Journal de Bruxelles (1790-1800)/90-1799

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(No. 90.)
JOURNAL DE BRUXELLES

Décadi 30 Frimaire an VIII de la république française.
(21 Decembre 1799)

Nouvelles de Paris. — Diogène à Paris avec sa lanterne. — Résolution de la commission du conseil des cinq cents, qui ordonne la création de 150 millions d'inscriptions foncière. — Détails sur ce qui a précédé l'évacuation de la Hollande par les Anglais. — Révolution dans la république Ligurienne.

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De Paris, le 26 Frimaire (17 decembre 1799).

Les registres d'acceptation et de non-acceptation sont déja ouverts dans Paris.

Beaucoup de nominations sont faites pour le jury constitutionnaire ; mais elles ne sont pas encore connues. On ajoute les noms de Fleurieu, Garat, Pléville-Lepelley à ceux que nous avons déja citès.

La constitution n'interdit nullement au premier consul le commandement des armées. Aussi, dit-on que, si Bonaparte ne parvenoit pas, pendant cet hiver, à décider la maison d'Autriche à accepter la paix qu'il lui offre, son intention est de se mettre au printems prochain à la tète des armées pour aller signer la paix au cœur de l'Allemagne.

Les commissaires américains qui viennent négocier avec la république française, sont arrivés à Lisbonne.

On mande de Tours que, depuis l'armistice conclu entre le général Hédouville et les chouans, ces derniers errent dans les communes, y propagent leurs principes et augmentent le nombre de leurs prosélites. C'est ce qui a eu lieu récemment dans la commune de Neuvi; les chouans sont venus, sous le voile de l'amitié, ont séduit plusieurs citoyens qu'ils ont emmenés avec eux.

Ils recueillent aussi de l'argent par tous les moyens possibles, notamment par les contributions qu'ils imposent militairement sur les acquéreurs des domaines nationaux.

Le duc de Portland a fait arrêter à Londres don Francisco, neveu de l'amiral Massaredo et quelques autres personnes venues avec lui de Lisbonne. Ils ont déja été interrogés.


LA LANTERNE DE DIOGENE.

Ces jours derniers, Diogène se promenoit dans les rues de Paris, et il présentoit sa Lanterne au visage de tous les passans. Diogène cherchoit un homme? ...

Qu'as - tu fait pour être un homme? disoit-il à chaque personne qu'il rencontroit. — J'ai fait le 10 août, le 31 mai, le 30 prairial. — Tu n'es qu'un démolisseur, tu n'es pas un homme.

Et toi? — J'ai travaillé à trois constitutions dont on s'est dégoûté. — Tu n'es qu'un sot. — J'ai prononce plus de cent discours à la tribune. — Tu n'es qu'un bavard. — J'ai su plaire à tous les partis. — Tu n'es qu'une girouette. — Il faut bien savoir céder à la force. — Tu n'es qu'un enfant. Et moi, J'ai su me taire. — C'est beaucoup, chez une nation où l'on parle tant. — Mais j'ai bien fait, à ma part, cinq mille décrets par assis et levé, et presque sans y songer. — Tu n’es qu'un manœuvre. — J'ai porté plus de deux cents toasts à la l'égalité et la fraternité. — Tu n'es qu'un ivrogne.

J'ai pleuré sur les malheurs de ma patrie. — Si tu n'as rien fait pour en arrêter le cours, au lien d’être un homme, tu es moins qu'une femme. — J'ai maudit Robespierre la veille de sa mort, et j'ai déclamé contre Barras le 19 brumaire. — Tu n'es qu'un esclave.

Et toi? — J'ai fait fusiller mes ennemis, qu'en accusoit d’être ceux de l'état. — Tu es un monstre. — Je suivois les ordres. — Tu n'es qu'un bourreau.

J'ai fait de très-belles phrases sur la liberté. — Tu n'es qu'un rhéleur. — J'ai fait un beau livre sur la morale. — Tu n'es qu'un hypocrite. — J'ai fait des odes. — Tu n'es qu'un instrument à vent. — J'ai chanté les fureurs de mes complices dans mes contates. — Instrument à corde.

