Daphnis et Chloé (Offenbach)

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Beck (p. 2-11).

DAPHNIS ET CHLOÉ
OPÉRA-BOUFFE EN UN ACTE
Paroles de MM. CLAIRVILLE et Jules CORDIER
Musique de M. JACQUES OFFENBACH
Représenté pour la première fois sur le théâtre des BOUFFES-PARISIENS, le 27 mars 1860, repris au même théâtre, le 6 octobre 1866.
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DISTRIBUTION
PERSONNAGES. ACTEURS
LE DIEU PAN M. Léonce.
DAPHNIS Mmes Ugalde.
CHLOÉ Collas.
CALISTO Mlles Darcier.
LOCOÉ
Bacchantes
Emma.
AMATHÉE Marie Lebrun
NIOBÉ Marie Petit.
XANTIPPE VILLERS.
ARICIE Gabrielle.
ÉRIPHILE Augustine.
Nota. — Les personnages sont placés en scène en partant de la droite des spectateurs.
Pour la mise en scène exacte et détaillée, s’adresser à M. Desmont, régisseur-général du théâtre des Bouffes-Parisiens.
Un site champêtre dans l’ancienne Grèce : à droite de l’acteur, des charmilles ; à gauche, un berceau, de feuillages sous lequel est un banc de gazon ; au milieu du théâtre, la statue du dieu Pan dont les jambes et une partie du corps disparaissent dans un long piédestal ; on ne voit de la statue que le haut du torse et la tête.

Scène PREMIÈRE.

LE DIEU PAN, en statue, CALISTO, LOCOÉ, AMATHÉE, NIOBÉ, XANTIPPE.
CALISTO, à part.

Approchons en silence.

NIOBÉ, à part.

C’est ici qu’il viendra.

LOCOÉ, à part.

Quelle douce espérance !

AMATHÉE, à part.

Je dois le trouver là.

CALISTO, à part.

C’est Daphnis que je viens chercher.

AMATHÉE, à part.

Le seul Daphnis toucha mon âme.

XANTIPPE, à part.

S’il pouvait partager ma flamme !

LOCOÉ.

Daphnis, ici, doit se cacher.

TOUTES, se rencontrant.
ENSEMBLE.

Eh quoi ! nous voilà toutes
Au même rendez-vous ?
Pourquoi nous trouvons-nous
Au même rendez-vous ?

CALISTO, à part.

Ne disons rien.

AMATHÉE, à Calisto.

Ne disons rien. Vous paraissez rêveuse.

CALISTO, à part.

Ô ciel ! cachons l’objet de mon tourment.
(Haut.)
En effet, je pensais à notre vie heureuse
Quand nous suivions le char de Bacchus triomphant.

COUPLETS.
I

Alors, les bacchantes,
De la terre aux cieux,
Folles, inconstantes,
Régnaient en tous lieux.

Près du vieux Silène,
Toujours en chemin,
La main toujours pleine
De fleurs, de raisins !
Tous nos jours
Semblaient toujours courts ;
Les amours (bis)
En charmaient le cours.

II
Quels cris, quel vacarme,

Au bruit de l’airain,
N’ayant pour toute arme
Qu’un thyrse à la main !
Nos tyrans suprêmes
Étaient foudroyés !
Et les dieux eux-mêmes
Tombaient à nos pieds !
Tous nos jours
Semblaient toujours courts ;
Les amours (bis)
En charmaient le cours.

XANTIPPE. Est-il bien possible ? Est-il croyable que toutes, sans nous être concertées, nous nous trouvions ici en adoration devant cette statue du plus aimé des dieux !

LOCOÉ. N’en est-il pas le plus aimable ?

ARICIE. Pourquoi faut-il qu’il nous ait quittées !

ÉRIPHILE. Qu’avait-il besoin d’aller dans l’Olympe ?

AMATHÉE. Vous oubliez que c’était la fête de Jupiter ?

NIOBÉ. Et qu’en bon fils…

CALISTO. Et qui sait si son départ ne nous cache pas encore quelque infidélité !

ÉRIPHILE. Pan être infidèle à ses bacchantes !

LOCOÉ. Pendant que nous adorons, sa statue, peut-être poursuit-il encore, jusqu’au fleuve Ladon, quelque Syrinx.

ARICIE. Oh ! celle-là ne serait pas dangereuse ! une femme qui se métamorphose en roseau !

CALISTO. Tu oublies que c’est avec ce roseau que Pan a composé sa flûte.

ARICIE, à part. Si Daphnis arrivait dans ce moment.

NIOBÉ. Comment les éloigner toutes ?

CALISTO, à part. Il faut pourtant que je reste seule… Oh ! quelle idée ! (Haut.) Chères compagnes, la matinée est superbe, si, au lieu de nous prosterner aux pieds de cette statue, nous allions adorer notre cher Pan dans le temple que nous lui avons élevé sur la montagne ?

TOUTES. Calisto a raison.

CALISTO, à part. Je les abandonne en route, et je reviens.

LOCOÉ, à part. Dans un instant, je suis ici.

