Les rues de Paris/Les Vieilles Rues (suite)

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Bray et Rétaux (tome 3p. 119-331).

Le chapitre qu’on vient de lire était écrit, on le comprend, depuis assez longtemps déjà, car notre livre allait être mis sous presse quand éclata la guerre (juillet 1870). Au lendemain de l’armistice, nous écrivions :

Ce paragraphe, qui nous avait paru si curieux à reproduire naguère, a singulièrement perdu de son actualité et de son piquant aujourd’hui. Dans Paris assiégé, dans Paris ville de guerre, plus de bourgeois passionnés du luxe et du bien-être, plus de négociants et de banquiers ne songeant qu’à la Bourse et aux affaires, mais des milliers et des milliers de braves soldats, ardents à l’exercice et soucieux seulement de bonnes armes, afin de pouvoir faire hardiment face à l’ennemi. Les Parisiennes, elles aussi, ne se préoccupent plus, oh ! plus du tout, de la toilette, mais des graves devoirs de la mère de famille et des soins de la ménagère, et simplement vêtues, courent dès le matin au marché à moins qu’elles ne s’empressent pour aider ou suppléer au besoin la sœur de charité dans les ambulances.

C’est donc en toute vérité qu’un éminent académicien auquel cette fois on ne peut qu’applaudir, disait récemment dans une conférence au profit des blessés : « Je ne vous dirai pas, comme ou le répète trop, que vous êtes sublimes, que vous emportez l’admiration du monde ; non ! Je vous dirai simplement, ce qui est bien plus fort, selon moi, que vous êtes redevenus honnêtes ! Avec l’honnêteté a reparu un mot que je n’ai pas entendu vingt fois en vingt ans sur les boulevards, et que je trouve maintenant sur toutes les bouches ; c’est le mot devoir. Tous rencontrez un ami qui revient du rempart, fatigué, blêmi ; vous le plaignez : « Que voulez-vous, » mon cher, vous répond-il, il faut faire son devoir. »

« … Brave et cher Paris ! je m’étonne toujours d’entendre dire qu’il est triste d’aspect ! Paris triste ! Je ne l’ai jamais trouvé si beau ! Oui, ce Paris cerné, bloqué, bastionné, sans chemins de fer, sans spectacles, sans gaz, et se découronnant par ses propres mains des forêts qui l’environnent comme une veuve qui coupe sa chevelure en signe de deuil, ce Paris me semble mille fois plus brillant que dans ses beaux jours de fête !… Que dis-je ? plus brillant même que dans ces incomparables mois de l’Exposition universelle, où il donnait une hospitalité si loyale et si cordiale à ceux qui l’égorgent aujourd’hui. Car Paris alors n’exposait que son génie ; aujourd’hui, il expose aux yeux du monde quelque chose qui vaut mille fois plus que toutes les merveilles de l’industrie, de la science et de l’art : son âme. »

Un confrère de M. E. Legouvé, M. Vitet, auquel nous devons tant de beaux travaux sur l’art, faisant trêve à ses chères études, a écrit aussi sur Paris assiégé des pages éloquentes dont nous détachons avec bonheur ce fragment : « …En attendant et quoi qu’il lasse, je demande à Paris de reprendre au plus vite cette mâle attitude qui pendant six semaines lui a fait tant d’honneur… Laissons-là ces idées d’atermoiements, de suspension de siège, d’armistice et d’accommodement ; pensons à la défense et ne pensons qu’à elle.

Ne rêvez plus théâtres rouverts, promenades, voyages, libres correspondances ; ne laissez pas votre imagination savourer ces fruits défendus ; parcourez le rempart, et, du dehors surtout, regardez cette ville à l’aspect si nouveau, si désolé, si nu, si grandiose et si fier. Regardez cet immense espace qui vous sépare des bastions, puis, en levant la tête, ces longues files horizontales qui vous transportent en idée au fond des grandes landes ou devant les dunes de la mer.

Il y a des gens à qui ce spectacle, ces audacieux travaux et ces canons montrant leur gueule aux échancrures des tertres de gazon, causent une sorte de serrement de cœur ; qui en détournent les yeux, ne pensant qu’aux douleurs et aux larmes dont ils ont devant eux le triste avertissement. Sans me croire insensible, je confesse que chez moi le premier mouvement devant ce Paris transfiguré est une sorte de satisfaction intérieure que tout cela soit comme sorti de terre, si promptement, si noblement, sous les yeux et avec le concours de cette population frivole et généreuse. Tout n’est donc pas perdu, puisque de tels élans partent encore de nous ! Aussi, quand il m’arrive de penser que peut-être nos maux auront un terme, et qu’on pourrait encore s’occuper quelque jour des embellissements de Paris, le premier que je rêve est de lui maintenir sa couronne guerrière, ses ponts-levis, ses cavaliers et ses glacis immenses qui l’isolent et lui forment un si beau piédestal. Cette parure lui sied, je veux qu’il la conserve. »

Nous sommes pleinement de l’avis de M. Vitet.

Ce qui rend mémorable à toujours cet effort prodigieux du patriotisme, même non couronné par la victoire suprême, ce sont les épreuves que Paris, le Paris des fêtes et des plaisirs et des jouissances (trop, hélas ! mais noblement expiées) a dû subir et qui, chose singulière ! semblent avoir échappé aux prévisions des écrivains cités par nous. Faut-il parler de ces citadins habitués, routinés, si l’on me permet le mot, aux délices de Capoue et, du jour au lendemain, condamnés aux plus rudes exercices de la vie militaire, aux veilles de nuit sur le rempart par la pluie, le vent, la neige, le froid (et quel froid !), et plus tard à l’entrée en campagne par la saison la plus rigoureuse, quand le gel fait que le fusil vous brûle presque les mains ! Dirons-nous les privations en tout genre et pour beaucoup si pénibles ! Plus de lait, plus d’œufs, plus de légumes frais quand les autres vont s’épuisant tous les jours comme la viande de cheval, d’ânon, de mulet ; quand la volaille devient un mythe, les gourmets ayant peine même à prix d’or[1] à se procurer un chat maigre ou quelque rat d’égoût. Pouvons-nous oublier les pauvres femmes, souvent si délicates, et dans l’intérêt du ménage, par le temps le plus rude, pour obtenir un morceau de viande, ou leur part de pommes de terre, se résignant à faire queue de longues heures, des nuits entières parfois ! Faction qui valait celle du rempart et, s’il faut le dire même, tout autrement pénible souvent !

Aussi M. Cochin n’avait pas tort d’écrire dans le Français (13 décembre 1870) : « C’est encore un beau spectacle, un bon résultat, qui fait honneur aux femmes plus qu’aux hommes, car ce mot que me disait un jour un pauvre enfant est toujours vrai :

« Que fait ta maman ?

— Elle fait la soupe.

— Et ton papa ?

— Il la mange.

Celles qui font la soupe ont en ce moment une admirable vertu. » Assurément. Toutes ces cruelles misères d’ailleurs, dont les écrivains en question ne semblaient point s’être douté, elles ont été supportées bravement, courageusement, gaîment même, non pas quelques semaines, mais des mois et de longs mois.


II


Voilà donc ce que nous écrivions au lendemain du siège de Paris dont, sans faire précisément l’histoire, nous racontions quelques épisodes glorieux en les faisant suivre de considérations ou restrictions. Celles-ci étaient relatives au caractère trop humain des vertus mêmes que nous avions eu plaisir à louer ; après M. Vitet, nous regrettions que l’immense majorité, dans cette grande et noble ville, au milieu de circonstances si graves, continuât de témoigner de sa profonde insouciance au point de vue religieux, et, dans ce péril suprême, au lieu d’invoquer l’intervention de Celui qui peut tout, parût s’étonner, s’indigner qu’on essayât de la rappeler à son devoir en l’invitant à lever ses mains vers le ciel. Nous déplorions la tolérance coupable du gouvernement comme de la population en face de scandales d’impiété qui auraient dû soulever l’indignation générale ; nous étions comme forcé d’attribuer le malheur de la défaite à cette demi-complicité comme à l’orgueil insensé qui avait fait qu’en s’exaltant dans la confiance exagérée de sa force, on n’avait jamais paru compter (au moins le grand nombre) que sur soi-même et sur son courage aidé de bonnes armes, chassepots et canons. Dans cette capitulation nouvelle et dernière, hélas ! qui avait été pour nous comme pour tout bon Français une humiliation profonde et une si poignante douleur, il nous était difficile de ne pas voir un châtiment, châtiment pour la France comme pour Paris.

Mais combien nous étions loin de prévoir que, pour celle-ci, pour la cité reine, ce n’était qu’un avant-goût, et comme un léger essai, une sorte d’avertissement des justices d’en haut, avertissement qui, dédaigné bien loin d’être compris, (témoin les élections attestant, bientôt après, une aberration si prodigieuse et de si furieux instincts de désordre, ) allait attirer sur nous, par l’insurrection du 18 mars, un tel déluge de calamités ! On sait le reste et la folie furieuse de cette tyrannie jacobine, socialiste, athée qui, pendant deux mois, a tenu la France eu échec et Paris dans un si rude esclavage en pillant les caisses publiques, emprisonnant les prêtres et les notables, profanant et dévastant les églises, forçant, sous peine de mort, les citoyens à combattre pour une cause à leurs yeux exécrable et maudite. Puis, quand enfin cette abominable cause semble définitivement perdue, ces scélérats, les pires de tous, se vengent par des crimes sans nom, par l’assassinat de sang-froid d’un archevêque, de prêtres vénérables, de courageux magistrats, de pauvres soldats désarmés ! Ils se vengent, les infâmes, avec le concours des galériens et autres, par l’incendie allumé sur tous les points de la capitale et par des moyens, comme avec un ensemble qui annonce une satanique préméditation. Les paroles manquent pour qualifier de tels forfaits qui rendront infâmes à jamais ces noms de Commune, Communeux, Internationale, et, il faut bien le dire, font maudire par la France, par l’Europe entière, ceux qui servent d’instruments toujours dociles aux sectaires et révolutionnaires, j’entends les Parisiens ! Mais nous Parisien, et vraiment natif de la grande cité, chose assez rare parmi ceux qui l’habitent, nous croyons qu’à cela, il y a manque de réflexion comme de justice et nous sommes heureux de voir que nous ne sommes pas seul de notre avis et que d’autres aussi protestent. Nous ne pouvons qu’applaudir du cœur et des mains au langage de M. Victor Cochinat, quand il dit dans la Petite Presse (juin 1871) :

« Parmi les soixante mille insurgés qui ont été tués ou faits prisonniers il n’y a pas six mille Parisiens réels. La plus grande partie de ces routiers sont venus de l’étranger ou sont nés, hélas ! dans nos départements.

Ce fait nous a été affirmé à Versailles, par un militaire de grande compétence, sous les yeux duquel passent presque tous les fédérés qu’on dirige vers nos ports.

Oui, tous ces révoltés de l’ordre social sont en majorité de nationalité étrangère, et — chose ennuyeuse à dire — c’est parmi les irréguliers nés dans les départements que le Comité central a recruté la partie la plus énergique de sa triste armée.



Ce renseignement nous a soulagé, car enfin il était pénible de penser que la ville aux mœurs si douces, cette patrie de l’élégance et de la politesse fût le nid de tant de voleurs et de pétroleurs !

Aussi, comme à l’avenir le gouvernement devra veiller sur tous ces aventuriers, ces bohèmes et ces vagabonds qui viennent à Paris de tous les coins de l’horizon !

Ce sont eux qui forment les légions des guerres civiles, et qui se montrent les exécuteurs les plus dociles et en même temps les plus farouches des ordres de leurs exécrables chefs !

Ils se soucient bien de Paris, de sa beauté, de ses richesses et de ces monuments qui font sa grandeur ! Ils sont étrangers ! Pour gagner le salaire avilissant que les chefs de l’Internationale leur envoient sous forme d’assistance, ils seront toujours prêts à porter le fer et le feu dans la cité où ils se sont abattus.



Singulière injustice !

Nous entendons toujours les étrangers et les provinciaux murmurer et crier contre les Parisiens. Ce sont les Parisiens qui font tout le mal ; ce sont eux qui troublent le repos public en France et en Europe !

Maudits Parisiens ! Sans eux tout serait tranquille, et les campagnards vendraient leurs denrées à des prix fabuleux… Or, quels sont ceux qui font les révolutions à Paris ? quels sont les émeutiers de profession ? Ce sont les étrangers, ou bien des gens nés hors Paris.

Il faut être juste aussi et ne pas toujours mettre sur le compte des Parisiens les mauvaises actions des aventuriers du monde !

M. Thiers a fort bien expliqué la cause de cette injustice dans le discours qu’il fit à Bordeaux à propos de l’installation de l’Assemblée à Versailles.

— Paris ne fait pas les révolutions, a dit l’habile orateur, il est le lieu où on vient les faire.


Après ces réflexions et observations qu’il nous a paru préférable de ne point renvoyer aux Varia, venons à l’historique des rues vieilles et nouvelles.
A


Abattoir (rue de l’) : Elle porte ce nom parce qu’elle se dirige vers l’abattoir Montmartre.

Abbaye (rue de) : Ce nom vient de l’ancienne abbaye de St-Germain des Prés dont l’église actuelle n’était qu’une dépendance.

Acacias (rue des) : À Neuilly se trouvent non-seulement une rue mais un passage et une impasse qui portent ce nom. Aussi, nulle part ailleurs aux environs de Paris, ces beaux arbres, importés d’Afrique, ne se voient en plus grand nombre. À l’époque de la floraison, tout chargés et constellés de ces longues grappes blanches qui répandent dans l’air un parfum délicieux ; ils offrent à l’œil un ravissant spectacle. Aux premiers rayons du soleil et par une belle matinée, se promener dans les allées des Sablons est un plaisir que, je ne dis pas le citadin, mais l’habitant des villas d’alentour n’apprécie pas autant qu’il le devrait.

Il y a une rue des Acacias à Montmartre et un passage de ce nom à Vaugirard.

Adam, (rue) : Adam Billaut, dit maître Adam, le poète menuisier de Nevers, mort en 1662. « Maître Adam, dit Feller, était contemporain de Malherbe ; mais loin de vivre comme lui dans le monde lettré ou au milieu de la cour, un travail pénible et grossier prenait tous ses instants. Néanmoins dans ses beaux morceaux, dans ceux où il est poète par le cœur. Maître Adam est peut-être plus correct que Malherbe et l’inspiration lui révèle tout à coup des secrets d’harmonie qu’une étude laborieuse apprenait lentement au rival de Ronsard. »

La première édition des poésies d’Adam Billaut parut en 1644 : En tête du volume se lisait un sonnet à la louange du poète menuisier et signé de ce grand nom : Pierre Corneille. Citons seulement les deux tercets :


Nous savons, dirent-ils[2], le pouvoir d’un métier ;
Il sera fameux poète et fameux menuisier,
Afin qu’un peu de bien suive beaucoup d’estime.

À ce nouveau parti l’âme les prit au mot,
Et, s’assurant bien plus au rabot qu’à la rime.
Elle entra dans le corps de maître Adam Billaut


Affre (rue) : Un monument, dans l’église Notre-Dame, a été élevé à la mémoire de ce prélat dont l’histoire comme la poésie se sont plu à glorifier l’héroïque dévouement, lors des journées de juin 1848. Est-il besoin de rappeler que, victime ou plutôt martyr de son zèle, il tomba mortellement atteint d’une balle en franchissant une barricade, alors que, pour mettre fin à la guerre civile, il portait des paroles de paix aux insurgés du faubourg St-Antoine ? Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis ! Cette sainte parole du divin Maître s’applique admirablement au disciple, Denis Auguste Affre.

Aguesseau (rue d’) : François d’Aguesseau, chancelier de France, né à Limoges en 1668, mort en 1751. Cet illustre magistrat se distinguait par la fermeté du caractère, la gravité des mœurs, la haute intelligence unie à une science profonde. Sa vertu toutefois n’était pas exempte de quelque alliage, et d’après son dernier historien, M. Marc Monnier, ce chrétien des anciens jours ne savait pas assez se défendre des préjugés de son Ordre et de certaines tendances gallicanes, jansénistes (etc).

Aiguillerie (rue de l’) : Ce nom lui vient des marchands d’aiguilles qui y demeuraient. Lebœuf et Robert ont cru reconnaître dans cette rue celle que Guillot appelle : Rue à petits souliers de Bazenne.

Alembert (rue d’) : … « M. d’Alembert, écrivait Ducis, qui a vécu si agité et si tourmenté, repose maintenant peut-être à côté de quelque porteur d’eau qui a supporté sa condition avec patience et par caractère était cent fois plus philosophe que lui. »

On connaît les vers de Gilbert :

Et ce froid d’Alembert, chancelier du Parnasse,
Qui se croît un grand homme et fit une préface.

Alain Chartier (rue) : Le poète Alain Chartier, né en 1386, mourut en 1458 ; il ne faut pas le confondre avec Jean Chartier auteur d’une Histoire de Charles VII, écrite un peu trop sans doute sur le ton du panégyrique, mais qui d’ailleurs offre des détails intéressants. Le défaut de critique est compensé, dans une certaine mesure, par le charme de la narration, les agréments du style et des portraits bien touchés.

Aligre (rue d’) : Étienne d’Alifre (1560-1635) fut chancelier de France aussi bien que son fils né en 1592 et mort en 1677. Le dernier descendant de cette famille, le marquis d’Aligre, né en 1770, mort en 1847, en laissant une immense fortune, dut aux millions qu’il avait su acquérir, dans ce siècle positif, une sorte de célébrité. Mais qui maintenant songe à ce défunt Crésus, non pas même peut-être ceux qui jouissent de ses trésors ?

Ambroise Paré (rue) : Né en 1517, mort en 1590, ce célèbre praticien, dont le zèle égalait la science, et qui fut cher au roi Henri II comme à ses trois fils, doit être regardé comme le Père de la chirurgie on France. Il a laissé de nombreux écrits qui prouvent que chez lui la théorie savante se déduisait de l’expérimentation et de la pratique.

Amélie (rue) : Cette rue n’est point très ancienne. Elle s’appelait autrefois Rue Projetée, nom qu’en 1824, par suite d’une décision du ministre de l’intérieur, elle échangea contre celui qu’elle porte actuellement en souvenir de Mlle  Amélie, fille de M. Pihan de la Forest, l’un des principaux propriétaires riverains. Cette jeune personne, morte à l’âge de 15 ans, avait été, dans sa courte existence, un modèle accompli des plus touchantes vertus.

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses !

Mais n’était-ce pas plutôt un lys, et le plus beau de tous, que cette céleste enfant, cette sœur des anges, à qui sa robe d’innocence servit de linceul et qui laissait après elle un tel parfum de piété et de sainteté ?


Amelot (rue) : Amelot, ministre du roi Louis XVI, est mort dans la prison du Luxembourg en 1794. Est-ce lui qui a donné son nom à la rue et non pas plutôt cet Amelot dont La Bruyère nous a laissé le portrait et qui demeurait rue Vieille du Temple : « Un bourgeois (Amelot) aime les bâtiments ; il se fait bâtir un hôtel si beau, si riche et si orné qu’il est inhabitable : le maître honteux de s’y loger, ne pouvant peut-être se résoudre à le louer à un prince ou à un homme d’affaires, se retire au galetas où il achève sa vie pendant que l’enfilade et les planchers de rapport sont en proie aux Anglais et aux Allemands qui voyagent et qui viennent là du Palais- Royal, du palais Lesdiguières et du Luxembourg. On heurte sans fin à cette belle porte : tous demandent à voir la maison et personne à voir Monsieur.» Anglais (rue des) : Et parmi la rue aux Anglais Vins à grand feste et à grand glais (bruit) ’. &gt ; Ce nom lui vient, selon toute apparence, du long séjour que les Anglais firent en France, au temps de Charles VI etde Charles VII (1415 àl4o0). Delà, suivant les vieux auteurs, le proverbe : « 7/ y a des Anglais dans cette rue, pour dire : je dois de l’argent à quelqu’un de ceux qui y demeurent, je n’y veux pas passer. » « Car enfin, ajoute Sauvai, l’église de Notre-Dame, ni la Bastille et quelques autres édifices semblables ne sont point d’eux ; ils n’ont rien fait ici ni par toute la France, &gt ; Le dit. des Rues de Paris,

A. J33 qu’entasser ruines sur ruines. J’en excepte le duc de Bedfort, car celui-là prenait plaisir à agrandir ses palais et à les rendre plus logeables ; pour les autres, ils n’ont eu autre soin que de s’enrichir de la dépouille des Parisiens. )) L’opinion de Sauvai, quant à l’origine de cette rue, adontée par le plus grand nombre des auteurs et qui a pour elle la vraisemblance, est néanmoins contredite par le savant Jaillot : « Cette opinion, dit-il, ne me parait pas admissible, la rue des Anglais étant ainsi nommée plus de deux siècles avant le règne de Charles YI. N’est-il pas plus vraisemblable d’en attribuer l’origine aux Anglais que la célébrité de notre Université engagea de venir s’instruire à Paris, et dont le nombre était si grand dès les commencements qu’ils formèrent une des quatre Nations qui composaient ce corps, à laquelle on a depuis donné le nom de Nation d’Allemagne, au lieu de celui d’Angleterre qu’elle portait auparavant et qu’elle n’a gardé que jusque en 1436, époque à laquelle on ne la retrouve plus sur les registres de l’Université ’. » Quoiqu’en dise Jaillot, la première opinion me parait préférable. Anglade (rue de 1’) : Nom d’un propriétaire de l’un des terrains sur lequel s’ouvrit la rue. Sainte-Anne (rue). (Quartier du Palais-Royal) : Ce nom lui fut donné en l’honneur d’Anne d’Autriche, femme de Louis XIIT « qui, dit un contemporain ^ n’aima point la

  • Jaillot. — Recherches sur Paris, 1772. ’ Madame de Motteville. TOME ni. 8


reine autant qu’elle le méritait ; car il courut toute sa vie après des bètes ou se laissa gouverner par des favoris. )) Quel séduisant portrait cependant l’historien, qui peint d’après nature, nous fait de la princesse ! «Grande et bien faite, elle a une mine douce qui ne manque jamais d’inspirer l’amour et le respect… Ses yeux sont parfaitement beaux, le doux et le grave s’y mêlent agréablement…. Sa bouche est petite et vermeille, et la nature lui a été libérale de toutes les grâces dont elle avait besoin. Par un de ses sourires elle peut acquérir mille cœurs. Ses cheveux sont beaux et leur couleur châtain- clair ; elle en a beaucoup. Ses mains qui ont reçu des louanges de toute l’Europe, qui sont faites pour le plaisir des yeux, pour porter un sceptre et pour être admirées, joignent l’adresse avec une extrême blancheur… Elle n’est pas esclave de la mode, mais elle s’ha bille bien. « La nature lui a donné de belles inclinations ; ses sentiments sont tous nobles : elle a l’âme pleine de douceur et de fermeté. Dans sa plus grande jeunesse, elle a donné des marques de dévotion et de charité… Les vertus avec les années se sont fortifiées en elle, et nous la voyons sans relâche prier et donner… La vertu de la reine est solide et sans façon ; elle est modeste sans être choquée de l’innocente gaîté et son exemplaire pureté pourrait servir d’exemple à toutes les femmes. Elle croit facilement le bien et n’écoute pas volontiers le mal. . . Elle est douce, afifable, familière avec tous ceux qui l’approchent et ont l’honneur de la servir. Elle a beaucoup d’esprit et ce qu’elle ena est tout à faitnatujel… Il semble

A. 35 (|ut ; la reine était née pour reinire par sou amitié le feu roi le plus heureux mari du monde ; et certainement // l’aurait été s’il avait vouhi l’être. » Tant il est vrai, comme dit le Saint Livre quon est toujours puni par oh l’on pèche. Antin (chaussée d’) : Cette rue est relativement récente ; car, au commencement du IT’^ siècle, ce n’était qu’un chemin tortueux qui, de la porte Gaillon, se dirii^eait vers les Porclierons (l)arrière des Martyrs). On l’appelait indifteremment chemin de l’Egovt Gaillon, des Porcherons, de la Chaussée d’ Antin. Le pré des Porcherons était pour les roués de la Régence ce que le Préaux Clercs avait été naguère pour ceux du moyen- âge. Par un arrêt du Conseil du ÎU juillet J720, le chemin fut rectifié et élargi ; des maisons s’élevèrent régulièrement de chaque côté, la nouvelle voie prit le nom de rue de V Hôtel Dieu, parce qu’elle conduisait à une ferme de cet hôpital : puis ce nom fut cJiangé en celui de Chaussée d’ Antin parce que la rue commençait au rempart en face duquel avait été bâti l’hôtel d’Antin. En 1791, nouveau changement. Mirabeau, le grand orateur de la Révolution, étant mort dans cette rue, à l’hôtel qui porte aujourd’hui le n° 42, l’Assemblée Nationale, sur la proposition de Bailly, décida que la rue s’appellerait désormais rue de Mirabeau. Au-dessus de la porte de l’hôtel où le célèbre tribun avait rendu le dernier soupir, on plaça une plaque de marbre noir sur laquelle se lisaient ces vers en lettres dorées : L’âme de Mirabeau s’exhala dans ces lieux. Hommes libres, pleurez, tyrans, baissez les yeux.

1 La mémoire de Mirabeau devenue impopulaire, Tinscription fut enlevée et la rue se nomma du Mont-Blanc, en souvenir de la réunion de ce département à la France. En 1816, elle reprit son appellation monarchique de Chaussée d’Antin qui, cette fois, paraît devoir lui rester. À propos des constructions nouvelles et luxueuses qui s’élevaient dans la Chaussée d’Antin au commencement du XYIP siècle, je trouve dans un auteur contemporain (1725) une page des plus curieuses et qu’on me saura gré de transcrire : « Tout ce quartier, dit Germain Brice *, » ainsi que bien d’autres de la ville autrefois négligés et » absolument inhabités, se remplissent de nos jours » d’une quantité extrême de maisons pour lesquelles on » fait des dépenses prodigieuses par le secours des nou)) velles fortunes ; si ces entreprises continuent de la » sorte, la ville de Paris, sans bornes, comme elle a été » jusqu’à présent, s’étendra à l’infini et pourra, dans la )) suite des temps, tomber dans le triste inconvénient de » ces fameuses et superbes villes dont l’histoire fait )) mention, qui se sont détruites par le luxe immodéré, )) et par leur grandeur même, telles que Thèbes, Mem)) pliis, Palmyre, Babylone, Héliopolis, Persépolis, Leptis » et Rome même, qui n’est plus à présent qu’un sque» lette décharné de ce qu’elle était dans sa splendeur, » sans parler de beaucoup d’autres villes fameuses dont » l’histoire fait mention. Si l’on consulte la bonne poli» tique, on ne doit pas souffrir qu’il se trouve une ville )) dans un état qui surpasse autant les autres par sa )) grandeur, et par conséquent par sa puissance et par » le nombre de ses habitants. » ’ Description de la Ville de Paris — 4 vol. iQ-l2 — 1725.

A. 137 Ne dirait-un pas ce paragraphe écrit d’hier ? L’auteur cepeiuîant tenait la plume il y a quehjue cent (juarante ans. Que dirait-il aujourd’hui ? Sainf-Anfoine (rue) ; Formait autrefois plusieurs voies portant des noms diiiërents : rue de la Porte Baudoyer, de YAûjle, et du Pont Pern’n. Sou nom uniijue lui vient d’une abbaye à laquelle le chemin conduisait. Dans cette rue, près de la première porte ou bastille Saint-Antoine, fut massacré Etienne Marcel, le trop fameux prévôt des marchands, qui voulait livrer Paris au roi de Navarre, Charles-le-Mauvais (1358). Dans cette rue encore eut lieu le dernier tournoi où Henri II tomba frappé à mort par le tronçon de lance du comte de Montgommery, meurtrier involontaire d’ailleurs (1559). À l’extrémité de cette voie enfin, sur la place qui porte ce nom, s’élevait la forteresse dite de la Bastille, bâtie par Hugues Aubriot, prévôt de Paris, sous le règne de Charles Y (1369), et qui, défendue seulement par quelques soldats invalides, fut prise par le peuple, le 1 i juillet 1789, puis démolie. À l’entrée de la rue, on voyait autrefois aussi une Porte triomphale, construite par l’architecte Blomlcl, qui donna les dessins des portes Saint-Denis et SaintMartin. Elle fut démolie en 1777 parce qu’elle gênait la cii’culation. Arbalète (rue de) : Ce nom vient d’une enseigne. Arago{Tuë) : François Arago, notre contemporain, célèbreastronome, né en 1786, mort à Paris en 1853, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, directeur de l’Observatoire. Doué d’une rare facilité d’élocution, d’une TOME m. 8* parole singulièrement lucide, il avait au plus haut degré le talent, en vulgarisateur émérite, de mettre la science à la portée des ignorants. Il a laissé de nombreux ouvrages et en particulier trois volumes de Notices écrites avec élégance et avec l’accent de la sincérité. Celle de Gay-Lussac en particulier nous a frappé.

Arbre-Sec (rue de 1’) : À pris son nom d’une enseigne. Suivant quelques auteurs, c’est à l’extrémité de cette rue, à l’endroit où elle fait angle avec la rue saint Honoré et là même où s’élève la Fontaine, qu’eut lieu l’exécution de la reine Bruneliilde ou Brunehaut, traînée à la queue d’une cavale indomptée par l’ordre de Clotaire II. «Lors commanda le roi qu’elle fût liée, par les hras et par les cheveux, à la queue d’un jeune cheval qui oncques (jamais) n’eût étiî dompté, et traînée par tout l’ost (armée). Ainsi comme le roi commanda fut fait ; au premier coup que celui qui était sur le cheval férit des éperons, il le lança si raidement qu’il fit la cervelle voler des deux pieds de derrière. Le corps fut traîné parmi les buissons, par épines, par monts et vallées, tant qu’elle (Brunehaut) fut toute dérompue des membres *. »

Jeanne d’ Arc {yuQeX\)\^iie) : Dans les notes du chant XP de la traduction de VEnéide par Barthélémy, je trouve sur notre Héroïne une page remarquable et qui emprunte un intérêt particulier au nom de l’auteur. Il est admirable de voir le satirique passionné de la Villéliade, de la Némésis, des Journées de la Révolution, etc., tenir ce langage que nous avons plaisir à reproduire : « La seule grande figure de femme qui surpasserait et

’ Chroniques de Saint-Denis, T. l". 139 CloriiKh ; et Camille et toutes les j^aierrièrcs et amazones (hîs temps falmleux ou modernes, la seule digne encore (tujourdliui de nuinter sur le /)icklesfal (.’jn’que, et de donner à notre litt»’’rature une illustration (|ui lui manque, c’est notre Jeanne d’Orléans si guerrière, si sainte, si inspirée, si chevaleresque, si digne du respect de toutes les générations et si lâchement assassinée par les Anglais, par Chapelain et par Voltaire. » Ces lignes sont de celles qui honorent la mémoire de llarthélemy mort récemment et presque oublié après avoir fait tant de bruit naguère. Argenson (rue d’) : Trois personnages de ce nom furent ministres, sous la régence et sous Louis XV. Argenteuil (rue d’) : S’appela ainsi parce qu’elle fut bâtie sur l’ancien chemin ([ui conduisait au village d’Argenteuil. Le 1" septembre 1G84, au n" 18, mourut l’auteur de Poli/eucte, de Cinna, des Horaces, etc., le grand Corneille, réduit à une telle détresse que Boileau devait solliciter pour lui un secours du roi. Peu de temps avant qu’il s’alitât, d’après ce qu’on raconte, le poète auquel on devait plus tard élever des statues, descendait péniblement sa rue et s’arrêtait devant l’échoppe d’un savetier pour faire raccommoder sa chaussure, sans doute faute d’une seconde paire qui lui permit de changer. Pourtant M. Th. Gautier a eu tort, dans sa ]\\îii : ^, y Anniversaire de Corneille, où se trouvent d’excellents vers, de dire en terminant : Louis, ce \il détail, que le bon goût dédaigne. Ce soulier recousu me gâte tout ton règne. Car le roi, dès qu’il fut instruit par Boileau de la posi

140 LES RUES DE l’ARIS.

tion de Corneille, lui envoya deux cents louis d’or qui furent portés au malade par BesseL de la Chapelle, inspecteur des Beaux-Arts. Beaux ’Arts (École des) : Cette École a été élevée sur l’emplacement qu’occupait l’ancien couvent des PetitsAugustins, devenu après la Révolution le Musée des P(3tits-Augustins. Ce Musée supprimé a fait place à l’École par suite d’un décret du 24 avril 181G. En outre des constructions nouvelles élevées du côté du quai, comme dans les cours intérieures, le Palais s’est enrichi de précieux déhris provenant de l’ancien château de Gaillon. Dans le grand Amphithéâtre, dit Hémicycle y se voient les remarquables peintures qui sont le plus beau titre de gloire de Paul Delaroche. Saint-André-des-Arts (rue) : « La rue St-Andrc-desArtSy qui commence au pont Saint-Michel et finit à la porte de Bussy, dit Sauvai, est une des plus anciennes de l’Université et bien que les vieilles chartes lui donnent quantité de noms, rarement pourtant y lit- on celui qu’elle devrait porter et qu’elle portait originairement. Tantôt c’est la rue St-Germain des Prés^ parce qu’elle conduit au faubourg St-Germain et à l’abbaye de ce nom ; tantôt c’est la grande rue St-André à cause qu’elle passe devant l’église St-André (aujourd’hui démolie), tantôt c’est la rue St- André-des- Arts comme étant placée tout à l’entrée de l’Université ’, où s’enseignent les arts et les sciences. Il y a même des gens qui l’appellent Saint-Andrc-des-Arcs parce qu’ils pré &gt ; On appelait l’Université cette partie méridionale de la ville où se trouvaient alors à peu près exclusivement les collèges et les écoles.