[ Il faut pardonner ce mauvais jeu de mots à Diogène, il sortoit du Vaudeville ]

J'ai voulut faire déclarer la patrie en danger. — Tu n'est qu'un factieux. — J'ai pris dans la révolution le rôle de Brutus. — Tu n'es qu'un histrion. — J'ai souvent dénoncé des complots. — Tu n'es qu'un délateur. — J'ai abreuvé nos ennemis d'outrages. — Tu est un lâche. — J'ai vaincu les ennemis. — Si tu n'as pas vaincu tes passions, tu n'es pas un héros; le dernier des sergents en a fait autant que toi: ôtes-toi de devant ma lanterne.

Quel est celui-ci? dit Diogène, en présentant sa lanterne devant un homme simple qui observoit en silence, et qui s'échappoit modestement dans la foule. C'est un homme, lui répondit-on, qui a su s'élever au-dessus des factions; il fut puissant sans insolence, et il supporta l'infortune avec dignité. Il a étudié les hommes ailleurs que dans l'histoire; jamais sa raison ne s'est égarée dans le vague des systèmes; il n'est ni mathématicien, ni chimiste, ni métaphysicien, ni fournisseur, ni philosophe. Modeste dans son triomphe, et généreux dans la victoire, il n'a jamais invoqué la vengeance; le mot seul de proscription lui fait horreur, et tous les malheureux ont droit à ces larmes: peu d'esprit, incapable de faire un calembourg, mais un jugement droit, coup-d'oeil juste, une pénétration admirable; il sait sur-tout vivre à cinquante ans de son siècle... A ces mots, Diogène referma sa lanterne, en s'applaudissant d'avoir trouvé un homme. Il a sans doute porté son nom à Bonaparte, et l'on espère bien que cet homme sera placé dans le jury conservateur.

Ceci déplaira peut-être à ceux qui parlent sans cesse de 25 millions d'hommes de notre république. Les hommes, il est vrai, ne manquent pas sur la terre, pour ceux qui les cherchent à Colin-Maillard; mais ils sont plus rares, quand on veut les chercher avec la lanterne de Diogène.

Ne nous donnez pas des lois, nous en avons assez; mais donnez-nous des hommes, car les hommes nous manquent; rappelez - vous sur - tout qu'on jugera votre loi par elle - même bien moins que par ceux gui doivent l’interprêter. Une constitution est comme un piédestal qu'on ne regarde pas; on ne voit que les figures qui y sont placées.

Défiez-vous sur-tout de ceux qui ont le dos courbé et les genoux usés, à force de se prosterner devant l'idole; de ces mendians, qui vous jetoient à la boue hier, et qui vous demandent aujourd'hui la charité d'une place dans le sénat; ces messieurs seroient dans l'autorité comme le rat de la Fontaine dans le fromage de Hollande. C'est un grand point, sans doute, d'écarter les mauvaises têtes; mais il faut bien se garder aussi des estomacs vides. Au commencement d'une révolution, on fait appel à ceux qui ont faim; quand on touche au terme des troubles on doit appeler ceux qui ont dîné: ont commence par recruter les ambitieux, on finit par choisir les hommes désintéressés. Choisissez sur-tout des hommes capables, par leur modération. autant que par leurs lumières, d'écarter les orages politiques, et de fermer l’abîme des révolutions. Si sur cette mer orageuse vous avez pu vous embarquer avec des furieux, songez que vous ne pouvez aborder qu'avec des sages. On commence les révolutions avec la lanterne de Desmoulins, on ne la termine qu'avec la lanterne de Diogène.


COMMISSION DU CONSEIL DES CINQ CENTS.

Séance du 26 Frimaire (17 décembre 1799).

Sur le rapport d'Arnould [ de la Seine] au nom de la section des finances, la commission prend la résolution suivante :

Art. I. A compter du premier nivôse prochain, il sera créé pour 150 millions d'inscriptions foncières sur lu masse des biens nationaux compris dans l'état annexé à la présente loi, distraction faite des biens situés dans les neuf départements réunis, et des bâtimens, maisons et usines.

II. Ces 150 millions d'inscriptions foncières seront divisées en 150 mille bulletins au porteur, de 1,000 francs chaque. Il pourra être délivre des dixièmes de bulletin, de 100 francs, également au porteur.

Le payement des bulletins s'effectuera, savoir : deux cinquièmes en numéraire, et les trois autres cinquièmes en ordonnances de l'an 5, de l'an 6 et de l'an 7, en bons d'arrérages du quart en numéraire des années 4, 5 et 6, et en bons de réquisitions faites depuis le premier germinal de l'an 7.