CHŒUR.
CALISTO.

Jeunes bacchantes,
Soyons constantes,
Le dieu Pan nous récompensera.
C’est un mérite,
Mais partons vite,
Je reviendrai quand Daphnis sera là.

CHŒUR.

Jeunes bacchantes, etc.


Scène II.

PAN, seul. Allez, mes chéries, allez m’adorer dans mon temple, je ne m’y oppose nullement. Ça me fera même plaisir si vous allez m’adorer plus loin. (Le piédestal s’ouvre, il en sort et est remplacé par sa statue qui sort du dessous.) Par mon pied de chèvre, le métier de statue est plein de charmes… Ces chères petites, m’en ont-elles conté de ces douceurs ! Et dire que tant de constance, tant de vertu sont payées par moi de la plus noire ingratitude ! Dire que pendant que ces chères petites tigresses me croient occupé dans le ciel à souhaiter la fête à papa, je m’aventure à la poursuite d’une innocente bergerette… C’est pour elle, c’est pour la petite Chloé que j’ai pris adroitement la place de ma statue. Chloé est si timide, si farouche, qu’un rien l’épouvante. L’autre jour, quand elle m’a vu pour la première fois, elle s’est sauvée en criant : Ah ! qu’il est vilain, le dieu Pan ! Faut-il qu’elle soit innocente ! (On entend la ritournelle de l’air suivant.) Qu’entends-je ! (Il remonte.) Et que vois-je ? Chloé ! vite, dissimulons mes deux pieds de chèvre dans mon piédestal ! Eh ! mais, je ne me trompe pas, elle est avec son mouton qu’elle mange de caresses… Dire que moi aussi elle me mangerait de caresses si, au lieu d’avoir des pieds de chèvre, j’avais des pieds de mouton. (Il rentre dans son piédestal qui se referme, et la statue rentre dans le dessous.)


Scène III.

PAN, CHLOÉ, conduisant un mouton, elle porte une couronne à la main.
COUPLETS.
CHLOÉ.

Suis-moi dans ma course légère,
Mon bon Robin, fidèle ami ;
Toujours aime bien la bergère
Qui ne t’aime pas à demi.
Nul mouton n’a laine plus douce,
Assurément ;
Reste là, couché sur la mousse,
Bien mollement.
Ah ! Daphnis, qui nous guette,
Entend du vallon,
Du son de ta clochette,
Le doux carillon.

PAN, (parlé). J’ai un rival dans les moutons.

CHLOÉ.
II

Hélas ! à ta chère maîtresse,
T’a demandé plus d’un berger ;
Il t’aurait fait mainte caresse,
Mais eût fini par te manger !
Va, ne crains pas que je te quitte,
Crois-en ma voix ;
Chez un époux si je m’abrite,
Nous serons trois.
Ah ! Daphnis, qui nous guette, etc.

PAN. Oh ! je ne sais qui me retient, (Par réflexion) ah ! c’est mon piédestal qui me retient !

CHLOÉ, cherchant des yeux. Seule ! Il n’est pas encore venu !

PAN, à part. Il !… qui donc ?

CHLOÉ. Il m’avait dit : de bien bonne heure, près de la statue du dieu Pan. La voilà la statue. Il n’est pas beau, le dieu Pan !

PAN, à part. Hein !

CHLOÉ. Il ressemble à ce vilain satyre que j’ai rencontré l’autre jour près du petit bois.

PAN, souriant de même. Vilain satyre ! Est-elle primitive !

CHLOÉ. Mais on dit qu’il est bien bon, surtout pour les jeunes filles… aussi je n’ai pas voulu m’arrêter devant sa statue sans lui offrir cette couronne de fleurs que j’ai faite pour lui.

PAN. Pour moi ?

CHLOÉ. Et sans lui demander sa protection, car je ne sais pas ce que j’ai… mais je souffre !

PAN, de même. Elle souffre ! ah ! que je voudrais la guérir !

CHLOÉ. Pourquoi Daphnis n’est-il pas ici ?

PAN. Daphnis !

CHLOÉ. Que fait-il ? Pourquoi son absence me rend-elle toujours si triste ? Je suis pourtant bien sûre de son amitié !… J’aurais désiré qu’il fût là pour offrir avec moi cette couronne au dieu Pan. Mais puisque Daphnis se fait attendre, je la lui offrirai sans lui !

PAN, de même. Et ce me sera infiniment plus agréable !

CHLOÉ, s’approchant du dieu. Cher dieu Pan, daigne, je t’en supplie, venir au secours d’une pauvre bergère qui aime et qui vaudrait savoir si on l’aime.

PAN, prenant l’intonation de Chloé. On l’aime !

CHLOÉ. Tiens ! il y a un écho ici ! (À la statue). Dieu protecteur de l’innocence, je viens me mettre à ta merci !

PAN, de même. Merci !

CHLOÉ. Accepte cette couronne, et veille sur moi toujours.

PAN, de même. Toujours !

CHLOÉ, étonnée. Ah ! le charmant écho ! (À l’écho.) Cher écho, veux-tu toujours ainsi répondre à mes demandes ?