A. l’il tendent ({u’elle était habitée i»ai’ les faiseurs d’ares avant qu’on eût trouvé la poudre à canon, et «{u’à la guerre, au lieu de mousquets, on se servait d’arcs, de flèches et d’arbalètes ; et ce qui les rend doublement opiniâtres là dessus est le nom de quelques rues voisines qui aide à les tromper comme celui de la Bouderie où ils s’imagiuent qu’on faisait les boucliers, et tout de même l’autre de la rue des Sachettes, mot corrompu, à ce qu’ils disent, des S âge t tes, à raison que là s’achetaient les flèches. « Le véritable nom cependant de la rue Saint- Andrédeb-ArtSj est la rue St-André-de-Haas, nom que même on a donné longtemps à la rue de la Huchette qui continuait la rue St-André jusqu’au Petit Chàtelet : et c’était celui tant du territoire où sont situées ces deux rues que des vignes mêmes qui le couvrirent jusqu’en 11 70 ; car ce fut en ce temps là que Hughues, abbé de SaintGermain des Prés, donna ce vignoble à bâtir. » Mais dom Félibien et dom Lobineau, les savants bénédictins, contredisent formellement Sauvai et non sans quelque vivacité. « Des gens qui croient deviner plus juste que les autres prétendent que c’est du nom de Laas que s’est formé le surnom de Saint-André-desArcs, qu’il faudrait plutôt appeler selon eux, Saintbidré-de-Laas ou de Leus. Mais ils se trompent dans leur conjecture. Saint Louis^ dans une charte de l’an 1261, l’appelle parocliia soncti Andreœ de Arsiciis (paroisse de Saint-Audré-des-Arsis). Ainsi, le vrai nom de cette rue doit être des Ars par abrégé des Arsis^ » . Mais ’ Histoire de Paris, T. ^^

1 sur le sens de ce dernier mot on n’est pas d’accord et Jaillot à son tour combat cette affirmation, d’où forcément il faut conclure que, si l’origine de cette dénomination quant à la première partie {Saint- André) n’est point douteuse, on ne peut avoir aucune certitude sur l’origine du mot : Arts on Arcs. Naguère, à l’extrémité de cette rue, on voyait encore a quelques maisons sur pied, reste des siècles passés, dit Germain B rice, entre lesquelles on en distingue une, où sur la porte, on remarque un éléphant en sculpture chargé de sa tour. » C’est là que demeurait le médecin de Louis XI, le fameux Goyetier « lequel, dit Gommines, lui était si très rude qu’on ne dirait pas à un valet les outrageantes et dures paroles qu’il lui disait et si (orj le craignait tant le dit seigneur qu’il ne l’eût osé envoyer hors d’avec lui parce (j[ue le dit médecin lui disait audacieusement ces mots : (( — Je sais ]jien qu’un matin vous m’envoyerez )) comme vous avez fait d’autres, mais (par un grand » serment qu’il lui jurait) vous ne vivrez pas huit jours après » . Ge mot épouvantait si fort le roi qu’il ne cessait de le flatter et de lui donner, ce qui lui était un grand purgatoire en ce monde. » Goyetier, riehe des présents de Louis XI, s’était fait bâtir l’hôtel en question. Il avait pris pour devise ou pour symbole « selon l’usage grossier de ce temps-là, » un abricotier dans un écusson penché qu’il avait fait sculpter au-dessus de la porte d’entrée a parce que, dit Germain Brice, le mot était composé de son nom (Goyetier) et d’abri^ pour faire entendre que Goyetier était à l’abri et en sûreté dans ce lieu de retraite

A. 14.3 éloigné tic la cour. &gt ; ) Il y vécut et mourut en ellL-t Ir.inquillemont. Ai’ras (rue d’) : Ce nom vient du collège qui très anciennement se voyait dans la rue. Arsenal (rue de 1’) : Les bâtiments qu’occupe aujourd’hui la bibliothèque sont ceux de l’aucien arsenal. Aubnj-le-JiuucIicr (rue) : On l’appelait ainsi dès le \\\V siècle. Ce nom lui vient parait-il, d’un boucher nommé Aubry qui y demeurait ; car, outre qu’elle était voisine de la Grande-Boucherie, on la désigne ainsi dans les plus anciens titres. À une certaine époque, le peuple, par corruption ou pour abréger, prononçait : Briboucher. Aubifjné {vwQ. d’) : Agrippa d’Aubigné, né en looO, mort en 1630, a laissé des Mémoires sur les guerres de religion auxquelles il prit une part active. 11 était graud’père de M™’’ de Maintenon. Audran {mo) : Gérard Audran, né à Lyon en 10 40, mort à Paris en 1703, a laissé un grand nombre de gravures qui sont des chefs-d’œuvre ; . Maniant avec une rare habileté la pointe et le burin, ayant au plus haut degré l’intelligence du dessin, il savait au besoin faire disparaître les incorrections et les négligences des originaux qu’il reproduisait d’ailleurs avec une rare fidélité. On cite entre ses planches les plus remarquables VEnée, la Sainte- Agnès, d’après le Dominiquin, la Femme adultère, — le Temps — Pyrrhus, d’après Poussin ; les Batailles d’Alexandre, d’après Lebrun, etc. Audran sut mélanger parfois heureusement Teau forte et le burin. Milézia va jusqu’à dire de cet éminent artiste : « Il n’a point eu d’imitateurs et ne pouvait en avoir ;

144 LES RUES DE TARIS. pour graver comme Audran, il faudrait être ce maître lui-même. » Augustins (rue des vieux) : Elle s’appela ainsi parce (pie ce fut en cet endroit que les religieux Augustins eurent leur premier établissement. Austerlitz (quai et pont d’) : On leur donna ce nom en mémoire de la bataille gagnée, le 2 décembre 1805, par les Français sur les Austro- Russes. Ave Maria (rue de) : Ce nom fut donné par le roi Louis XI à un couvent de religieuses de la Tierce-Ordre pénitente et observante de St- François. Ce couvent sert aujourd’hui de caserne. Parmi les écrits que nous aurons l’occasion de citer dans notre travail sur les vieilles rues, il s’en trouve de singuliers, et les plus anciens de tous peut-être : ce sont des poèmes descriptifs, si l’on peut appeler du nom de poèmes ces litanies peu harmonieuses de vers sur des sujets qu’on ne s’aviserait guère aujourd’hui de mettre en rimes, comme le dit le judicieux abbé Lebœuf. Mais les trouvères du XIP et du XIIP siècle, dont la langue rimée était la langue habituelle, trouvaient plaisir à certaines difticultés. Il faut convenir cependant qu’ils ne réussissaient pas toujours à les surmonter, (ît la sèche nomenclature des Moustiers de Paris, de Rutebœuf, par exemple, n’a pas la grâce de quelques-uns de ses autres poèmes. Plus curieux, pour le fond comme pour la forme, me parait le poème de Guillaume de la Villeneuve, les Crieries de Paris, que j’aurai plus d’une fois^ l’occasion de citer et qui commence ainsi :

A. fif» Or vous dirai en quelle guise Et en quelle manière vont Cil (ceux) qui denrées à vendre ont Et qui pensent de leur preu (profit) faire, Qui jà ne finiront de braire (crier). Parmi Paris jusqu’à la nuit Ne cuidiez-vous (pensez-vous) qu’il leur (anuit) ennuie Que jà ne seront à séjour : Oiez qu’on crie au point du jour :

Oisons, pigeons et chair salée, Chair fraîche moult (beaucoup) bien conraée (parée), Et de l’allie (sauce à l’ail) à grand planté (abondance), Et puis après, pois chauds piles. Et fèves chaudes par delez (auprès). Aulx et oignons à longue haleine. Puis après, cresson de fontaine, Cerfeuil, pourpier tout de venue (tout de même). Puis après, porète (poirée) menue. J’ai bon fromage de Champagne, Or y a fromage de Brie. Li (les) autres dit autres nouvelles : Qui vend vieux pots et vieilles pelles ! etc.

Il se trouve aussi parfois des vers bien frappés dans Le Dit des Rues de Paris, de Guillot, publié pour la première fois par l’abbé Lebœuf (T. II de son livre), et dont voici le début : Maint dit a fait de Rois, de Comte, Guillot de Paris en son conte ; Les rues de Paris brièmeut À mis en rime, oyez comment. TOME III. 9


La pièce se termine par ces vers témoignant des bons sentiments de l’auteur encore que tels autres passages soient moins édifiants : Le doux Seigneur du firmament Et sa très douce chère Mère Nous défende de mort amère. Quoique assez heureux, ces vers pourtant ne valent pas, pour l’originalité de l’idée et même pour la forme, le début d’un autre poème du même genre, par un anonyme, et publié sous ce titre : Les Rues de Paris en vers, dans le savant ouvrage de M. Giraud : Paris sous le règne de Philippe -le -Bel. Aucunes gens m’ont demandé Pourquoi me suis si empiré. Ne me vient pas de maladie, Il me vient de mélancolie. L’autre jour à Paris aie (allai), Oncques mais (jamais) n’y avais été. Âvecque moi menai ma femme. Emprès (prè ?) rue Neuve-Notre-Dame, La perdis en un carrefour ; On n’y voit non plus qu’en un four : D’un côté alla et moi d’autre ; Oncques puis ne vîmes l’un l’aulre. Or ai-je bien fait mon devoir. Vous saurez bien si je dis voir (vrai), Quand vous saurez où je l’ai quise (cherchée), En quel quelle) manière et en quel (quelle) guise. En effet, il n’est aucune rue ni ruellctte de la ville que l’époux dolent ne visite et ne nomme ; mais à la

B. 147 parfin, la chose faite eu couscicncc et la dame ne se retrouvant point, non plus que la Greiise d’Euée, notre homme en prend son parti assez vite, ce semhle, et sur un ton qui ne témoigne pas d’un cha.çrin hien profond : Tant l’ai quisc que j’en suis las : Or, la quièrc qui voudra. Jamais mon corps ne la querra. Ce mari-là n’est pas difficile à consoler du veuvage. J’aime à croire qu’il n’en était pas beaucoup alors sur ce patron. Maintenant revenons à l’historique des rues.

B

Babille (rue) : Laurent Jean Babille fut échevin de la ville de Paris en 1762 et 1763. Quels services a-t-il rendus qui lui méritèrent un souvenir spécial, on ne nous le dit pas. Peut-être seulement demeurait-il dans cette rue. Babylone (rue) : Elle doit son nom à Bernard de SainteThérèse, évèque de Babylone, qui possédait plusieurs maisons et jardins sur l’emplacement desquels fut construit le séminaire des Missions Etrangères. Bailleul (rue) : C’était le nom d’un président qui y demeurait. Baillif (rue) : Pour Bailli fre, nom du surintendant de la musique de Henri IV, qui lui donna des terrains bordant cette voie pour y bâtir. Balzac (rue de) : De Jean Louis de Balzac (1586-1 655)


on a «lit qu’il fut l’uii (les écrivains qui ont le plus contribué à former la langue quoique aujourd’hui on ne lise plus guère ou même pas du tout ses ouvrages. Ce n’est pas lui d’ailleurs qui a donné son nom à la rue, mais notre contemporain, Honoré de Balzac, qui y est mort en 1850, à l’âge de 31 ans, au milieu de sa plus grande vogue comme romancier. On ne peut lui refuser, en dépit de sa fécondité, un talent peu ordinaire. La Comédie humaine atteste une puissance singulière de conception et d’observation ; mais cette dernière et précieuse qualité trop souvent se gâte par l’exagération ; comme l’a dit fort bien M. de Pontmartin, Balzac presque toujours vers la fin « se grise avec son sujet », et il ne voit plus ses personnages qu’à travers une lentille qui grossit démesurément leurs traits défectueux surtout. Puis le sens moral trop fréquemment lui fait défaut, et il est peu d’ouvrages de lui qu’on puisse lire sans inconvénient. Rien qui repose, rien qui rassérène dans ces pages si souvent désolantes par l’implacable dissection de l’àme humaine. Cet étrange moraliste (car il avait cette prétention) calomnie la nature humaine même viciée, et à Dieu ne plaise que notre société, encore que malade, soit telle qu’il nous la représente d’habitude. Le monde aristocratique en particulier, qu’il faisait vanité de bien connaître, lui paraît surtout étranger d’après les types qu’il nous en a laissés, et qu’on n’y rencontre, assurément, que par une très-rare exception. D’après ce que nous venons de dire, faut-il s’étonner (jue rCEuvre entier de Balzac ait été condamné par la congrégation de l’Index ?

A. 149 Barbette (rue) : Elle s’appela ainsi parce qu’elle passait devaut un hôtel «le ce nom célèbre dans l’histoire de Charles VI et construit par Etienne Barbette, prévôt des marchands sous Philippe-le-Bel. Le duc d’Orléans, frère du roi (Charles VI), sortant de l’hôtel dit le petit Séjour de la Reine qu’habitait Isabeau de Bavière, fut assassiné à la porte Barbette par Jean-sans-Peur et ses mauvais garçons. Ban’lkne (rue de la) : Vis-à-vis le Palais. Elle porte déjà ce nom dans un concordat passé en 1280 entre Philippe-le-IIardi et les couvents de Saint-Maur et de Saint-Eloi. Mais Ilobertus Cenalis, dans sa Hiérarchie française, Vaji^eWe la rue de la Babillerie, via locutuleia, à cause sans doute du parlement voisin où pour plaider il faut parler « ce qui se fait de vive voix » dit assez naïvement Sauvai. Barouillère (rue) : Elle s’appela tour à tour des Vieilles Tuileries, Saint-Michel, et enfin de la Barouillère. « Je ne sais, dit Jaillot, quand on lui donna ce nom, mais il est certain qu’elle le doit à Nicolas Richard, sieur de la Barouillère, à qui l’abbé de Saint-Germain céda, le 8 octobre 1644, huit arpents à la charge d’y bâtir, et sous la condition que, si l’on perçait des rues sur ce terrain, on leur donnerait le nom d’un saint indiqué, qu’on en ferait mettre la statue au coin de la rue et au dessous les armes de l’abbaye. » Barrés (rue des) : Cette rue doit son nom aux Carmes qu’on désignait sous le nom de Barrés, en raison de leurs manteaux peints de différentes couleurs et formant des barres. Beaubourg (rue) : Au commencement du XP siècle,


de pauvres paysans élevèrent en cet endroit quelques chaumières. L’agrément du site en attira d’autres qui s’y établirent également et le hameau, qui devint un village, s’appela Beau-Bourg. Voilà ce que racontent plusieurs historiens d’après une tradition contestée par Sauvai. Suivant lui, cette rue doit son nom à Jean Beaubourg natif de Beau-Bourg, village ou bourg et paroisse de Brie, duquel descendait le président Beaubourg, conseiller d’état souvent chargé par le roi Louis XIII de missions importantes. Batignolles (rue, place, boulevard des) : Ce nom vient de l’ancien village des Batignolles qui, aussi bien que celui de Monceaux auquel il fut réuni en 1830, ne se composait que de quelques chaumières ou pauvres maisons. « Mais dans le mouvement de translation rapide qu’éprouve la population de Paris du sud-est au nord-ouest, l’humble hameau des Batignolles a acquis une grande importance…. C’est aujourd’hui une ville plus étendue, plus riche, plus peuplée que beaucoup de préfectures. » Ainsi s’exprimait, en 1861, un des rédacteurs du Dictionnaire de la Conversation et de la Lecture. Depuis lors, les Batignolles n’ont fait que s’accroitre et ce quartier est à présent Tun des plus populeux de la capitale dont par suite de l’annexion il fait partie. Battoir {rue du) : Ce nom vient d’une enseigne. Beaujolais (rue) : Ouverte en 1784, elle fut nommée ainsi en l’honneur du comte de Beaujolais, fils du duc d’Orléans. Beaumarchais (boulevard) : Caron de Beaumarchais (1732-1799) doit surtout sa célébrité à sa comédie : Le

R. 151 Mariage de Figaro, im«^ uîuvre qu’on pourrait qualifier (lial)oli(jue au j)oint de vue du talent comme de la morale, et si malheureusement autorisée par la royauté, si follemt-nt applaudie par l’aristocratie dont ell&lt ; î préparait la chute. Dans cette pièce profondément immorale, mais avec tous les raffinements de l’art le plus savant, rien qui soit respecté, et j’admire que des femmes, des jeunes filles même, fût-ce en s’abritant derrière l’éventail pour cacher leur rougeur, osent assister jusqu’au bout à ce spectacle qui n’est qu’un long scandale. Qu’importe le talent quand on en fait cet indigue usage ! Qu’importe la verve, qu’importe l’esprit quand ce rire qui provoque le nôtre n’est que le rire du démon ! Bcaurepaire (rue de) : S’appelait ainsi dès le commencement du XIV^ siècle (13 13). Ce mot, dans le vieux langage, signifie belle demeure, belle retraite, ôeflw repaire. Beautreillis (rue de) : Autrefois rue Girard Becquet. On l’appela rue Beautreillis à cause d’une belle treille (( ou, pour parler à la façon du temps passé, d’un beau treillis qui faisait une des principales beautés du jardin de l’hôtel royal de Saint-Paul…. Je dirai encore que les treilles ont fait longtemps un des principaux ornements des jardins de nos rois et que, pendant plusieurs siècles, les mûriers, les ormes et les chênes n’ont passé que pour des arbres champêtres et sauvages qui ne devaient paraître et faire ombre que dans les forêts. » (Sauvai). Belle-Chasse (rue de) : Elle doit son nom au clos de Belle-Chasse sur lequel fut bâti le couvent des religieuses du Saint-Sépulcre, vulgairement appelées Religieuses de Belle-Chasse. La communauté se composait de vingt religieuses

lo2 LES RUES DE TARIS. seulement qui suivaient la règle de saint Augustin. On les avait nommées d’abord les Filles à Barbier à cause d’un fameux traitant (.financier) qui leur avait donné une partie du vaste espace qu’elles occupaient. Belle fond (rue de) : Elle dut sou nom à M™^ de Bellefond, abbesse de Montmartre. Saint-Benoit (rue) : Se nomma ainsi parce qu’elle s’étendait le long du jardin des religieux de Saint-Germain des Prés qui suivaient la règle de saint Benoit. « Il n’y a pas plus de vingt ans, dit Sauvai, qu’elle s’appelait la rue des E goûts, parce que, jusqu’à ce temps-là, elle a été coupée en deux et empuantie par un égout découvert qui maintenant passe sous le pavé, ce qui est cause qu’on la nomme quelquefois la rue de l’Egout couvert. » Bergère (rue) : Dans la table des rues de Yalleyre, elle est appelée du Berger dont on a fait rue Bergère. Berryer (cité) : Antoine Pierre Berryer, né en 1788, mort en 1860, comptait au premier rang de nos orateurs politiques. Un discours de Berryer à la Chambre s’annonçait comme un événement et les huissiers se trouvaient fort empêchés à l’ouverture des portes par l’empressement des amateurs, curieux et curieuses. Mais les triomphes de Berryer au Palais-Bourbon s’alternaient (chose rare et qui semble l’exception) avec ses succès au barreau. Dans les dramatiques procès de cours d’assises surtout, il avait peu d’égaux parmi ses confrères qu’il a fait pleurer plus d’une fois, et aussi les jurés et les juges, sans compter les bons gendarmes. On comprend dès lors l’infUience toute puissante de cette parole émue, passionnée, ardente, de ce geste pathétique, sur la

B. i : i3 ])artic t’émiiiiiK^ dn l’aïKlitoirtj Mciitut tout cutiur iiuyé dans les larmes. Dans notre volume : Je Politique, se trouve une Étude (]évG\op\)éc sur Bern/er que nous avons eu maintes fois, comme journaliste, l’occasion d’entendre dans nos assemblées politiques. Du reste, il fallait l’entendre plutôt que le lire, car l’originalité de la forme mancjuait un peu à sa phrase trop facilement faite, alors qu’elle n’était plus soutenue par l’accent iiévreux de la voix et la fougue du geste. Berlin Porée (rue) : Elle portait ce nom dès l’année 1240, et le tenait d’un bourgeois qui y demeurait. Bétizy (rue de) : a pris ce nom de Jacques Bétizy, avocat au Parlement. Ce fut dans la deuxième maison à gauche, en entrant par la rue de la Monnaie, que l’amiral de Goligny fut assassiné, dans la nuit de la Saint-Barthélémy, (1572), par les séides du duc de Guise, dit le Balafré. Deux des meurtriers, Le Besme et Pétrucci, après avoir percé de coups l’amiral, jetèrent le cadavre dans la cour où le duc de Guise, pour le reconnaître, essuya avec sou mouchoir le sang qui couvrait le visage, et sur &lt ; ]ue sa victime n’avait pu lui échapper, il dit : (( C’est bien commencé, allons continuer. » Faut-il croire au fait suivant rapporté par Pierre Mathieu ? (( Il affirme avoir entendu raconter plusieurs fois à Henri IV que, le soir du 26 août, peu d’heures avant le massacre, jouant aux dés avec le duc de Guise, il parut des gouttes de sang sur la table, et que les ayant fait essuyer, elles reparurent encore, ce qui le frappa au point qu’il quitta le jeu. » TOME m. 9*


Il existait très anciennement une rue de ce nom, témoin ce distique du Dit des Rues de Paris : En la rue de Béthisi Entré, ne fus pas éthisi (malade d’éthisie). Bibliothèque Nationale. Ce fut en 1721 seulement que les bâtiments de la rue Richelieu furent affectés au service de la Bibliothèque Royale. Les livres se trouvaient en dernier lieu placés dans deux maisons ayant appartenu à Colbert et voisines de son hôtel, rue Yivienne. Mais leur nombre allant toujours en s’augmentant, sur la proposition de l’abbé Bignon, conservateur, le duc d’Orléans donna l’ordre de transporter toutes ces richesses dans le local qu’elles occupent aujourd’hui. Ces vastes bâtiments étaient un démembrement de l’hôtel Mazarin divisé en deux parties par les héritiers. On sait que Charles V doit être regardé comme le fondateur de la Bibliothèque Royale. La collection d’ouvrages recueillis par lui et placés dans une tour du Louvre, dite Tour de la Librairie, occupait trois étages et comptait 910 volumes, nomljre considérable pour le temps. La collection formée par Charles Y fut dispersée sous le règne désastreux de Charles VI ; ce fut plus tard Louis XI qui recueillit les livres épars dans les diverses maisons royales et dont le nombre s’augmenta vite grâce à la découverte récente de l’Imprimerie. Cette Bibliothèque, d’abord installée à Blois, puis à Fontainebleau et constamment augmentée, ne fut transportée à Paris qu’en juin 1505 par l’ordre de Henri IV. Placée d’abord dans le collège de Glermont, puis dans une

B. maison de la rue de la Harpe, elle comptait, à la mort de Louis XIV (1715), environ 70, 000 volumes transférés, comme on l’a dit, dès l’année 1006, rue Vivienne, dans les deux grandes maisons appartenant à Colbert.

Bicêtre (hospice de) : Bicètre était un château appartenant à la reine Anne d’Autriche. Destiné d’abord aux Enfants-Trouvés, il est devenu un vaste hospice pour la vieillesse en même temps qu’un hôpital pour les aliénés pauvres qu’on y soigne avec sollicitude, et qui, bien entendu, occupent un bâtiment séparé.

Bienfaisance (rue de la) : Elle a pris ce nom en souvenir du docteur Gœtz, qui demeurait au n° 13 et était devenu par son zèle et son dévouement la Providence du quartier. Il mourut en 1813.

Bièvre (rue de) : Ainsi appelée de la rivière voisine.

Billaut (rue) : Ci-devant de l'Oratoire du Roule, maintenant rue Jules Favre.

Blancs-Manteaux (rue des) :

En la rue des Blancs-Mantiaux
Entrai, où je vis maintes piaux
Mettre en conroi ’ et blanche et noire,

lisons- nous dans le Dit des Rues de Paris, ce poème très peu poétique mais si curieux de Guillot publié par l’abbé Lebœuf-. Cette rue se nommait au XIIP siècle (vers 1268) de la Petite Parcheminerie, quand les religieux de l’ordre des Serviteurs de la Vierge Marie, mère de Jésus, vinrent s’y établir et y bâtirent leur cou

’ Pour être corroyées.

’ Histoire de la ville et du diocèse de Paris, T. II. LES RUES DE TARIS. vent : u que nous voyons encore à l’un de ses bouts, dit un auteur ancien ; mais le peuple qui, aime la brièveté quand il s’agit de nommer une chose, voyant l’habit blanc de ces r. ligieux, laissa là bien vite cette longue traînée de mots dont était composé leur nom et les appela simplement Blancs- Manteaux, et tout de même leur rue des Blancs-Manteaux, » nom qui se trouve dans les actes de l’année 1289. Blé (Halle au) : Cet édifice, bâti sur l’emplacement de l’ancien hôtel de Soissons, fut commencé eu 1763 et terminé en 1767, d’après les dessins de Camus de Mézières. La coupole, construite en 1783 par MM. Legrand et Molina, mais dont la charpente était en bois, fut détruite par un incendie dans l’année 1802. Aussi la remplaça-t-ou par une armature en fer et fonte de fer, couverte de planches de cuivre étamé, sous laquelle la marchandise en toute saison se trouve à l’abri. Nulle crainte d’incendie maintenant. Bo’ieldieu, (rue) : François-Adrien Boïeldieu, compositeur célèbre, auteur de la Dame Blanche, la Tante Aurore, le Calife de Bagdad, le Pré aux Clercs, etc. Né à Rouen le 15 décembre 1775, il est mort à Paris, le 8 octobre 1834. Boïeldieu joignait au génie de l’artiste, les plus nobles qualités du cœur et de l’esprit. En lisant certains traits de sa vie, on serait tenté de croire que c’est à lui que pensait M™’^ de Bawr quand elle écrivait àSiU^i sas Souvenirs : (f Une remarque que j’ai toujours eu lieu de faire c’est que les personnes que l’on pleure le plus longtemps, quand la mort les a frappées, sont celles qui étaient bonnes. Depuis que j’existe j’ai vu mourir bien des gens distingués ; la douleur de leur famille,

B. 157 (le leurs amis était vive ; mais le temps produisait sur elle son effet accoutumt^., même lors(pie ceux diuit je parle laissaient après eux une grande célébritc". Iji un mot j’ai reconnu ([ue l’on peut oublier assez prum[)tement riiomme d’esprit ou l’homme de talent avec lequel on a vécu, mais (|u’on n’oublie jamais celui dont mille circonstances de la vie viennent sans cesse nous rappeler la bonté. » Boissjj d’Anglas (rue) : Le comte de Boissy d’Anglas (1756-1826), député à la Convention Nationale qu’il présidait dans la fameuse journée &lt ; lu ["prairial an III (26 mai 1795) et par la fermeté héroïque de son attitude sauva de l’envahissement des factieux jacobins. Il a suffi de celte noble page dans sa vie pour rendre son nom cà jamais célèbre. Boulai (rue du) : En 1359, elle est désignée sous le nom de rue aux Bouliers, dite la Cowr Basile. Au XY*’ siècle, c’était la rue Baizile.Au XVP, on la nomme rue des Bouliers, dite la cour Basile. Elle prend ensuite le nom de rue du Bouloi, mot dont l’origine est inconnue. Bourgogne (rue de) : Louis XIV ordonna, par un arrêt de son conseil du 23 août 1707, que la rue prendrait ce nom en l’honneur de son petit-fils, le duc de Bourgogne, dont la naissance fut accueillie avec de tels transports, a Chacun, dit Choisy, se donnait la liberté d’embrasser le roi. La foule le porta depuis la surintendance où madame la Dauphine accoucha jusqu’à ses appartements ; il se laissait embrasser à qui voulait. Le bas peuple paraissait hors de sens ; on faisait des feux de joie, et tous les porteurs de chaises brûlaient fami lièrement la chaise dorée de leur maîtresse. Ils firent un grand feu dans la cour de la galerie des Princes, et y jetèrent une partie des lambris et des parquets destinés pour la grande galerie. Bontemps, en colère, le vint dire au roi qui se mit à rire et dit : &lt ; ( Qu’on les laisse » faire, nous aurons d’autres parquets. » La joie parut aussi vive à Paris et parut de bien plus longue durée ; les boutiques furent fermées trois jours durant ; toutes les rues étaient pleines de tables où les passants étaient conviés et forcés de boire sans payer ; et tel artisan mangea cent écus, dans ces trois jours, qu’il ne gagnait pas dans une année. »

Voici de ce jeune prince, dont la mort prématurée et presque tragique devait tromper tant d’espérances, un remarquable portrait : « Ce prince, dit St-Simon, naquit terrible et sa première jeunesse fît trembler : dur et colère jusqu’aux derniers emportements, et jusque contre les choses inanimées ; impétueux avec fureur ; incapable de souffrir la moindre résistance, même des heures et des éléments, sans entrer en des fougues à faire craindre que tout se rompit dans son corps ; opiniâtre à l’excès, passionné pour toute espèce de volupté. Il n’aimait pas moins le vin, la bonne chère, la chasse avec fureur, la musique avec une sorte de ravissement, et le jeu encore où il ne pouvait supporter d’être vaincu, et où le danger avec lui était extrême ; enfin, livré à toutes les passions et emporté à tous les plaisirs, souvent farouche, naturellement porté à la cruauté, barbare en railleries et à produire les ridicules avec une justesse qui assommait. De la hauteur des cieux, il ne regardait les hommes que comme des atomes avec qui

B. 159 il n’avait aucune ressemblance quels qu’ils fussent. À peine messieurs ses frères lui paraissaient-ils tles intermédiaires entre lui et le genre humain, quoi(iu’on eut toujours allecté de les élever tous trois ensemble dans une parfaite égalité. » Il fallait un miracle pour lutter contre un pareil tempérament, arriver à le modifier, à le transformer. Le miracle eut lieu grâce à l’inlluence religieuse et à des précepteurs tels que Fénelon, Fleury et le duc de Beauvilliers. « De cet abime sortit un prince affable, doux, humain, modéré, patient, modeste, pénitent et autant et quelquefois au delà de ce que son état pouvait comporter, humble et austère pour soi. » Le caractère du jeune prince alors peut se résumer dans ces paroles mémorables qu’il prononçait un jour devant Louis XIV à Marly : (( Un roi est fait pour ses sujets et non les sujets pour le roi. » La mort si cruelle, si soudaine, qui le frappait à la fleur de ses années et le ravissait à l’espoir de la plus belle couronne de la terre, selon l’expression d’un grand pape, le trouva résigné, courageux, admirable. Que de larmes fit couler cette catastrophe dont les plus indiÛérents furent navrés et consternés ! Fénelon lui ne put jamais s’en consoler et depuis lors il ne fit plus que languir. Bons Enfants (rue des) : En 1208, alors que s’achevait l’église St-Honoré, un bourgeois de Paris, nommé Ada, et sa femme résolurent de fonder un collège auprès de la nouvelle église. En conséquence, ils firent construire un bâtiment assez grand pour recevoir treize