III. Il sera annexé à tous les bulletins des coupons d'intérêt de 60 francs chacun, payables à raison de 30 francs par semestre.

L'intérêt courra du premier du mois dans lequel les bulletins auront été délivrés.

IV. Pendant les années 8 et 9, il sera distribué, par la voie du sort, 50 mille primes de six pour cent l'an, à raison d'une prime pour trois bulletins, ou d'un titre du nombre total de 150 mille bulletins.

V. Le tirage de ces 50 mille primes s'effectuera à raison de 12,500 par trimestre.

Les bulletins auxquels échoira la prime, en jouiront pour toute l'année ou se fera le tirage.

Jusqu'à la délivrance complète des 250 mille bulletins, le tirage des primes aura lieu chaque trimestre, à raison du nombre des bulletins délivrés dans le trimestre précédent.

Indépendamment de ces primes, il est attribué à chaque tirage :

Pour chaque 25 primes, une somme de 500 francs.

Pour chaque prime complétant lé nombre de deux cents, 5000 francs.

Et pour la première et dernière primes sortie à chaque tirage, la somme de 50 mille francs.

VI. La contribution personnelle, mobilière et somptuaire demeure affectée jusqu à la concurrence de 15 millions au payement exact des coupon d’intérêt et des primes.

Ce produit sera versé dans une caisse séparée de la trésorerie national entre les mains d'une administration spéciale, au choix de la commission consulaire.

VII. Pour amortir le capital dés inscriptions foncières, créées par la présente lois, elles seront reçues pour comptant en paiement des domaines nationaux, jusqu'à concurrence de 150 millions, et jusqu’au premier vendémiaire an 9. Tout porteur pourra requérir à sa volonté pendant ce délais de la vente de tous domaine nationale par voie de soumission sur l'estimation au dernier 20 d’après le produit des baux authentiques existant en 1790, ou à défaut de baux de cette nature sur une estimation contradictoire d'expert. En conséquence la loi du 26 vendémiaire an 7 est abrogée, à dater de la publication de la présente.

VIII. Tout porteur d'inscription foncière qui sera devenu propriétaire de biens nationaux, cessera de recevoir l'intérêt de 6 pour cent à partir du semestre qui suivra celui de son acquisition; mais les numéros des bulletins dont le capital sera ainsi amorti, participeront toujours au tirage des primes et autres attributions, et les porteurs ces bulletins jouiront de tout ce que qui leur sera échu, ou de tout ce qui leur échoira pendant les deux années fixées par la présente loi.

IX. Il n'est rien changé au mode de vente des maisons et usines contre les bons des deux tiers, ni aux dispositions des lois précédentes concernant les domaines nationaux affectés aux service public, conformément à l'article premier ci-dessus. Les biens nationaux, situés dans les départemens de la ci-devant Belgique, demeurent affectés aux liquidations des anciennes créances, et au paiement des paiement des corps et communautés supprimées des départemens. Le mode sera déterminé incessamment pur une loi particulière.

X. Les porteurs d'inscriptions foncières qui au premier vendémiaire an 9, ne les auront pas amorties par l'achat et le paiement de parties des 150 millions de biens nationaux qui leur sont affectés par la présente loi, auront le choix d'obtenir la constitution en perpétuel à 5 pourcent du capital de leurs inscriptions fonciers, ou d'en consentir le remboursement par annuité en vingt années.

XI. La commission consulaire prendra toutes les dispositions nécessaires pour l’exécution de la présente loi.

De Strasbourg, le 22 Frimaire (13 décembre 1799).

Il est confirmé que nous avons perdu Manheim et Nekerau. Des que l'armistice eut été conclu entre Lecourbe et Starray, ce dernier s'empressa d'en faire part au prince Charles; Mes l'archiduc refusa de le ratifier, suspendit même, dit-on, le général Starray de ses fonctions et le fit arrêter. Quoiqu'on eut stipulé que, même en cas de reprise des hostilités, elles ne pourroient avoir lieu qu'en vertu d'un avertissement préalable de 18 jours, le général Autrichien somma Manheim et Nekerau de se rendre. Comme i1 n'y avoir dans ces deux endroits que des faibles garnisons, elles furent obligées d’évacuer ces deux postes, et nous nous sommes retirés entièrement sur la rive gauche du Rhin; mais il est faut qu'il y ait eu aucun combat de se côté.