PAN, de même. Demande !

CHLOÉ. Daphnis ne viendra-t-il pas ici ?

PAN, de même. Ici !

CHLOÉ. Dois-je avoir confiance au berger qui porte ce nom ?

PAN, de même. Non !

CHLOÉ. Serait-ce un perfide ?

PAN, de même. Un perfide !

CHLOÉ. Lui qui aime tant mon mouton !

PAN, s’oubliant. J’aime aussi le mouton.

CHLOÉ. Ah ! grands dieux ! mais ce n’est plus un écho ! (Se rapprochant de la statue). Et sans la présence du dieu Pan… (Pan se penche, la baise au front et reprend son immobilité.) Un baiser, et je ne vois personne. Oh ! vite, sauvons-nous ! (On entend la ritournelle de l’air suivant.) Ah ! c’est Daphnis.

PAN. Mon rival ! ah ! si j’avais la foudre de papa Jupin !


Scène IV.

Les Mêmes, DAPHNIS.

Il accourt sur la ritournelle qui se joue forté à l’orchestre. Il dépose son bâton de berger à côté de la statue du dieu Pan.

DUETTO.
CHLOÉ.

Je le vois, ô bonheur !
Bats moins fort, ô mon cœur !
Un transport, une flamme,
A brûlé, charmé mon âme !

DAPHNIS.

Je la vois, ô bonheur !
Bats moins fort, ô mon cœur !
Un transport, une flamme,
A brûlé, charmé mon âme !

CHLOÉ.

Méchant, c’est toi, qui, sur ta route,
Faisais l’écho !

DAPHNIS.

Faisais l’écho !L’écho ! mais non !

CHLOÉ.

Ce n’était pas toi ?

DAPHNIS.

Ce n’était pas toi ? Non, sans doute !

CHLOÉ.

D’où ce baiser venait-il donc ?

DAPHNIS.

Là-bas, je conduisais mes chèvres,
Et je puis jurer que mes lèvres
N’ont jamais su prendre un baiser.

CHLOÉ.

Mais si tu m’embrassais, peut-être
Pourrais-je bien reconnaître
Si c’est toi qu’il faut accuser !

REPRISE DE L’ENSEMBLE.
CHLOÉ.

Je le vois, etc.

DAPHNIS.

Je la vois, etc.

DAPHNIS. Mais de quel écho parlais-tu ?

CHLOÉ. Je ne sais, j’étais seule, et j’ai cru entendre ; mais je me serai trompée.

DAPHNIS. Ou bien, c’était un rêve, comme j’en fais souvent tout éveillé.

CHLOÉ. Ah !

DAPHNIS. (Ils se promènent bras dessus bras dessous.) Oui, je ne sais pas ce que ça veut dire ; mais quand tu n’es pas là, je crois entendre ta voix, je crois te voir.

CHLOÉ. Me voir !

DAPHNIS. Alors, mon esprit voyage, voyage !… Nous nous promenons dans de superbes campagnes ; nos moutons y trouvent d’immenses pâturages, et pendant qu’ils broutent l’herbe tendre, tous deux nous allons nous asseoir sur un tapis de fleurs, au bord d’un clair ruisseau… et là…

CHLOÉ. Et là…

DAPHNIS. Eh bien, c’est toujours là que mon rêve s’embrouille… Ce que je veux, ce que je ressens, c’est un bonheur étrange, et qui me fait un bien…

PAN, à part. Petit scélérat !

CHLOÉ. Mais ce rêve, c’est la réalité ! N’es-tu pas toujours auprès de moi ? Ces campagnes ne sont-elles pas superbes ? N’y sommes-nous pas heureux ?

DAPHNIS. Eh bien, non ! Près de toi, j’ai souvent regretté mon rêve.

CHLOÉ. Eh bien, c’est gentil !

DAPHNIS. Ou plutôt… Tiens, viens t’asseoir… là… (Il conduit Chloé sur un banc de gazon au pied de la statue.)

PAN, à part. Eh quoi ! à mon nez ! à ma barbe de Pan !

CHLOÉ. Voyons, parle, je t’écoute !

DAPHNIS. Veux-tu que je te dise, Chloé : Je me crois malade !

CHLOÉ. Malade !

DAPHNIS. Oui, ce que je ressens n’est pas naturel… quand je n’ai pas de visions qui me rendent fou, loin de toi, je suis triste, malheureux !

CHLOÉ. Mais loin de toi, Daphnis, je suis triste et malheureuse aussi !

PAN, à part. Je joue un joli rôle ici.

DAPHNIS. Alors, je te cherche, je t’appelle… et si je te retrouve…

CHLOÉ. Eh bien, tu es heureux ! Toujours comme moi.

DAPHNIS. D’abord, oui, c’est vrai, quand je te revois, mon cœur bat, ma tête brûle, je crois que je touche au bonheur, et puis…

CHLOÉ. Et puis…

DAPHNIS. Quand je suis à tes côtés…

CHLOÉ. Comme à présent…

DAPHNIS. Comme à présent… je te regarde, je pense à mes rêves, j’éprouve mille désirs… et je sais ce que je désire…

PAN, de même. Petit imbécile !