é tudiants de Paris, mis sous la direction d’un chanoine de St-Honoré. Le collège s’appela d’abord Hôpital des Pauvres Ecoliers, pauvres en effet puisque logés seulement, chaque jour, ils devaient aller quêter leur nourriture dans les rues de la capitale comme nous l’apprennent les vers du vieux poète : Les Bons Enfants orrez crier Du pain nés veuil pas oublier. Mais, grâce à des donations successives importantes, le collège put s’agrandir en même temps que s’améliorait la position des pensionnaires dont le nom de : les pauvres écoliers fut changé en celui des Bons Enfants, ou ne dit pas précisément à quelle occasion. Bourdonnais, {n\G des) : À pris son nom des sires Adam et Guillaume Bourdon. Bourg l’Adbé {rue de) : Si na’en allai au Bourg l’abbé, Où l’on parlait bien d’un abbé. Le Bourg l’Abbé, ainsi appelé parce qu’il dépendait de l’abbé de St-Martiu, existait déjà sous les rois de la seconde race. Il fut enfermé dans Paris sous le règne de Philippe-Auguste, lors de la construction de la nouvelle enceinte, et le principal chemin du Bourg prit, en 1210, le nom de Bourg l’Abbé. Les habitants de l’endroit passaient pour peu spirituels quoique d’humeur folâtre, et l’on disait d’eux en façon de proverbe : (( Ce sont gens de Bourg l’Abbé, ils ne demandent qu’amour et simplesse. »

B. IHl Bourse (palais de la) : Un décret impérial du 10 mars 180S ordonna la construction de l’édilice druit la première pierre fut posée le 24 du même mois. L’architecte IJrogniart dirigea les travaux jusqu’à sa mort arrivée en 1813. Il eut pour successeur M. Labarre ; mais par suite du ralentissement des travaux, après les désastres de 1815, le monument no put être achevé et inauguré (juc dans l’année 1827. Boucheries (rue des) : Vis-à-vis du grand Chàtelct, avait pris son nom de la Grande-Boucherie qui s’y trouvait, la plus ancienne et longtemps même la seule de la ville ; elle avait été établie en 1153. « Autrefois, dit Germain Brice, elle appartenait à une communauté de bourgeois qui faisaient comme une espèce de petite république entre eux dont le crédit était si grand, sous le règne de Charles YI, qu’il arrivait souvent de grands désordres lorsqu’ils étaient mécontents. » Boutebrie (rue) : S’appelait vers la fin du XIIP siècle Erembourg de Brie, nom d’un propriétaire riverain. D’Frembourg de Brie on a fait Boutebrie. Billettes, (rue des) : Elle devait ce nom aux religieux hospitaliers de Notre-Dame qui portaient sur leurs habits de petits scapulaires, dits billettes. Dans certains actes on l’appelle aussi la rwe oh Dieu fut bouilli, la rue du Dieu bouilli, voici pour quel motif. La maison, qui fut depuis le couvent, appartenait à un juif riche sans doute. « Ce juif, d’après une tradition ancienne, dit G. Brice, par une impiété exécrable, perça de plusieurs coups de couteau une hostie consacrée et voulut ensuite la brûler ; mais miraculeusement elle lui échappa en s’élevant dans la pièce et fut recueillie par une vieille


femme qui entra inopinément chez cet impie et porta l’hostie au curé de St-Jean où depuis elle a été conservée avec benucoup de vénération. Ce malheureux juif fut brillé et sa maison confisquée. » Brantôme (rue) : P. de Bourdeillcs, seigneur de Brantôme (1527-1614), gentilhomme gascon, est auteur de nombreux écrits qui se distinguent par le style original et verveux, mais où trop souvent le lecteur honnête regrette le choix du sujet, les épisodes et les détails scabreux de mœurs contemporaines que la liberté ou mieux la crudité du langage gaulois ne met que trop en relief. Ce reproche s’adresse beaucoup moins aux Vies des grands capitaines français et étrangers qu’à tel des autres ouvrages de l’auteur dont la lecture vaut celle des pires romans. L’histoire écrite de cette façon n’est qu’un pamphlet ordurier. Il semble pourtant que le Seigneur de Bourdeilles n’en avait pas conscience, et qu’il écrivit ce qu’il voyait ou entendait en toute sûreté de conscience et en s’estimant un parfait chrétien. Breda (rue de) : Ouverte en 1830 sur les terrains appartenant à M. Breda. Bridaine {r\ie) : Jacques Bridaine (1701-1767), prédicateur populaire célèbre, dont l’apostolat eut des résultats prodigieux. Ses sermons n’ont pu être recueillis soit parce qu’il prêchait d’abondance et en vrai missionsiounaire, soit à cause de son humilité qui prenait peu Souci de conserver à la postérité ces pieux discours. Tout le monde cependant a lu l’exorde de l’un d’eux publié pour la première fois, je crois, par Maury et qui suffirait à la gloire de Bridaine. Brise-Miche (rue) : La distribution des pains ou mi

B. 163

ches qu’on faisait, suivant l’usage, aux chanoines de la collégiale St-Merry avait lieu dans cette rue, d’où la dénomination brise- miche. Bout du monde (rue du) : S’appela ainsi, disent les vieux auteurs, à cause d’un méchant réhus de Picardie qui s’y voyait dans une enseigne où l’on avait représenté un os, un bouc, un duc (oiseau), et un monde (glohe), avec cette inscription au has : Au bouc du monde. Ce qui prouve qu’on cultivait le calemhourg bien avant la venue du fameux M. de Bièvre, et qu’on le faisait alors tout aussi bon ou tout aussi mauvais que lui et ses successeurs. Braque (rue de) : Elle doit son nom à Arnould de Braque qui, en 1348, y fit élever, à ses frais, une chapelle et un hôpital . Brosse (rue Guy de la) : Médecin de Louis XIII, Guy de la Brosse, savant botaniste, donna au roi le terrain où fut tracé le jardin des Plantes, aujourd’hui si célèbre. Il obtint de Bichelieu son patronage bienveillant pour le nouvel établissement dont un édit spécial, du mois de janvier 1626, autorisa la création. Guy de la Brosse, nommé intendant (directeur), ne s’occupa plus que de développer l’établissement pour lequel une maison d’habitation fut construite en même temps que le jardin s’enrichissait des plantes les plus rares. Guy de la Brosse mourut dans un âge très avancé et fut enterré dans la cliapelle de la maison. Broussais (rue) : Ce célèbre médecin, né en 1772, mort à Paris en 1838, avait le tort d’être trop systématique, et ce qui est pire, matérialiste.


Bucherie (rue de la) : Ainsi nommée à cause du voisinage du/)07"/ aux bûches. L’École de Médecine, s’élevait autrefois dans cette rue où elle fut construite vers 1472. À cette époque les professeurs de la faculté étaient clercs et s’engageaient à garder le célibat. Buci (rue de) : Elle doit son nom à Simon de Buci qui acheta en 1350 le terrain et la porte St-Germain à laquelle il donna également son nom. Cette porte, reconstruite sans doute, s’élevait autrefois à l’extrémité de la rue St-André-des-Arts aboutissant au carrefour. C’est par là qu’où entrait dans le faubourg St-Germain. En 1673, par suite d’un arrêt spécial, la porte de Buci fut démolie parce qu’elle gênait la circulation. Buffon (rue de) : Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, le célèbre naturaliste, né en 1707, mourut en 1788, à la veille de la Révolution. (( Quand on a lu M. de Buffon, on se croit savant. On se croit vertueux, quand on a lu Rousseau. On n’est cependant pour cela ni l’un ni l’autre. » Malgré ce jugement sévère de Joubert, Buffon n’est pas le premier venu et l’on ne peut dire qu’il ait escamoté sa réputation. Il sait peindre, par malheur pour lui plus que pour son modèle, regardant la nature à distance et du fond de son cabinet, il semble peu soucieux de se déranger pour elle. Celle-ci se venge, et ne se montrant à ce cérémonieux qu’en grande parure, eUe lui dérobe ses secrets les plus intimes et sa mystérieuse poésie. On dit que l’illustre académicien, au lieu de courir les bois et les prairies, comme Bernardin de St-Pierre, sans nul souci de son costume et des accrocs, ne quittait guère son fauteuil et qu’il écrivait toujours en grande toilette, avec jabot

c. 165 et manchettes de dentelles et l’épée au côté. On s’en aperçoit à sa phrase trop faite, mais qui pourtant a du nombre et de l’ampleur. C’est un écrivain assurément et aussi un savant que Buffon, mais ou le voudrait plus homme et surtout plus chrétien, ce qui lui donnerait la clé de bien des énigmes. Son génie manque d’entrailles ; ce lumineux foyer lance des rayons, mais sans donner de chaleur. On souhaiterait qu’une si belle intelligence prit davantage conseil du cœur. L’auteur du Génie du Christianisme est donc fondé à dire : « Il ne manquerait rien à BuÔbn s’il avait autant de sensil»iUté que d’éloquence. Remarque étrange, que nous avons lieu de faire à tous moments, que nous répétons jusqu’à satiété, et dont nous ne saurions trop convaincre le siècle : sans rehgion, point de sensibilité. Buffon surprend par son style, mais rarement il attendrit. Lisez l’admirable article du chien : tous les chiens y sont : le chien chasseur, le chien berger, le chien sauvage, le chien de grand seigneur, le cliien petit-maître, etc. Qu’y manque-t-il enfin ? Le chien de l’aveugle. Et c’est celui-là dont se fût d’abord souvenu un chrétien. »

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Cadran (rue du) : Ainsi nommée à cause d’un grand cadran qui ornait l’une des maisons. Caire : La rue. la place et le passage du Caire ne remontent pas au-delà de ce siècle. Ils fm-ent construits sur remplacement du couvent des Filles-Dieu, fondation en faveur des vieilles femme ? pauvres et réduites à la


mendicité. Eu 1790, le couvent, dont les religieuses avaient été chassées, fut déclaré propriété nationale, et plus tard démoli. Caille (rue de la) : La Caille, astronome célèbre, né en H 13, mort en 1762. Canettes (rue des) : Ce nom vient d’une enseigne. Capucines (boulevard des) : Ce nom vient de l’ancien couvent des Capucines qui se trouvait dans ce quartier. Cassette (rue) : Altération du mot Cassel, nom donné à un hôtel qui s’élevait dans cette rue. Cassini (rue) : Cassini (Jean-Dominique), célèbre astronome, était né à Perinaldo, dans le comté de Nice (8 juin 1625). Il mourut à Paris en 1712. Caumartin (rue) : Ouverte en 1780. Messire Antoine Louis Lefebvre de Caumartin, chevalier, marquis de Saint-Ange, comte de Moret, seigneur de Caumartin, fut prévôt des marchands de 1778 à 1784. Calandre {me de la) : Ce nom vient d’une enseigne qui représentait certaine machine avec laquelle on tabisait, polissait ou calandi^ait les étoffes de soie. « Vers le milieu de la rue en effet, dit Sauvai, pend une enseigne à demi-rompue, où cette grande machine est peinte et, pas plus que dans les autres enseignes, il n’y a ni grive ni patte peine ni alouette. » Car certains auteurs voulaient que la calandre fût le charançon qui ronge le froment, d’autres qu’elle désignât la grive, d’autres encore une grosse alouette, a Tous ces gens-là se sont tourmentés l’esprit bien mal à propos pour vouloir trouver dans leur fantaisie une chose qui se voit et qu’ils pouvaient trouver dans cette rue même. » Petit-Carreau (rue du). On disait autrefois des Petits^

C. 167 Carreaux. « Il court, dit un ancien auteur, un proverbe des habitants de la rue des Petits-Carreaux dont je ne sais point l’origine : Les enfants des Petits-Carreaux Se font pendre comme des veaux. S’il n’y a de la raison, du moins y a-t-il de la rime ; mais pour moi je pense qu’il a plus de rime que de raison. » Canivet (rue de) : En vieux langage canif ou petit couteau. Capucines (rue des) : Ce nom vient d’un couvent qui existait autrefois en cet endroit. Les religieuses s’appelaient aussi les Pauvres Dames ou Filles de la Passion. Carmes (rue des) : Elle doit son nom aux religieux Carmes qui vinrent s’y établir, en 1318. Carnot (rue) : Carnot (L. N. M.), né en 1753, mort en 1823, l’un des hommes célèbres de la Révolution et qui, par l’énergique impulsion donnée à la défense nationale, comme à tous les services militaires, mérita qu’on dit de lui qu’il avait su organiser la victoire. Le mot semble devenu banal à force d’avoir été répété, qu’importe s’il est vrai ! Carrousel (place du) : C’était autrefois un terrain vague qui s’étendait entre les anciens mursdePariset le palais des Tuileries. On y traça, en 1600, un jardin qui plus tard s’appela Jardin de Mademoiselle parce que Mademoiselle de Montpensier habitait le palais des Tuileries et possédait ce jardin détruit en 1655. Louis XIV


choisit cet emplacement pom^ les grandes fêtes qu’il voulut donner les 5 et 6 juin 1662, et qui se composèrent surtout de courses et du fameux carrousel où figuraient le roi, les princes et tous les grands seigneurs de la cour. Depuis lors, l’endroit s’appela place du Carrousel. Cerisaie (rue de la) : Au commencement du XVP siècle, s’élevait, à la place des maisons qui forment cette rue, une superbe allée de cerisiers, ravissante à voir dans la saison des fleurs comme dans celle des fruits. Mais un beau jour, à la grande désolation des écoliers et des moineaux, les cerisiers furent abattus et remplacés par des maisons, quelques-unes grandes et belles ; car c’est dans cette rue que se trouve l’hôtel de Philibert Delorme, le célèbre architecte, et construit par lui-même. Avant la Révolution, on y voyait aussi l’hôtel de Lesdiguières, bâti pour le financier Zamet. (( En 1742, dit M. Lazare, ses magnifiques jardins ne contenaient plus qu’un seul monument, c’était le tombeau d’une chatte qui avait appartenu à Françoise Marguerite de Gondy, veuve d’Emmanuel de Lesdiguières, duc de Créquy. On y lisait une épitaphe dont le tour élégant révèle un égoïsme bien naif : Ci-gtt nne chatte jolie, Sa maîtresse, qui n’aima rien. L’aima jusqu’à la folie. Pourquoi le dire ? On le voit bien, Champ-de-Mars. Jusqu’en 1770, ce terrain fut occupé par les cultures des maraîchers. À cette époque, toutes les plantations furent enlevées, et, à leur place, on traça un immense parallélogramme de 1, 000 mètres environ

c. 460 sur 500 de largeur qui s’appela le Champ-de-Mars parce qu’il servait aux exercices de l’Ecole militaire. Champs-Elysées. Au commencemeut du XVIP siècle, des horticulteurs et des maraîchers occupaieut ce quartier maiuteuant l’un des plus magnifiques, on pourrait dire le plus magnifique de Paris par ses jardins véritablement dignes de leur nom, et ses monuments, ou plutôt ses maisons moins recommandables au point de vue de l’architecture, hélas ! que pour leur air d’aisance et de richesse : le luxe à défaut d’art. En 1610, Marie de Médicis fit planter la promenade dite le Cours la Reine, fermée aux deux extrémités par une grille et bordée au nord et au midi par des fossés. Vers 1670, en même temps qu’avaient lieu de nouvelles plantations ou traçait la grande avenue des Cbamps-Elysées, dans l’axe du palais des Tuileries. Puis deux autres avenues, où s’élevaient de grands et beaux hôtels, furent également ouvertes, partant du faubourg Saint-Honoré pour aboutir aux Champs-Elysées qui devinrent de plus en plus la promenade favorite des Parisiens et qui le seront longtemps encore en dépit des craintes ou des prévisions manifestées par M. Louis Lazare. La transformation récente des Champs-Elysées, naguère arides et poudreux, en un véritable Eden, peut rassurer sur l’avenir et l’on n’a plus à redouter que les rues et les maisons envahissent les terrains où s’épanouissent ces magnifiques corbeilles de fleurs, où verdoient tant de beaux gazons, et qu’ornent tant d’arbustes aux espèces variées. Nous espérons même quelque chose de plus, c’est que nos édile&amp ; ^, si prompts aux démolitions, comprendront la nécessité de mettre le TOME III.


marteau dans cet énorme tas de moellons qui s’appelle le Palais de l’Industrie, une lourde bâtisse, aussi déplaisante avoir que peu utile et qui pourrait être avantageusement remplacée par des eaux jaillissantes, des statues, des arbres et des parterres. On trouverait sans peine un local plus favorable pour les expositions de peinture et de sculpture ; car dans celui-ci au moindre froid on gèle ; et dans la belle saison au contraire, par le manque de ventilation, sous la toiture en verre, la chaleur devient vite intolérable et fait d’une visite au Salon un supplice plutôt qu’un plaisir. Champollion (rue) : J. F. Champollion, né à Figeac (1791) mort à Paris en 1831, est devenu célèbre par ses travaux sur l’Egypte ancienne et en particulier sur la langue des hiéroglyphes qu’il parait avoir déchiffrée. Championnet (rue) : Jean Etienne Championnet (17621800) commandant en chef de l’armée d’Italie lit, en 1798, la conquête du royaume de Naples. Charonne (rue de) : Nom d’un village auquel la voie conduisait. Chàteaudun, (rue) : Ce nom a remplacé la désignation précédente : rue du Cardinal Fesch. Il n’est pas besoin de rappeler la résistance héroïque de cette toute petite ville lors delà grande invasion prussienne (8 octobre 1 870). Croix des petits Champs (rue) : La construction d’une partie de cette voie publique remonte au règne de Philippe-Auguste. Elle fut ouverte sur un terrain qui consistait en jardins, ou petits champs dont elle a tiré une partie de son nom. Une croix y placée à côté de la seconde maison après la rue du Pélican, a complété la dénomination.

c. 171 Chanoinesse (rue) : À pris son nom des chanoines qui l’habitaient. On l’appelait aussi CloHre-Notre-fJamc. Sainte- Chapelle. Ce monument auquel une restaura» tion intelligente a rendu toute sa beauté, fut élevé par les ordres de saint Louis qui le destinait à renfermer les précieuses Reliques acquises par lui des Vénitiens et de l’empereur de Constantinople. « Un célèbre architecte de ce temps, nommé Eudes de Montreuil, fut chargé de la construction de la nouvelle chapelle. Il y fit preuve d’une grande habileté, et y déploya tout le luxe d’ornements, toute la légèreté de construction que l’architecture gothique avait empruntée des Arabes et qui en faisait alors le caractère. Ce monument est travaillé avec toute la délicatesse d’une chasse en orfèvrerie ; et après six cents ans, c’est encore un des édifices les plus curieux et les plus élégants de Paris. (( …. Les vitraux qui existent encore sont un monument précieux de ce qu’était la peinture sur verre au XIIP siècle…. Dès le sixième d’ailleurs, il est question de vitres peintes dans les chroniques. Celles de la Sainte-Chapelle sont remarquables parleur hauteur, la variété et la vivacité de leurs teintes. L’ordonnance des tableaux qu’elles représentent est bizarre, leur fabrication plate et sans effet ; le dessin des figures, tracé sur un fond uni, est accompagné seulement de quelques hachures afin de donner un peu de relief au sujet et ce dessin est tout à fait barbare ; mais cette vivacité éblouissante de couleurs, que tant de siècles n’ont pu altérer, fait encore l’étonnement et l’admiration des connaisseurs. )) (Sai^’t-Victor). Le zèle religieux de saint Louis n’éclata pas seule ment dans l’érection de ce beau monument, tous les ans, le jour du Vendredi-Saint, il se rendait en grand appareil à la sainte Chapelle ; et là, revêtu de ses habits royaux, il exposait lui-même les monuments de la Passion à la vénération du peuple, exemple suivi par plusieurs de ses successeurs, a II semble, dit Saint-Victor, que le président HénauU n’ait point assez senti tout ce qu’il y avait d’admirable dans ce pieux et grand roi. Il l’admire sans doute lorsqu’il le voit réduisant les rebelles, combattant les ennemis de son royaume, rendant à ses peuples une justice exacte et vigilante, etc. ; mais cet historien, abusant d’un mot employé par le père Daniel, le trouve singulier lorsqu’il le voit dans son intérieur donnant à la prière le temps qu’il pouvait dérober aux affaires, témoignant une entière déférence à sa mère, une douceur paternelle à ses domestiques. Peu s’en faut qu’il ne le présente alors comme tombé dans un état d’imbécillité. « Dans ces moments, dit-il, ses domes)) tiques devenaient ses maîtres, sa mère lui comman)) dait, et les pratiques de la dévotion la plus simple )) remplissaient ses journées. » Ce qui semble petit au président Hénault à nos yeux est sublime ; et comme d’après son propre aveu, les vertus solides et la noble fermeté qui composaient le caractère de saint Louis ne se sont jamais démenties, ce mélange touchant de grandeur et d’humilité nous offre un être presque au-dessus de l’humanité, un héros tel que le paganisme n’en pouvait produire, le véritable héros chrétien. » Chardonnet ou Chardonneret (rue St-Nicolas du) : S’appelle ainsi à cause de l’église St-Nicolas bâtie à l’une de ses extrémités ; (( puis d’un certain terroir en

C. 173 friche, dit Sauvai, voisin île l’église et tout rempli de chardons qui couvraient un grand espace de ce quartier là. Si le peuple dit la rue du Chardonneret et non du Chardonnet, c’est que le petit oiseau qui porte ce nom lui est plus connu que celui de chardonnet. « Dans le Dit des Rues de Paris, on lit ces deux vers : Eli la rue de Saint-Nicolas Du Chardonnet ne fus pas las. Chariot (rue) : C’est le nom d’un riche financier qui, vers le milieu du XVIP siècle, y possédait plusieurs belles maisons. Chariot, pauvre paysan du Languedoc, venu à Paris en veste et sabot, put, au bout de quelques années, se rendre adjudicataire des gabelles et de cinq grosses fermes et fit une grosse fortune. Chatelet (place du) : « La justice ordinaire de la ville de Paris, dit un auteur ancien, est le Chatelet. Elle s’exerce sous le nom du Prévôt de Paris. Tous les jugements qui se rendent au Chatelet et tous les actes des notaires sont intitulés en son nom. » Chat qui pêche (rue du) : Ce nom vient d’une enseigne. Chauchat (rue) : Cliauchat (Jac(jues) avocat au parlement, conseiller d’Etat, fut élu écheviu le 17 août 1778. Chénier (rue) : André Chénier bien plus que son frère Marie-Joseph a donné son nom à cette rue. Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques, a dit ce poète dont quelques pièces, Y Aveugle, la Liberté, le Jeune Malade, etc., sont d’admirables chefs-d’œuvre TOME m. 10*


qu’on ne peut trop louer pour l’exquise pureté de la forme. Ou regrette que, dans les Idylles, et surtout les Elég l’es, caiie belle langue devienne le plus souvent celle de la passion, et d’une passion qui parle aux sens bien plus qu’à l’àme. Le poète semble traduire Catulle et Properce plus encore que Théocrite et Yirgile. On sait qu’André Chénier, né à Constantinople (1762), périt à Paris sur l’échafaud l’avant-veille du 9 thermidor, et qu’il fut l’une des dernières et illustres victimes de la Terreur dont il avait flétri les coryphées, « ces bourreaux barbouilleurs de lois », dans des iambes immortels. Cherche-Midi (rue du) : Autrefois des Vieilles Tuileries, puis chasse-midi et enfin cherche-midi « qui était le nom d’une enseigne que je pense y avoir vue, dit Sauvai, où se voyait peint un cadran et des gens qui cherchaient midi à quatorze heures. Ce nom, tout corrompu et faux qu’il est, plaît si fort à ceux du faubourg S t- Germain, où cette rue est située, qu’ils l’ont transporté aux filles de la congrégation de Notre-Dauie qui y ont un monastère…. L’enseigne après a semblé si belle qu’elle a été gravée et mise à des almanachs tant de fois qu’on ne voyait autre chose : et même on en a fait un proverbe : // cherche midi à quatorze heures ; c’est un chercheur de midi à quatorze heures, dit-on en parlant de gens qui cherchent à reprendre quelque chose mal à propos où il n’y a rien à reprendre, ou qui s’embarrassent pour des choses qu’ils ne sauraient avoir. » ChcTuôini (rue) : Chérubini, compositeur de musique célèbre surtout par sa belle Messe et son grand Bequiem (1760-1842).

c. 175 Chevalier du Guet, (rue du) : Ce nom vient d’une maison que le roi avait acquise pour loger le clievalier ou commandant du guet (garde de Paris alors). La compagnie du chevalier du guet se composait d’un capitaine, quatre lieutenants, un guidon, huit exempts, cinquante archers à cheval, un enseigne, huit sergents de commandement et cent hommes de pied, ayant tous des provisions du roi à la nomination du capitaine, deux greffiers contrôleurs, un payeur de solde. Ces archers étaient hahillés de bleu avec des bandoulières semées d’étoiles d’argent et de fleurs de lys d’or, bordées d’un galon or et argent. Les huit sergents portaient des justes- au -corps galonnés d’argent et les ceinturons de même sans bandoulières. Cité {rue de la) : En 1834, on confondit sous cette seule dénomination les trois rues de la Lanterne, (nom qui vient d’une enseigne) ; de la Juiverie, ainsi nommée parce qu’au XIP siècle elle était habitée par les juifs ; du Marché-Palu ; ce nom venait d’un marché qui s’y tenait de temps immémorial et que le sol boueux et marécageux, qui ne fut que tardivement pavé, avait fait surnommer 2^alu de palus, marais. Cléry (rue de) : Ce nom vient de l’hôtel Cléry qui s’y trouvait situé et qui aboutissait sur les fossés de la ville. Pour moi ce nom rappelle celui du pieux serviteur de Louis XYI, et rayonne comme le symbole du dévouement et de l’héroïque fidélité . Vieux -Colombier (rue du) : Elle doit son nom à un colombier que les religieux de St-Germaiu des Près y avaient fait bâtir au XY^ siècle. La caserne des Pom

176 LES RUES DE TARIS.

piers, qui se voit aujourd’hui vers le milieu de la rue, formait avant la Révolution le couvent ou asile des Orphelins de St-Sulpice ou de la Mère de Dieu, fondé par le vénérable Olier, en 1648, pour les enfants, filles et garçons, de la paroisse qui restaient sans parents. Cocatrix (rue) : En la l’ue Cocatrix vins, Où l’on boit souvent de bons vins, Dont maint homme souvent se varie (s’enivre).

Cocatrix était le nom d’une famille bien connue au XIIP siècle et du fief qui lui appartenait, situé entre la rue St-Pierre-aux-Bœufs et celle des Deux-Ermites. Colomb Christophe (rue) : Cet illustre Génois à qui la découverte de l’Amérique valut tant de gloire et que l’Espagne, dotée par lui d’un immense empire, récompensa par l’ingratitude, joignait au grand caractère, à l’intelligence supérieure, les vertus d’un saint. Des historiens vont jusqu’à lui attribuer le don des miracles ; l’auteur d’une consciencieuse et intéressante Histoire de Christophe Colomb en deux volumes, de date assez récente, M. Roselly de Lorgnes est de ceux-là et réclame, pour son héros et le nôtre, les honneurs de la canonisation. Salle au Comte (rue) : À la fin du XIIP siècle, dans cette rue s’élevait un hôtel appartenant au comte de Dammartin et qu’on appelait la Salle du Comte ou au comte. Concorde (place de la) : S’appelait Place Louis X\\ parce qu’elle fut tracée sous le règne de ce prince dont

c. 177 la statue équestre s’élevait au milieu de la place qui s’appela de la Révolution à cette époque si triste de nos anuales où se dressait en permanence, en face du jardin des Tuileries, l’échafaud sur lequel montèrent tour à tour Louis XYI, Marie- Antoinette, M™*" Elisabetji, Malesherbes, Beauharnais, Chénier, Barnave, et tant d’autres illustres victimes auxquelles bientôt d’ailleurs, par un juste jugement de Dieu, succédèrent les bourreaux. Par suite d’un décret du 2G octobre 1795, la place se nomma de la Concorde, désignation qui parait devoir lui rester définitivement et qu’elle reprit après 1830 ; car, pendant la Restauration, elle s’appela de nouveau place Louis XV. Au milieu de la place s’élève le grand obélisque rapporté d’Egypte en 1833 et qui s’encadre entre deux fontaines en bronze d’un assez bel aspect. Des autres embellissements de ce vaste pourtour nous n’avons rien à dire ; ils nous semblent d’un goût fort contestable, en particulier les maisonnettes servant de piédestaux aux statues, et les ennuyeux dallages en bitume qui ne servent guère qu’aux exercices des amateurs du patin à roulettes. Assurément de frais gazons et des corbeilles de fleurs récréeraient bien mieux la vue. Condé (rue de) : Elle a pris ce nom lorsque Henri de Bourbon, prince de Condé, vint loger à l’hôtel de Gondy. On connaît les beaux vers de Boileau sur Condé.

Un bruit s’épand qu’Enghien et Coudé sont passés ; Condé, dont le seul nom fait tomber les murailles, Force les escadrons et gagne les batailles ;


Enghien^ de son hymen le seul et digne fruit, Par lui dès son enfance à la victoire instruit. Epitre IV. — Au Roi. Coq-Héron (rue du) : L’impasse de ce nom (origine inconnue) devint une rue en 1543, sous le règne de François I" qui ordonna de démolir riiôtel de Flandre pour vendre le terrain à des particuliers avec la faculté de bâtir. Dans cette rue se voient, d’un côté, les bâtiments de la Caisse d’Epargne, et de l’autre, des dépendances de l’Hôtel-des-Postes dont la principale entrée se trouve rue Jean-Jacques Rousseau. CoquilUère (rue) : Elle aurait dû d’abord son nom à Pierre Gocquettier, bourgeois de Paris, qui, eu 1292, y possédait une belle maison qu’il vendit à Guy de Dampierre, comte de Flandre. Le peuple changea ce nom en celui de Coquetière, à cause des coquetiers ou marchands d’œufs qui passaient par cette voie pour se rendre aux halles ou qui peut-être y tenaient leurs boutiques. Au temps de Clément Marot, elle prit le nom de rue CoquUlart d’un certain gentilhomme qui avait trois coquilles d’or dans ses armes. Le poète lui fit, après sa mort, cette épitaphe : La mort est jeu pire qu’aux quilles, Ni qu’aux échecs, ni qu’au gaillard, À ce Hiéchant jeu Coquillart Perdit sa vie et ses coquilles. On ne dit point à quelle époque la rue prit son nom définitif de : CoquilUère.