Cet armistice nous aura encore été utile. S'il n'avoit pas été conclu, la plus grande partie de la division, formant le corps du blocus de Philipsbourg, auroit pu se voir réduite a mettre bas les armes, les ennemis ayant pénétré sur les derrières de notre armée. La violation de l'armistice n'en est pas moins la rupture arbitraire d'une promesse solennelle et respectable.

D’après les lettres de Bâle, le général Lecourbe est arrivé le 19 au soir a Zurich, ou il a pris le commandement provisoire de l’armée d'Helvétie.

Quelques jours avant la conclusion de l'armistice, les paysans de l'Odenwald ont essuyé un grand échec du côté de Weinheim; ce revers a tellement jetté l'épouvante parmi eux, qu'ils se dispersés et que leurs chefs ont tenté en vain de les rassembles de nouveau.

Quatre mille hommes se sont rendus hier à Kehl, et y ont relevé trois mille qui y étoient depuis tems. Il entre toujours de nouvelles troupes dans notre ville. Un régiment de cavalerie s'est rendu hier à Kehl. Il paroît qu'il sera suivi par un régiment de carabiniers, déjà arrivè ici. Il y a apparence que nous ferons une prochaine attaque. Cependant on dit que les autrichiens ont reçu beaucoup de renforts de Villingen et que se disposent à nous préventer pour s'emparer de se fort, qui est d'une grande importance dans le moment. Il est plus nécessaire que jamais, que l’armée d’Helvétie fasse des mouvemens; car, sans cela, toute l’armée du prince Charles pourroient agir contre les troupes qui sont de nos côtés.


De Leyde, le 25 Frimaire (16 décembre 1799).

Par les lettres de Londres du 8 de ce mois l'on a appris, qu'il a été conclu le 24 brumaire à Paris, entre le citoyen J.T. Lambert et le général-major Knox, une convention particulière, consistant en onze articles, pour l’exécution de l'article 8 de la capitulation de l’armée anglo-russe en Hollande. Voici deux pièces relatives à la négociation, qui a amené cette capitulation, publiées dans la Gazette de Londres, du 2 frimaire.

Au quartier-général à Schagerbrug, le 23 Vendémiaire an 8 (15 octobre 1799).
G E N E R A L ,

Comme il étoit déja fort tard, lorsque votre lettre me parvint hier au soir, cette circonstance m’empêcha d'envoyer plutôt à Alkmaer le général Knox, qui étoit l'officier, que j'avois en vue dans ma lettre d'hier: il jouit de toute ma confiance; et il est pleinement autorisé à traiter et conclure avec vous sur l'objet, concernant lequel il a reçu mes instructions.

Signé, FREDERIC duc d'York, commandant en chef de l'armée combinée anglaise et russe.
Au quartier-général à Schagenbrug, le 23 Vendémiaire an 8.

En vertu des pouvoirs et en obéissance aux ordres de son altesse royale le duc d'York, commandant en chef de l'armée combinée anglaise et russe, le général-major Knox aura l'honneur de communiquer au général Brune, commandant en chef de l'armée française et batave, et de lui exposer, qu'en conséquence des difficultés, qui résultent de l’état très-défavorable et peu ordinaire du tems en cette saison d'année, nous avons jugé convenable d'occuper de nouveaux la position de la Zype: que, dans cette situation, avec des cantonnemens pleinement suffisans pour les nombres des forces, ayant des moyens non-interrompus et certains pour conserver notre communication avec l’Angleterre, et maitres, comme nous le sommes, du Helder, du Texel, du Zuyderzée et de l’Océan, il dépend de nous ou d'attendre l'époque, lorsqu'un changement favorables de tems et de circonstances pourra nous à même de renouvaller des opérations offensives, ou de retires notre armée petit-à-petit, et sans risque, hors de ce pays, en perdant néanmoins possession de tels points détachés, qu'on pourra juger les plus avantageux au but de porter préjudice à l'ennemi, et des nous assurer des avantages réels à nous mêmes. Dans le cas que nous ayons recours à cette dernière mesure, il sera de notre devoir de ne négliger aucuns moyens, qui pourront contribuer à garantir les braves troupes confiées à nos soins; et dans cette vue [ quelque désastreuse, quelque ruineuse que l'alternative puisse être pour les habitans, et pour le pays en général, ] nous seront forcés, malgré nous, à nous servir de expédiens terribles, qu'il est en notre pouvoir d'adopter.