DAPHNIS. Je suis dans l’Olympe et dans les enfers tout à la fois… Enfin, que veux-tu que je te dise ? Je suis triste et malheureux comme auparavant.

CHLOÉ, se levant. Écoute, j’ai bien réfléchi ; je crois savoir ce qui nous manque.

DAPHNIS. Tu crois ?…

CHLOÉ. Quand nous rencontrons sur notre route des bergers et des bergères, nous les entendons chanter en s’accompagnant.

DAPHNIS. C’est vrai, que ne pouvons-nous faire comme eux !

TRIO.
CHLOÉ.

Si nous avions ici, Daphnis, un chalumeau !
(Pan jette son chalumeau entre les deux amants.)
(Regardant la statue.)
Ma voix est entendue !

DAPHNIS.

Dieu ! quelle découverte !
C’est la flûte de Pan, creusée en un roseau !
Avec ces tendres harmonies,
Dont il possède les secrets,
Pan évoque tous les génies
Et les nymphes de nos forêts !
Pour entendre
Sa voix si tendre
Du fond des eaux,
Se lèvent les naïades,
Dans les roseaux ;
Et les chênes,
Disant leurs peines,
Agitent leurs rameaux !

PAN.

Mon Dieu ! qu’il est bête !
Pour moi, c’est nouveau,
Jouer du chalumeau
Dans un tête-à-tête !

DAPHNIS.

Hélas ! cet instrument divin,
En mes mains devient inutile !

CHLOÉ.

Il est cependant bien facile
De se rappeler le refrain
Qui charme ces campagnes,
Et que sur les coteaux
Répètent mes compagnes
En menant leurs troupeaux.

DAPHNIS.

De ta voix si tendre,
Daphnis veut l’apprendre !

CHLOÉ.

Écoute bien
Ce doux refrain.
Le voilà (ter)

CHLOÉ ET DAPHNIS.

Pan pan pan,
Le dieu Pan
Fait pan pan
De son pied de chèvre

Pan pan pan,
Et le dieu Pan
Posant sa lèvre
Sur l’instrument.

ENSEMBLE.
PAN.

Pan pan.

CHLOÉ.

Pan pan pan pan,
Oui, le dieu Pan
Charme le tympan.

DAPHNIS.

Pan pan.

(Il essaie en vain de se servir de la flûte.)

Tu sais le rythme et la cadence,
Mieux que moi tu peux l’essayer !

CHLOÉ.

Non, vraiment, je tremble d’avance,
Et ne ferais que bégayer.

PAN.

Mon élève est vraiment jolie,
Et je me mets de la partie.
On l’a pu remarquer souvent,
Pan est un dieu très-complaisant !

DAPHNIS.

Ah ! Chloé, que ta voix charmante
À l’instant
Ravisse mon cœur et l’enchante
Doucement.
Voyons,
Écoutons !

(Chloé prend la flûte, Pan joue.)

Ô prodige nouveau !
Sous mes doigts inhabiles,
Quoi, ce faible roseau
Rend des accents faciles !

DAPHNIS.

Ô prodige nouveau ! etc.

REPRISE DE L’ENSEMBLE.
PAN, DAPHNIS, CHLOÉ.

Pan pan pan,
Oui, le dieu Pan, etc.

PAN, à part. Que j’aime ce tableau naïf et pastoral !

CHLOÉ, se levant. Ah ! grands dieux !

DAPHNIS. Quoi donc ?

CHLOÉ. J’oubliais mon troupeau… voici l’heure à laquelle je dois le conduire à la ferme de Lamon.

DAPHNIS. Je vais t’accompagner.

CHLOÉ. Non, reste là… Tu sais bien que Myrtale gronde toujours quand elle nous voit ensemble… Reste, je reviendrai quand mon troupeau sera rentré.

PAN. Ah ! j’en ai assez de mon rôle de statue, suivons-la !

(Le dieu de pierre, exactement semblable à Pan, revient sur le piédestal. Pan sort ensuite à la poursuite de Chloé qui est sortie avec Robin par la droite.)


Scène V.

DAPHNIS, seul. Elle s’éloigne ! et avec elle tout mon bonheur s’en va… Que faire en l’attendant ?… Si je dormais !… le temps me semblerait moins long. Dormir, c’est oublier ou c’est rêver, et quand je rêve, c’est toujours à Chloé… Oui, là, où tout à l’heure nous étions tous les deux… (Se couchant sur le banc de gazon.)

Air de Psyché.

Même en fermant les yeux,
Je la verrai sans doute ;
Rêve que je redoute,
Pour moi, descends des cieux.
Oui, qu’un rêve ramène
Ces maux que nous aimons,
Pour que Chloé revienne,
Dormons !

II
Hier, je dormais là,

Tout près d’un laurier rose,
Sur ma paupière close,
Une abeille vola.
Chloé chassa l’abeille
Avec des épis blonds,
Pour que Chloé m’éveille,
Dormons !