C. 470 Corbeau {rue du) : Ouverte en 182G sur un terrain appartenant à M. Corbeau. Corbineau (rue) : Corbineau (Clamle-Louis-ConstantEsprit-Juvenal-Gabriel), né à Laval le 7 mars 1772, s’engagea, dès l’âge de seize ans, dans la compagnie des gendarmes de la reine. Il était général lorsqu’il fut tué à Eylau par nn boulet. On cite de lui dans cette bataille un trait non moins curieux qu’admirable. Il sabrait vigoureusement un corps de Russes lorsque tout à coup l’arme échappe de ses mains. &lt ; r Ramasse-moi mon sabre, et rends-le moi !» cria-t-il au Russe qui se trouvait le plus près de lui. Stupéfait, le soldat ennemi, qui peut-être ne comprenait pas notre langue mais cédait à l’éloquence du geste et à la fascination du regard, se baisse, ramasse le sabre et le remet à Corbineau et celui-ci continue à charger. L’Empereur, en apprenant la mort de Corbineau, fut vivement impressionné et il murmura : « Quoi ! réduit à rien par un boulet ! » Cordonnerie (rue de la) : Son nom lui vint des vendeurs de cuirs et cordonniers qui l’habitaient. Ce n’est que par syncope que ceux qui font et vendent des souliers sont nommés cordonniers, car originairement on les appelait cordouanniers, i^ixrce que le premier cuir dont les Français se servirent, venant de Cordoue, était appelé Cordouan. Cossonnerie {vMQ de la) : Est fort ancienne. Au XII*^ siècle, on l’appelait via cochoneria ou de la cochonnerie. t\ Il semblerait, dit un vieil auteur, qu’autrefois on y ait tenu le marché aux cochons et celui de la volaille, ou qu’elle ait été longtemps habitée par des charcutiers


et des poulaillers, car anciennement cossonniers et cossonnerie voulaient dire la même chose que poulaillers et ^ow/«///me ; j’apprends même de quelques vieillards qu’à certains jours de la semaine on y tenait un marché de cochons et de volailles. » Cours. Le nombre des rues et places qui portaient autrefois ce nom était considérable. La plupart étaient des maisons accompagnées d’une cour comme la cour des Miracles, la cour des Fontaines, etc. Coupe-Gorge ai Coupe- Gueule (rues) : Toutes deux dans le quartier de la Sorbonne ; « elles prirent des noms si étranges, dit Sauvai^, à cause des brigandages et massacres qui s’y faisaient toutes les nuits », et par ce motif furent fermées de portes et de fait supprimées. Ces dénominations sinistres, très-multipliées dans le vieux Paris, sont, pour le dire en passant, la meilleure preuve qu’il ne faisait pas si bon à vivre à cette époque que le croient et le disent des écrivains érudits et bien intentionnés d’ailleurs, mais aux opinions systématiques et qui volontiers nous représentent ces temps comme un autre âge d’or. Ce n’est point ainsi qu’en jugeaient les contemporains, chroniqueurs et poètes, qui, regardant autour d’eux, ne trouvaient guère qu’à blâmer, mais par une autre exagération, et par suite de cet effet d’optique singulier qui fait que, pour bien voir un tableau, il ne faut être placé ni trop près ni trop loin. Je ne parle point ici des auteurs de fabliaux et contes, illisibles pour la plupart par tant de passages licencieux qui nous donnent des mœurs du temps une idée assez fâcheuse. Mais des auteurs plus sérieux, des hommes graves, dans leurs histoires et chroniques, semblent trop

c. 181 confirmer par ce qu’ils racontent les dits scandaleux des trouvères. Les poètes satiriques parlent de leur siècle comme parleront du leur plus tard Matluirin, Régnier, Boileau, Gilbert et de nos jours tel moraliste qui, dans ses plus violentes sorties, ne saurait guère aller plus loin que l’iionnète Guyot, le poète du XIIP siècle (1204). Du siècle puant et horrible M’estuet (m’émeut) commencer une bible (livre) Pour poindre et pour aiguiilonDer Et pour grand exemple donner. Suit une longue description des travers et des vices du temps dans laquelle abondent les portraits qui ne sont pas flattés, aussi bien que les tableaux fort peu couleur de rose. Citons quelques passages comme pièces à l’appui. Le monde nos (nous) ont encombré D’ort siècle de désespéré ; Trop est notre loi au-dessous, Qui bien nos (nous) voudroit juger tous. Si, comme je sais et comme je crois, Jà (déjà) n’en eschaperoient trois Qu’ils ne fussent damnés sans fin. Où sont li (les) bon, où sont li fin (vrai), Où sont li (les) sage, où sont li prou (braves) ? S’il estoient tuit (tous) en un fou (feu)^ Jà des Princes, si comme je cuit (pense), N’y auroit un brûlé ni cuit. Un poète à qui sa haute position permettait de mieux juger encore et qui, dans ses voyages, avait acquis une longue expérience par la comparaison des divers pays, TOME ni. 11

182 LES RUES DE TARIS. le Seigneur de Berze (dans la Bible au Seigneur de Berze), n’est pas moins sévère que Guyot : Li (les) uns usent lor (leur) tempi en guerre, Et as (aux) autres taut-on (enlève) leur terre ; Li (les) unslanguist d’infirmité, Tii autres choit en pauvreté. L’autre est blasmé et en vergogne Et cil (celui) qui mieux a sa besogne. C’est cil qui convoite encor plus : Nul rien de bien je n’y truis (trouve). 11 soloit (avait coutume) estre un temps jadis Que li siècles estoient jolis Et pleins d’aucune vaine joie : Or, n’est solaz (plasir) que je y voie Ea quoi li (les) hora (hommes) se delitoit (délectait), En faire ce que il cuidoit (pensait) Qui venist à l’autre à plaisir : Or (à présent) se délitent en trahir, Et li uns de l’autre engeingnier (tromper) ; Cil qui mieux sait deschevauchier (renverser) Son compagnon, cil vaut ores (à présent) miex (mieux). Convoitise, angoisse et orgueix (orgueil) Ont si (ainsi) toute joie périe Qu’elle est par tout le mont (monde) faillie.

Le pauvre brait toujours et crie Qu’il ait avoir et mananlie (richesse), Et le riche meurt de paor (peur) Qu’il ne la perde chacun jor fjour). Li (le) mariage dont Dieu dist A quoi le siècle se tenist (tint) Pour garder ailleurs de péchés Sont tuit (tout) corrompu et l)risû, Et la foi et la loyauté Sont changés en fausseté ;

C. 483 Et li (les) chevaliers, qui dévoient Défendre de cil (ceux) qui roboient Les menues gens et garder, Sont or (à présent) plus engrant (ardents) de rober (voler) Que li autres et plus angoisseus : Tout tourne et à gas et àgeus (risée et jeu) Quanques (tout ce que) Dieu avait establi. Des laboureurs je vous di (dis) Que li un conquiert (prend) volontiers Sur son compagnon deux quartiers De terre, s’il peut, en emblant (volant). Et boute adez (ensuite) la borne avant. En plusieurs manières sont faux Et tricheors (tricheurs) li plusieurs d’aux (d’eux) ; Et liProvoire (prêtre) et li Clergé Sont plus désirant de péché Que li autre ne sont assez. Tout est le siècle bestornez (renversé) D’ensi (depuis) comme il fut establiz, Tuit (tous) s’atornent (s’adonnent) mes aux deliz (délits). Molt (beaucoup) eussions fait bel exploit Si les Ordres (religieux) fussent tenues ; Mais elles sont si corrompues. Que petit (peu) en tient nului (aucun) ores (à présent) Ce qui leur fut commandé lores (autrefois). Ainsi chacune se discorde De Dieu servir d’aucune rien (façon). Et Nonnains a-t-il molt de bien S’elles tenissent (tinssent) chastée (chasteté) Si comme elle estoit ordenée (ordonnée) ; Mais elles ont maisons plusors (plusieurs) Où l’on pense à de vainz ators (atours). Plus qu’on ne fait de Dieu servir ; Toute voie (toutefois) et (est) à souffrir ; Car s’aucune méprend (agit mal) de rien, II y a d’autres qui font bien.


Supposé que de notre temps les geus du monde méritassent les mêmes reproches et un blâme aussi énergique, assurément si l’on parlait de notre Clergé, des prêtres réguliers et séculiers, comme le font Guyot et le Seigneur de Berze, on crierait à la calomnie, et l’on aurait raison. Mais quoi, à toutes les époques, nous voyons moralistes, satiriques, prédicateurs, même ceux de l’esprit le plus large et le plus élevé, faire la leçon aux contemporains, blâmés comme les pires de tous. N’est-ce pas Bossuet qui, en plein XYIP siècle, dans ce grand XYIP siècle, illustré par tant de gloires et l’honneur de notre histoire, s’écriait avec un accent, d’amère douleur : (( Eh ! quel siècle fut plus débordé que le nôtre /» Croissant (rue du) : Ce nom vient d’une enseigne. Croix-Bouge (carrefour de la) : Il s’appelait au XV^ siècle Carrefour de la Maladrerie à cause de plusieurs Jjâtimeats ou granges dans lesquelles on logeait les pauvres malades. Ce nom fut remplacé par la désignation actuelle qui vient d’une croix peinte en rouge qu’on voyait au milieu de la place, laquelle^ sous la Révolution, s’appela du Bonnet rouge. Cujas (rue) : Cujas (Jacques), célèbre jurisconsulte né à Toulouse en 1320 et mort en 1590, se recommandait par la vertu autant que par la science. Ses Commentaires sur le Droit romain font encore autorité. Culture S te- Catherine (rue) : On prononçait coulture. Cette rue et phisieurs autres avec elle s’appelèrent de ce nom qui signifie un endroit propre à être cultivé. Il y avait jadis à Paris un grand nombre de ces terrains appartenant à des églises, à des abbayes, la culture SaintEloi, la culture Saint-Gervais, Saint-Lazare, etc.

c. ISo Au coin de cette rue Culture Ste-Catherinr, dans la nuit du 13 au \A juin 1391, Pierre de Craon tenta par vengeance d’assassiner le connétable de Clisson. Il le laissa pour mort sur la place, mais le connétable n’était que blessé et guérit assez promptement. Les biens de Pierre de Craon furent confisqués, son bôtel démoli et l’emplacement où il s’élevait servit dès lors de cimetière à la paroisse Saint-Jean. Ciœier {rue) : Georges Cuvier, né en 1769 mourut en 1832. L’illustre naturaliste, qui fut un éminent écrivain, a jeté les bases de cette brancbe nouvelle de la science qu’on appelle la Paléontologie, dont les progrès ont été si rapides. Un des résultats les plus considérables des récentes découvertes géologiques, fruit de patientes investigations, a été de prouver le merveilleux accord de la cosmosgonie de Moïse avec les faits mis en lumière par la science. « Chose admirable, dit Cuvier, les dépôts et les débris fossiles suivent absolument, dans les degrés de leur enfoncement dans le sein de la terre, l’ordre des jours où les substances auxquelles elles ont rapport furent créées d’après le récit de Moïse… Elevé dans toute la science des Egyptiens, Moïse nous a laissé une Cosmogonie dont l’exactitude se vérifie chaque jour. Les observations géologiques s’accordent parfaitement avec la Genèse sur l’ordre dans lequel ont été successivement créés tous les êtres organisés ^ » • Cuvier : — Recherches sur les ossements des quadrupèdes fossiles.


D

Daguerre (rue) : L. Jacques Daguerre (1788-1851) inventeur du Diorama^ eu 1822, l’est aussi du Daguerréotype (1839) réservé à une bien autre fortune grâce aux perfectionnements de la découverte. Le procédé, qui consistait d’abord à fixer les images sur la plaque métallique par la seule action de la lumière, est devenu surtout populaire par la Photographie qui, à l’aide du verre dépoli, reproduit l’empreinte sur le papier et tire autant d’épreuves que l’on désire. L’engouement pour les cartes-portraits et les albums parait cependant très- refroidi. C’est une question de savoir si le peintre Daguerre, avec sa découverte qui donne trop aux procédés matériels, n’a pas nui à l’art plus qu’il ne l’a servi. Toppffer assez compétent est pour l’affirmative. J’inclinais, moimême à cette opinion lorsque j’ai lu, d’un écrivain éminent, une page éloquente qui m’a fait réfléchir et m’a converti, peu s’en faut, à la photographie. (c Voici que, depuis peu de jours, dit le père Gratry dans les Sources (2° partie), l’art de fixer l’image de la figure humaine devient si populaire et si facile, que les peintres, aidés du soleil, parcourent dans toute l’Europe jusqu’aux moindres villages, et font si bien que fort souvent ils ne laissent pas dans la contrée une seule figure humaine sans la saisir. Eh bien ! voilà les portraits des ancêtres. Ce qui n’était possible, il y a plusieurs siècles, qu’aux rois et aux seigneurs, sera bientôt

D. réalisé pour tous ; l’usage de ces collections s’éteudra ; on mettra les noms et les dates, puis quelques faits saillants : fonctions, honneurs, services, actes de dévouement. Les maires et les curés signeront les portraits, constateront les souvenirs. Voilà les parchemins, voilà les titres de noblesse I mon frère qui que vous soyez, devenez fondateur ou bien régénérateur d’une race noble ! Portez avec vigueur à son grand but, qui est la multiplication des justes et des enfants de Dieu, celles des lignées humaines, dont vous êtes un anneau : en cela seul, vous aurez été un bienfaiteur de la patrie et de l’humanité. »

Nous voilà bien loin de Daguerre et de sa plaque !

Davoust (rue) : Davoust (Louis-Nicolas) maréchal de France et prince d’Eckmiihl, joignait à de grands talents militaires, prouvés surtout par la victoire d’Auesterdait, une honorable indépendance de caractère. Né en 1770, il est mort en 1823. Dauphin (rue du) : Relativement récente, car elle ne date que du XVIP siècle. Elle s’appelait d’abord StVincent ; mais vers 17 M, le Dauphin (père de Louis XVI) prit l’habitude de suivre cette rue pour aller entendre la messe à St-Roch. Un matin, pendant qu’il i^riait, le peuple, à qui ce prince était cher par ses vertus, enleva l’ancienne inscription pour la remplacer par une nouvelle, celle de rue du Dauphin. Dauphine (rue) : Ce nom lui fut donné en l’honneur du Dauphin, depuis Louis XIII (1606). Dauphine (place) : Fut faite sous le règne de Henri IV, et à cette époque Paris ne comptait comme places publiques que la Grève, les Halles, le parvis Notre-Dame,


la place Mau])ort, celle du Clicvalicr-du-Guct ;, de SainteOpportune et de la Croix-du-Tiroir. (( Lorsque le projet de bâtir le Pont-Neuf avait été conçu, dit Saint-Yictor, on avait coupé l’île de la Gourdaine du côté du grand cours de l’eau, le moulin de la Monnaie avait été détruit, et sur les deux côtés du triangle qui forme ce terrain avaient été construits les deux quais que nous voyons aujourd’hui. Commencés en 1580, puis interrompus, ils furent repris vers le temps où l’on finissait le pont et achevés en 16H. Tout l’espace qui s’étendait depuis l’Eperon jusqu’au jardin du Palais était encore en prairies : « c’était, dit Sauvai, » une solitude stérile, déserte et abandonnée qui, tous » les ans, était noyée et cachée sous l’eau. » Henri IV en fit don, en 1G07, au premier président de Harlay, à la charge d’y bâtir, suivant les plans et devis qui lui seraient donnés par le grand voyer et sous la condition de quelques redevances. Ce magistrat fit construire d’abord, le long des murs du jardin, une rue de maisons uniformes qui aboutit aux deux cjuais du grand et du petit cours d’eau et qui fut nommée rue du Harlay. Sur le plateau triangulaire qui formait le reste de l’Ile, on ouvrit une place qui fut environnée de maisons à double corps de logis dont l’un a vue sur la place et l’autre sur les quais. Le plan en fut donné par le roi qui la nomma place Dauphine, en mémoire de la naissance de son fils Louis XIII. Sous la Révolution, la place s’appela Place de Thionville, et garda ce nom jusqu’à la Restauration. C’est au milieu de cette place, à l’endroit à peu près où se voit le monument de Desaix, que furent brûlés, sous Phi

D. 189

V\[)[H\ IV (lit le Bel, Jacques Molay, grand mailre des Templiers et le maitre de Normandie. L’Ile dite de la Gonrdaine appartenait alors à ral)])ayc de St- Germain des Prés et le roi crut devoir écrire aux religieux de l’abbaye que par cette exécution il n’avait aucunement prétendu porter atteinte à leurs droits de propriété. Le fait est assez curieux pour ne pas l’oublier. David (rue) : Louis David, né en 1748, mort on 1825. Très vraie nous parait cette réflexion de Raczynski à propos de ce maître : « Dans les Sahines de David par exemple, il y a de très grandes beautés. Les enfants dans ce tableau sont dignes du Dominiquin…. Si au lieu de briller de l’encens sur les autels du paganisme et de la Révolution, il avait élevé son àme aux inspirations chrétiennes, s’il avait été donné à ce cœur de connaitre la charité, la piété et le calme religieux, il eut sans doute atteint le sublime de l’art. » Dans la bouche du critique, ces observations ont plus de portée encore. Delaroche (rue) : Paul Delaroche, né en 1707, mort en 1856. Lenormant a dit de cet illustre peintre : a Tous les moyens employés par l’artiste sont pour ainsi dire sa création, et par un bonheur sans égal il trouve le secret de s’adresser à tout le monde ; tandis que le peuple, dans le sens véritable et étendu du mot, est séduit et captivé par une réalité saisissante, l’homme de l’art reconnaît un talent original, des ressources étonnantes, et son suffrage, arraché peut-être, n’en est que plus sincère et plus profond. » (( … Après ce que j’ai dit, j’ai peu de chose à ajouter sur son caractère pour faire juger l’homme en même TOME m. Il’*


temps que le peintre. Ou s’arrange mieux aujourd’hui d’épines dorsales plus souples que la sienne : mais il s’inquiétait peu qu’on le trouvât raide pourvu que sa conscience lui dit qu’il était bon. Il était par-dessus tout l’homme du devoir et du travail ; il avait à un degré supérieur le sentiment de la dignité de l’artiste : et ceux qui dépendaient de lui, enfants, élèves et domestiques, savaient seuls qu’il n’y avait pas de bornes à la douceur intime de son caractère…. Il laisse de beaux exemples et n’a donné que de bonnes leçons. /) Casimir Delcwigne (rue) : Né en 1793, mort en 1843, Casimir Delavigne a prouvé, (comme Racine avec^Malie)y par sa tragédie des Enfants d’Edouard que, sans une intrigue amoureuse, un drame pouvait offrir l’intérêt le plus soutenu, le plus profond, tenir jusqu’à la fin le spectateur haletant sous le coup de son émotion croissant de scène en scène, et le conduire le cœur serré par l’angoisse, les yeux pleins de larmes, au dénouement des plus pathétiques. La plupart des autres pièces de l’auteur, les Vêpres siciliennes, le Paria, Marino Faliero, etc, ont vieilli, pour la forme comme pour le fond ; la tragédie des Enfants d’Edouard, de beaucoup supérieure, vraiment remarquable même, a gardé tout son attrait restée à bon droit au théâtre. Beaucoup de vers sont devenus proverbe, celui-ci par exemple : Quand ils ont tant d’esprit les enfants vivent peu. On y regrette seulement quelques hémistiches malveillants à l’adresse du clergé. Delavigne par malheur était imbu de préjugés rétrogrades et voltairiens, qui,

D. 191 dans le Don Juan cC Autriche, s’accentuent jiiS(iu’à l’ineptie et au ridicule. Le caractère Iionorable du poète, qui n’était point un bohème comme tels autres de nos contemporains, rend plus extraordinaire le penchant à ces sottises peu dignes d’un esprit aussi élevé, penchant qui doit tenir à une première et fausse éducation. Mais il dépendait de Casimir Delavigne de s’éclairer par l’expérience, par l’étude, la réflexion aidées de la conscience ; et précisément parce qu’il eut plus de lumières, il semble moins excusable d’avoir persévéré dans ces vulgaires errements. Les Messéniennes, poésies lyriques, qui eurent naguère tant de retentissement et commencèrent la réputation de l’auteur, ne se lisent plus guère. Saint-Denis (rue) : Est l’une des plus anciennes do Paris. Elle existait comme rue avant la lin du XP siècle, et avait pris tout naturellement son nom du chemin qui conduisait au village de St-Denis (ancienne Catalocum), où l’on vénérait le tombeau du saint martyr, et de ses compagnons. C’était et ce fut longtemps un pèlenage des plus célèbres. La rue à l’abbé de Saint-Denis Sied assez près de Saint-Denis ’. (( A deux lieues est l’abbaye laquelle est d’excellent édifice, dit un vieil auteur^ : là sont les corps de StDenis et ses compagnons St-Ruth et St-Eleuthère, en grandes riches fiertés (châsses). Si y est une maisoncelle

  • Le Dit des Rues.

’ Guillebert de Metz.


( petite maison) dessus appelée tégurion^ toute d’argent, à riches pierres, laquelle fit saint Eloi. Si fut d’abord la couverture de l’église d’argent ; mais puis, pour une grande guerre, fut découverte et fut pour ce baillé à l’église un des saints Clous, une partie de la sainte Couronne, une partie de la Lance, une partie de la sainte Croix, le Suaire de Notre-Scigneur, la destre de saint Siméon, une chemise de Notre-Dame et autres notables reliques. Illec (là) sont moult de riches sépultures de rois et de princes ; là prend le roi l’oriflamme quand il va en guerre ; c’est un gonfauon dont la hampe est dorée et la bannière vermeille à cinq franges où l’on met houppes de vert. »

C’était par la rue St-Denis que les rois et les reines de France faisaient leur entrée solennelle dans Paris. Toutes les rues sur leur passage étaient tendues d’étoffes magnifiques de soie et de drap. Voici ce que Froissard nous raconte à propos de l’entrée dans Paris de la trop fameuse Isabeau, femme de Charles VI : « A la Porte )) aux Peintres, rue St-Denis, on voyait un ciel nué et » étoile très richement, et Dieu par figure séant en sa y&gt ; majesté, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; et dans ce » ciel petits enfants de chœur chantaient moult douce» ment en forme d’anges ; et lorsque la reine passa » dans sa litière découverte sous la porte de ce paradis, » deux anges descendirent d’en haut tenant en leur )) main une très riche couronne d’or, garnie de pierres » précieuses et la mirent moult doucement sur le chef )) de la reine, chantant en vers : Dame enclose entre fleurs de lys^ Reine êtes-vous de paradis.

D.

9 : s

De France et de tout pays. Nous remontons au paradis. On sait que saint Denis^ apôtre des Gaules, qui fut le premier évèque de Paris, souffrit le martyre dans cette ville avec ses compagnons, Rustique, prêtre, et Eleuthère, diacre, et que tous trois eurent la tète tranchée. Les Actes nous apprennent de plus qu’après l’exécution, les corps des saints furent jetés dans la Seine par les bourreaux ; mais une pieuse chrétienne du nom de GatuUa, à la faveur des ténèbres et aidée de quelques serviteurs sans doute, put les retirer et les enterrer honorablement non loin du lieu où les confesseurs avaient été décapités. Sur cette tombe vénérée, les fidèles élevèrent une chapelle, comme on l’a dit plus haut, remplacée au cinquième siècle par une église. Puis, lorsque le roi Dagobert fonda la célèbre abbaye de ■ St-Denis, il y fit transporter les précieuses reliques. Mais à quelle date faut-il placer le martyre de saint Denis ? « L’opinion lapins probable, dit Godescard, est qu’il souffrit durant la persécution de Yalérien, en 272. » Mais une tradition fort ancienne et respectable autant que vraisemblable, d’après des hagiographes consciencieux, veut que saint Denis, premier évèque de Lutècc, fût celui-là même que saint Paul convertit à Athènes et qui est connu sous le nom de VAréopugite. Dès le temps des apôtres, et envoyé par eux, il avait porté l’Évangile dans le ? Gaules ; son martyre remonterait donc au premier siècle de l’ère chrétienne. Il ne nous appartient pas, à nous trop peu versé dans ces matières, de décider à ce sujet ; il nous semble toutefois, en


ne consultant que les simples lumières du bon sens, que le triomphe définitif de cette opinion, s’appuyant de preuves sérieuses, ne pourrait qu’ajouter à la gloire de l’église gallicane puisque l’évèché de Paris remonterait ainsi à la plus haute antiquité. Si-Denis (porte) : En i671, le prévôt des marchands et les échevins décidèrent qu’on érigerait un arc de triomphe en mémoire des glorieux exploits de Louis XIV dans la Flandre et la Franche- Comté. La ville de Paris fît les frais de cette construction. Ils s’élevèrent à 500, 122 f. Les sculptures, commencées par Girardon d’après les dessins donnés par François Blondel, furent achevées par Michel Anguier, L’arc de triomphe fut restauré en 1807 par M. Cellerier. Descartes Crue) : René Descartes, mathématicien et métaphysicien célèbre, né en 1596, mourut en 1630. Il a fait dire de lui : « Tout est tellement plein dans le système de Descartes que la pensée ne peut s’y faire jour et y trouver place. On est toujours tenté de crier comme au parterre : « De l’air ! de l’air I On étouffe, ou est moulu ! » J’en crois plus volontiers ici Joubert que le poète quand il dit : Descartes, ce mortel dont on eût fait un Dieu ! Deshe (rue) : Romain ou Raymond, comte Desèze, né à Bordeaux en 1750, mort en 1828, l’un des défenseurs de Louis XVI. Diamants (rue des cinq) : Ce nom vient d’une enseigne. S t- Dominique S t- Germain (rue) : S’appelle ainsi depuis

E. 195 l’an 1613, que les Jacobins obtinrent la permission de lui donner ce nom au lieu de celui de Rue aux Vaches, Chemin aux Vaches^ qu’elle portait parce que les vaches du faubourg St-Germain passaient par ce sentier pour aller paitre au Pré aux Clercs. (IL y a longtemps de cela). Dragon (rue et cour du) : Ce nom vient d’un dragon sculpté au-dessus de Tuoe des portes de la Cour. Draperie (rue de la Vieille] : Après l’expulsion des Juifs, en 1183, Philippe-Auguste établit dans cette rue des drapiers auxquels il donna 24 maisons moyennant 100 livres de rentes. De là le nom de la draperie qui devint, en 1313, la Viez Draperie. Du Sommerard (rue) : Du SommerarJ est le savant antiquaire à qui l’on doit la création du Musée de Cluny, par suite du don qu’il lit à la ville de Paris de sa précieuse collection. Né en 1771), il mourut en 1842.

E

Eblè (rue) : Engagé volontaire dès l’âge de 9 ans comme fils d’un officier, Eblé (Jean-Baptiste) était capitaine au moment de la Révolution qui lui ouvrit une plus large carrière. Général de brigade en septembre 1793, on lui dut une nouvelle et meilleure organisation de l’artillerie. Après avoir fait la plupart de nos grandes campagnes, il fut, lors de la guerre de Ptussie, nommé commandant en chef des équipages et rendit, en cette qualité, des services inappréciables. Quand vinrent les désastres de la retraite, Eblé diri

196 LES RUES DE TARIS.

gea la coustructioa des ponts qui permirent aux débris de l’armée de franchir la Bérésina et sauvèrent la vie à tant d’infortunés. Le brave général, pour hâter l’exécution du travail, et réparer, au besoin, les accidents, resta trois jours et trois nuits sur la rive du fleuve les pieds dans l’eau et dans la glace. Victime ou plutôt martyr de son dévouement, par suite de la fatigue et du froid, il s’éloigna malade. Quelques jours après, il expirait à Kœnisberg au moment où l’Empereur le nommait inspecteur-général et commandant en chef de l’artillerie de l’armée. £ chaude {rue de 1’) : On appelle échaudé un îlot de maisons en forme triangulaire qui donne sur trois rues. Echelle (rue de F) : On nommait échelles autrefois certains lieux d’exécution à cause d’une espèce d’échelle sur laquelle on attachait les coupables. Ecole, (rue de 1’) : Voici ce que nous en apprend Le Dît des Rues de Paris : En après est, rue de l’Ecole, La demeure à dame Nicole ; En cette rue, ce me semble, Vend-on foin et fouarre (paille). Le vieux poète Rutebœuf nous a laissé de l’écolier d’alors un portrait pris sur le vif et curieux aujourd’hui encore à reproduire : Quand il est à Paris venuz Por faire à quoi il est tenuz Et por (pour) mener honeste vie. Si bestorne (renverse) la prophétie.

E. l’J7 Gaiug de soc et d’are nue (labourage) Nos convertit en arméiire (armure) ; Por chacune rue regarde Où voie la belle musarde ; Partout regarde, partout muse ; Ses argenz faut ’gaspille) et sa robe uze : Or est tout au recoumaucier (recommencer). Ne fait or bien ce semancier En carême que l’on doit faire. Chose qui à Dieu doive plaire. En lieu de haircs haubers vestent. Et boivent tant qu’ils s’entêtent. École Polytechnique : Getto Ecole célèbre, fondée, en 1794, sous le titre de : École centrale des Ti^avaux publics, parce qu’elle était destinée surtout à former des ingénieurs, prit le nom d’École Polytechnique que lui donna la loi du 1" septembre 1795, modifiant son organisation. Les savants les plus illustres de l’époque, Lagrange, Laplace, Bertbollet, Fourcroy, Monge, etc., tinrent à honneur d’y professer. Les élèves se réunissaient dans les amphitéàtres du Palais-Bourbon ; mais, après le décret du 16 juillet 1804, qui déclara qu’à l’avenir ils seraient casernes, l’Ecole fut transférée sur la montagne SainteGeneviève, dans le local qu’elle occupe aujourd’hui. L’admission a toujours lieu par voie de concours, et des examinateurs spéciaux en décident. La durée des cours est de deux ans, suivis de nouveaux et rigoureux examens. Les élèves s’ils n’ont pas échoué, en sortant fruits- secs j ont le droit de choisir, d’après le rang qu’ils occupent sur la liste dressée par le jury, le service public (ponts-et- chaussées, mines, artillerie, état-major, et«i.) dans lequel ils veulent entrer. Aux derniers nécessaire ment les moins bonnes places : tarde venientibus ossa. Deux-Écus (rue des) : Guillot, en 1300, la nomme des Ecus seulement. C’est là que naquit, il y a pas mal d’années déjà, certain auteur assez de nos amis, et qui, nous l’espérons, n’est point tout à fait indilïérent au lecteur. Pas n’est besoin de dire son nom. Avoir son berceau rue des Deux-Écus, pour un poète ou un littérateur, cela ne vous semble- t-il pas un présage et un indice assuré de la vocation ? Elzevir (rue) : Ce nom fut rendu célèbre par plusieurs imprimeurs du XVP et du XVIP siècle établis à Amsterdam et à Leyde, et dont les bibliophiles recherchent curieusement aujourd’hui encore les belles éditions comme d’autres amateurs font des tableaux, dessins, sculptures etc. Enfants-Roufjes (rue des) : Ce nom lui vient d’un hôpital qui se trouvait rue Portefoin et s’appelait ainsi au XVP siècle. Par lettres patentes du mois de janvier Jo36, François P"" se déclare fondateur de cet hospice spécialement destiné à recevoir les enfants orphelins natifs de Paris. Il est ordonné parles mêmes lettres que ces enfants seront perpétuellement appelés EnfantsDieu et qu’on les vêtira d’étoffe rouge, a pour marquer que c’est la charité qui les fait subsister. » C’est ce qui leur fit donner par le peuple, en dépit de l’ordonnance royale, le nom d’Enfants- Bouges. Enfer (rue d’) : Ce n’était au XIIP siècle qu’un chemin nommé de A^anves et d’Issy parce qu’il conduisait à ces deux villages. On le désigna ensuite sous la dénomination de Vauvert, parce qu’il se dirigeait vers le château de ce nom que remplaça plus tard le couvent des

E. Chartreux. Cette voie publique prit successivement le nom de Porte-Gibard, de rue Saint-Michel, et faubourg Saint-Michel. Enûn on l’appela rue iï Enfer parce qu’elle devint, dit M. L. Lazare, « un lieu de débauches et de voleries, un enfer pour les pauvres bourgeois qui se hasardaient le soir dans ce quartier perdu. » D’après Sainte-Foix, le château de Yauvert, bâti par le roi Robert, fut aliandonué par ses successeurs. « Le hasard voulut que des esprits ou revenants s’avisèrent de s’emparer de ce vieux château. On y entendait des hurlements affreux. On y voyait des spectres traînant des chaînes, et entre autres un monstre vert, avec une grande barbe blanche, moitié homme et moitié serpent, armé d’une grosse massue et qui semblait toujours prêt à s’élancer sur les passants. Que faire d’un pareil château ? Les Chartreux le demandèrent à saint Louis ; il le leur donna avec toutes les appartenances et dépendances. Les revenants n’y i^evinrent plus ; le \iom.à’ Enfer resta seulement à la rue, en mémoire de tout le tapage que les diables y avaient fait. »

Dans la rue d’Enfer, au n° 74, se trouve, comme on sait, l’hospice des Enfants-Trouvés, dit aujourd’hui des Enfants-Assistés.

Épée de Bois (rue de l') : Ce nom vient d’une enseigne.

Deux-Ermites (rue des) : Ce nom vient également d’une enseigne.

Vieille-Estrapade (rue de la) : Autrefois rue des Fossés Saint-Marcel, nom qu’elle échangea contre celui de l’Estrapade parce que c’était l’endroit où s’infligeait ce supplice alors en usage dans l’armée. Voici en quoi il consistait : On soulevait au moyen d’une poulie le con damné jusqu’à une certaine hauteur d’où on le laissait retomber violemment à terre, ce qui lui disloquait les bras d’habitude liés sur la poitrine. Ce supplice barbare, a disparu depuis longtemps du code militaire ; n’eut-il pas mieux valu n’en point perpétuer le souvenir par le nom donné à cette rue ? Etienne du Mont (église Saint) : Il existait une chapelle de ce nom dès les premières années du XIIP siècle (1221). Elle fit place plus tard à la basilique actuelle, commencée sous François 1" (1517), mais terminée bien des années après, et remarquable par son jubé, le seul qui se voie à Paris. Le tombeau de sainte Geneviève, resté dans cette église bien que les reliques aient été transportées au Panthéon (Sainte- Geneviève), attire tous les ans un grand concours de pèlerins. Sur les murailles des inscriptions rappellent que dans cette paroisse reposaient les corps de plusieurs hommes illustres dans les lettres, les sciences et les arts : Eustache Lesueur, B. Pascal, Racine et Tournefort. Des vitraux remarquables qui datent du XVP siècle, et plusieurs beaux tableaux dont un signé Largillière, ornent l’église. Étoile (rue et place de 1’) : Ce nom vient de la disposition de la place où les rues viennent aboutir comme autant de rayons. Au milieu du périmètre s’élève VArc de Triomphe de Y Étoile. Un décret du 18 juillet 1806 ordonna la construction de ce monument gigantesque à la gloire des armées françaises. Le premier architecte fut M. Chalgrin auquel succédèrent MM. Goust et Blouet ; le monument, par suite des vicissitudes politiques, n’ayant pu être terminé qu’après bien des

E. : &gt ; ()| aimées, fut inauguré le 29 juillet 1836. D’un aspect vraimont imposant, YArc de Triomphe a inspiré à Victor Hugo plusieurs odes qui sont assurément de ses meilleures. Vieilles- Étuves (rue des) : Une rue des plus anciennes et autrefois des plus curieuses du vieux Paris. (( En sortant de la rue du Chastiau-fêtu, (nom que portait la partie de la rue Saint-Honoré située entre la rue Tirechape et celle del’Arbre-Sec), on entrait, dit M. L. Lazare, en tournant à droite, dans la rue des YieillesEtuves. Le matin, une heure après l’ouverture des boutiques, on entendait le barbier étuviste qui vous criait : Seignor, quar vous allez baingner ; Et estuver sans dilayer (tarder) ; Li bains sont chaut, c’est sans mentir ’. » u En ce moment, de joyeux étudiants, couverts de capes ou de mantes déchirées, entraient dans ces étuves en fredonnant l’acrostiche suivant composé sous le règne de Louis XII pour le blason de la ville de Paris : isaisible domaine, ^►moureux vergier, ssepos sans dangier, ►-•ustice certaine ai’est Paris entier. (( D’autres clercs s’arrêtaient devant un homme portant un broc d’une main et tenant de l’autre un panier rempli de cornes semblables à celles des moissonneurs. Cet homme chantait à tue-tète : 1 Les Crier ies de Paris.