Ayant parfaitement à notre disposition les digues de la mer, tant celles qui retiennent l’Océan que celles qui bordent le Zuyderzée, non moins que les digues intérieures, nous seront serions réduits dans ce cas à la terrible nécessité d'inonder tous le pays de la Nord-Hollande, et d'ajouter à cette calamité toute espèce de mal destructeur, qui doit nécessairement résulter d'une tentative quelconque, soit pour forcer, soit pour interrompre notre retraite. Dans de telles circonstances, nous serions également forcés à faire usage des amples moyens, que nous avons en mains, pour rendre la navigation du Zuiderzée désormais impraticable, en bouchant le Mars-Diep et an détruisant le Nouveaux-Diep; ouvrages pour lesquelles il a été employé tant d’années de travail, et dépensé de sommes aussi immenses.

Notre système de faire la guerre s’étant réglé, dans toutes les occasions, d’après les principes les libéraux, la nécessité et le sentiment le plus urgent de devoir pourroient seuls nous engager à adopter un système, qui répugne aux sentimens, qui ont toujours dirigé la conduite de la nation anglaise. D’après ces considérations et la persuasion, où nous sommes, que le général Brune et le peuple hollandais doivent être animés de motifs semblables, et désirer avec nous de voir s’arrêter l'effusion inutile de sang par l'arrangement aimable d'un point, qui est peut-être l'objet des deux parties ; d’après le vif désir enfin, avec lequel, dans le cas d'un résultat différent, nous souhaitons d’êtres justifies, au yeux de l'Univers entier, de toutes destruction ou dégât, qui pourroient en conséquence en retomber sur ce pays nous proposons et nous offrons au général Brune, ainsi qu'à la république Batave, “que les troupes anglaises et russes évacueront, avant le 9 frimaire prochain, toutes les côtes, les isles, et la navigation intérieur de la Hollande, sans commettre aucun acte qui puisse rendre au détriment des grandes sources de la navigation, ou sans mettre le pays sous l'eau au moyens des inondations.”

A cette effet nous proposons, “qu'il soit établis une suspension d’hostilités jusqu’à l’époque susmentionnée: que, durant cet intervalle, nous resterons en pleine possession de tous les points, ainsi que de toute l'entendu du pays, que nous occupons et que la ligne des avant - postes respectives soit aussi celles de séparation entre des deux armées; que cette ligne ne soit dépassée, sous aucun prétexte, par les troupes de l'une ou de l'autre des parties, pas même dans le cas que nous préférerions de nous retires d'aucune partie de nos positions présentes, ou mème de les abandonner entièrement : que, durant cette l'intervalle susmentionné, il ne sera permis aucune intervention, ni suscité aucune opposition, à l'égard de la conduite de l'une ou de l'autre des parties dans l'enceinte des limites de leurs possessions respectives : et que les droits de guerre ; [ les actes d’hostilités tous exceptés ;] continueront d'avoir force réciproquement : que nous accordons aux personnes et aux propriétés des habitants du pays, que nous occupons, toutes protection compatibles avec la discipline, dans les circonstances ou nous trouvons, et tous les avantages auxquels la conduite, généralement observée par les troupes britanniques; les autorise à s'attendre en telle occasion.”

Ci ces propositions s'accordent avec le vœu, et sont conformes aux intentions du général Brune, il ne sauroit y avoir aucune difficultés à les mettre en exécution en trois jours, à compter de leur date.

Par ordre de son altesse royale de commandant en chef,

Signé, H. TAYLOR, secrétaire


De Gênes, le 16 Frimaire (7 décembre 1799).

Les causes qui ont commandé en France le 18 brumaire étoient à-peu-près les mêmes dans la république ligurienne, et devoient produire les mêmes effets. Cette révolution a eu lieu aujourd’hui sans la moindre opposition, et sans que la tranquillité publique ait été troublée. Le matin, à huit heures, un corps de deux mille hommes de troupes françaises est entré dans la ville, et ont a vu de nombreuses patrouilles faire la ronde. Le conseil des soixante s’étant rassemblé à l'heure ordinaire, s'est formé aussitôt en comité secret. Un citoyen, le député Montebruno, a présenté un projet de loi analogue à celle du 18 brumaire, pour la réforme du gouvernement français. Ce projet a été approuvé de suite et est ainsi conçu:

Le conseil des soixante, considérant la situation de la république, déclare qu'il y a urgence et prend la suivante délibération:

Art. I. Il n'y a plus de directoire.