Scène VI.

DAPHNIS, endormi, LES BACCHANTES.

CALISTO. Eh bien ! c’est entendu, puisque le même amour nous tente, concertons-nous pour soumettre Daphnis.

LOCOÉ. Les dieux ne nous permettent pas d’être rivales !

CALISTO. C’est la plus belle qui doit charmer Daphnis.

DAPHNIS, rêvant. Chloé, chère Chloé !

CALISTO. Quelqu’un est là !

TOUTES. Daphnis !

DAPHNIS, se levant. Chloé, me voici ! (Apercevant les bacchantes.) Grands dieux ! que vois-je ?

CALISTO. Nous avons troublé ton sommeil, tu rêvais sans doute à quelque bergère !

DAPHNIS. Oui, à Chloé, qui, dans mon rêve m’appelait à son secours, et je vais…

LES NYMPHES. On ne passe pas.

DAPHNIS. Ô mesdames les bacchantes, ne me faites pas de mal.

NIOBÉ. Te faire du mal ! Tu nous crois donc bien cruelles !

DAPHNIS. Laissez-moi rejoindre Chloé !

CALISTO. Oh ! pour cela, non, car cette Chloé, nous savons que tu en es amoureux.

DAPHNIS. Amoureux, qu’est-ce que c’est que ça ?

CALISTO. Tu ne sais pas ce que c’est que d’être amoureux ?

DAPHNIS. Non.

CALISTO. Oh ! fais donc l’innocent. Nous t’écoutions hier quand tu chantais dans le bois d’orangers la chanson de Néréa ! et tu la disais avec un feu…

DAPHNIS. Eh bien ?

CALISTO. Comment, eh bien ? mais c’est une chanson d’amour.

DAPHNIS. D’amour ?

CALISTO. Et tu vas nous la dire.

DAPHNIS. Vous la dire ! quand Chloé m’appelle peut-être !

ENSEMBLE ET COUPLETS.
LES BACCHANTES.

Non, tu vas rester avec nous,
À nos vœux il faudra te rendre,
Ta Chloé saura bien t’attendre,
Non, tu vas rester avec nous.

DAPHNIS.

Ah ! je vous implore à genoux,
Hélas ! ma Chloé va m’attendre,
Ne m’arrêtez pas davantage.

CALISTO.

Nous te garderons pour otage,
Ou bien, pour payer ta rançon,
Tu nous diras cette chanson.

TOUTES.

Tu nous diras cette chanson.

CALISTO.

Nous la voulons.

DAPHNIS.

Nous la voulons. Ah ! sans façon,
J’aime mieux dire ma chanson !

COUPLETS.
I

Néréa,
La nuit est sereine,
Néréa,
Mon âme est en peine,
Viens et n’attendons pas du jour
Le retour.
Je me meurs sans toi !
Prends pitié de mon délire !
Ah ! de Néréa, le sourire
Me fait plus heureux qu’un roi !

II

Néréa,
L’oiseau du bocage
À déjà
Son plus doux ramage.
Les roseaux
Frémissent au bord des eaux !
Je me meurs sans toi, etc.

CALISTO. Tu le vois, tout aime… et tu voudrais nous faire croire… Mais tu es amoureux comme un fou.

DAPHNIS. Vous croyez ?

AMATHÉE. Comme un insensé, pauvre garçon !

DAPHNIS. Vous me plaignez !

TOUTES. Oh ! oui !

CALISTO. Car c’est un affreux mal que l’amour.

DAPHNIS. Alors, vous allez m’apprendre comment on en guérit !

CALISTO. Rien de plus facile, si tu retiens bien mon ordonnance !

DAPHNIS. Parlez ! j’écoute !

CALISTO. D’abord, il faut prendre une maîtresse jeune, jolie…

DAPHNIS. Bon, je prendrai Chloé !

CALISTO. Il faut lui faire un doux compliment.

DAPHNIS. Bien ! mais quand je suis près de Chloé, je suis tout embarrassé !

CALISTO. Innocent ! il faut avoir de l’audace… on lui prend la main, la taille… on lui prend un baiser… (elle l’embrasse) comme ça !

DAPHNIS. Bien ! j’embrasserai Chloé.

CALISTO. Toujours cette Chloé !


Scène VII.

Les Mêmes, PAN.

PAN, se parlant à lui-même. Impossible de m’emparer d’elle !… (s’arrêtant à la vue des Bacchantes.) Que vois-je ?

ARICIE. Tu l’aimes donc bien ?

DAPHNIS. Oh ! pour l’aimer !…

LOCOÉ. Et nous, comment nous trouves-tu ?

PAN, à part. Qu’est-ce que ça lui fait ?

DAPHNIS. Dame ! vous êtes belles !

NIOBÉ. Aussi belles que Chloé ?

DAPHNIS. Oh ! non !

TOUTES. Hein ?

DAPHNIS. C’est-à-dire… ça n’est pas la même chose ; et puis, vous êtes des nymphes, les compagnes du dieu Pan.

AMATHÉE. Ne nous parle pas de lui !