202 LÉS RUES DE PARIS. Bon vin à bouche bien espicé. (( Puis des femmes de la Halle, aux larges épaules, aux manches retroussées, criaient de toute ]a forc(i de leurs poumons : J’ai chastaignes de Lombardie ! J’ai raisin d’outre mer — raisin ! J’ai porcés et j’ai naviaux (navets), J’ai pois en coîse tout noviaux ! (( Plus loin, on voyait une grosse et joyeuse commère qui portait sur le ventre tout l’attirail d’un restaurateur. Elle arrêtait les passants en leur débitant cette petite chanson : Chaudes oublies renforcies, Galettes chaudes, échaudés, Roinsolles (sortes de gaufres), çà denrée aux dez. (( Parfois de jeunes et jolies filles de la campagne venaient offrir les plus belles fleurs et les meilleurs fruits de la saison, en murmurant d’une voix douce : … Aiglantier, Verjux de grain à faire allie ! Mies y a d’alisier. (i Souvent on voyait quelques^ripiers de la rue Tirechape qui arrêtaient les clercs aux mantes râpées en leur disant : Cotte et surcotje rafetorie (raccomracde).

E. 203 « Et comme ces écoliers avaient plus de trons aux genoux et aux coudes que de blancs d’angelots et de sous pansis dans leurs surcots, ils s’esquivaient tout honteux pour se soustraire à l’importunité de ces chevaliers de Taiguille. (( Telle était, aux XIV^ et XV*^ siècles, la physionomie de la rue des Vieilles- Etuv es. )) Les bains auxquels elle devait son nom étaient en grand renom dans la ville où, ce dont nous ne nous doutons guère aujourd’hui, a les étuves, Sauvai l’affirme, étaient si communes qu’on ne pouvait faire un pas sans en trouver. » (( L’usage des étuves, dit uq plus ancien auteur, était aussi commun en France, même parmi le peuple, qu’il l’est et l’a toujours été dans la Grèce et l’Asie. On y allait presque tous les jours : saint Rigobert fit bâtir des bains pour ses chanoines et leur fournissait le bois pour chauffer leur eau. 11 parait que les personnes qu’on priait à dîner ou souper étaient en même temps invitées à se baigner, témoin ce passage de la Chronique de Louis XI : (( Le mois suivant, le roi soupa à l’hôtel du )) sire Denis Hasselin, son panetier, où il fit grande » chère, et y trouva trois beaux bains richement tendus » pour y prendre son plaisir de se baigner ce qu’il ne fit » pas parce qu’il était enrhumé. » Par malheur ce n’était pas peut-être l’amour seul de la propreté chez nos aïeux qui avait fait se multiplier ainsi les bains ; car ces établissements n’étaient pas des mieux famés dans la cité. Le chapitre LXXXIII àw Livre des Métiers^ d’Etienne Boileau, contient relativement aux Etuveurs des règlements fort sévères, celui-ci entre


autres : (( Que nuls ne crient, ne fassent crier leurs )) étuves jusques à temps qu’il soit jour. » Un fait curieux et plus ignoré encore, c’est que le monopole des bains appartenait à la communauté des maîtres barbiers perruquiers. Aussi sur leur enseigne on lisait : « Céans, on fait le poil proprement et l’on tient bains ei estuves. » Eugène (Boulevard du Prince) : Eugène Beauharnais, fils de l’Impératrice Joséphine, nommé vice- roi d’Italie en 1805 par Napoléon qui même l’avait désigné pour s, on successeur (et certes il pouvait plus mal choisir), fit preuve de talents militaires autant que d’honnêteté et de patriotisme à l’heure des suprêmes périls. On ne saurait donc que blâmer la décision récente, prise par un pouvoir intérimaire, n’ayant aucune autorité pour cela, et qui d’un trait de plume a substitué, pour le boulevard, au nom du Prince Eugène celui de Voltaire. On a fait plus sinon pis, et la statue, une laide effigie de l’insulteur de la Pucelle, a remplacé sur son propre socle, déshonoré et usurpé presque clandestinement, celle du brave soldat, français si loyal. Voilà certes de la réaction et puérile et misérable. N’était-ce pas d’ailleurs assez et trop qu’à Paris une grande voie portât le nom de cet Arouet naturalisé Prussien par l’abjection de ses flatteries envers Frédéric, etpourtout homme de cœur ne reste-t-il point à jamais infâme par le cynisme de son impiété comme par l’absence de tout patriotisme ? Ces vérités nous les avons dites ailleurs, mais on ne saurait trop les répéter quand se reproduisent, avec obstination, les mêmes scandales qui prouvent une aberration si inconcevable.

t. iOf,

F

Fagon (rue) : Fagon, médecin de Louis XIV, (1G381718) n’était point un médecin à la Molière, d’après le témoignage de Boileau. Ferronnerie (rue de la) : Elle s’appelait ainsi depuis que le roi saint Louis avait permis à de pauvres ferons d’occuper les places régnant le long des cliarniers. Aussi, devenue par là trop étroite, cette rue se trouvait constamment obstruée ; Henri II, pour l’élargir et rendre la circulation plus facile, donna l’ordre d’enlever les échoppes des Ferronniers, ovàvQ qui ne fut point exécuté, soit par crainte du mécontentement populaire, soit à cause de la mort du roi. En 1648 seulement, ces chétives boutiques disparurent ; elles devaient être remplacées, d’après un nouveau plan, par des maisons qui auraient davantage encore rétréci la voie. Mais lorsqu’on commençait à creuser les fondations, au risque de mettre à découvert les ossements remplissant les cliarniers du cimetière, une émeute violente éclata qui ne s’apaisa que par la cessation des iravaux. Sauvai dit avec raison que « si en 1554, les échoppes eussent été ruinées, notre Henrile- Grand n’eût pas été là malheureusement assassiné comme il fut en 1610. d Avant la Révolution, on voyait, vis-à-vis de la place où fut commis le crime, un buste de Henri IV avec cette inscription : TOME III. 12


Henrici Magni recréât praesentia cives, Quos illi œtfcrno fœdere junxit amor.

Je trouve, dans Germain Brice, à propos du procès de Ravaillac ce passage qui me parait curieux à reproduire : (( Son procès lui fut fait avec toute l’attention requise dans une si importante affaire ; et à la question qui lui fut donnée avec toute rigueur, il avoua des choses si étranges que les juges, surpris et effrayés, jurèrent entre eux sur les Saints Evangiles de n’en jamais rien découvrir à cause des suites horribles qui en pourraient arriver ; ils brûlèrent même les dépositions et tout le procès-verbal au milieu de la Chambre et il n’en est resté que quelques légers soupçons sur lesquels on n’a pu fonder jusqu’ici aucun véritable jugement. » La narration de Germain Brice, suivant Sainte-Foix, manque d’exactitude, a Ravaillac soutint toujours à la question qu’il n’avait point de complices, et s’il avoua des choses étranges, ce ne fut que lorsqu’il eut demandé, à la première tirade des chevaux, à être relâché…. Il dicta alors un testament de mort que le greffier affecta d’écrire si mal que les experts en écriture n’ont jamais pu y rien découvrir. » Férou (rue) : Ce nom vient d’une famille notable de la bourgeoisie, à qui appartenait très anciennement le terrain ou clos sur lequel la rue fut ouverte au commencement du XVP siècle. Femme sans tête (rue de la) : A pris son nom d’une enseigne représentant une femme qui n’avait point de tête et qui tenait un verre à la main. Au-dessous se lisait cette légende : Tout en est bon.

F. 207 Feuillantines (rue des) : Ce nom vient des religieuses Feuillantines dont le couvent se trouvait dans l’impasse. Elles étaient venues s’établir à Paris, en 1622, à la sollicitation de Anne Gobelin, veuve du sieur d’Estourmel de Plainville, capitaine des gardes du roi. Pour la construction des bâtiments et de la chapelle cette dame fit don d’une somme de vingt- sept mille livres. Elle dota également la communauté d’une rente annuelle de 2, 000 livres. Feydau (rue) : Ce nom était celui d’une famille autrefois très-connue dans la magistrature. Fidélité (rue de la) : Ouverte sur les terrains et bâtiments occupés jadis par la communauté des Filles de la charité. En 1793, on chassa les religieuses et les jardins et bâtiments, déclarés propriété nationale, furent vendus sauf réserve d’une portion de terrain nécessaire pour la rue projetée. Son nom lui vint du voisinage de l’église St-Laurent appelée sous la Révolution : Temple de V Hymen et de la Fidélité. Figuier (rue du) : Dès l’année 1300 cette rue était tout entière bâtie. Elle prit le nom de rue du Figuier parce qu’on voyait très anciennement, au carrefour formé par les rues du Fauconnier, de la Mortellerie et des Barrés, un magnifique figuier qui fut toujours renouvelé jusqu’en 1655 ; à cette époque, les besoins de la circulation le firent abattre. Filles-dieu (rue des) : Ce nom vient du couvent des religieuses dites Filles-Dieu qui s’élevait dans le voisinage. Filles St-Thomas (rue des) : Ce nom vient d’un couvent de religieuses de l’ordre de St-Dominique qui se

208 trouvait prés du Temple et dans lequel les sœurs s’installèrent en 1632.

Fléchier (rue) : Fléchier (Esprit), prédicateur célèbre sous Louis XIV, mourut évêque de Nîmes en 1710.

Florentin (rue St) : Cette rue s’appela ainsi à cause de l’hôtel qu’y fît construire, vers 1678, le ministre Phélippeaux, duc de la Vrillière et comte de St-Florentin.

Florian (rue) : J. P. Claris de Florian, né en 1700, mort en 1794, a eu la gloire, et seul, de laisser, après La Fontaine, un recueil de fables populaire et avec toute justice. Si Florian reste au second rang et, dans sa forme agréable, choisie, délicate pourtant, n’atteint pas à l’art merveilleux de celui qu’on a nommé par excellence le Fabuliste, il a d’autres mérites qui le rendent préférable à mettre aux mains des enfants. Sa morale, davantage à leur portée, d’habitude est très saine et l’on admire, chez l’officier de dragons devenu poète, cette parfaite honnêteté de sentiments, cette bonté, cette tendresse, cet accent ému et sincère où l’on sent à chaque instant vibrer le cœur. Est-il besoin de citer Le Lapin et la Sarcelle, l’Enfant et les Sarigues, etc.

Florian avait écrit aussi plusieurs romans, Estelle et Nemorin, Gonzalve de Cordoue, etc., dans le genre pastoral et sentimental et, chose singulière ! ils reçurent le meilleur accueil de la société corrompue du XVIIIe siècle. Aussi faux de ton que certaines peintures de Boucher ou Lancret, mais non point malhonnêtes comme les toiles de ces messieurs, ils firent larmoyer nos bisaïeules promptes au sourire comme aux larmes. On ne lit plus aujourd’hui ces récits démodés qui tous ensemble ne valent pas une des fables du poète. 209 For rEvèqiœ (rue du) : G’est-à-dirc le Siège de la jui’idictien temporelle de l’Evèque. Fouarre (rue de) : Fut ainsi nommée à cause de la paille ou fouarre qw’ on y vendait et dont les écoliers se servaient, aux jours de leurs assemblées et actions publiques, pour joncher les écoles et s’asseoir tandis que les régents et docteurs se tenaient dans des chaires ou sur des sièges élevés. Four St-Germain (rue du) : Elle fut ainsi appelée à cause du four banal de l’abbaye St-Germain des Prés construit au coin de la rue Neuve-Guillemin. Des fours semblables existaient dans les divers quartiers de Paris, et les habitants étaient obligés, sous peine d’amende et de confiscation, d’y faire cuire leur pain, ce qui produisait un revenu assuré et considérable au propriétaire laïque ou ecclésiastique. Mais de ce monopole il résultait des abus qui le rendirent oppressif et gênant pour les habitants. Des plaintes s’élevèrent et si vives, si persistantes qu’enfin Philippe-Auguste, par une ordonnance de l’année 1200, supprima les privilèges en autorisant les boulangers à faire construire des fours dans leurs maisons, moyennant une redevance annuelle par chacun d’eux de neufs sols trois deniers une obole. Plus tard, le mot four, eut, parait-il, une autre signification. On lit dans le journal de la cour de Louis XIY, du 10 janvier 1695 : « Il y avait plusieurs soldats et même des gardes du corps qui, dans Paris et sur les chemins voisins, prenaient par force des gens qu’ils croyaient en état de servir et les menaient dans des maisons qu’ils avaient pour cela dans Paris, où ils les enfermaient et ensuite les vendaient malgré eux aux TOME III. 12*


officiers qui faisaient ces recrues ; ces maisons s’appelaient fours. )) Le roi, informé de ces faits odieux, ordonna de saisir à la fois tous ces racoleurs interlopeS ; ^ et d’instruire immédiatement leur procès. Huit des plus coupables furent pendus. De leurs interrogatoires et de leurs aveux il résulta que Paris ne comptait pas moins de vingt-huit de ces fours ou prisons anonymes dans lesquelles, en outre des conscrits, on entraînait par force ou par ruse des femmes et des enfants qu’on vendait pour servir à peupler les colonies d’Amérique. De pareils crimes, non moins odieux qu’audacieux, pouvaient- ils être trop sévèrement châtiés ? Francs- Bourgeois ^ au marais, (rue des) : Yers le milieu du XIIP siècle, cette rue déjà construite s’appelait des Viez Poulies d’un jeu alors fort en vogue et dont les exercices avaient lieu dans une des maisons de la rue. Yers le milieu du siècle suivant (13o0), Jean Roussel et Alix sa femme firent construire un grand hôtel destiné à servir d’asile à vingt-quatre pauvres. En 1315, la fille de Jean Roussel, mariée à Pierre le Mazurier, du consentement de celui-ci, donna cet hôpital au grand prieur de France avec 70 livres de rente, à condition de loger deux pauvres dans chaque chambre. La rue s’appela dès lors des Francs- Bourgeois parce que les pauvres de l’asile étaient ^ra ?zc5, c’est-à-dire exempts de toutes taxes et impôts. François- Miron (rue) : Ce fut par les soins de ce prévôt des marchands justement célèbre que V Hôtel de Ville put s’achever en J606. François Miron ne se borna pas à faire preuve de zèle en stimulant l’architecte et

p. les ouvriers ; il n’hésita pas devant des sacrifices personnels considérables pour diminuer les dépenses à la charge de l’état, et donna 900 livres de son propre argent et plus de vingt-deux mille livres qui lui revenaient par les droits de sa charge. On lui doit les ornements de la façade, le grand perron, les escaliers, le portique et la statue équestre de Henri lY placée au-dessus de la porte d’entrée.

François Ier (rue) : Nous avons été sévère peut-être, dans la France héroïque, pour François Ier homme d’état el souverain. Voici sur le Restaurateur des lettres une belle page qu’il nous paraît juste de reproduire : « Mais depuis, dit le seigneur de la Planche, la bonté de Dieu s’est déployée sur nous et sur toute la France, par la main de ce grand roi, François P"^ de nom, qui nous a tirés comme d’un tombeau les sciences, les arts, les lettres et bonnes disciplines ensevelies en une fondrière d’ignorance ; et à l’aide d’un Amyot, d’un Jacques Colin et de tant d’autres excellents ouvriers, nous a rendu les outils de sagesse tranchants en notre langue maternelle ; tellement qu’ils n’y a artisan qui ne puisse s’il veut, de lui-même, et sans rien dérober à sa besogne, se rendre savant. » Citons un autre passage non moins curieux de Brantôme : « De plus, ce roi a été très bon catholique, sans jamais s’être dérogé de la sainte foi et religion catholique pour entrer le moins du monde en l’hérésie de Luther qui commença à venir de son temps : comme fit le roi Henri d’Angleterre, son bon frère et son contemporain, encore que toutes choses nouvelles plaisent ; mais telle nouveauté ne lui plut point, et ne l’approuva

21 : 2 LES RUES DE TARIS. jamais, disant «ju’ellc tendait du tout à la subversion de la monarchie divine et humaine. Il aima et embrassa fort l’Église catholique, apostolique et romaine, la servant fort révéremment sans aucune bigoterie et hypocrisie. » Franklin (rue) : Benjamin Franklin, né à Boston, en 1706, simple ouvrier d’abord, puis prote, et enfin maître imprimeur et devenu l’un des personnages considérables de la colonie, fut, lors de la guerre avec la métropole, envoyé en France pour proposer un traité d’alliance qu’il sut faire accepter j^ar le roi Louis XVI. Il eut également l’honneur de négocier et signer le traité de paix qui assura l’indépendance des Etats-Unis. On lui doit, comme savant, l’invention du paratonnerre. Frochot (rue) : Nicolas-Thcrèse-Benoist Frochot (17(301828), fut préfet de la Seine de 1800 à 1812, et Paris eut beaucoup à se louer de cet administrateur éminent. Frondeurs (rue des) : Les troubles de la Fronde, pendant la minorité de Louis XIY sont célèbres dans notre histoire. Cet endroit sans doute fut un de ceux où se réunissaient les Frondeurs.

li

Golonde, (rue) : Ce nom est visiblement une altération de celui de Garlande que portait une famille bien connue au XP siècle :

i.. 213 La rue de Gallande Oïl il n’a foret ni lande. {Le dit des Rues). (ja(l/uit(vini) : A pris ce nom (Vuu liolelqiii s’appelait ainsi et sur l’emplacement duquel s’éleva l’église Saintlloeh. Galvani (rue) : Médecin et physicien italien, né à Bologne le 9 septembre 1737, Galvani mourut dans cette même ville le 4 novem])re 17U8. Sa découverte la plus importante est celle de V électricité animale, comme il l’appelait et que les savants, d’un accord unanime, ont appelée Galvanisme du nom de sou auteur. Mauvais Garçons (rue des) : Cette rue s’appela d’abord rue de Graon, parce que les seigneurs de Craon y avaient bâti leur hôtel ; mais depuis le règne de Charles YI, ( ; comme ce fut, dit Sauvai, dans ce logis-là que Pierre de Craon se cacha avec d’autres déterminés pour assassiner le connétable de Clisson, cela fut cause que la rue changea de nom et fut appelée la rue des MauvaisGarçons. )) Il y avait une rue du même nom donnant d’un bout dans la rue des Boucheries Saint-Germain ; son nom, parait-il, lui venait d’une enseigne. Geindre (rue) : Jaillot fait venir ce mot àa junior employé dans les anciens titres pour désigner un compagnon, un aide, un commis. Geoffroy Saint-Hilaire (ruej : Etienne Geofifroy SaintHilaire (1772-1844), célèbre naturaliste français, créa l’enseignement delà Zoologie et par suite les collections et la ménagerie du Jardin des Plantes. Le nom de cet homme illustre est à bon droit populaire, car, cher aux


savants, il ne doit pas être moins cher aux familles d’artisans comme aux écoliers de tout âge auxquels, pour les jeudis et dimanches, il a ménagé un lieu de promenade qui offre tant d’attrait à la curiosité et où le plaisir s’unit à l’instruction. Germain- Pilon (rue) : Ce célèbre sculpteur (15 15-1 590), l’émule de Jean Goujon, mérite une place à part dans riiistoire de l’art, par son talent original qui n’est point gâté par l’affectation du savoir et la fausse imitation qu’on pourrait qualifier la parodie de l’antique. Saint- Germain des Prés (église de) : (( L’abbaye de Saint-Germain des Prés, dit Sainte-Foix, proche et hors des murs de Paris, ressemblait à une citadelle ; ses murailles étaient flanquées de tours et environnées de fossés. Un canal, large de treize à quatorze toises, qui commençait à la rivière et qu’on appelait la petite Seine, coulait le long du terrain où est à présent la rue des Petits-Augustins (Bonaparte) et allait tomber dans ces fossés. La prairie, que ce canal partageait en deux, fut nommée le g ?’and et le petit prés aux Clercs, parce que les écoliers, que l’on appelait autrefois clercs, allaient s’y promener les jours de fête. Le petit pré était le plus proche de la ville. » En 1 460, les fossés furent comblés et sur le terrain qu’ils occupaient on bâtit un des côtés des rues SaintBenoit, Sainte-Marguerite et du Colombier. Gouvion Saint-Cyr (rue) : Le maréchal Gouvion SaintCyr (Laurent) (1764-1830), après avoir pris une part glorieuse aux guerres de la République et de l’Empire, devint, sous la Restauration, de 1815 à 1821, ministre de la guerre. On lui dut la réorganisation de l’armée et

G. 215 sur des hases qui ont mérité les éloges des juges les plus compétents. « Les lois sur le recrutement, dit rpielquc part Gouvion Saint-Cyr, sont des institution ?. )) Grenelle (rue de) : Elle s’appelait autrefois cltcmin de Grenelle parce qu’il conduisait à ce village. Guilleinin, (rue Neuve) : S’appelait d’abord rue de la Conw, nom qui lui fut donné (( à cause de quelque tête de cerf (que le peuple appelle corné) scellée dans les murs de la maison qui en fait le coin vers la rue du Vieux Colombier. » Ce nom fut ensuite changé en celui de Guillemin parce que sur le terrain que couvre la rue se trouvait auparavant un jardin appartenant à une famille de ce nom. « Et parce que ce mot de Guillemin est un peu proverbial, le peuple, qui se plaît à tourner tout en raillerie, non content d’avoir ajouté au nom de Guillemin, propriétaire du jardin, l’épithètc de Croque-^ sol, le donna encore à la rue de sorte qu’il l’appelle plus souvent la n\c Guillemin O’oque- sol que la rue Guillemin. » Saint-Germain l’Avxerrois. Cette église est une des plus anciennes et des plus remarqualjles de Paris, et il n’en est aucune pourtant dont l’origine présente plus d’obscurité. Il est certain qu’elle existait au YIP siècle, puisque saint Landri, évèque de Paris, mort vers l’an 655 ou 656, y fut inhumé. L’église subsista, telle qu’elle avait été bâtie d’abord, jusqu’au siège de Paris parles Normands. Ces barbares l’épargnèrent tant qu’elle leur parut utile à leur défense ; ils la fortifièrent à cet effet d’un fossé dont on retrouve encore la trace aujourd’hui dans la rue qui en porte le nom ; mais lorsqu’ils furent forcés de battre en retraite, ils la détruisirent de fond

2i6&g en comble. Helgaud, moine de Fleury, nous apprend qne le roi Robert la fit rebâtir. A ditterentes reprises, elle fut reconstruite ou réparée par l’ordre de nos rois qui la considéraient comme leur [uiroisse quand ils eurent fait du Louvre leur demeure habituelle. Ce qu’on voit de plus ancien dans l’éditice est le grand portail qui parait être du siècle de Pbilippe-le-Bel ; le vestibule ou portique qui le précède ne fut construit que sous le règne de Charles VII. Gesvres (quai de) : « 11 faut se figurer, dit Jaillot, qu’au commencement du siècle passé, le terrain, qui est entre le Pont-au-Change et le pont Notre-Dame, allait en pente jusqu’à la rivière, et qu’il n’était couvert que par quelques vilaines maisons qui formaient la Tuerie et VEcorcherie. En 1641, le marquis de Gesvres demanda ce terrain au Roi et, sur l’avis des trésoriers de France, il obtint des lettres-patentes, au mois de février 1642, lettres qui, malgré l’opposition des boucliers et des propriétaires de forges du Pont-au-Change, furent enregistrées le 30 août de la même année : En voici la teneur : (( Louis (etc.) savoir faisons que Nous, ayant pris en )) considération les signalés recommandables services » que le marquis de Gesvres nous a rendus dès sa tendre » jeunesse, tant en nos armées qui ont tenu la campagne » qu’es sièges les plus importants dans l’Allemagne, la » Flandre et l’Espagne où, en divers combats et entre» prises, il a donné telle preuve de son courage et de sa )) valeur, qu’au prix de son sang et de plusieurs bles)) sures et d’une prison de neuf mois, il a mérité de )) Nous et du public l’estime et les gratifications qui sont

G. 217 » dues à ceux (|iii nous servent avec tant de cœur et de » lidélité. A quoi ayant égard comme aux grandes et » excessives dépenses qu’il a faites jusques à présent » dans nos armées et qu’il est encore obligé de continuer )) à l’avenir à icelui avons…. accordé, donné, octroyé, » cédé, quitté, transporté et délaissé du tout à toujours » les places qui sont entre les ponts Notre-Dame et aux » Changeurs, du coté de l’Ecorclierie, sur la largeur » qui se rencontrera depuis la culée du pont Notre-Dame » jusqu’à la première pile d’icelui, pour en quelle place » y faire construire, à ses frais et dépens, un quai porté » sur arcades et piliers posés d’alignement, depuis le )) point de la dite première pile du dit pont Notre-Dame » jusques à celles du Pont-aux-Changeurs de présent » construit de neuf : et quatre rues, l’une de vingt pieds » de large avec maisons, qui prendra sou embouchure » sur le pont Notre-Dame, etc., etc. » Git-le-Cœur (rue) : 11 y a contestation sur l’origine de cette dénomination. Piganiol prétend qu’elle vient d’un descendant de Jacques Cœur, propriétaire d’une des maisons. Cette opinion parait peu fondée ; la plus vraisemblable et la plus suivie veut que le mot GU-leCœur soii une corruption de Gilles queux ou Gui le queux j Gilles le cuisinier dans le vieux langage. Au coin de cette rue, François F’" avait fait bâtir un petit palais communiquant par un escalier avec l’hôtel habité par la duchesse d’Etampes. Vers le commencement du siècle, Sainte-Foix voulut visiter cette résidence jadis fameuse et voici ce qu’il raconte : «Le cabinet de la duchesse d’Etampes sert à présent d’écurie à une auberge qui a retenu le nom de la Salamandre. TOME m. 13


Un cliapelicr fait sa cuisine dans la chambre du lever de François I", et la femme d’un libraire était en couches dans le petit salon de délices lorsque j’allai pour examiner, les restes du palais. » Sic transit gloria mimdi. Glatigny (rue de) : Des titres anciens disent qu’on voyait en cet endroit une maison de Glatigny, qui, en 1241, appartenait à Robert et Guillaume de Glatigny. Au XIV° siècle, cette rue fort mal habitée s’appela le Val d’Amour. Gluck (rue) : Gluck (Christophe Willibald), célèbre compositeur de musique, (1714 1787), auteur à’Alceste, Iphigénie en Aulide, etc. Gobelins (rue et manufacture des) : L’établissement des Gobelins, dont la réputation est européenne, doit son nom à une famille qu’on croit originaire de Reims et dont le chef « Jehan Gobelin, teinturier en escarlate )) fonda en 1430 une fabrique bientôt des plus prospères, et qui resta la propriété de l’un des membres de la famille jusqu’au commencement du XYIP siècle. A cette époque, dans une des maisons qu’il avait acquises de la famille Gobelin, Henri lY fonda rétal)lissement que la perfection de ses produits a rendu si fameux. Godot de Mauroy (rue) : Ouverte en 1818 seulement et qui doit son nom aux frères Godot de Mauroy, propriétaires du terrain. Goujon (rue Jean) : Jean-Goujon, sculpteur d’un talent délicat autant qu’original, périt malheureusement dans la fatale journée de la Saint-Barthébîmy (1572). 11 fut

G. 219 tué ;, disent les biographes, d’un coup d’arquebuse tiré sur lui pendant qu’il travaillait aux sculptures du Louvre. Possible qu’il se trouvât sur son échafaud, mais je doute qu’en un pareil moment, il songeât à tenir l’ébauclioir ou le ciseau. Maudite d’ailleurs la balle et maudit l’assassin, quel qu’il fût, qui nous ont privés de tant de chefs-d’œuvre qu’on pouvait attendre encore de l’artiste dans toute la vigueur de l’âge et le plein épanouissement de son génie ! Gracieuse (rue) : Ce nom vient de Jean Gracieuse qui habitait dans cette rue, vers 1243, une maison à lui appartenant. Grande-Truanderie (rue de la) : Deux étymologies : les uns font venir ce nom du vieux mot truand qui signifiait un gueux, un vagabond, un diseur de bonne aventure, espèce de gens qu’on suppose avoir occupé cette rue autrefois. D’autres, et c’est le plus grand nombre, font dériver ce nom du vieux mot tru, truage qui signifie tribut, impôt, subside ; Jaillot incline à cette opinion. Grange aux Belles (rue) ; Désignation pittoresque dont l’origine est inconnue. Grange-Batelière (rue) : Origine douteuse : tout ce qu’on sait de plus précis, c’est que, dans une déclaration faite en 1522, les religieuses de l’abbaye Saint- Antoine reconnaissent que, le 12 avril 1204, on leur donna un muids de grains à prendre sur la Grange-Batelière. L’abbé Lebœuf pense que cette dénomination de Granchia Batelier ia provient des joutes ou exercices militaires qui se faisaient en cet endroit. Gravilliers (rue des) : En 1250, elle s’appelait Gavelier, nom d’un bourgeois notable qui l’habitait. Par corrup tion, ce nom s’est changé en celui des GravilUers, qui sait comment ? Grenétat (rue) : On comprend plus difficilement toutefois que ce nom de Grenétat vienne de à’Arnetal, transformé eu Garnetal et enfin Grenétat. Grégoire de Tours (rue Saint) : Saint Grégoire de Tours, né à Tours en 539, mourut en 393, dans cette même ville dont il était évèque. Son grand ouvrage, ayant pour titre Histoire ecclésiastique des Francs, est admirable par la candeur et la sincérité de la narration, quoiqu’il laisse à désirer au point de vue de la critique historique. Sans ce trésor, ou cet ensemble inappréciable de faits recueillis par le bon évèque avec une sollicitude si persévérante, que saurions-nous des premiers temps de nos annales ? Grès (rue des) : Autrefois le passage des Jacobins ; dès l’année 1220, les Frères Prêcheurs ou Dominicains eurent, dans la rue Saint-Jacques, avec un couvent, une église dédiée à saint Jacques le Majeur, leur patron. C’est de là que leur vint le nom de Jacobins, sous lequel furent généralement connus dès lors les Dominicains de Paris. Ce nom de Jacobins, étrangement détourné de sa signification primitive, sert aujourd’hui à désigner la pire espèce des révolutionnaires, parce que les séances d’un club trop fameux sous la révolution, et dont Robespierre était l’idole, se tenaient dans un ancien couvent des Jacobins (Dominicains). Guénégaud (rue) : Ce nom vient d’un hôtel appartenant à Henri de Guénégaud, ministre et secrétaire d’Etat en 1641. Guisarde (rue) : On lui donna ce nom en souvenir de

H. 221 l’hôtel du Petit-Bourbon qui, du temps de la Ligue, était habité par la fameuse duchesse de Montpensier et servait de quartier-général à la faction des Guises.

H

Halles (les) : Avant Philippe-Auguste, le terrain occupé depuis par les Halles, n’était qu’un grand espace vague appelé Cha.mpeaux. « Les malades de la prieuré de StLadre, dit Gorrozet, avaient dans ce temps et d’ancienneté acquis le droit de marché et foire publique pour distribuer toutes marchandises, lequel marché se tenait près de leur maison. Mais le roi Pliilippe-Auguste, ayant fait fermer sa ville de Paris, acheta le droit d’iceux et ordonna qu’il serait tenu dedans une grande place vague nommée les Champeaux (petits-champs), auquel lieu furent édifiés maisons, habitations, ouvroirs, boutiques et places publiques, pour y vendre toutes sortes de marchandises et les tenir et serrer en sûreté et fut appelé ce marché les Halles, ou ailes de Paris, pour ce que chacun y allait. » « C’est un endroit qu’il faut éviter, suivant G. Brice, à cause des embarras continuels qui s’y trouvent. )) Cette remarque porterait à faux maintenant que les règlements de police y ont mis bon ordre en facilitant la circulation et empêchant l’encombrement par des heures fixées pour l’arrivée et le départ des voitures qui apportent les comestibles.