II. Le corps législatif crée, par intérim, une commission de gouvernement, investie du pouvoir législatif et exécutif, et composée des citoyens Joseph Cambiaso, J. B. Tanlogo, Louis Corvetio, avocats ; Ruzza, ministre de la justice ; Joseph Asserello de Rappalo ; Bosello, ex-consul de France à Savone ; Ballo, Rivarola et Marchelli, représentans.

III. Le corps législatif est ajourné au premier juin.

IV. Pendant l'ajournement du corps législatif, les membres ajournés conservent leur indemnité et leur garantie constitutionnelle.

V. Ils peuvent, sans perdre leurs qualités de représentant, exerces des emplois.

VI. La commission est chargée de faire un plan de constitution qui se rapproche, autant qu'il sera possible, de celle qui sera adoptée par la république française.

VII. Elle résidera à Gênes dans le palais du corps législatif, qu'elle pourra faire convoquer avant l'époque fixée.

VIII. La commission pourra remplacer ceux des membres qui laisseront leur place vacante.

IX. Le conseil se déclare permanent jusqu’à ce que la commission soit définitivement installée et ait prêté serment.

Ce décret a été envoyé sur-le-champ au conseil des anciens qui l'a approuvé.

Les membres de la commission ont été aussitôt avertis de ce rendre au conseil des soixante, où ils sont arrivé à 4 heures. La séance a été alors rendue publique. Un secrétaire a lu le décret du corps législatif, et les membres de la commission ont prêté le serment. Le concours des spectateurs étoit très-nombreux.

Dès que les directeurs ont été informés de cet acte du corps législatif, ils se sont retirés chez eux. ils n'ont pas cru qu'il fut nécessaire de donner leur démission.

La commission expédie ce soir un courrier à Paris, pour charger le citoyen Bocardi, rappellé par l'ancien gouvernement, mais qu'elle a confirmé dans sa place de ministre, de rendre compte au gouvernement français des événemens qui viennent de ce passer.


De Madrid, le 8 Frimaire (29 novembre 1799).

Toutes les capitales se ressemblent. Les nouvelles les plus facile à avérer y circules avec rapidité; tout le monde les croit, en raconte les plus minutieux détails, et elles finissent par ce trouver fausses. Il en est peut-être ainsi de l'arrestation du favori Manuel de Mallo, qui a dû avoir lieu à l'Escurial il y a huit jours. On nous l'avoit écrit du Filio [ résidence de la cour ]: elle avoit été confirmée par des témoins qui se disoient oculaires. A présent, tout le monde commence à en douter. On prétend que ce qui y a donné lieu, c'est que M. de Mallo a gardé la chambre trois ou quatre jours de suite sans être malade. On a vu dans cette espèce d’arrêts un indice de disgrâce ; et pour les nouvellistes, à qui il en faut moins pour bâtir leurs romans, la disgrâce elle même a suivit de près son avant-courrier.

Ce qui est plus positif et plus facile à avérer, c'est l'embarras prolongé de notre ministre des finances. Il ne paroît cependant pas découragé ; il médite de nouvelles opérations aussi hardies que les premières ; et déjà celles-ci sont à la vielle de s'exécuter. Nous allons payer les impositions sur les voitures, mules, chevaux, domestiques des deux sexes, etc. Ont fais déjà la répartition des 300 millions de réaux de la nouvelle constitution, indépendamment d'un impôt de dix pour cent sur les loyers des maisons à la charge des propriétaires, et de cinq pour cent à la charge des locataires ; et d'un autre impôt de dix pour cent sur toutes les traitemens, sans en excepter la solde des troupes. Touts ces fardeaux paroissent bien lourds. Ils donnent lieu à des murmures et rendent chaque jour plus ardent les vœux pour la paix. Nous commençons à croire que qu'ils ne resterons pas long-tems stériles depuis que nous voyons des hommes comme Sieyes et Bonaparte présider au sort de la France.