NIOBÉ. C’est notre bête noire.

PAN, à part. Qu’est-ce que j’entends là ?

CALISTO. Il est vieux.

AMATHÉE. Il est bête !

PAN, à part. Oh ! les coquines !

CALISTO. Heureusement nous en sommes débarrassées, et si tu voulais… (S’appuyant sur son épaule) en son absence…

ARICIE, s’appuyant de l’autre côté. Si tu voulais oublier Chloé…

DAPHNIS. Moi, l’oublier !

TOUTES, l’entourant. Pour l’amour de nous…

PAN, à part. Oh ! les scélérates… écoutons !

DAPHNIS. Oublier ma Chloé ! oh ! non, jamais !

TOUTES, s’éloignant. Jamais !

CALISTO, bas à Aricie. Oh ! quelle idée !

ARICIE. Quoi donc ?

CALISTO, de même. Là, dans cette gourde, j’ai justement de l’eau du fleuve Léthé.

ARICIE. Du fleuve d’oubli ?

CALISTO. Qu’il en boive quelques gouttes seulement… et ce qu’il était, ce qu’il pensait… il oubliera tout, même son amour pour Chloé… Laissez-moi faire…

DAPHNIS, qui était remonté avec les autres bacchantes. Non, vous dis-je… non, jamais…

TOUTES. Tu nous résistes ?

CALISTO. De grâce, pas de violence… Daphnis nous repousse… quoi de plus naturel, il n’a jamais assisté à nos jeux, à nos fêtes, à nos bacchanales.

DAPHNIS. Vos bacchanales !

CALISTO. Il n’a jamais goûté l’ambroisie des dieux.

PAN, à part. Que dit-elle ?

CALISTO, lui tendant la gourde. Tiens, Daphnis… bois et tu seras guéri… bois et tu seras heureux !

DAPHNIS. Boire !

PAN, à part. Sans doute quelque breuvage pour l’enivrer… (Se montrant.) Scélérates !

TOUTES, jetant un cri. Oh ! (Elles sortent et entraînent Daphnis).


Scène VIII.

PAN, seul.

Ah ! la surprise, l’émotion, la rage !… (Ramassant la gourde que Daphnis a laissé tomber dans sa fuite.) La voilà, cette liqueur enivrante qui devait porter la flamme dans le cœur de ce berger… je m’empare de cette preuve… elles ne pourront pas nier… (Regardant à la cantonade.) Mais que vois-je ? les voilà qui entraînent Daphnis !… et je reste là, à faire le pied de grue sur mon pied de chèvre… vite ! courons !

CHLOÉ, au dehors. Daphnis ! Daphnis !

PAN. Chloé !… ah ! j’aime mieux cette vengeance-là !


Scène IX.

PAN, CHLOÉ.
Air :

Ah ! que peut-il faire ?
Ô douleur amère !
Je me désespère,
Il est loin de moi.
Quelle est ma souffrance !
Pendant son absence,
Je pleure en silence,
Et ne sais pourquoi.
Vite, vite, vite, reviens vite,
Chloé te désire et t’attend,
Elle t’attend.

N’entends-tu pas sa voix qui t’invite
À venir calmer mon tourment ?
Cruel tourment !
Vite, vite, vite, vite, Daphnis, reviens vite.
Plus d’ennuis,
Plus d’ennuis,
Près de toi, Daphnis.

PAN. Ah ! bravo, bravo !…

CHLOÉ. Ah ! juste ciel ! (Elle veut se cacher.)

PAN. Mais n’aie donc pas peur… c’est moi le dieu Pan que tu invoquais ce matin…

CHLOÉ. Le dieu Pan…

PAN. Je t’écoutais avec un plaisir… tu chantes comme Apollon, le dieu de la médecine et de la musique.

CHLOÉ. Vous trouvez ?

PAN. Je n’aime plutôt pas Jupiter !

CHLOÉ. Je n’ai pourtant guère envie de chanter… Je suis bien triste…

PAN. Oui, je sais… je vous ai entendue ce matin, et je connais le mal qui vous afflige.

CHLOÉ. Vous le connaissez ?…

PAN, lui criant dans l’oreille. C’est l’amour !…

CHLOÉ. L’amour, qu’est-ce que c’est que l’amour ?…

PAN. L’amour, c’est mo… c’est un… c’est une… c’est assez difficile à expliquer… mais quand on a de l’intelligence…

CHLOÉ. Oh ! je crois que j’ai beaucoup d’intelligence…

PAN. D’abord, il faut prendre un amoureux.

CHLOÉ. Un amoureux ?…

PAN. On appelle ainsi celui que le cœur préfère.

CHLOÉ. Ah ! bon ! je prendrai Daphnis pour amoureux.

PAN. Et il ne faut pas se fâcher quand cet amoureux vous serre la main comme ça…

CHLOÉ, lui serrant la main. Et il faut que je serre aussi, moi, dieu Pan ?

PAN. Oui, oui, serre Pan. (À lui-même.) Ah ! j’en fais un fameux de serpent.

