Silence (Les Poèmes d’Edgar Poe)

La bibliothèque libre.
Pour les autres utilisations de ce mot ou de ce titre, voir Silence.
Traduction par Stéphane Mallarmé.
Les Poèmes d’Edgar PoeLéon Vanier, libraire-éditeur (p. 91-93).


SILENCE



Il y a des entités, — des choses incorporelles, ayant une double vie, laquelle a pour type cette dualité qui ressort de la matière et de la lumière, manifestée par l’ombre et la solidité. Il y a un silence à double face, — mer et rivage, — corps et âme. L’un habite les endroits solitaires, nouvellement recouverts par l’herbe ; des grâces solennelles, des réminiscences humaines et une science de larmes lui ôtent toute terreur : son nom est : « Non ! plus ». C’est le corps du silence : ne le redoute pas ! Il n’a en soi de pouvoir mauvais. Mais si quelque urgent destin (lot intempestif !) t’amène à rencontrer son ombre (elle innommée, qui, elle, hante les régions isolées que n’a foulées nul pied d’homme), recommande ton âme à Dieu.