étaient nombreuses et d’une grande richesse. Derrière le maître autel, au fond du rond-point, s’élevait le petit autel de retro ; il était décoré d’un groupe de statues représentant le Christ mis au tombeau, exécuté en 1484.

Pour clore dignement ce chœur, des tombes d’évêques surmontées d’arcatures à jour, terminées par des pignons et clochetons, étaient disposées entre les piles du rond-point. Ce fut seulement en 1755 que tout le sanctuaire de la cathédrale fut bouleversé pour faire place à des images de plâtre et à des rayons de bois doré, avec grosses cassolettes, draperies chiffonnées, gros anges effarouchés également en plâtre.

Il ne paraît pas que jusqu’au XVe siècle il fût d’usage dans le nord de la France de placer des statues de saints, et à plus forte raison le Christ ou la sainte Vierge, sur le devant des autels au-dessous de la table[48]. En admettant qu’il n’y eût pas là une question de convenance, les nappes des autels anciens descendant fort bas (21)[49], il était inutile de placer sur les faces, des bas-reliefs qui n’eussent point été vus. Mais pendant les XVe et XVIe siècles on sculpta souvent des figures de saints sur les devants d’autel, des anges, des scènes de la Passion ; on représenta même, sous la table de l’autel, le Christ au sépulcre en ronde-bosse, avec les saintes femmes et les soldats endormis[50].

Ce n’est qu’au XVIe siècle que l’autel cesse d’affecter la forme d’une table ou d’un coffre, pour adopter celle d’un tombeau, d’un sarcophage.
Jusqu’alors l’autel n’est pas le tombeau du Christ ou d’un martyr : il recouvre le tombeau, c’est la table posée sur le tombeau ou devant lui, et même sur la crypte renfermant le tombeau. Cette idée est dominante, et les exemples que nous avons donnés le prouvent surabondamment. La façon dont sont disposés les corps saints sous l’autel des reliques de l’église de Saint-Denis, derrière les autels de Saint-Firmin, de la Vierge, de Saint-Eustache de la même église, de Valcabrère, de la cathédrale d’Amiens même, indique bien nettement que l’autel n’est pas un tombeau, mais un meuble posé devant ou sur des reliques saintes. Un bas-relief de la porte Sainte-Anne à Notre-Dame de Paris, donne d’une manière naïve la véritable signification de l’autel (22). Là, on voit la crypte exprimée par les arcs sous l’emmarchement ; trois petites baies s’ouvrent dans la partie supérieure de cette crypte et indiquent la place de la châsse du saint ; puis l’autel adossé s’élève sur la crypte et la châsse, il est garni de ses nappes ; seul le ciboire est posé sur la table, et une lampe est suspendue au-dessus de lui[51]. Mais à partir du XVIe siècle c’est l’autel lui-même qui devient la représentation du tombeau ; il affecte de préférence la forme d’un sarcophage scellé. Les autels pleins, antérieurs au XVIe siècle, tels que ceux de Saint-Germer, de Paray-le-Monial (23) du XIIe siècle, l’autel en verres appliqués de Saint-Denis (fig. 18), celui même de l’église du Foll-Goat (Bretagne) (24)[52] qui date du commencement du XVIe siècle, conservent toujours l’apparence d’un meuble. Cette forme traditionnelle se perd avec les derniers vestiges des arts du moyen âge.

  1. … « Ego vero libenter obtemperavi, et sacra vasa adferri jussi (nec enim procul aberat locus). Diaconumque manibus utens pro altari, mysticum et divinum ac salutare sacrificium obtuli. »
  2. Cap. II.
  3. Ducange, Gloss.
  4. Cap. III. «…Nemo presbyterorum in altario ab episcopo non consecrato cantare presumat. Quapropter si necessitas poposcerit, donec ecclesia vel altaria consecrentur, et in capellis etiam quæ consecrationem non merentur, tabulam quisque presbyter, cui necessarium fuerit, de marmore, vel nigra petra, aut titro honestissimo, secundum suam possibilitatem, honeste affectatam habeat, et nobis ad consecrandum offerat, quam secum, cum expedierit, deserat, in qua sacra mysteria secundum ritum ecclesiarum agere valeat. »
  5. Ughellus, t. IV
  6. Voy. Dissert. ecclés. sur les princip. autels des églises, par J. B. Thiers, Paris, 1688. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer nos lecteurs à ce curieux ouvrage, plein de recherches savantes.