CHLOÉ. Oh ! comme je vais serrer la main de Daphnis. (Haut.) Ensuite ?…

PAN. Ensuite, quand on fait l’éloge d’une femme, on dit qu’elle a la taille bien prise… Donc, pour ça, il faut se laisser prendre la taille sans murmurer.

CHLOÉ. Je ne murmure pas… Dire que cette jolie idée-là n’est pas venue à Daphnis !

PAN, à lui-même. Elle est d’une docilité… Une élève qui ira loin !

CHLOÉ. Et c’est tout ?

PAN. Oh ! nous ne faisons que commencer…

CHLOÉ. Je voudrais bien savoir la fin…

PAN. Patience ! Quand la taille est prise, comme la tienne… (À lui-même.) Elle est très-bien prise sa taille… (Haut.) Il arrive quelquefois que l’amoureux prend encore des baisers…

CHLOÉ. Ah ! l’on prend des baisers !

PAN. C’est l’usage… un vieil usage, mais qui n’en est que plus respectable.

DUO.
CHLOÉ.

Ah ! de ma candeur extrême,
Dieu Pan, je dois m’accuser ;
Car, hélas ! je ne sais pas même
Comment on prend un baiser.

PAN.

J’aime ton ignorance,
Et sans plus de façon,
Cher amour, je commence
À présent, ma leçon.
Vers moi, tourne-toi d’un air tendre.

CHLOÉ.

Comme ceci ?

PAN.

Comme ceci ?Fort bien, vraiment.

CHLOÉ.

Maintenant, voulez-vous m’apprendre ?…

PAN. Quoi donc ? quoi donc ?

CHLOÉ.

Comment votre baiser (bis) se prend.
Que fait-il là, un baiser de sa bouche ?

PAN

Eh quoi ! déjà ta pudeur s’effarouche.

CHLOÉ.

À mon Daphnis, j’irai le rendre (bis).
Quoi vous allez m’apprendre ?

PAN.

Tout.

CHLOÉ.

Mais pourrais-je comprendre ?

PAN.

Tout.

CHLOÉ.

Vous savez pour m’instruire ?

PAN.

Tout.

CHLOÉ.

Et vous allez me dire
Tout.

ENSEMBLE.

Tout, tout,
Tout, tout,
Ah ! quelle douce ardeur !
Voilà (bis) le vrai bonheur.

PAN.

La petite est charmante,
Son doux minois m’enchante.
Pour réchauffer mon cœur,
Buvons cette liqueur (bis).

(parlé). Tiens, qu’est-ce que j’ai donc (Il boit.) Je me crois ici et je suis là-bas.

CHLOÉ.

Et maintenant, dites-moi vite
Ce que je dois apprendre ensuite.

PAN.

Quoi donc ? quoi donc ?

CHLOÉ.

Mais vous devez comprendre.

PAN.

Rien…

CHLOÉ.

N’alliez-vous pas m’apprendre ?…

PAN.

Rien.

CHLOÉ.

J’espérais, pour m’instruire…

PAN.

Rien !

CHLOÉ.

Que vous alliez me dire…

PAN.

Rien !

CHLOÉ.

D’où vient son embarras ?

PAN.

Je ne m’en souviens pas.

CHLOÉ. Parlez ! parlez !

PAN.

Je te disais je ne sais plus quoi ;
Et puis après quoi, je reste coi.

CHLOÉ.

Je n’y comprends rien.

PAN.

Tu me comprends bien.
Le dieu Vulcain,
La belle Vénus,
J’avais un chien,
Je ne l’ai plus.

CHLOÉ.

Eh quoi ! rien après !

PAN.

Garde mes secrets.

CHLOÉ.

Eh quoi ! rien, rien !

PAN.

Ah ! j’avais un chien.

CHLOÉ. Parlez ! Parlez !

PAN. Chut. (Parlé.) Hein ?… quoi ?… qu’est-ce que vous dites ! Est-ce que je vous connais ? Qu’est-ce que j’étais donc venu faire ici ?… Je ne m’en souviens plus… Ah !… quoi ?… pourquoi ai-je dit ?… Ah !… je pensais à quelque chose, à quoi !… C’est drôle, je ne me rappelle plus… Tiens et voilà que je m’en vais… je ne sais pas pourquoi, je m’en vais, mais je m’en vais. (En parlant ainsi, il s’est éloigné et commence à disparaître. Quand il entre tout à coup en s’écriant de nouveau.) Ah !… (Puis il sort en disant :) Non, c’est fini, je ne me souviens plus…

CHLOÉ. Oh ! mon Dieu ! Est-ce que le dieu Pan devient fou… Et Daphnis qui devait m’attendre ici… Où donc est-il ?…

DAPHNIS, en dehors. Victoire ! victoire !

CHLOÉ.

J’entends sa voix.

Scène X.

CHLOÉ, DAPHNIS.

DAPHNIS. Ah ! te voilà, que je suis heureux !

CHLOÉ. Mais d’où viens-tu ?

DAPHNIS. Je quitte les bacchantes…

CHLOÉ. Les bacchantes !