La Harpe (rue de) : Vins en la rue de la Harpe, Je n’avais hareng ni carpe. lisons-nous dans Le Dit des Rues, Cette voie fort aucienne fat ainsi nommée à cause d’une enseigne. Du Breuil assure qu’elle s’appelait auparavant Ste-Côme sans dire d’où lui vient ce renseignement. » Au fond d’une assez vilaine maison, dit de son côté Ste-Foix, qui a pour enseigne la Croix de fer, on voit une salle très vaste voûtée et haute d’environ quarante pieds. C’est un reste de l’ancien palais des Thermes, et un précieux monument de la façon dont bâtissaient les Romains… Ce fut la demeure ordinaire de nos rois de la première race, a Childebert, écrit Fortunat, allait de )) son palais par ses jardins, jusqu’aux environs de )) l’église St-Vincent. » Les princesses Gisla et Rotrude, filles de Charlemagne, y furent reléguées après sa mort. Ce grand homme avait un peu trop fermé les yeux sur leur conduite, apparemment par cette même tendresse qui l’avait empêché, dit le P. Daniel, de les marier. Beaucoup de gens se trompent donc qui croient que cette rue s’appelle ainsi en souvenir de La Harpe, l’auteur du Cows de Littérature ancienne et moderne. Haussmann (boulevard) : Notre introduction, ainsi qu’on l’a vu, contenait une appréciation en quelques lignes de l’œuvre de M. Haussmann, le Paris transformé, comme disaient les courtisans. Nous revenions ici sur ce sujet plus longuement et plus sévèrement, mais dans les circonstances actuelles, il nous parait convenable de

H. 223 retrancher de cet article tout ce qui concernait M. Haussmami puisque nous aurions plus à blâmer qu’à louer ; car dans cette gigantesque entreprise, poursuivie avec une hâte et une activité fiévreuses, et l’on sait au prix de quels sacrifices, ou plutôt de quelles ruines, si l’on voit d’excellentes choses, des choses urgentes, indispensables, habilement exécutées, combien qui ne sont que pour l’ostentation et font de Paris une ville impossible I Haxo (rue) : Il y eut deux généraux de ce nom, le premier, Nicolas Haxo, qui périt au combat de la Roche-sur-Yon (Vendée) en 1794 ; le second, FrançoisNicolas, baron de Haxo, neveu du précédent, général de division du génie, mort en 1838, à l’âge de soixantequatre ans. Cette rue Haxo est devenue célèbre par un récent et trop tragique événement ! C’est là, dans une sorte d’enclos qui s’y trouve, qu’ont été fusillés ou plutôt assassinés^ pêle-mêle et Dieu sait avec quelles horribles circonstances ! (le 26 mai 1871), comme otages de la Commune et martyrs du devoir, onze prêtres ou religieux et trente-neuf gendarmes ou gardiens de la paix. Parmi les ecclésiastiques, nous citerons, l’abbé Planchat, aumônier du patronage Ste-Anne, le séminariste Seigneuret, et les jésuites Olivain, Caubert, de Bengy, dont les tombes se voient maintenant, dans l’église du Jésù, avec celles de leurs deux confrères, morts comme eux pour la foi, à la Roquette. Hautefeuille (rue) : D’après Jaillot, elle a pris ce nom à cause des arbres hauts et touffus qui bordaient jadis la voie, u II appuie son opinion, dit Lazare, sur un


article des premiers statuts faits pour les Cordeliers, d’après lequel le jeu de paume est interdit aux religieux sous la Huute-feuillée. » Haudriettes (rue des Vieilles) : Ce nom vient du couvent des religieuses dites Haudriettes, qui avaient pour fondateur Etienne Haudri. Heaumerie (rue de la) : Elle doit son nom à une enseigne représentant un heaume (casque) . La plupart des maisons d’ailleurs étaient occupées par des Heaumiers (armuriers.) Honoré (rue St) : On ne sait pas quel nom elle portait avant de prendre celui qu’elle porte actuellement, et qui n’est pas fort ancien ; car il ne lui fut donné paraitil, qu’après la construction de Téglise St-Honoré. (( C’est une des rues les plus marchandes de Paris, dit Sauvai, surtout, depuis le cimetière St-Innocent jusqu’à St-Honoré, non pas toujours des deux côtés à la fois, mais alternativement et avec interruption tantôt d’un côté tantôt de l’autre. Et de fait, depuis la rue des Déchargeurs jusqu’à la rue Tirechape, les maisons sont habitées par de riches drapiers qui les louent bien chèrement et dont les boutiques et les magasins sont pleins de marchandises et de draps de toute sorte. De l’autre côté vis-à-vis, elle n’est occupée que par des fripiers mal fournis et autres semblables artisans qui ne font pas grand trafic et qui louent peu leurs logis…. De savoir maintenant la raison de cette alternative de trafic si bizarre dans une même rue, c’est une chose difficile autant que de dire pourquoi les drapiers sont sortis de la rue de la Vieille Draperie, les Passementiers de la rue de la Vieille Monnaie, etc. )&gt ;

u. 225 Honoré-Chevalier (rue) : Nom d’un des principaux propriétaires rivcraius au XVP siècle. Huchette (rue de la) : La rue de la Huchette à Paris Première dont pas n’a mépris, doit sou nom à une enseigne. Au commencement du XVIP siècle, on l’appelait aussi des Rôtisseurs à cause du grand nombre d’industriels en ce genre qu’on y voyait et dont les établissements par leur grandeur et la multitude des fourneaux, causèrent, disent les auteurs du temps, un tel étonnement au père Bonaventure Catalagirone, l’un des négociateurs de la paix de Yervins, qu’à son retour en Italie, il ne parlait de cette rue pantagruélique qu’avec stupeur : « Veramente queste rôtisserie sono causa stupenda. )) ({ A toute heure du jour, dit l’auteur du Tableau de Paris ^ on y trouve des volailles cuites ; les broches ne désemparent point le foyer le plus ardent ; un tournebroche éternel, qui ressemble à la roue d’Ixion, entretient la torréfaction. La fournaise des cheminées ne s’éteint que pendant le carême ; et si le feu prenait dans cette rue dangereuse par la construction de ses antiques maisons, l’incendie serait inextinguible. » Hurleur (rue du Grand] : Origine douteuse. L’opinion la plus probable est celle qui fait venir cette dénomination du nom propre Heu-leu, Hugues le Loup, par corruption Hurleur.

TOME III.

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I

Imprimerie Nationale : François I", par lettres patentes du 17 janvier 1538, nomma Conrad Néobard, son imprimeur, l’imprimeur du roi et jouissant de privilèges très-étendus. Mais l’Imprimerie royale, proprement dite, ne fut créée que beaucoup plus tard, sous Louis XIII ; elle doit sa fondation à Richelieu, en 1640, et dès l’ori— gine, elle se distingua par la perfection de ses produits. Des types choisis, une mise en page intelligente, un beau et bon papier, le tirage très net, recommandent le premier livre imprimé dans l’établissement. C’était un in-folio : de Imitatione Christ i, que suivit ou précéda un Novum Testamentum dans le même format. Les ateliers étaient établis dans une des ailes du Louvre, où ils restèrent jusqu’à l’année 1808. Alors, par un décret en date du 6 mars, l’Imprimerie Impériale fut transférée rue Vieille-du-Temple, dans l’ancien Palais-Cardinal, approprié à cet effet, et elle s’y trouve encore. Les ateliers, vastes et bien aérés, non moins bien éclairés, se divisent en ateliers de fonderie, composition, impression, séchage, brochage, reliure, etc. Le nombre des ouvriers et ouvrières, en temps ordinaire, s’élève à 1, 000 environ, d’après M. L. Lazare, et cbacun d’eux, après trente années de service, a droit à une pension de retraite. Une anecdote en terminant. Lors de la visite que le pape Pie YII, venu à Paris pour sacrer l’Empereur, fit à l’Imprimerie Impériale, quand il entra dans les ate

I. 227

liers, les ouvriers, compositeurs, imprimeurs, etc., se découvrirent soudaiu respectueusement, un seul excepté qui d’un air rogue, malgré les observations et les murmures de ses camarades, s’obstinait à garder sa casquette. (( Mon ami, dit le pape avec douceur en s’approchant de lui, découvrez-vous, la bénédiction d’un vieillard porte toujours bonheur. » A ces mots non-seulement l’ouvrier fut prompt à retirer sa casquette, mais, tremblant d’émotion et les yeux pleins de larmes, il voulut s’agenouiller pour recevoir la bénédiction du souverain pontife. Innocents [Marché des) : Etabli sur l’emplacement du cimetière et de l’église des Saints-Innocents, construite au temps de Louis YII, dit le Jeune. Ce ne fut que longtemps après (1786) qu’on démolit avec l’église les fameux cliarniers, contigus au cimetière. Ils consistaient enujie grande galerie voûtée dans laquelle se faisaient enterrer les privilégiés de la fortune. Cette galerie pavée de tombeaux, tapissée de monuments funèbres, servait néanmoins de passage aux piétons, et pour ce motif était encombrée de boutiques de mercerie, lingerie, modes (étrange rapprochement !) et de bureaux d’écrivains publics. Elle occupait une partie de la largeur actuelle de la rue de la Ferronnerie. « C’est au milieu des débris vermoulus de trente générations qui n’offrent plus que des os en poudre, dit Mercier^ c’est au milieu de l’odeur fétide et cadavéreuse qui vient offenser l’odorat, qu’on voit celles-ci acheter des modes et celles-là dicter des lettres amoureuses. » Lors de la démolition de l’église, en 1786, fut cons truite la fontaine dite des Innocents dont les matériaux, pour la plus grande partie, provenaient d’un monument adossé à l’église et formant l’angle des rues aux Fers et Saint-Denis. L’idée et l’exécution font honneur à l’ingénieur nommé Six. Cinq des figures de Naïades sont de Jean Goujon, et ajoutent beaucoup, par leur admirable exécution, à la valeur du monument. Institut. Ancien collège des Quatre-Nations fondé par Mazarin et pour lequel il avait légué une somme de deux millions en argent, plus 45, 000 livres de rentes sur l’Hôtel-de-Ville de Paris. Le collège s’appelait des Quatre-Nations, pour indiquer les pays appelés à jouir des bénéfices de cette fondation. Là, devaient être élevés les enfants des gentilshommes ou principaux bourgeois de Pignerol et son territoire, de l’Alsace et pays d’Allemagne, de l’Etat ecclésiastique, de Flandre et de Roussillon. Le collège a subsisté jusqu’à la Révolution française. Invalides, (Hôtel des) : Commencé sous Louis XIII par les ordres de Richelieu qui confia la direction des travaux à Libéral Bruant, il fut complété et achevé sous Louis XIV. La partie de l’édifice exécutée sur les plans de L. Bruant se compose de la cour d’honneur entourée d’arcades, des bâtiments qui l’environnent et de l’église. Le reste est l’œuvre de Mansart. (( Plus les âges qui ont élevé nos monuments ont eu de piété et de foi, dit un éloquent écrivain ’, plus ces monuments ont été frappants par la grandeur et par le caractère. On en voit un exemple remare^uable dans ’ Chateaubriand. Génie du Christianisme.

I. 229 rilùtel des Iiivalules et dans l’Ecole militaire ; un dirait que le premier a fait monter ses voûtes dans le ciel à la voix du siècle religieux, et que le second s’est abaissé vers la terre à la parole du siècle athée., (( Trois corps de logis, formant avec l’église un carré long, composent l’édifice des Invalides. Mais quel goût dans cette simplicité ! quelle beauté dans cette cour qui n’est pourtant qu’un cloitre militaire où l’art a mêlé les idées guerrières aux idées religieuses, et marié l’image d’un camp de vieux soldats aux souvenirs attendrissants d’un hospice ! C’est à la fois le monument du Dieu des Armées et du Dieu de l’Evangile. La rouille des siècles qui commence à le couvrir lui donne de nobles rapports avec ces vétérans, ruines animées, qui se promènent sous ces vieux portiques. Dans les avant- cours, tout retrace l’idée des combats : fossés, glacis, remparts, canons, tentes, sentinelles. Pénétrez-vous plus avant, le bruit s’affaiblit par degrés, et va se perdre à l’église, où règne un profond silence. Ce bâtiment religieux est placé derrière les bâtiments militaires, comme l’image du repos et de l’espérance, au fond d’une vie pleine de troubles et de périls. (( Le siècle de Louis XIV est peut-être le seul qui ait bien connu ces convenances morales, et qui ait toujours fait dans les arts ce qu’il fallait faire, rien de moins, rien de plus. L’or du commerce a élevé les fastueuses colonnades de l’hôpital de Greenwich en Angleterre ; mais il y a quelque chose de plus fier et de plus imposant dans la masse des Invalides. On sent qu’une nation qui bâtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées a reçu la puissance du glaive ainsi que le sceptre des arts. »

i&gt ; Ou sait qu’aux voûtes de l’église se voieut suspendus les drapeaux de toutes couleurs, glorieux trophées conquis sur l’ennemi. Est-il permis de ne pas dire, quoique personne ne l’ignore, que, dans la crypte de l’église, se trouve le tombeau de Napoléon P% dont le corps, jusqu’en 1840, reposa sous le saule de Sainte-Hélène et qui fut alors, après vingt-cinq ans, rapporté de la terre d’exil. Il est là, sous (rois pas un enfant le mesure. (Lamartine).

Jacob (rue) : Doit son nom à la reine JMarguerite de Valois qui avait fait vœu de bâtir un autel et fit construire le couvent et l’église des Petits-Augustins où s’éleva l’autel Jacob. Saint- Jacques de la Boucherie (Tour) : Lors de la démolition de l’église, vendue, en 1797, comme propriété nationale, cette Tour avait été conservée. La ville de Paris l’ayant achetée des héritiers Dubois pour la somme de 250, 000, elle fut classée parmi les monuments historiques, ce qui la mettait pour toujours à l’abri de la pioche des démoUsseurs. La tour, ha])ilement restaurée par l’architecte Th. Ballu, s’élève maintenant au milieu des frais ombrages d’un square bien connu des mères de famille du quartier et de leurs gentils bambins.

j. 231 Voyez se dresser, veuve et seule. Du sein des arbustes fleuris, La tour Saint-Jacque, une autre aïeule Des édifices de Paris. Longtemps son destin fut précaire ; Mais, comme un riche reliquaire Que quelque amoureux antiquaire Conserve précieusement, Qu’il tonne, qu’il vente ou qu’il pleuve, Elle est désormais à l’épreuve Et, sur sa base, au bord du fleuve. Assise inébraolablement. a dit un poète contemporain ^ Au premier étage se voit une statue de Pascal, et une inscription placée sur l’une des parois rappelle que ce fut dans la Tour St-Jacques que Biaise fit ses premières expériences relatives à la pesanteur de l’air. St-Jacques (rue) : A longtemps été divisée en plusieurs tronçons appelés de noms divers : Grande rue du Petit-Pont, Grande rue St-Benoit, Grande rue St-E tienne des Grès. Son nom actuel, qu’elle porte dans toute sa longueur, vient originairement de la chapelle St-Jacques qui s’y trouvait et que desservaient, depuis l’année 1218, les religieux dominicains. Jajji/ iruei : Elle doit son nom à une famille d’horlogers célèbres, dont le chef, Frédéric Japy, était fils d’un maréclial ferrant de Beaucourt, arrondissement de Béfort iHaut-Rhin . Après avoir fait son apprentissage en Suisse, chez un horloger distingué du pays, nommé Perrelet, il vint à Paris en 1789 « ayant pour toute mise

  • Amédée Pommier.


de fonds, dit M. Lazare, ses bras et son cœur. » Trente ans après, il cédait à ses trois fils son établissement trèsprospère et l’un des plus considérables de France et même d’Europe. Jardinet (rue du) : A pris ce nom du jardin du collège de l’hôtel Vendôme situé entre cette rue et celle du Battoir. Jean de l’Epine (rue) : C’était le nom du greffier criminel du Parlement qui habitait cette rue en 1426 et probablement fit remplacer par son nom propre celui de la Tonnellerie qu’elle portait. De même la rue Jean-PainMollet, voisine, cessa de s’appeler du Croc, en 1263, à cause d’un notable bourgeois qui y possédait une fort belle maison et s’appelait Jean-Pain-Mollet. Jeûneurs (rue des) : Altération du mot Jeux-JSeufs, nom que portait la rue vers 1643, parce qu’elle avait été construite sur l’emplacement des jeux de boules. Joubert (rue) : L’éminent écrivain auquel, dans nos Biographies, nous avons consacré toute une étude, eu réalité cependant n’est point celui qui, dans la pensée de nos édiles, a donné son nom à la rue ; mais, comme on l’a dit, Joubert (Barthélémy-Catherine) né à Pont-deyeauxenl769 et qui se distingua plus avec l’épée qu’avec la plume. Engagé volontaire en 1791, il s’éleva promptement aux premiers grades, général en chef des Armées de Hollande, Mayence, Italie. Lorsqu’il fut tué à la bataille de Novi, il comptait trente ans à peine. Juifs (rue des) : Aujourd’hui supprimée. « Les Juifs, dit Sauvai, ont logé à Paris dans plusieurs rues outre la rue des Juifs ; on croit qu’ils avaient encore la rue des Rosiers j la rue de la Juivrerie, la rue Violette j la rue de

j. 233 la Tixerandene, la rue St-Bon, de la Halle au Blé, de la Grande et petite Friperie, et même qu’ils étaient propriétaires de toutes les maisons composant ces rues. » Joquelet (rue) : Nom d’un bourgeois de Paris, propriétaire d’une des maisons de cette rue. Jour (rue du) : Appelée au XIIP siècle rue RaoulRoissolky témoin ce vers de Guillot : Parla rue de la Croix-Neuve ViDg eu la rue Raoul-Roissolle. nom d’un des propriétaires riverains. En 1350, Charles V fit construire, entre les rues Montmartre et Coquillière, un manège dit Séjour du roi, et la rue bientôt s’appela du Séjour, que le populaire abrégea et dont il fit la rue du Jour. Jouy (rue de) : Ainsi nommée d’un hôtel qui s’y trouvait et qui appartenait à l’abbé de Jouy (XIIP siècle). Juillet (rue du 29) : Ouverte en 1826, elle s’appelait rue du Duc de Bordeaux, nom qui fut changé en celui du 29 Juillet par une ordonnance ministérielle du 19 août 1830, signée Guizot. Julienne (rue de) : Julienne est le nom d’un artiste et amateur célèbre au temps de Louis XV. Jussiemie (rue de la) : Altération un peu bien forte du nom de sainte Marie l’Égyptienne dont une chapelle s’élevait jadis dans cette rue. Jussieu (rue de) : Les de Jussieu forment une famille dont tous les membres ont bien mérité de la science. (1606-1758). Au botaniste Antoine de Jussieu, on dut une méthode de classification qui remplaça celle de


Linnée ; — Son frère, Bertrand (4699-1777), est auteur des familles naturelles. Joseph, autre frère, (1704-1779), voyagea dans l’Amérique méridionale, d’où il rapporta d’intéressants matériaux. Laurent de Jussieu, neveu du précédent (1746-1836) publia le Gênera plantarmn et laissa un fils du nom d’Adrien (1797-1853) qui fut aussi botaniste distingué. Justice {])^\ais de) : Existait déjà comme édifice public au temps de la domination romaine. Réparé et agrandi par les maires du palais, il devint la demeure des rois sous le règne de Hugues Capet et plusieurs de ses successeurs l’habitèrent ; Louis-le-Gros entre autres y mourut. De nouvelles constructions s’élevèrent successivement ; puis l’édifice presque en entier fut rebâti par Philippe-le-Bel qui y installa son parlement. Les voûtes de la Grande salle, dite aujourd’hui des Pas Perdus, étaient alors en bois et soutenues par des piliers de même matière, enrichis de dorures sur un fond couleur d’azur. Dans les espaces qui les séparaient, s’élevaient les statues de nos rois depuis Pharamond. Le 7 mai de l’an 1618, un incendie dont la cause est restée inconnue détruisit cette salle antique et magnifique et . une grande partie des bâtiments voisins. La salle alors fut reconstruite, mais en pierres de taille et moellons, par Desbrosses, l’architecte du palais du Luxembourg. Les travaux, poussés avec une grande activité, étaient complètement terminés en 1622.

E. 235

K

Kléher (rue) : Jean-Baptiste Kléber, lils d’uu terrassier de la maison de Rohan, né à Strasbourg en 1734 ; d’abord officier au service de l’Autriche, il rentra en France après avoir donné sa démission et devint inspecteur des bâtiments publics. Engagé volontaire en 1792, il s’éleva promptement aux premiers grades et s’illustra dans les armées du Nord et de Sambre et Meuse. Il périt, comme on sait, en Egypte, assassiné par un fanatique du nom de Soleiman (14 juin 1800.) « Kléber, c’était le dieu Mars en uniforme, a dit de lui Napoléon dans ses Mémoires ; courage, conception, il avait tout. » Si l’on eu croit Ro^dgo, l’aide-de-camp de Desaix, le caractère chez Kléber n’était point à la hauteur des talents militaires : « C’était un homme de bien et incontestablement un général brave et habile, mais d’une bonté et d’une faiblesse de caractère qui contrastaient singulièrement avec sa haute stature qui avait quelque chose d’imposant…. Son caractère naturel était frondeur et il disait lui-même qu’il n’aimait la subordination qu’en sous- ordre. Son esprit, quoique agréable, n’était pas d’une portée très-étendue… A tous ces inconvénients se joignait celui d’une ignorance totale dans la conduite des affaires de cabinet, en sorte qu’il ne pouvait manquer d’être à la merci de tout le monde et particulièrement de ceux qui voulaient faire de lui un moyen de rentrer en France. )) Encore que politiquement Kléber en Egypte ait fait

236 LES RUES DE TARIS. des fautes glorieusement et complètement rachetées par l’homme de guerre, ce jugement paraît trop sévère et la position particulière de Savary, auprès de l’Empereur, nous le rend[su ?pect. (Voir la France héroïque ^ article Marceau) .

La Feuillade (rue de) : La Feuillade, de la maison d’Aubusson, gouverneur du Dauphiué, et colonel du régiment des Gardes-Françaises, qui a érigé la statue de Louis XIV à la place des Victoires, a fait sa fortune par mille quolibets qu’il disait au roi. ^ a II y a des gens qui gagnent à être extraordinaires : ils voguent, ils cinglent dans une mer où les autres échouent et se brisent, dit La Bruyère ; ils parviennent en blessant toutes les règles de parvenir ; ils tirent de leur irrégularité et de leur folie tous les fruits d’une sagesse la plus consommée ; …. ils s’attirent à force d’être plaisants des emplois graves, et s’élèvent par un continuel enjouement jusqu’au sérieux des dignités ; … ce qui reste d’eux sur la terre, c’est l’exemple de leur fortune, fatal à ceux qui voudraient le suivre. » Laffîte (rue) : On sait la part considérable que ce célèbre banquier prit à la révolution de 1830 et dont pour sa fortune il n’eut pas à se féliciter. Il est mort en 1844. Lancry (rue de) : Ouverte en 1776 sur un terrain appartenant aux sieurs Lancry et Lollot. ’ La Feuillade d’ailleurs, brave jusqu’à la témérité^ avait des talents militaires.

L. 237 Lard (rue au) : Ainsi nommée parce qu’on y vendait force lard et charcuterie. La Retjnie (rue) : La Reynie (Gabriel-Nicolas) fut le premier lieutenant (préfet de polic( ; ) de Paris et il rendit dans ce poste de grands services dont Louis XIV le récompensa par le titre de conseiller d’Etat. Il mourut en 1709. La Roche foucauld {ywq de) : On ne peut refuser à l’auteur des Maximes le mérite d’un style net, incisif et qui met fortement en relief une pensée rarement banale ; mais le moraliste chez lui ne vaut pas l’écrivain, car il exagère en calomniant la nature humaine qu’il semble avoir pris à tâche de nous montrer par ses côtés les plus défectueux. De la médaille il ne veut voir et découvrir que le revers. A Dieu ne plaise que l’égoïsme, que l’amour-propre soient les mobiles uniques de nos actions même les meilleures en apparence ! Il est (et non par exception) d’humbles vertus, d’héroïques dévouements, de sublimes sacrifices d’autant plus admirables que le motif qui les inspire vient de plus haut, entièrement généreux et désintéressé. Las Cases (rue de) : Ouverte en 1828, elle a pris en 1830 le nom de Las Cases, auteur du Mémorial de Sainte- Hélène. Las Cases est mort en 1842. Lavoisier (rue) : Lavoisier (Antoine-Laurent), célèbre chimiste qui, à l’âge de 23 ans (il était né en 1743), avait remporté le prix proposé par l’Académie des Sciences pour le meilleur mode d’éclairage de la ville de Paris. Il fut l’une des victimes de la Terreur. (8 mai (1794). Lazare (prison de Saint) : Ce monument remonte à


la plus haute antiquité puisqu’il est mentionné dans un titre de l’année HIO ; c’était alors une maladrerie. Plusieurs siècles après, en 1632, cette maison devint la propriété des Prêtres de la Mission, institués par SaintYincent de Paul, qui s’y installèrent en l’agrandissant par de nouvelles constructions» ; ils l’habitèrent jusqu’au mois de juillet 1789 où l’émeute les en chassa. En 1793, l’établissement devint une prison trop célèbre sous la Révolution. André Chénier, qui la quitta pour marcher à l’échafaud en compagnie de Roucher, l’auteur des Mois (7 thermidor 1794), y composa ses magnifiques iambes : Quand au mouton bêlant la sombre bergerie Ouvre ses cavernes de mort. Et le reste. Légion- d’JIonneii ?’ (palais de la) : Construit en 1786 par le prince de Salm, cet édifice, devenu propriété nationale, fut affecté par Napoléon 1" à la demeure du grand chancelier de la Légion- d’Honneur et au service des bureaux. Le Graverend (rue) : Jurisconsulte éminent, le Graverend, né à Rennes en 1776, y mourut le 5 novembre 1827. Cardinal Lemoine (rue du) : Jean Lemoine, cardinal, fonda, en 1302, un collège longtemps célèbre à l’intention des pauvres maîtres et écoliers de la rue du Chardonnet, ainsi qu’il les appelait. Cet élabhssement fut, comme tant d’autres, supprimé par la Révolution et devint propriété nationale. Lions Si-Paul (rue des) : Cette rue prit son nom du

L. 239 bâtiment et des cours où étaient renfermés les grands et les petits lions du roi. a Un jour que François P"" s’amusait à regarder un combat de ses lions, une dame, ayant laissé tomber son gant, dit à de Lorges : « Si » vous voulez que je croie que vous m’aimez autant que » vous me le jurez tous les jours, allez ramasser mon » gant.)) De Lorges descend, ramasse le gant au milieu de ces terribles animaux, remonte, le jette au nez de la dame, et depuis, malgré toutes les avances et les agaceries qu’elle lui faisait, il ne voulut jamais la voir. » (Sainte-Foix.) Excellente leçon donnée à la coquetterie I Licorne (rue de la) : Ce nom vient d’une enseigne qu’on y voyait en 1297, et qui représentait un unicoime, comme ou disait alors, et la rue s’appelait de l’^’n^conze. (( Cependant j’ai ouï dire que bien des gens prétendaient que ce nom ne lui avait été donné qu’à l’occasion d’une licorne qu’on y montrait autrefois pour de l’argent ; pour quoi je serais de leur opinion volontiers s’ils pouvaient nous faire voir une licorne en vie ; mais qu’ils ne se mettent point en peine d’en chercher, car il n’y en a jamais eu au monde, si ce n’est eu peinture. » [Sauvai.) Lobau (rue) : Georges Mouton, comte de Lobau, naquit le 21 février j770 à Phalsbourg. Engagé volontaire en 1792, sa bravoure à l’armée du Rhin hii valut l’épaulette d’officier. Aide-de-camp de Joubert à Novi, il reçut dans ses bras le général frappé mortellement et qui bientôt expira. Colonel en 1800, général de brigade en 1803, Mouton mérita à la bataille d’Essling (1809) d’être nommé comte de Lobau, (( pour avoir sept fois,


aux termes du décret, repoussé rennemi et par là assuré la gloire de nos armes, n Quelques temps après, l’Empereur voyant à la Cour arriver la comtesse Lobau, s’approcha d’elle et lui dit : (( Votre mari est brave comme son épée et lui aussi méritait d’être prince d’Essling. » Après 1830, Lobau fut fait commandant en chef des gardes nationales de France. Tout le monde se rappelle le moyen original autant qu’efficace employé par lui pour dissiper, place Vendôme, une émeute sans effusion de sang. Les pompes remplacèrent, et avec un plein succès, les canons. Les Parisiens mis en gaîté par l’expédient ne purent garder beaucoup rancune au vieux brave, mais néanmoins se vengèrent par d’interminables plaisanteries, dont le maréchal ^ riait tout le premier sous sa moustache grise. Lobau mourut en 1838 (27 novembre.) Lombards (rue des) : Elle a pris son nom de certains usuriers et créanciers si impatients que par ironie on disait autrefois à Paris la Patience des Lombards. Louis-le- Grand (rue) : Il est assez curieux de voir le jugement porté sur Louis XIV par Napoléon et les motifs pour lesquels il l’exalte ou le blâme : « Louis XIV fut un grand roi : c’est lui qui a élevé la France au premier rang des nations de l’Europe ; c’est lui qui le premier a eu 400, 000 hommes sur pied Qi 100 vaisseaux en mer ; il a accru la France de la Franche- Comté, du Roussillon, de la Flandre, etc ; …. Mais les 200 millions de dettes, mais Versailles, mais Marly, ce favori sans ’ Il avait été nommé en 1831 .

mérite, mais mademoiselle de Maintenon, Villeroi, Tallard, Marsin, etc ! Eh ! le soleil n’a-t-il pas ses taches ? Depuis Charlemagne, quel est le souverain, roi de France, qu’on puisse comparer à Louis XIV sur toutes ses faces 1 ? »

Louis-Philippe (passage) : Autrefois rue de Lappe, nom d’un jardinier qui l’habitait en 1635.

Lourcine (rue de) : Cette rue dépendait au XIIe siècle du fief de Lourcine [Laorcinis) appartenant à la commanderie de St-Jean de Latran. Elle porte dans certains actes le nom de rue Franchise à cause du privilège dont les artisans jouissaient sur son territoire.