  7. La figure (1) donne l’autel de la chapelle de la Vierge de l’église de Montréal (Bourgogne) ; cet autel est du XIIe siècle. La figure (2) ; le maître autel de l’église de Bois-Sainte-Marie (Saône-et-Loire) ; cet autel est du XIe siècle. A est le socle avec l’incrustement des colonnettes ; B le chapiteau de la colonnette centrale ; C la base d’une des quatre colonnes. Nous devons ce dessin à l’obligeance de M. Millet, l’architecte de la curieuse église de Bois-Sainte-Marie.
  8. « Rien ne nous porte à croire, dit Thiers dans ses Dissertat. sur les principaux autels des églises (p. 42), qu’on ait mis des reliques des saints sur les autels avant le IXe siècle ; nul canon, nul décret, nul règlement, nul exemple, nul témoignage des écrivains ecclésiastiques, ne nous le persuade ; ou, si l’on y en a mis, les saints de qui elles étoient s’en sont offensés et les ont fait ôter… Dans le Xe siècle même, quelques saints ont cru qu’il y avoit de l’irrévérence à mettre leurs reliques sur les autels. En voici un exemple qui ne peut pas raisonnablement être contesté. Bernon I, abbé de Cluni, rapporte (apud S. Odon, abb. Cluniac., L. 2) « qu’aussitôt qu’on eut mis, pour quelques jours seulement, les reliques de sainte Gauburge sur l’autel d’une église de son nom, et voisine de Cluni, les miracles qui s’y faisoient cessèrent ; et que cette sainte, étant apparue à l’un des malades qui imploroit son assistance, lui dit que la raison pour laquelle il ne recouvroit pas la santé, étoit parce qu’on avoit mis ses reliques sur l’autel du Seigneur, qui ne doit servir qu’à la célébration des mystères divins. Ce qui donna occasion de les en ôter et de les rapporter dans le lieu où elles étoient auparavant. Et au même instant les miracles continuèrent de s’y faire » Guillaume Durand, dans son Rational des divins offices (chap. III, p. XXV), qui date du XIIIe siècle, admet les châsses des saints sur les autels. Il dit : «… Et les châsses (capsæ) posées sur l’autel, qui est le Christ, ce sont les apôtres et les martyrs… »
  9. Voyages liturgiques de France, par le sieur de Moléon. Paris, 1718, p. 80.
  10. L’inscription qui fait le tour de la table est ainsi conçue : « Tresmirus gratia dei abbas edificavit hanc domum, et jussit dedicare in honore sancte Trinitatis, id est patris, et filii, et spiritus sancti. Deo gratias. » Dans la longueur, on lit cette autre inscription : « Amelius nutu dei vicecomes. » En cercle sont gravées les inscriptions suivantes : autour de la tête de lion (saint Marc) : « Vox per deserta frendens leo cujus imaginem Marcus tenet. » Autour de la tête de l’aigle (saint Jean) : « More volatur aquila ad astra cujus figuram Johannes tenet. » Autour de la tête du veau (saint Luc) : « Rile mactatur taorus ad aram cujus tipum Lucas tenet. » Autour de la tête de l’ange (saint Mathieu) : « Speciem tenet et naturam Matheus ut homo. » (t. III, p. 495)
  11. Cet autel date de la deuxième moitié du XIIe siècle.
  12. Page 44.
  13. Rational, chap. II. Guillaume Durand, évêque de Mende, mourut à la fin du XIIIe siècle. Trad. par M. C. Barthélemy ; Paris, 1854.
  14. Dans le plan que nous donnons ici, l’autel est élevé en A sur une crypte ou confession ; le trône épiscopal est en B.