Du 10. On attend ici incessamment le duc d'Ossuna et son épouse, qui vont revenir de Paris. On assure que ce seigneur est très-bien avec le gouvernement français, et l'on présume en conséquence qu'il imprimera encore, s'ils est possible, au cabinet de Madrid, déjà si bien disposé, une nouvelle activité pour amener une paix définitive et solide, dont tous l'Europe a besoin, et nous-mêmes peut-être autant que toute autre puissance.

De Cadix, le 2 Frimaire (23 novembre 1799).

Un bâtiment arrivé des îles Manilles, à eu le bonheur d'arriver dans cette baye sans rencontrer d'ennemis. A sont départ, les anglais n'avoient encore rien tenté contre cette colonie. Le gouvernement n'en a pas moins pris toutes les précautions convenable contre un coup de main. On a augmenté les fortifications ; et grâces à la bonne volonté des habitans et à leur activité soutenue pendant quarante jours, on étoit parfaitement rassuré contre toute espèce d'incursion au départ de ce bâtiment.


De Berlin, le 17 Frimaire (8 décembre 1799).

Le mème jour où le citoyen chef de brigade Duroc eut une audience du roi, il dîna en particulier avec sa majesté. Hier, sur l'invitation du monarque il s'est rendu à Potsdam pour y voir la parade.


De Constantinople, le 24 Brumaire (15 novembre 1799).

La Porte a reçu des dépêches officielles du grand-visir, annonçant le départ du général Bonaparte d’Égypte. On ignore les mesures qu'il a prises pour échapper aux nombreux bâtimens qui croisent dans les parages d'Alexandrie et dans la mer de Sicile.

On a appris par la même voie que le grand-visir étoit arrivé le 9 vendémiaire à franchir le désert qui sépare d’Égypte de la Syrie. Le commodore Sidney Smith et Seid-Ali-Bey, qui étoient encore à Chypre doivent combiner leurs opérations avec la marche du grand-visir.

Abdul - Petta - Bey, commandant de l'armée navale, a été massacré à Chypre par ses propres troupes à son retour de la malheureuse affaire d'Aboukir.

Lord Elgin, ambassadeur extraordinaire de la Grande-Bretagne est arrivé ici et a été logé au palais de France.

Le général républicain Rose est mort, le 5 brumaire, dans la prison des Sept-Tours.

De Londres, le 19 Frimaire (10 décembre 1799).

Enfin nous avons vu arriver le reste des troupes employées à la malheureuse expédition de Hollande. Deux bâtiments les ont débarqués à Deptford. Il est impossible de cacher plus long-tems à la nation la perte considérable qu'elle a faite. Les états du bureau de la guerre constatent que le nombre des tués, blessés et prisonniers s’élève à 14 mille 232, sans y comprendre ceux qui ont péri dans les diffèrens débarquemens, en mer et sur les côtes.

La flotte de la Manche aux ordres du lord Bridport, vient de rentrer, presque toute entière, tant à Plymouth qu'à Torbay.

Cet amiral ne conservera plus le commandement de la flotte. Il est remplacé par le lord Saint-Vincent. Celui-ci doit hisser son pavillon sur la ville de Paris, de 110 canons, qui s'équipe actuellement à Portsmouth.

Le lord Bridport sera, dit-on, créé comte avec un nouveau titre. Il faudra bientôt toute la science du blason pour reconnoître ces gens-là.


Change d’Anvers, du 28 Frimaire an 8.

Paris à court ... 56 1/8 à 1/4.
Idem à 2/m ... 55 7/8.
Hamb. à court ... 36.
Idem. à 2/m ... 35 1/2.
Amst. court à c. ... 1/4 à 100 1/4 dis.
Idem. à 2/m ... 100 7/8 à 101 dis.
Rotterdam ... 1/4 à 100 1/4 dis.
Idem. à 2/m ... 1/4 à 101 1/4 dis.

SPECTACLE

Aujourd'hui 23, Euphrosine, ou le Tyran corrigé par l'amour, opéra en 3 actes ; précédé de la Forêt - Noire, ou le Fils Naturel, grande pantomine en 3actes.

—- Incessamment Médiocre et Rampant et Jean-Baptiste. -- En attendant la Prisonniere, les deux Charbonniers, l'Enfant du Bonheur et le Souper de Famille.