Louvre (palais du) : La véritable origine de ce château est ignorée et l’étymologie de son nom n’est pas mieux connue ; la plus vraisemblable est celle qu’on tire du mot saxon louer qui en français signifie château. Presque tous nos historiens font honneur de sa fondation à Philippe-Auguste ; mais il n’est pas difficile de prouver que ce prince n’a fait que le réparer et l’augmenter. Le Louvre, habité par nos rois, fut par eux continuellement agrandi et embelli. François Ier commença, en 1528, un nouveau bâtiment qui ne fut achevé que vingt ans après, sous le règne de Henri II. Louis XIII le fit augmenter aussi et posa la première pierre des nouvelles constructions au mois de juillet 1624. Sous Louis XIV, les augmentations furent plus considérables encore ; c’est alors que s’éleva la magnifique colonnade exécutée d’après les dessins de Perrault

1 Gourgaud et Montholon : Mémoires dictés à Sainte-Hélène. T. VII.


qui de médecin devint architecte. Napoléon P"" donna une impulsion nouvelle aux travaux que la Révolution avait interrompus, et, de notre temps, nous avons vu se réaliser le projet longtemps ajourné de la réunion du Louvre aux Tuileries, projet dont le premier, dit-on, Henri IV eut la pensée. Dans les Mémoires de Tavannes, on lit un passage singulièrement curieux pour l’époque et relatif à l’achèvement du Louvre : «… Mais à la vérité, pour faire de tels bâtiments, dit le contemporain de François P"", il faudrait que le roi de France fût au moins seigneur de tous les Pays-Bas, en bornant son état de la rivière du Rhin, en occupant les comtés de Ferre tte, de Bourgogne, Franche-Comté et Savoie qui seraient les limites devers les montagnes d’Italie, et d’autre part le comté de Roussillon et ce qui va jusqu’au proche des Pyrénées. )) La galerie des tableaux, ou Musée du Louvre, est une des plus riches de l’Europe. Toutes les grandes écoles Italienne, Flamande, Espagnole, Française y sont représentées par d’admirables chefs-d’œuvre, peinture et dessins. Dans le Louvre se voient également le Musée des Souverains, le Musée de la Marine, la galerie Sauvageot, etc. Lune (rue de la) : Ce nom \âent d’une enseigne. Luxembourg (palais et jardin du) : J’airne du Luxembourg la pose solennelle : Aux quatre points du ciel il élargit une aile ; Sous une Médicis, le ciseau florentin Voulut donner ce Louvre au yieux quartier Utin ;

L. 243 Le temps, qui ronge tout de ses dents incisives N’a pas encor mordu sur ces pierres massives ; Vierge d’impur ciment, fort de son unité. Ce compacte château vit pour l’éternité. 11 étale au dehors de ses murs granitiques La colonne toscane aux bracelets antiques. Et semble dédaigner dans son style grossier Ces frêles ornements que cartonne Percier, Ces colonnes d’un jour qui, pour être immortelles, Coiffent leurs chapiteaux de bonnets de dentelles, Ces feuillets de sculpture où, par quatrains égaux. L’architecte galant écrit ses madrigaux. J’aime surtout ses bois, terrestres élysées ; Ses pelouses de fleurs par des talus brisées ; La mousse en relief sur les murs décrépits ; L’allée où le gramen déroule ses tapis ; Ses autels où la fable a sculpté ses idoles ; Les cygnes du bassin, gracieuses gondoles ; Et les lacs de gazon qu’un balustre épineux Borde, en faisant courir ses losanges de nœuds. Là^ toujours indocile au goût systématique. Quelque plan imprévu rompt les lignes d’optique ; Là, rien n’attriste l’œil, car un heureux dédain Au compas de Lenôtre enleva ce jardin. Ces vers du poète de la Némésis, écrits en 1831, et si remarquables au point de vue historique et descriptif, étaient plus vrais alors qu’aujourd’hui, surtout en ce qui concerne le jardin si malheureusement mutilé et diminué en dépit des réclamations les plus instantes. La suppression de la Pépinière en particulier, en vue de mesquins calculs financiers, a été un acte véritable de vandalisme qui ôte beaucoup au jardin de son caractère pittoresque. Espérons maintenant que les terrains, distraits par un plan malencontreux du Luxembourg, lui


seront rendus, plantés à nouveau d’arbres et d’arbustes pour l’agrément des promeneurs et de la nombreuse population enfantine du quartier à laquelle c’est un devoir comme un bonheur de penser.

M

Macdonald (rue) : Macdonald (Etienne), duc de Tarente, né en 1765, mort en 1840. « Il était de ceux dont les dehors heureux sont, d’une àmepure et généreuse, la digne et fidèle image. Rien en lui ne dissimulait. Son âme ressortait dans tous les traits de sa noble figure. » Ainsi s’exprime M. de Ségur qui n’est point démenti par les faits. Deux épisodes seulement : A Wagram, avec deux divisions, Macdonald enfonce le centre de l’armée autrichienne couvert par plus de 200 pièces de canon. (( C’est à présent entre nous à la vie, à la mort ! » lui dit, en le nommant maréchal de France sur le champ de bataille, l’Empereur qui avait conçu contre le brave général des préventions mal fondées. Après cette même bataille, Macdonald fut laissé à Gratz avec un corps d’armée. L’ordre et la discipline qu’il maintint parmi ses troupes furent tels que le pays s’aperçut à peine de leur présence. Aussi, les Etats reconnaissants vinrent offrir au maréchal, lors de sou départ, un présent de 200, 000 florins. Il les refusa ainsi qu’un magnifique écrin, en disant : » Si vous croyez me devoir quelque chose, je vous

M. 245 laisse un moyen de vous acquitter i) ; ir les soins que vous prendrez des 300 malades laissés par nous dans votre ville. » Lamartine n’est que juste quand il dit dans le Chant du Sacre : Macdonald, des héros le juge et le modèle. Sous un nom étranger il porte un cœur fidèle ; Dans nos sanglants revers moderne Xénophon, La France et l’avenir ont adopté son nom, Et son bras, dans les champs d’Arcole et d’ibérie, En sauvant les Français a conquis sa patrie. Madame (rue de) : Ouverte en 1790 sur un terrain appartenant à S. A. R. Monsieur (depuis Louis XYlIl) qui lui donna ce nom en l’honneur de la princesse de Sardaigne, Marie Louise Joséphine, sa femme. Madeleine, (église de la) : Louis XV posa la première pierre de cette église le 3 avril 1764. L’architecte, chargé de la construction, était Contant dlvry auquel succéda, après sa mort arrivée en J777, Couture qui modiha heureusement le plan un peu mesquin de son prédécesseur. Mais le monument sortait de terre à peine lorsque éclata la révolution qui fit suspendre les travaux. Ils ne furent repris qu’en 1806 par suite d’un décret de Napoléon, daté de Posen. Mais l’église devenait d’après le décret : u un monument dédié à la Grande Armée, por)) tant sur le fronton : U Empereur Napoléon aux soldats )) de la Grande Armée. )) Ce Temple de la Gloire, comme on l’appelait, et dont Claude Yignon avait tracé le plan, était plus d’à moitié construit, quand les événements de 1814 et 1815, arrivèrent. Par suite d’une ordonnance TOME 111. i’i*

246 LES RUES DE TARIS. royale du 14 février 1816, l’édifice fut rendu à sadestiuation primitive et redevint l’église de la Madeleine. Claude Yignon néanmoins conserva la direction des travaux jusqu’à sa mort, arrivée en 1828. Il eut pour successeur M. Huré qui put enfin terminer l’édifice consacré au culte le 4 mai 1842. (( L’extérieur de ce monument, dit M. L. Lazare, a toute la noblesse des temples antiques. » Eloge mérité sans doute mais qui pour une église équivaut presque à une critique d’autant plus que l’édifice assez magnifique au dehors a entouré qu’il est de colonnes d’ordres corinthiens, surmontées de chapiteaux d’une richesse remarquable )) laisse beaucoup à désirer pour l’intérieur, qu’il s’agisse de la prédication ou des cérémonies du culte. Faute de bas-côtés la circulation est difficile, et il n’y a point à proprement parler de chapelles particulières. Malebro.nche (rue) : Né à Paris en 1638, mort en 1715, cet illustre métaphysien fut aussi un éminent écrivain. La nature de nos travaux ne nous a pas permis d’étudier assez longuement les questions philosophiques et les œuvres de Malebranche en particulier pour oser formuler une opinion sur celui-ci. Aussi nous en référons-nous à ce qu’en a dit un Aristarque plus expérimenté à qui nous laissons, d’ailleurs, toute la responsabilité de son jugement, ce semble, un peu sévère : (( Malebranche a fait une méthode pour ne pas se tromper et il se trompe sans cesse. On peut dire de lui, en parlant son langage, que son entendement avait blessé son imagination…. Ce Malebranche est bien hardi à se moquer des hardiesses. Les siennes ont plus d’excès que toutes celles qu’il reprend. Il y a pourtant

M. 247 L’ii lui tles choses admirables ; mais ce n’est pas ce qu’on a cité… Son indépendance des opinions de Descartes est toute cartésienne. Il est rebelle par fidélité. (( Malebranche me semble avoir mieux connu le cerveau que l’esprit humain. » (Joubert). Mail (rue du) : Ce nom vient d’un grand nioil ou jeu de paume, qui se trouvait dans cette rue et disparut en 1633, lorsque la ville commença à s’étendre de ce côté. Malaquais, (quai) : Le bord de la Seine en cet endroit, s’appelait anciennement port Malaquest. Voici une jolie anecdote racontée dans les mémoires du temps. Après la paix de Yervins, Henri IV, au retour d’une chasse, vètn fort simplement, et accompagné de trois ou quatre gentilshommes, vint passer la rivière au port de Malaquest, vis-à-vis la grande galerie du Louvre. Assuré que le batelier ne le connaissait pas, il prit plaisir à le questionner et lui demanda en particulier ce que l’on pensait de la paix. L’autre lui répondit : « Pour moi je ne sais pas de quelle paix vous parlez ; mais on a plus de mal que devant et nous payons plus d’impôts que pendant la guerre. Tenez, il n’y a pas jusqu’à ce méchant bachot qui ne paie impôt et pourtant j’ai assez de peine à vivre sans cela. — Et que dit le roi là dessus ? reprit Henri IV, ne parle-t-il point d’y donner ordre ? — Le roi est assez bon homme, et je crois, entre nous, que cela ne vient pas de lui ; mais par malheur il a pour amie une certaine dame, comtesse ou duchesse, qui nous ruine tous ; car, sous ombre de belles robes et affiquets qu’elle se fait donner tous les jours, le pauvre peuple pàtit ; vu que c’est lui qui paie tout, et pour

248 LES RUES DE l’ARIS. sur, ce n’est pas un bon emploi de l’argent ijui coûte si cher. — Vous trouvez, mon brave homme ? et de vrai, vous n’avez pas trop tort, dit le roi en riant et sautant du bateau qui venait d’aborder. Mais il avait oublié (avec intention sans doute) de payer le pauvre batelier désappointé qui se mit à crier, donnant les passagers à tous les diables. — Retirons-nous, Messieurs, dit le prince à ses compagnons, et riant plus fort, nous avons cette fois notre charge. Le lendemain, il fait venir au Louvre l’honnête batelier et lui commande de répéter, devant la duchesse de Beaufort, tout ce qu’il avait dit la veille. Notre homme, sans s’intimider, obéit et répéta sa tirade en n’omettant rien des dures épithètes et des vérités rudes pour l’oreille de la duchesse. Aussi la dame furieuse le voulait faire pendre. — Eh ! doucement, doucement, dit le roi qu’amusait fort la colère de la dame ; je prends sous ma protection ce brave homme, qui y va tout de la bonne foi et ne répète que ce qu’il a ouï dire ; c’est à nous d’en profiter. Non-seulement il ne lui sera rien fait, mais je veux qu’à l’avenir il ne paie plus d’impôt pour son bateau, car c’est de là qu’est venu tout le tapage. — Vive le roi, notre bon roi ! s’écria le batelier tout joyeux. Sire, grand merci, n’oubliez pas que mon bateau est à votre service et gratis toutes les fois qu’il vous fera plaisir de passer. Marais-St- Germain (rue des) : Ouverte en 1540 sur une partie de l’emplacement dit le Pré aux Clercs. Sa

M. 2\*J iléuomiiiatioii vieut des terrains marécajj^eiix (jui l’eiivironuaioiit. Au XYP siècle, elle était presque tout entière lKil)itée par les protestants et pour ce motif on l’appelait petite Genève. Racine demeurait au n" 21 et il y mourut en 1G99. Marif/nij (avenue de) : Doit son nom au marquis de Marigny, directeur général des bâtiments et jardins du roi Louis XV, grâce à Madame de Pompadour, la trop célèbre favorite, dont il était frère. Triste parenté I Saint-Marcel ou Marceau (rue) : « On rapporte au temps des empereurs Gratien et Théodore le pontificat de saint Marcel, le plus illustre et le plus connu des évèques de Paris depuis saint Denis. Il prit naissance dans Paris même, d’une famille dont il devint le principal ornement. Instruit de bonne heure dans les devoirs de la religion chrétienne, il passa sa jeunesse dans les exercices de la piété la plus exacte ; humble, modeste, chaste, mortifié, et d’une maturité au dessus de sou âge. Une conduite si réglée porta son évèque nommé Prudence, successeur de Paul, aussi évèque de Paris, à lui donner rang dans le clergé. Il le fit d’abord lecteur, puis sous-diacre, et ensuite prêtre. Il exerça les fonctions de ces différents ordres avec tant d’édification du clergé et du peuple, que nul ne parut plus digne que lui de remplir le siège épiscopal après la morl de l’évèque Prudence. Quelque répugnance qu’il eût à se charger d’un si grand fardeau, il soumit sa volonté à celle de Dieu qui se déclarait trop ouvertement par la voix des hommes. On sait peu de chose du reste du pontificat de saint Marcel. Son historien, Fortunat, s’est bien moins


é tendu sur ses actions que sur ses miracles selon le génie de son siècle *. )&gt ; Marie (pont) : A pris son nom de Christophe Marie, associé avec Poulthier et François le Regrattier, trésoriers des Cents-Suisses, qui le construisirent à leurs frais (1613 à 1635) « à condition que, pour se dédommager des dépenses excessives qu’ils étaient obligés de faire, dit Germain Bricc, on leur donnerait des places dans l’île Notre-Dame et sur les bords de la rivière, qui leur appartiendraient en propre, ce qui leur fut accordé. » Trois-Maries (place des) : Ce nom vient d’une enseigne. Marivaux (rue de) : Marivaux (1688-1763) est connu surtout par son théâtre. Le dialogue a de la finesse et de la grâce, mais avec trop de recherche. Aussi la critique, en exagérant peut-être, pour qualifier la manière de l’auteur, inventa le mot : marivaudage* Marmousets (rue des) : Ea la rue du Marmouset Trouvai homme qui m’eut fait Une muse corne bellourde ^. « C’est de temps immémorial, dit le vieux du Breuil ^, que le bruit a couru qu’il y avait en la cité de Paris, rue des Marmousets, un pâtissier -meurtrier, lequel avait occis en sa maison un homme, aidé à ce par un sien voisin barbier, feignant raser la barbe, de la chair d’icclui j ’ Félibien et Lobineau : — Histoire de Paris. 2 Homme qui me fait une cornemuse. ^ Théâtre des Antiquités de la Ville de Paris.

M. 25! faisait des pâtés qui se trouvaient meilleurs que les autres d’autant que la chair de l’homme est plus délicate, à cause de la nourriture, que celle des autres animaux. Et que cela ayant été découvert, la Cour du Parlement ordonna qu’outre la punition du pâtissier, sa maison serait rasée, et outre ce, une pyramide ou colonne, érigée au dit lieu, en mémoire ignominieuse de ce détestahle fait, de laquelle reste encore part et portion en la dite rue des Marmousets. » Une maison, dite des Marmousets, existait dans cette rue en 120G et lui donna son nom. Était-ce la maison dont « la démolition avait été faite pour grand crime commis en icelle » ainsi qu’il est déclaré, sans autrement spécifier, dans les lettres patentes octroyées par François I" à Pierre Belut, conseiller au Parlement, pour rebâtir la place étant demeurée vague pendant plus de cent ans. » Bien qu’on ne trouve nulle part ni procédure ni arrêts relatifs à ce crime horrible, il ne s’ensuivrait point forcément qu’il ne fut pas commis et que des écrivains soient fondés à le déclarer purement légendaire, un conte à la façon de ceux de Borbe-Bleue ou Croqiœmitaine. « On sait que, dans les crimes atroces et extraordinaires, il a toujours été d’usage, et même dans les derniers temps de la monarchie, dit Saint- Victor, de jeter au feu les informations et la procédure pour ne pas la rendre croyable. )) Quoique ce système soit condamné par la pratique actuelle, on se demande si la manière de nos pères n’était point préférable, et si le silence, en certains cas, n’avait pas moins d’inconvénient que cette publicité

252 LES RUES DE TARIS. bruyante, excitant fatal pour les imaginations malades et cause peut-être de nouveaux crimes. A propos de cette même rue, voici une anecdote assez curieuse que nous aurions regret d’oublier. Bien que sous Pbilippe-Auguste on eût pavé la plupart des grandes voies de Paris, ce bienfait ne s’étendit point immédiatement à tout le reste de la ville, et même par le malheur des temps, sous les successeurs du vainqueur de Bouvines, après saint Louis surtout, soit l’entretien, soit l’exécution des travaux, fut souvent négligé. Il n’y eut enfin pour la voirie de police régulière que sous le règne de Louis XIY. a Or, dit à ce sujet, un contemporain ; le commissaire Delamarre, ceux d’entre nous qui ont vu le commencement du règne de Sa Majesté, se souviennent encore que les rues de Paris étaient si remplies de fange que la nécessité avait introduit l’usage de ne sortir qu’en bottes ; et quant à l’infection que cela causait dans l’air, le sieur Courtois, médecin, qui demeurait alors rue des Marmousets, a fait cette petite expérience par laquelle on jugera du reste. Il avait, dans sa salle sur la rue, de gros chenets à pomme de cuivre et il a dit plusieurs fois aux magistrats et à ses amis que, tous les matins, il les trouvait couverts d’une teinture épaisse de vert de gris, qu’il faisait nettoyer pour faire l’expérience du jour suivant ; et que, depuis l’an 1GG3, que la police du nettoiement des rues a été rétaldie, ces taches n’avaient pas reparu. » Depuis cette époque pareillement « on n’a plus vu à Paris de contagions et beaucoup moins de ces maladies populaires dont la ville était si souvent effrayée dans les temps que le nettoiement des rues était négligé. »

M. 253 Une anecdote encore : Louis, fils du roi Philippe I", avait fait abattre, de son autorité, partie d’une maison de cette rue des Marmousets près de la porte du cloitro qui appartenait au chanoine Duranci : elle saillait trop à son gré et rendait peut-être le passage incommode. Le chapitre de Notre-Dame réclama en invoquant ses privilèges et immunités. Louis reconnut son tort, promit de ne plus rien attenter de semblable et consentit à payer l’amende qui fut fixée d’un commun accord. Ainsi le souverain, dans ce temps qu’on nous représente parfois sous d’aussi étranges couleurs, donnait le premier l’exemple en témoignant de son respect pour le droit. Marsollier (rue) : Compositeur de musique, né à Paris en 1750, Marsollier est mort à Versailles, le 22 avril 1817. Martignac (rue de) : Jean-Baptiste-Sylvère Gave, vicomte de Martignac, né à Bordeaux (20 juin 1770), est mort à Paris, le 3 avril 1832. On voit au père La Chaise la tombe de cet homme d’Etat, l’un des ministres de la Restauration. Orateur éloquent, par la noblesse de son caractère et ses qualités privées, il avait su se concilier de nombreuses sympathies. Saint-Martin (porte) : Elle fut élevée en 1674, d’après les dessins de Pierre Bullet, élève de Blondel, et en l’honneur de Louis XIV victorieux, comme la porte Saint-Denis. Saint-Martin (rue) : Et en la rue St-Martia Là ouïs chanter en latin De Notre-Dame moult de chantsi TOME m. 15


La rue St-Martin a pris son nom de la grande abbaye à laquelle elle conduisait et du Saint qui est une des grandes gloires de l’église de France. Martî/rs (rue des) : Elle doit son nom à une chapelle érigée à l’endroit où l’on croit que saint Denis et ses compagnons furent décapités. Mosséna (rue) : Masséna, prince d’Essling, et maréchal de France^, s’illustra pendant les guerres de la République et de l’Empire. On sait que le constant bonheur, qui l’accompagna sur tant de champs de bataille, lui avait fait donner par ses soldats le surnom envié de : l’Enfant chéri de la Yictoire. Massillon (rue) : Ce prédicateur célèbre, né à Hyères en Provence (1663), mourut à Paris en 1742. Son Petit Carême est dans toutes les mains. On lui reproche d’être plus enclin à la sévérité qu’à l’indulgence malgré les fleurs dont il émaille volontiers son style. On cite de lui ce mot fameux, début de V Oraison funèbre de Louis Xiy : Dieu seul est grand, mes frères. Mais il s’élève à une bien autre éloquence dans cette page sublime à l’adresse des conquérants, exhumée récemment avec tant de bonheur et d’à-propos par M. de Beauchesne^ et que Bossuet aurait signée des deux mains. Il faut ici se taire et admirer : (( Sire, si le poison de l’ambition gagne et infecte le » cœur du prince ; si le souverain, oubliant qu’il est le » protecteur de la tranquillité publique, préfère sa pro

’ L’historien de Louis XVII adressait, le 4 novembre 1870^ ce fragment au roi Guillaume, avec une lettre d’envoi remarquable et qui conciliait tout à la fois le respect et la fermeté.

M. 255 )) pre gloire à Tamour et au salut de ses peuples ; s’il )) aime mieux conquérir des provinces que régner sur )) les cœurs ; s’il lui parait plus glorieux d’être le des» tructeur de ses voisins que le père de son peuple ; si le î) deuil et la désolation de ses sujets est le seul chant de )) joie qui accompagne ses victoires ; s’il fait servir à lui )) seul une puissance qui ne lui est donnée que pour )) Tendre heureux ceux qu’il gouverne ; en un mot, s’il y) n’est roi que pour le malheur des hommes, et que, 1) comme le roi de Babylone, il ne veuille élever la w statue impie, l’idole de sa grandeur, que sur les larmes 5) et les débris des peuples et des nations, grand Dieu I « quel fléau pour la terre ! quel présent faites-vous aux )^ hommes dans votre colère, en leur donnant un tel )ï maître l Sa gloire, Sire, sera toujours souillée de )&gt ; sang. Quelque insensé chantera peut-être ses victoi» Tes ; mais les provinces, les villes, les campagnes en » pleureront. On lui dressera des monuments superbes » pour immortaliser ses conquêtes ; mais les cendres » €ncore fumantes de tant de villes autrefois florissan» tes ; mais la désolation de tant de campagnes dépouil» lées de leur beauté ; mais les ruines de tant de murs » sous lesquels les citoyens paisibles ont été ensevelis ; » mais tant de calamités qui subsisteront après lui, » seront des monuments lugubres qui immortaliseront » sa folie et sa vanité. Il aura passé comme un torrent )) pour ravager, et non comme un fleuve majestueux a pour y porter la joie et l’abondance ; son nom sera n écrit dans les annales de la postérité parmi les con» quérants ; mais il ne le sera pas parmi les bons rois ; » on ne se rappellera l’histoire de son règne que pour


)) rappeler le souvenir des maux qu’il a faits aux hom)) mes… Et tout cet amas de gloire ne sera plus à la fm » qu’un monceau de boue, qui ne laissera après elle que » l’infection et l’opprobre * » . Mathurim (rue des) : Son nom lui vient d’une chapelle dédiée à St-Mathurin. Les religieux de la Trinité, dont les fondateurs furent Jean de Matlia et Félix de Valois, et qui se dévouaient au rachat et à la rédemption des captifs, étant venus s’établir dans l’aumônerie dont la chapelle dépendait, ajoutèrent à leur nom celui de Mathurim. Rutebœuf, si malveillant dans son poème des Ordres de Paris, épargne cependant ces moines humbles autant que dévoués : Ci gît le léal Mathurin, Sans reproche bon ser\iteur, Qui céans garda pain et vin. Et fut des portes gouverneur. Paniers ou bottes^ par honneur. Au marché volontiers portoit ; Fort diligent et bon sonneur ; Dieu pardon à l’âme lui soit. Matignon (rue) : Doit son nom à Jacques de Matignon, maréchal de France, qui l’habitait. « Mais je prévois, dit Sauvai, qu’elle s’appellera bientôt la rue Maquignon, parce que le peuple commence déjà à prendre ce nom là pour l’autre comme lui étant plus connu, ce qui lui est ordinaire. » Maubert (place) : Altération du mot Aubert, C’était le ’ (Massillon. Mémoires de la minorité de Louis XV, page 9.)

M. 257 nom du second abbé de Ste- Geneviève qui, au XII° siècle, avait permis de construire des étaux de boucherie sur ce terrain compris dans la censive de l’abbaye. M au buée (nie) : Existait dès le XIII’’ siècle. La dénomination n’est pas à son honneur, car Maubué en vieux langage signifie mal propre. Mauconseil (rue) : Ce nom lui vient, d’après Cenalis, du mauvais conseil qu’on tint, en 1407, dans l’hôtel de Bourgogne, qui s’y trouvait, conseil où fut résolu l’assassinat du duc d’Orléans. D’autres auteurs pensent que ce nom vient plutôt de quelque seigneur de Mauconseil qui aurait demeuré dans cette rue. Mauconseil était un château en Picardie dont il est fort parlé dans les Chroniques de Froissart. Dans Le Dit des Rues de Paris se lisent ces vers : …. Et puis en la rue Mauconseil^ Une dame vis sur un seil (seuil), Qui moult se portait noblement. Je la saluai simplement. Et elle, moi, par saint Louis. Maures (rue des Ti^ois) : 11 existait dans cette rue, au XYP siècle, une auberge très achalandée et qui avait pour enseigne aux Trois Maures. Maza.rine (rue) : Doit son nom à l’ancien collège Mazarin aujourd’hui palais de l’Institut dont les dépendances bordent une partie de cette voie. On sait le rôle considérable qu’a joué dans notre histoire le célèbre cardinal, successeur au ministère de Richelieu. Mazagran (rue) : Elle doit son nom à l’un des épisodes les plus glorieux de nos guerres d’Afrique : « 123 bra ves de la 10° compagnie du 1" bataillon d’infanterie légère d’Afrique, à peine couverts par une faible muraille en pierres sèches ébréchée par le canon ont repoussé pendant quatre jours les assauts de plusieurs milliers d’Arabes…. Le capitaine Lelièvre, commandant cette garnison, a été promu chef de bataillon… La 10° compagnie est autorisée à conserver dans ses rangs le drapeau criblé de balles qui flottait sur le réduit de Mazagran dans les journées des 3, 4, o et 6 février 1840, et à chaque anniversaire de cette dernière journée, le présent Ordre du jour sera lu devant le front du bataillon. » Mazas (rue, boulevart, place) : Ce nom fut donné au boulevart, en souvenir du colonel Mazas, qui commandait le 41*^ de ligne et fut tué à Austerlitz. Méchain : Astronome célèbre, né à Laon en 1744, mort en 1805. Médecine (Ecole de) : Construite sur l’emplacement de l’ancien collège de Bourgogne et de (( quatre maisons y contiguës » d’après un arrêt du conseil du 7 décembre 1768. L’exécution du monument, confiée à l’architecte Gondouin, marcha rapidement et la nouvelle Ecole s’ouvrit aux élèves et professeurs. Le grand amphitéàtre peut contenir au moins 1, 200 auditeurs. Dans la cour on voit la statue de Bichat, mort si jeune, au commencement du siècle, et cependant déjà illustre. Mégisserie (quai de la) : Doit son nom aux mégissiers qui s’y étaient établis anciennement et l’habitèrent jusqu’en 1673, où l’on parvint à les reléguer dans un quartier moins central. C’est sur ce quai, comme sur le quai voisin dit de la Ferraille, que se tenaient, avant la

M. 259 Révolution, les trop fameux racoleurs. Quelques-uns d’entre eux ne se bornaient pas à pérorer sur une chaise ou sur une table. Installés en permanence, ils avaient des boutiques à la façon des baraques en toile et en bois de la foire. Au-dessus de la porte flottait un drapeau semé de fleurs de lis. Mercier, dans son livre sur Paris, affirme avoir lu sur une de ces boutiques le vers célèbre de Voltaire : Le premier qui fut roi fut un soldat heureui ! C’était là assurément le pire mode de recrutement pour l’armée et l’on comprend que, dans notre langue, ce mot de racoleur soit marqué d’une flétrissure et se prononce comme une injure. Combien de malheureux autrefois, dupes d’impudents mensonges et conscrits par surprise, furent les victimes de cet odieux négoce, qui pouvait aller de pair avec la Traite des Nègres ! Merri ou Méderic (église saint) : Il existait de toute ancienneté en cet endroit une chapelle dédiée à saint Pierre. Vers 697, Merry ou Méderic vint habiter, avec Frodulfe, son disciple, une cellule bâtie près de la chapelle, et il y mourut trois années après en odeur de sainteté. Vers 936, l’édifice fut reconstruit aux frais d’un certain Odon le fauconnier, Odo Falconarius, qui y reçut la sépulture. L’église actuelle, construite sur de plus vastes plans, et commencée sous le règne de François I", fut achevée seulement en 1612. Mesnil-Montant (rue) : Autrefois Mesnil-Maudan. Anciennement on appelait Mesnil une maison de campagne et l’on se servait aussi de ce mot pour désigner un vil lage ou un hameau. Si l’on a corrompu le nom primitif de Mesnil-Maudan, en celui de montant, la position l’explique et le justifie.

Mignon (rue) : A pris son nom du collège Mignon, créé en 1343, par Jean Mignon, archidiacre de Blois, et maître des comptes à Paris.

Militaire [Ecole) : Dans le préambule de l’édit du roi du mois de janvier 1751, pour la création de cette École ? on lit entre autres choses : « Nous avons résolu de fon» der une Ecole militaire et dV faire élever sous nos )) yeux cinq cents gentilshommes, nés sans biens, dans » le choix desquels nous préférerons ceux qui, en per)) dant leurs pères à la guerre, sont devenus les enfants » de l’Etat. Nous espérons même que le plan qui sera )) suivi dans l’éducation des cinq cents gentilshommes » que nous adoptons servira de modèle aux pères qui » sont en état de le procurer à leurs enfants ; en sorte » que l’ancien préjuge, qui a fait croire que la valeur )) seule fait l’homme de guerre, cède insensiblement au )) goût des études militaires que nous aurons introduit, » etc., etc. )) Voilà un langage vraiment royal. La construction de l’édifice commença, dès l’année suivante, sous la direction de Gabriel, architecte du roi. L’École Militaire aujourd’hui sert de caserne à plusieurs régiments de la garnison de Paris, infanterie et cavalerie.

Miroménil (rue de) : Elle a pris son nom de Armand Thomas Hue de Miroménil, nommé garde des sceaux en août 1774, deux années avant l’ouverture de la rue.