  15. Dans ce plan, l’autel est en A, le trône épiscopal en B.
  16. Antiq. de l’abbaye de Sainct-Denys en France, par F. J. Doublet, 1625, l. I, p. 289 et suiv.
  17. Nous donnons en A le plan de cet autel et reliquaire, dressé d’après les dimensions données par D. Doublet.
  18. D. Doublet, char. xxxviii.
  19. On peut encore voir une représentation de cette croix dans le trésor de Saint-Denis, gravé dans l’ouvrage de D. Félibien ; quant au reliquaire de vermeil, les huguenots s’en emparèrent lorsqu’ils prirent Saint-Denis.
  20. Saint-Seine près Dijon. Voyages liturgiques en France, p. 157.
  21. Dissert. ecclés. sur les princ. autels des églises, ch. XIV.
  22. Voy. Annales archéologiques, t. IX, p, 1, l’article de M. Lassus et les notes de M. Didron, ainsi que la gravure exécutée sur un calque de ce tableau.
  23. Nous devons la conservation de ce dessin à M. Lassus, qui, du vivant de M. Garnerey, en avait fait un calque. Ce dessin est reproduit dans les Annales archéologiques, t. IX.
  24. L’Entrée triomphante de Leurs Majestés Louis XIV et Marie-Thérèse dans la ville de Paris. Paris, 1662, in fo.
  25. Théât. des antiq. de Paris, par R. P. F. Jacques Du Breul, Paris, 1612, p. 36.
  26. Annales archéol., t. VIII. Nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer nos lecteurs à la gravure donnée par MM. Lassus et Gaucherel.
  27. On entend par parements un revêtement mobile que l’on place devant et sur les côtés des autels ou retables, et que l’on change suivant les fêtes ou les époques de l’année.
  28. Page 79.
  29. Rationnal, C. XVIII, L. II.
  30. Thiers écrivait ceci en 1688.
  31. In explicat. divin. offic., C. lxxxv.
  32. Rational, C. iii, L. I.
  33. C. 15.
  34. Moulage tiré du cabinet de M. Alf. Gérente. Cet ivoire paraît appartenir à la première moitié du XIIIe siècle et au style rhénan.
  35. Rational, chap. III, L. I.
  36. C’est par suite de cette tradition que nous voyons encore sur les murs de quelques églises des peintures simulant des tentures suspendues. (Voy. Peinture.)
  37. Hist. de la Sainte-Chapelle royale du Palais, par M. S. Jérôme Morand. Paris, 1790.
  38. Ces peintures étaient à peine visibles.
  39. M. Percier, dont la prédilection pour les arts de l’antiquité ne saurait être contestée, était avant tout un homme de goût, et mieux que cela encore, un homme de cœur et de sens ; en revenant d’Italie, il vit l’église de Saint-Denis pillée, dévastée ; il ne put regarder avec indifférence les restes épars de tant de monuments d’art amassés pendant plusieurs siècles, alors mutilés par l’ignorance ou le fanatisme ; il se mit à l’œuvre, et fit dans l’ancienne abbatiale un grand nombre de croquis. Ces travaux portèrent leur fruit, et bientôt, aidé de M. Lenoir, il sauva d’une destruction complète un grand nombre de ces débris, qui furent déposés au musée des monuments français. Nous eûmes quelquefois le bonheur d’entendre M. Percier parler de cette époque de sa vie d’artiste ; il était, sans le savoir peut-être, le premier qui avait voulu voir et faire apprécier notre vieil art national ; le souvenir des monuments mutilés de Saint-Denis, mais qu’il avait vus encore en place, avait laissé dans son esprit une impression ineffaçable. À sa mort, M. Vilain, son neveu, héritier de ses portefeuilles, eut l’obligeance de nous laisser calquer toutes les notes et croquis recueillis dans l’église Saint-Denis ; grâce à ces renseignements si libéralement accordés, nous pûmes rassembler et recomposer les débris sortis du musée des Petits-Augustins. Quelques-uns des anciens autels de l’abbaye ont été ainsi facilement rétablis, beaucoup d’autres pourraient l’être à coup sûr ; car les nombreuses traces encore existantes dans les chapelles et les fragments déposés en magasin, montrent combien les croquis de M. Percier sont fidèles.