DAPHNIS. Des petites femmes bien charmantes, je ne voulais pas les écouter, mais elles m’ont dit…

CHLOÉ. Elles t’ont dit…

DAPHNIS. Oui… D’abord, ce que nous prenions pour une maladie, c’est un sentiment…

CHLOÉ. Ah !

DAPHNIS. Un sentiment qui se nomme…

CHLOÉ. L’amour…

DAPHNIS. Ah ! tu sais…

CHLOÉ Dis toujours…

DAPHNIS. Quand deux jeunes gens, homme et femme, s’aiment d’amour, on s’en aperçoit à l’embarras qu’ils éprouvent l’un près de l’autre…

CHLOÉ. Ah !

DAPHNIS. Il faut que le jeune homme prenne la main de la jeune fille, comme ça…

CHLOÉ. Oui, je sais…

DAPHNIS. Tu sais ?…

CHLOÉ. Dis toujours…

DAPHNIS. Ensuite qu’il lui prenne la taille, comme ça…

CHLOÉ. Oui, je sais…

DAPHNIS. Tu sais…

CHLOÉ. Dis toujours…

DAPHNIS. Ensuite, qu’il l’embrasse comme ça…

CHLOÉ. Oui, je sais…

DAPHNIS. Tu sais…

CHLOÉ. Dis toujours…

DAPHNIS. Mais, si tu sais tout…

CHLOÉ. Hélas ! non ! voilà tout ce que je sais…

FINALE.
CHLOÉ.

Pourtant, j’ai pu comprendre.

DAPHNIS.

Bien.

CHLOÉ.

C’est ma main qu’il faut prendre.

DAPHNIS.

Bien.

CHLOÉ.

La serrer ferme et vite.

DAPHNIS.

Bien.

CHLOÉ.

Puis m’embrasser ensuite.

DAPHNIS, l’embrassant.

Bien.

ENSEMBLE.

Ah ! c’est charmant !
Quelle leçon facile !
En ce moment,
Soyons docile.

CHLOÉ.

Maintenant à ton tour…

DAPHNIS.

On fait asseoir sa belle.

CHLOÉ, s’asseyant. Ah !

DAPHNIS, de même.

On s’assoit auprès d’elle.

CHLOÉ.

Bah !
Et puis ?

DAPHNIS.

Alors, on cause
Bas,
Et puis…

CHLOÉ.

Et puis… Et puis…

DAPHNIS, se levant.

Et puis… Et puis… Je n’ose
Pas.

ENSEMBLE.

Oh ! c’est charmant !
Quelle leçon facile !
En ce moment,
Soyons docile.

LES BACCHANTES.

Ah ! que notre vie est joyeuse !
Nous chantons, nous rions toujours.
Vénus n’est pas plus heureuse,
Vénus la reine des amours.

PAN. Oui, mes divinités, oui, mes épouses… vous êtes des modèles de vertus, voilà mon opinion !

REPRISE DU CHŒUR DES BACCHANTES.
CALISTO, à Pan.

Dans l’Olympe, on doit vous attendre.

PAN.

Eh bien, nous allons nous y rendre.

TOUS.

Oui, partons.

DAPHNIS, à Chloé.

Oui, partons. Eh ! mais, qu’a donc le dieu Pan ?
Regarde-le.

PAN.

Regarde-le. Pan, pan, pan, pan, pan, pan.

(Parlé) Quels sont donc ces deux bergers ?…

CALISTO. C’est Daphnis et Chloé…

PAN. Ah !

CALISTO. Deux amants que Lamon et Myrtale vont unir…

DAPHNIS ET CHLOÉ. Nous unir !…

CALISTO. Oui, Daphnis. C’est une surprise que vous réservaient les deux bons vieillards.

DAPHNIS ET CHLOÉ. Quel bonheur !

PAN. Ah ! oui, Chloé ! connais pas…

(Avec feu.)

Chloé chérie,

(Tranquillement.)

Daphnis n’est pas mal ;
On se marie,
Ça m’est bien égal.

CHLOÉ ET DAPHNIS.

Nous serons unis.

PAN.

Je ne sais où j’en suis.

LES BACCHANTES, bas à Daphnis.

Que de rien il ne te souvienne.

CHLOÉ.

Eh quoi !

DAPHNIS.

Eh quoi !De ma leçon, c’était la fin.

CHLOÉ.

Il faudra terminer la mienne.

DAPHNIS.

Nous la finirons demain ;
Mais, pour remercier les bacchantes,
Le dieu Pan et les corybantes,
Chantons (4 fois)
(Reprise du pan, pan, etc.)
Posant sa lèvre
Sur l’instrument.

DAPHNIS, au public.

Messieurs, pour cette bergerie…

CHLOÉ.

Nous n’implorons pas de pardons.

PAN.

Ce qui n’est pas bon on l’oublie.

DAPHNIS, CHLOÉ, CALISTO.

Pour ce tableau, moi je vous prie,
Soyez doux comme des moutons.

TOUS, frappant des mains.

Pan, pan, pan,
Faites pan, pan.
Un pan, pan,
Charme le tympan.


FIN