  40. Une partie de ce pavage existe encore : c’est une mosaïque composée de pierres dures, porphyre, vert antique, serpentine, de pâtes colorées et dorées, et de petits morceaux de terre cuite (voy. Mosaïque).
  41. Le corps de l’autel a été coupé en morceaux lors des restaurations entreprises de 1830 à 1840 ; heureusement tous ces fragments existent encore, et peuvent être facilement recomposés à l’aide d’un dessin très-complet et détaillé de M. Percier.
  42. On voit dans le dessin de M. Percier l’indication de cette peinture, l’armée de Dagobert au siège de Picquigny, etc.
  43. Voy. les Mélanges archéol. des RR. PP. Martin et Cahier, t. II, p.173. « Physiologes dist que la seraine port samblance de feme de si al nombril, et la partie d’aval est oisel. La seraine a si doux chant qu’èle déchoit cels qui nagent en mer ; et est lor mélodie tant plaisant à oïr, que nus ne les ot, tant soit loing, qu’il ne li conviegne venir. Et la seraine les fait si oblier quant èle les i a atrait, que il s’endorment ; et quant il sont endormi, èles les assaillent et ocient en traïson que il ne s’en prennent garde. Ensi est de cels qui sont ès richoises de cest siècle, et ès délis endormis, qui lor aversaire ocient : ce sont li diable. Les seraines senefient les femes qui atraient les homes par lor blandissemens et par lor déchèvemens à els, de lor paroles ; que èles les mainent à poverté et à mort. Les èles de la seraine, ce est l’amor de la feme qui tost va et vient. » (Manusc. Arsenal, no 285.)
  44. Les fouilles faites sous le pavé actuel du chœur, en faisant retrouver les dallages ou carrelages anciens, permettent de replacer à coup sûr les autels dessinés par M. Percier avec leurs pavages. Malheureusement ces fouilles ne peuvent être entreprises que successivement par suite de la faiblesse des allocations annuelles, et l’autel dont nous parlons n’a pas encore retrouvé sa place, bien que son retable et une grande partie de son devant existent encore, ainsi que la marche.
  45. Dissert. sur les princip. autels des églises, chap. XXIV, P. 209.
  46. Ce plan nous a été communiqué par M. Duthoit, d’Amiens ; il est copié sur un dessin fait en 1727, et déposé aujourd’hui dans la précieuse collection de M. Gilbert, l’infatigable historien de nos anciennes cathédrales du nord.
  47. M. Goze ; c’est à cet archéologue, dont la complaisance ne nous a jamais fait défaut, que nous devons la description suivante, extraite des registres déposés aujourd’hui dans la bibliothèque communale d’Amiens.
  48. Nous disons : dans le nord, parce qu’il existe dans la cathédrale de Marseille un autel du XIIe siècle dont le devant est décoré d’une figure de la sainte Vierge, et de deux figures d’évêques en bas-relief ; mais Marseille ne faisait point alors partie de la France. On voit encore dans l’église d’Avenas un autel sur la face duquel sont sculptés le Christ, les quatre évangélistes et les douze apôtres. Cet autel est fidèlement reproduit dans l’Architecture du Ve au XVIIe siècle, de M. Gailhabaud. Nous ne prétendons pas d’ailleurs affirmer qu’il n’y ait point eu en France de devants d’autels ornés de figures de saints ou de personnages divins ; car les exemples d’autels anciens sont trop rares pour que l’on puisse rien affirmer à cet égard.
  49. L’autel que nous donnons ici est copié sur un des bas-reliefs du portail de la Vierge dorée de la cathédrale d’Amiens. Ce bas-relief appartient à la seconde moitié du XIIIe siècle.
  50. On voit un autel de ce genre dans le musée du Grand-Jardin à Dresde ; cet autel appartient aux dernières années du XVe siècle.
  51. Cette sculpture appartient au second linteau de la porte Sainte-Anne ; c’est une adjonction faite, au XIIIe siècle, à ce linteau, qui date du XIIe.
  52. L’autel de l’église du Foll-Goat est en pierre noire de Kersantun ; les petites niches sont remplies par des figures d’anges tenant alternativement des phylactères et des écussons.