Minimes (rue des) : Cette rue tire son nom de l’ancien couvent des Minimes qui s’y trouvait. Ces religieux, 261 établis en France, en 1609, avaient pour fondateur François de Paule, le saint ermite de la Calahre. Il avait voulu que ses religieux s’appelassent Minimes, c’est-à-dire les plus petits, les plus humbles de tous. Supprimé en 1790, l’établissement devint propriété nationale et sert aujourd’hui de caserne. Molay (rue) : Fut nommée ainsi en l’an IX, à cause de la proximité du Temple et en souvenir de Jacques Molay, dernier grand maître dont nul n’ignore la fin tragique. Monnaies (hôtel des) : La première pierre du monument fut posée, le 30 avril 1777, par l’abbé Terray au nom et comme ministre du roi Louis XY. Ce vaste établissement, tant pour ses aménagements intérieurs que pour son organisation et l’excellence de son outillage, est regardé comme le premier de son genre en Europe. Monsieur (rue de) : Ouverte en 1779 sur un terrain appartenant à Monsieur, depuis roi sous le nom de Louis XVIII. Monsieur le Prince (rue) : Ce nom lui vient du prince de Condé dont l’hôtel s’étendait par les jardins jusqu’à cette voie publique. Monsigny (rue) : Célèbre compositeur de musique, Monsigny, né en 1729, est mort en 1817. Montaigne (rue) : Montaigne (Michel de) naquit au château de Saint-Michel de Montaigne, le 29 février 1533 et il y mourut en 1592. Douze années auparavant, avait paru à Bordeaux la première édition du livre des Essais. Si Montaigne s’y montre écrivain des plus remarquables, joignant la vigueur de la pensée à l’originalité de l’expression, il laisse fort à désirer sous d’au TOME III. 15*


très rapports. On regrette, dans son ouvrage^ plus encore peut-être que la tendance au scepticisme, une liberté de langage que lui-même il confesse, ce qui ne l’en rend que plus blâmable : &lt ; ( Moi qui ai la bouche si effrontée I n dit-il en propres termes au livre III des Essais. Ailleurs, il parle du suicide comme un païen et un stoïcien. Et pourtant on trouverait dans son livre plus d’un passage par lequel il se réfute éloquemment lui-même et témoigne d’une àme naturellement chrétienne, selon l’expression de Tertullien. Sa mort non plus ne fut pas celle d’un impie d’après le récit d’un témoin oculaire, Etienne Pasquier. Montfaucon (rue de) : Bernard de Montfaucon, religieux célèbre de la congrégation de St-Maur, né en 1655, mourut en 1741, à l’abbaye St-Germain des Prés. Il est auteur de savants ouvrages, entre autres les Antiquités expliquées, et une Collection des Pères. La rue ne doit donc pas son nom, comme on pourrait le croire, au fameux gibet de Montfaucon, sur lequel on nous saura gré d’ailleurs de donner quelques détails. Il fut construit ou plutôt reconstruit par Enguerrand de Marigny, suivant les uns, suivant d’autres, par Pierre Rémy, seigneur de Montigny. Ce qui est certain, c’est qu’il devint fatal à tous deux et qu’ils y furent pendus. (( Montfaucon, dit Sauvai, est une éminence douce, insensible, élevée entre le faubourg St-Martin et celui du Temple, daus un endroit que l’on découvre de plusieurs lieues à la ronde. Sur le haut, est une masse accompagnée de seize piliers où conduit une rampe de pierre assez large, qui se fermait autrefois avec une bonne porte. Les piliers, gros, carrés, hauts chacun de

M. 263 trente-deux à trente-trois pieds, et faits de trente- deux ou trente-trois grosses pierres refondues ou rustiques, posées sur des assises faites de gros quartiers de pierres bien liées et cimentées, étaient rangés en deux jQles sur la largeur et en une sur la longueur. Pour les joindre ensemble, et pour y attaclier les criminels, on avait enclavé dans leurs cbaperons deux gros liens de bois qui traversaient de l’un à l’autre, avec des chaînes de fer, d’espace en espace. Au milieu était une cave où se jetaient apparemment les corps des criminels quand il n’en restait plus que les carcasses, ou que toutes les chaînes et les places étaient remplies. Présentement cette cave est comblée, la porte de la rampe rompue, ses marches brisées ; des piliers à peine en reste-t-il sur pied trois ou quatre… En un mot, de ce lieu patibulaire Si solidement bâti, à peine la masse est-elle encore debout…. Maintenant, la Grève, la Croix du Tiroir, la Porte de Paris et l’Estrapade sont les lieux d’exécution les plus ordinaires de la ville. » Entre les personnages célèbres pendus au gibet de Montfaucon, mais cette fois avec toute justice, il faut citer le fameux Olivier le Dain, dit le Diable, barbier et ministre de Louis XL « Après la mort du roi, comme il était chargé de grands méfaits et que d’ailleurs les princes lui en voulaient à cause de son insolence, il fut livré à la justice et pendu au gibet de Montfaucon.» On y pendit aussi le corps de l’amiral de Coligny assassiné, dans la nuit de la Saint-Barthélémy, par les ordres du duc de Guise, dit le Balafré. Montesquieu (rue) : Doit son nom à Charles de Secon • dat, baron de Bréda et de Montesquieu (1689-1755),

264 LES RUES DE PARIS, Tauteur célèbre du livre de Y Esprit des Lois, qu’un malicieux critique qualifiait : De l’Esprit sur les lois. «. La tête de Montesquieu, dit Joubert, est un instrument dont toutes les cordes sont d’accord, mais qui est trop monté et rend des sons trop aigus. Quoiqu’il n’exécute rien contre les règles, il a, dans ses vibrations trop contenues et trop précipitées, quelque chose d’au-delà de toutes les clefs d’une belle et sage musique. (( Montesquieu fut une belle tète sans prudence. » il/o ?î/^o//?er(rue) : Montgolfier (Joseph-Michel) fut, avec son frère Etienne, non pas précisément l’inventeur mais le propagateur en France de la navigation aérienne au moyen des aérostats, vulgairement ballons, que Joseph de Maistre se plaint de ne pas entendre appeler Montgolfières. Le problème si important de la direction des ballons est encore à trouver. Le sera-t-il jamais ? Et pourtant que d’t’ssais restés infructueux en dépit de la réclame ! Montgolfier, né à Vidalon-lez-Aunay, mourut en 1810. Montholon (rue) : De Montholou, qui a donné son nom à cette rue, était conseiller d’état avant la Révolution. De lui descendait le général comte de Montholon, exécuteur testamentaire de Napoléon et qui, après l’avoir soigné avec un absolu dévouement, pendant de longs jours et de plus longues nuits, lui ferma les yeux. Montmartre (rue) : Son nom lui vient de la montagne à laquelle elle conduit ; mais celle-ci doit-elle son nom à un temple de Mars ou de Mercure, qui s’y élevait ou bien au martyre de saint Denis et de ses compagnons ? Sur ces opinions longtemps et vivement controversées, J aille t hésite d’abord à se prononcer ; il adopte cepen

M. 265

dant la première ou plutôt l’une et l’autre ; car il croit que saint Denis et ses compagnons furent décapités sur le mont que dominait le temple de Mars. Mont-de-Piété (hôtel du grand) : Le grand Mont- dePiété fut établi ou autorisé par lettres patentes du 9 décembre 1777, signées du roi. On peut douter que les résultats actuels, par le taux élevé de l’intérêt, répondent pleinement aux intentions bienveillantes du monarque qui disait d’une façon si admirable : a Ce moyeu nous » a paru le plus capable de faire cesser les désordres que » l’usure a introduits, et qui n’ont que trop fréquem)) ment entraîné la perte de plusieurs familles…. Nous )) avons cru devoir rejeter tous les projets qui n’offraient » que des spéculations de finances pour nous arrêter à » un plan formé uniquement par des vues de bienfai)) sance et digne de fixer l’attention publique, puisqu’i 1 » assure des secours d’argent peu onéreux aux emprun» teurs dénués d’autres ressources. » Montorgiœil {rue) : Très-anciennement il y avait en cet endroit un chemin appelé : Viens superbiœ, le chemin de l’Orgueil. Pourquoi ? nul ne le dit. Dans certains actes on lit : Vicus 7nontis superbi : Le chemin du mont orgueilleux. Mont-P ornasse (rue) : Sur un monticule voisin de l’ancienne barrière, les étudiants de l’Université avaient coutume autrefois de se réunir pour discuter sur la poésie ou l’éloquence et lire sur ces divers sujets leurs élucubationscVoùcettebuttepritlenomdeJ/o/^^Pfl/v^fl55e. Maintenant on ne voit plus là de joyeux ébats d’étudiants, mais tout au contraire les corbillards se rendant au cimetière du même nom.


Morgue (la) : Autrefois placée sur le quai dit du Marché-Neuf, la Morgue se cache en quelque sorte maintenant derrière le square Notre-Dame, et, ce dont il faut se féliciter, les curieux, loin de la trouver sur leur passage, doivent l’aller chercher. « S’il faut en croire Vaugelas, dit M. Lazare, Morgue serait un vieux mot français qui signifie visage . A l’entrée des prisons, on trouvait autrefois un endroit portant le nom de Morgue où l’on retenait quelques instants les prisonniers au moment où on les écrouait pour que les gardiens pussent bien voir leur morgue ou visage afin de les reconnaître en cas d’évasion. Plus tard, on exposa dans les morgues les cadavres que la Justice voulait faire reconnaître. » L’exposition s’étendit ensuite à toutes les victimes (n’importe la cause de l’accident) dont les corps étaient relevés sur la voie pul3lique ou retirés de la rivière. Les filets de Saint-Cloud à ce sujet sont célèbres. Un poète a dit : Et la Morgue au teint vert qui jette chaque nuit Son hameçon dans la rivière. La Mothe-Picquet (rue de) : La Mothe-Picquet, marin célèbre pendant la guerre d’Amérique, mourut lieutenant-général à Brest en 1791 . Il était né en 1720. Mouffetard (rue) : Altération du mot Montcétard, nom qu’on donnait à cette voie dans le XIIP siècle. Moulins (rue des) : Elle doit son nom à deux Moulins situés sur la butte Saint-Roch et qui furent détruits lorsqu’après avoir aplani la butte, on couvrit de maisons l’espace qu’elle occupait.

M. 267 Mozart (rue) : Un critique distingué de notre temps a caractérisé admirablement en peu de lignes, le talent de ce maitre illustre : (c Mozart est aussi grand musicien que poète sublime. Il chante la grâce et les sentiments exquis des natures supérieures, les douleurs mystérieuses de l’àme qui entrevoit des horizons infinis, les tristesses et les voluptés d’une civilisation avancée. Il a l’élégance, la profondeur et la personnalité des patriciens. Son génie dédaigne les appétits grossiers de la foule ; jamais il n’emploie de formules banales pour capter l’approbation du vulgaire. Il dit ce qu’il veut dire sans se préoccuper du public qui l’écoute, et ses cadences s’arrêtent où s’arrête sa pensée. Il est le musicien des nuances, mais des nuances qui réfléchissent la délicatesse de l’àme, et non pas de celles qui expriment les raffinements de l’esprit. Il a la piété d’un enfant, la tendresse et la pudeur d’une femme ; et son langage passionné, mais chaste et religieux, ne s’adresse qu’à ces natures d’élite qui sont toujours en minorité sur la terre a Ah ! disait-il un jour à un protestant de ses » amis, vous avez votre religion dans la tête et non dans )) le cœur ; vous ne sentez pas comme nous ce que )) veulent dire ces mots : (( Agnus Dei qui tolUs peccata » mundi, dona nobis paceni )&gt ;

mais lorsqu’on a été comme )) moi introduit dès sa plus tendre enfance dans le sanc)) tuaire, que, l’àme agitée de vagues désirs, on a » assisté au service divin où la musique traduisait ces )) saintes paroles
Benedictus qui venit in nomine Domini ! )) oh ! alors, c’est bien différent. Plus tard, lorsqu’on » s’agite dans le vide d’une existence vulgaire, ces im» pressions premières, restées ineôaçables au fond du


» cœur, se ravivent et montent à l’esprit comme un sou» pir qui se dilate. » (( On voit que Mozart avait le secret de son génie *. » Murillo (rue de) : Bartholomé-Esteban Murillo (16081682), l’un des maîtres les plus célèbres de l’École Espagnole. Son talent sans doute est grand, mais ne saurait justifier l’engouement prodigieux qui, depuis un temps, donne à ses tableaux une plus value exagérée. Peintre naturaliste, admirable dans le Petit Mendiant par exemple, Murillo, malgré la facilité de sa touche et la magie du coloris, nous parait, dans les sujets élevés, chrétiens^, surtout, le plus souvent au-dessous de sa tâche. Ses types manquent de grandeur bien loin de réaliser notre idéal, témoin cette Immaculée Conception du Louvre, acquise à la folle enchère (oh ! vraiment folle !) et payée dix fois sa valeur. Que de chefs-d’œuvre de maîtres divers et qui nous manquent on aurait eus pour les six cents et quelques mille francs si légèrement donnés ! Nous avons vu de Murillo, l’élève de Yelasquez, des portraits splendides, le sien en particulier. Musée de Cluny : Grâce à l’acquisition faite par l’Etat de l’ancien hôtel de Cluny et à la cession par la ville de Paris du vieux Palais des Thermes, ce Musée, avec ses jardins et ses bâtiments d’une architecture aussi variée que curieuse, offre aux visiteurs tous les genres d’attrait. La collection, donnée par M. du Sommerard, fut le noyau de cet important Musée archéologique, dont les richesses se sont accrues successivement soit par des dons soit par des acquisitions intelligentes. L’hôtel de Cluny, tel que nous le voyons aujourd’hui.

M. 269 fut construit ou reconstruit par Jacques d’Amboise, l’un des neuf frères du célèbre ministre de Louis XII. Cet hôtel servait d’habitation aux abbés de l’Ordre. Petit- Musc (rue du) : Corrozet la nomme de la Petite Puce. (( En 1358, dit Sauvai, elle s’appelait la rue du Petit-Muce, la rue du Pute-y-Muce et la rue du Put-yMuce à raison peut-être que c’était alors une voirie et un lieu où chacun faisait son ordure. » D’après Germain Brice, elle aurait dû s’appeler la rue Petimus (nous demandons) parce que, dans l’espace que cette rue occupe à présent, se trouvait autrefois l’hôtel des quatre maîtres des requêtes que l’on nommait l’hôtel Petimus, sur ce que les requêtes que l’on présentait alors en langue latine ainsi que tous les actes judiciaires commençaient toujours parle terme Petimus. » Piganiol a relevé cette erreur en prouvant que l’hôtel des maîtres des requêtes s’élevait dans la rue SaintPaul. Musset (rue Alfred de) : Poète et auteur dramatique, Alfred de Musset, né en 1810, est mort en 1857. Quel dommage de voir un pareil talent se dévoyer aussi misérablement ! Musset semble se complaire dans ce scepticisme absolu qui cependant le torturait et le faisait s’écrier dans une heure de désespoir :

L’Infini me tourmente.

Au point de vue moral, il n’est pas moins dangereux pour les jeunes gens parce que sa corruption raffinée ôte au vice la laideur qui repousse et pare la débauche de toutes les élégances de la poésie. L’absinthe avec


laquelle^ dit-on, Musset s’empoisonna n’était rien auprès des philtres mortels qu’il composait trop bien et nous offrait dans des vases ciselés avec un art des plus savants, merveilleux parfois.

N

Napoléon : Quai de ce nom, impasse à Montrouge, square à Belleville. fVoir la France héroïque). Necker {rue) : Jacques Necker, ministre de Louis XVI, esprit plus spéculatif que pratique. Né à Genève en 1732^ il mourut dans cette ville en 1804. u Les Necker et leur école. Jusqu’à eux on avait dit quelquefois la vérité en riant ; ils la disent, toujours en pleurant, ou du moins avec des soupirs et des gémissements. À les entendre, toutes les vérités sont mélancoliques. Aussi M. de Pange m’écrivait-il : u Triste comme la vérité. )) Aucune lumière ne les réjouit ; aucune beauté ne les épanouit ; tout les concentre. Leur poétique est liéraclitienne. » (Joubert). Necker (hôpital) : S’appelle ainsi en souvenir de Madame Necker qui fonda l’établissement à l’aide d’une somme annuelle de 42, 000 livres accordée par le roi Louis XVI, en 1779, pour la création de 120 lits. Madame Necker, frappée autant qu’attristée des abus qui s’étaient introduits ailleurs, voulut inaugurer un nouveau système et décida que chaque malade aurait un lit à lui seul. Sous la RévolutioUj l’hôpital s’appela : Hospice de

N. 271 l’Ouest ; mais plus tard il reprit le nom de la charitable fondatrice, ce qui n’était que justice. Neuve-du-Luxembourg (rue) : Elle doit son nom à un hôtel que le maréchal de Luxembourg avait fait construire sur une partie de l’ancien emplacement des Capucines. Nicolet (rue) : Nicolet fut un joueur de marionnettes célèbre dans la seconde moitié du XVIIP siècle. Entre les amateurs empressés à ses représentations se trouvait souvent Joseph Vernet, avec son fils Carie ou Chariot encore enfant. « Joseph Yernet, dit Léon Lagrange, ne prenait pas moins de plaisir que le graveur Yille à voir les huit sauteurs catalans dont un fait le paillasse et est supérieur aux autres, quoique tous fassent des prodiges en divers jeux et des sauts étonnants et neufs ^ » Nicole (rue) : Pierre Nicole, né en d62o, est mort en 1695 ; moraliste et théologien dont on a dit qu’il était, après Pascal, l’écrivain le plus distingué de PortRoyal. On ne peut que regretter davantage qu’un homme de ce mérite n’ait pas su s’affranchir des entêtements de parti et des préjugés de secte. On lit encore ses Pensées et son traité de V Unité de V Eglise. Notre- Dame- de-Lorette (église.) : &lt ; ( Un de ces édifices religieux qui rappellent les églises d’Italie. C’est en quelque sorte, dit M. L. Lazare, un spécimen curieux, ayant sa raison d’être dans une ville comme Paris, dont le magnifique panorama plaît surtout par la diversité, les contrastes que présentent les œuvres des artistes. » Parmi les nombreuses peintures qui décorent ce mo ’ L. Lagrange : Joseph Vernet et la Peinture au XVIIP siècle.

272 LES RUFS DE PARIS. miment de construction récente, il faut citer tout d’abord celles de la Chapelle du Mariage par Orsel, et de la Chapelle de la Communion, par M. Perrin, deux artistes vraiment et profondément chrétiens comme leur œu’STe l’atteste. Nonnains d’Hyères, (rue des) : En 1182, Eve, abbesse d’Hyères, acheta en cet endroit une maison, dite de la Pie, à Richard Villain, moyennant 25 livres de cens annuel. Cette rue prit alors le nom des religieuses. Et parmi la rue aux Nonnains D’Ière, vis chevaucher deux nains Qui moult estoient esjoï (réjouis), (Le Dit des Rues).


Observatoire (1’) : Construit par l’ordre de Louis XIV, de 1667 à 1672. Perrault, dont Colbert avait fait choix comme architecte, dessina les plans et dirigea les travaux. Mais les développements que prit plus tard l’établissement, rendirent nécessaires de nouvelles constructions, faites à différentes époques. En 1834 notamment quatre ailes furent ajoutées. Cet établissement, que domine une tour élevée par les conseils de Cassini, est destiné, on le sait, aux observations astronomiques. Il compte un assez nombreux personnel, composé du directeur, des astronomes-adjoints et d’autres employés. Odéon (Théâtre de 1’) : Ce monument qui a donné son

0. 273 nom à la place et à la rue voisine, fut terminé en J782, et s’appela Théâtre-Français, conformément à sa destination. En 1790, on le nomma Théâtre de la Nation, puis, (1798) Odéon, [odeion) ; les Grecs appelaient ainsi le lieu où les poètes et les musiciens se faisaient entendre. En 1799, rOdéon ayant brûlé, les Comédiens Français s’installèrent au Palais-Royal dans la salle, où ils sont encore et qu’on avait appropriée et restaurée à leur intention. L’Odéon fut reconstruit en 1807 seulement et prit le nom de : Théâtre de V Impératrice qui fut changé, lors de la Restauration, en celui de Second ThéâtreFrançais. Quoique longtemps seul sur la rive gauche, ce théâtre, par un singulier phénomène, rarement attira la foule même avec de bonnes pièces, aussi bonnes du moins qu’ailleurs où chaque soir la salle était comble. Plus d’une fois, en entrant à l’orchestre ou au parterre, le spectateur dut se rappeler ces vers de la Némésis écrits en 1831 : La tombe où gît Bossange ’ et le triste Odéon Qui, ravivant sans fruit la tragi-comédie. Ne peut se réchauffer que par un incendie. Il est vrai que le Satirique ne traitait guère mieux le premier Théâtre Français : Tantôt, sacrifiant une heure solitaire, J’entrerai dans le vide habité par Voltaire. Oiseaux (rue des) : Ce nom lui fut donné à cause d’un marché aux oiseaux qui s’y tenait. ’ Directeur du Théâtre des Nouveautés.


Olier (rue) : L’abbé Olier, né à Paris le 20 septembre 1608, et mort le lundi de Pâques, de l’année 1657 entre les bras de saint Vincent de Paul, était curé de SaintSulpice. À peine ordonné prêtre (21 mars 1633), il se montra préoccupé de l’œuvre importante à laquelle il se sentait appelé, l’établissement en France des grands séminaires. Mais avec la prudence du zèle éclairé, il sut ne rien précipiter et ce ne fut qu’en 1642, que la première de ces saintes maisons fut fondée à Vaugirard ; trois ans après, s’ouvrit celle de Saint-Sulpice, puis successivement furent établis les séminaires de Nantes, de Viviers, du Puy, de Clermont, de Québec, au Canada, etc. Le curé de Saint-Sulpice ne s’occupait pas avec moins de sollicitude de sa paroisse où sa charité, dans les temps les plus calamiteux (l’année 1649 par exemple), trouvait moyen de venir au secours de toutes les misères. (( Frère Jean m’a assuré^ écrit à ce sujet un contemporain, que si, dans les autres temps, M. Olier était libéral, pendant cet hiver, qui fut très-rigoureux, on pouvait en quelque sorte lui reprocher d’être prodigue.» Une personne, chargée de la distribution de ses aumônes, étant venue le prévenir d’un air d’inquiétude qu’elle n’avait plus d’argent : « Vous n’avez point de foi, répondit M. Olier ; Dieu peut-il nous manquer ? » Orfèvres (quai des) : Ce nom lui vient du grand nombre d’orfèvres qui jadis y avaient leurs boutiques* Dans la rue conduisant au quai, s’élevait naguère une maison appelée V Hôtel des Trois Degrés. Cette maison fut achetée par la corporation des Orfèvres qui successivement acquit huit autres maisons voisines ; et ces

0. 275 divers bâtiments, réparés ou reconstruits, devinrent un vaste hôpital ou hospice destiné à recevoir les confrères malheureux aussi bien que leurs veuves laissées sans ressources. «Les orfèvres pauvres et infirmes, dit Jaillot, ont retrouvé dans la générosité de leurs confrères les secours dont ils avaient besoin (pour le corps et pour rame)… Il y en a parmi eux qui ont employé une partie considérable de leur fortune pour procurer, dans l’hôpital des Incurables, tous les secours nécessaires à leurs confrères assez malheureux pour n’avoir pas même la seule consolation que laisse l’espérance. » Cette dernière phrase, j’en demande pardon à l’honuète Jaillot, ressemble fort à un galimatias, mais le reste est assez clair et met en relief un exemple bon à imiter et qui prouve en faveur des corporations, supprimées brutalement quand il n’eut fallu que modifier les statuts. Ormes (quai des) : Ce nom lui vient d’une allée d’arbres qu’avait fait planter Charles Y et qui conduisait à l’hôtel St-Paul. Ce chemin s’appela d’abord des Ormetaux, puis des ormes quand les jeunes plants furent devenus de grands arbres. Orsay (quai d’) : La première pierre de ce quai fut posée le 6 juin 1705. Ce nom lui fut donné en l’honneur de Charles Bouclier, seigneur d’Orsay, alors prévôt des marchands et qui remplit ces fonctions de 1700 à 1708. Orties (rue des) : Ce nom lui vient très-anciennement des orchidées qui foisonnaient en cet endroit avant que la rue fût bâtie, et quand elle n’était qu’un sentier ou chemin. Oudinot (rue) : Oudiuot, duc de Reggio et maréchal


de France, né en 1767, mort en 1847, gouverneur des Invalides. Ce volontaire de la République, qui avait gagné tous ses grades à la pointe de l’épée, joignait, à de grands talents militaires, à une bravoure héroïque, la probité, le désintéressement et le sentiment de l’honneur au plus haut degré. Aussi les contemporains ontils applaudi à ces beaux vers du Chant du Sacre qui résument admirablement cette vie glorieuse : ….. Reggio ! Ce nom, à son aurore, Du saint vernis du temps n’est pas couvert encore ; Mais ses titres d’honneur sont partout déroulés : Regarde avec respect ses membres mutilés ! Ce nom, comme les noms des Dunois, des Xainlrailles, À germé tout à coup sur vingt champs de batailles : J’aime mieux, pour orner le bandeau qui me ceint. Un grand nom qui surgit qu’un vieux nom qui s’éteint. La postérité, en ce qui concerne Oudinot, a déjà confirmé le jugement de Lamartine. Ours frue aux) : Elle s’appelait, au XIP siècle, rue aux Oies, rue où l’on cuit les oies ; mais, vers 1552, le peuple, on ne sait comment, ni pourquoi, lui donna le nom de 7’ue aux Ours « qui est bien un autre oiseau», dit plaisamment Sauvai. Il ajoute : « Le peuple, qui veut à toute force que ce soit son véritable nom, et qu’elle n’en doit point avoir d’autre, allègue qu’anciennement on y gardait et vendait des ours et pour preuve montre là un logis à porte cochère où, au-dessus de la porte, à la clé de l’arcade, on voit un ours sculpté. » … Mais eu cela il se trompe et cette preuve manque de solidité. Le vrai nom de la rue &lt ; ( est celui de rue aux Oues (oies)

i». 277 parce que de tout temps c’était une rôtisserie publique : et comme alors on n’était pas si friand quaujourdliui les oisons du voisinage chargeaient plus de broches que les chapons du Mans ni les autres viandes délicates qu’on apporte de loin. Et de fait, dans toutes les anciennes chartes, elle est appelée : la rue ou ron cuit les oies. Ce changement de nom vient de ce que nos anciens prononçaient la lettre comme nous prononçons Ou, et ainsi appelaient oue ce que nous appelons oie si bien qu’il faudrait dire la rue aux Oies et non pas la rwe aux Ours. )) À l’appui de cette opinion de Sauvai on peut citer ces deux vers du Dit des Bues de Paris : Et si fus en la rue aux Oues Où Ton me fit force moues. Pagevia (rue) : Ce nom lui vient de Jean Pagevin, huissier au parlement, qui y demeurait. Paix (rue de la) : Ouverte en i 806 sur l’emplacement de l’ancien couvent des Capucines, elle s’appela rue Napoléon, nom qui fut changé en 1814. La rue prit alors celui qu’elle porte aujourd’hui. Paon- Blanc (rue du) : Ce nom vient d’une enseigne. Palais- Boy al : Ce monument, bâti par le cardinal de Richelieu, n’était d’abord qu’une modeste habitation connue sous le nom d’hôtel Richelieu. Mais, par suite d’agrandissements nombreux, il devint un vaste et magnifique palais, tel même que le cardinal jugea qu’il ne pouvait plus être habité que par des Majestés ou des Altesses. Dans l’année 1639, il en fit donation TOME m. 16


entre vifs au roi Louis XIII, donation confirmée par son testament (1642). Cette même année, la reine régente, Anne d’Autriche, étant venue habiter le palais avec la famille royale, l’inscription de : Palais- Cardinal fut remplacée parcelle de Palais- Royal, Des constructions et des modifications successives donnèrent une meilleure apparence à l’édifice de forme assez irrégulière d’abord. Le jardin fut dessiné et planté par l’ordre du duc d’Orléans, régent. Auparavant ce n’était qu’un terrain à moitié inculte, renfermant un mail, un manège et deux bassins, le tout disposé sans ordre et sans symétrie. Les Galeries furent construites, les trois premières par Philippe Égalité, et la quatrième, dite d’Orléans, par le roi Louis-Philippe. Elle remplaça cette double rangée de baraques en bois, qu’on y voyait il n’y a pas bien des années encore, et qui, par la foule des promeneurs et des curieux, faisait que l’endroit ressemblait à une grande foire de village. Panoramas (passage des) : Construit en 180O, il dut son nom aux panoramas qui y furent établis et disparurent vers 1831. Papillon (rue) : Ouverte en 1781, elle dut son nom à M . Papillon de la Ferté, contrôleur général de l’argenterie, menus plaisirs et affaires de la chambre du roi, qui périt sur l’échafaud en 1794 (7 juillet). Papin (rue) : Denis Papin, célèbre physicien français, naquit à Blois, le 22 août 1 647, et mourut à Marbourg, vers 1714. « Papin, dit F. Arago, a imaginé la première machine à vapeur à piston ; il a vu le premier que la vapeur aqueuse fournit un moyen simple de faire rapidement le vide dans la capacité du corps de pompe ;

p. 279 il est le premier qui ait songé à combiner dans une même machine à feu l’action de la force élastique de la vapeur avec lapropriété dont cette vapeur jouit, et qu’il a signalée, de se condenser par ce refroidissement. » Nous ajouterons que Papin a inventé aussi la soupape de sûreté ; car elle forme la partie essentielle de son digesteur, ou marmite de Papin, employée à extraire, par la vapeur à haute pression, la partie gélatineuse des os. Papin, le premier encore, démontra, en 1678, que les liquides, par exemple l’eau et l’alcool, entrent en ébullition à une très faible chaleur dans le vide. Paradis (rue) : Ce nom vient d’une enseigne. Parcheminerie (rue de la) : Ainsi nommée en 1287. C’était auparavant la rue des Ecrivains. Paul (rue Saint) : Dans cette rue se trouvait l’hôtel St-Paul, résidence de plusieurs de nos rois, Charles V et Charles YI, entre autres. L’hôtel St-Paul était magnifiquement décoré comme l’affirment plusieurs auteurs anciens. D’après Germain Brice, un historien du temps dit « que l’appartement du roi consistait en une grande antichambre, une chambre de parade appelée la chambre à parer ^ la chambre au gîte du Moi, deux cabinets, une garde robe, la chambre des napes (lingerie), celle de l’étude, celle des^bainsei des Tourterelles ; la chambre du conseil ; avec cela deux chapelles, des étuves que l’on nommait chauffe-doux ; une volière, un jeu de paume, une ménagerie pour les grands lions, une autre pour les petits ; la chambre de Charlemagne qui avait quinze toises de long sur six de large. Les mêmes Mémoires ajoutent que les poutres des chambres les mieux ornées étaient enrichies de fleurs de lis d’étain

280 LES RUES DE TARIS. doré ; que les lits étaient de drap d’or et que les chenets de fer pesaient cent quatre-vingts livres. » Pas (le la Mule (rue du) : Aucune dénomination, dit M. Lazare, n’ayant été affectée à ce prolongement d’une autre rue, le peuple voulut y suppléer en baptisant la rue à sa manière. Son nom à lui c’était un conseil ; son nom semblait dire aux pauvres piétons : « Si vous » tenez à ne pas vous casser le cou, imitez la patience )) et le pas de la mule en gravissant cette pente escarpée )) et glissante. » [Vastourelle) : Ce nom vient de Roger Pastourelle qui habitait la rue en 1331. Pavée (rue) :

En la rue Pavée aie (allai) Où a maint visage hâlé.

dit Guillot.Dans cette rue Pavée alors que beaucoup d’autres étaient privées de cet avantage, logeaient sans doute des vignerons et des voituriers au teint hàlé. On disait aussi, suivant Lebœuf, la rue Pavée crAndouilles. Etait-ce parce qu’il s’y trouvait force charcutiers ? Trois Pavillons (rue des) : Elle fut ainsi nommée d’une maison située à l’angle de cette rue et de celle des Francs-Bourgeois et qui se faisait remarquer par ses Trois Pavillons. Le peuple, de sa propre autorité, remplaça par ce nom celui de Diane qui venait de la duchesse de Yalentinois, trop célèbre sous le règne de Henri II. Vai/enne{T\iQ, ] : S’appelait anciennement Pat/elle, nom d’un propriétaire riverain.

p. 281 Pépinière (rue delà) : Tracée vers 1782, sur les terrains faisant partie de la pépinière dite du roi. Ouel besoin de changer ce nom en celui de Ahaltucci ? Pc/’/e (rue de la) : Ce nom lui vient « d’un tripot cai-ré qui a passé longtemps pour le mieux entendu de Paris», dit Sauvai. Pélagie {Sainte) : Cette prison était, avant la Révolution, une communauté de femmes fondée en 1665, par madame Beauharnais de Miramion. Dans cette maison on recevait ou renfermait les filles ou femmes tombées dans le désordre et qu’on espérait ramener à une vie meilleure. Une partie de l’établissement s’appeJait : Le Refuge ; Y -diitra, Sain fe-Péla g ie . Cette sainte, comédienne célèbre d’Antioclie au Y*^ siècle, s’étant convertie, fit oublier par une héroïque pénitence les scandales de sa vie antérieure. Lors de la Révolution, le couvent fut supprimé, les religieuses se virent dépossédées et de leur paisible demeure on fit une prison. On sait que, dans un corps de bâtiment séparé, sont renfermés, depuis 1828, les détenus politiques et en particulier les condamnés pour délits de presse. Pélican (rue du) : Ce nom vient d’une enseigne. Je lis dans Bernardin de St-Pierre. {Etudes de la Nature) un curieux passage sur le pélican : a Le pélican ou grandgosier est un oiseau blanc et brun, qui a un large sac au-dessus de son bec qui est très-long. 11 va tous les matins remplir son sac de poisson ; et quand sa pèche est faite, il se perche sur quelque pointe de rocher à fleur d’eau, u où il se tient immobile jusqu’au soir, dit )) le père Dutertre, comme tout triste, la tète penchée TOME III. 16*


)) par le poids de son long bec, et les yeux fixés sur la )) mer agitée, sans bouger non plus que s’il était de )) marl)re. » Ferrée (rue) : C’est le nom d’un intrépide marin qui, en 1800^ soutint avec un seul vaisseau, le Généî^eux, un combat acharné contre quatre vaisseaux anglais, Tun d’eux, le Foudroyant, commandé par Nelson. Le Généreux n’abaissa point son pavillon et si l’ennemi put s’en emparer, c’est qu’il ne restait personne pour le défendre. Quand les Anglais arrivèrent sur le pont, ils n’y trouvèrent plus que des mourants et des morts et, entre ceux-ci, le capitaine Perrée, tombé sur son banc de quart qu’il n’avait pas voulu quitter quoique blessé grièvem( ; nt.

Penthièvre (rue de) : Doit son nom au vertueux duc de Penthièvre si célèbre dans le siècle dernier par sa bienfaisance. « La physionomie de M. le duc de Penthièvre annonce de l’esprit, de la douceur et même un peu de coquetterie ; on dirait qu’il vous oblige en vous regardant et, lorsqu’il vous a parlé, vous vous sentez attiré à l’aimer autant qu’à le respecter.

(( Voilà ce que j’ai éprouvé au premier aspect, mais lorsque ses bontés m’ont donné des rapports plus particuliers avec lui, j’ai trouvé que son àme était au-dessus de tout le reste, qu’il était mille fois supérieur à tout ce que sa figure annonçait, à tout ce que ses manières laissaient entrevoir. Cette àme est d’une trempe si peu commune que je ne trouverai point l’expression qu’il faudrait pour ce que je vois et encore plus pour ce que je sens ; toutes les vertus y sont dans un é([uilibre parfait parce que la sagesse les conduit toutes dans les bor

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nus qu’elles ne peuvent franchir sans devenir vice ou défaut. Généreux sans prodigalité, pieux sans minutie, tendre sans faiblesse, modeste avec dignité, cliez lui actions, paroles, maintien, regards, tout est à sa place ; il semble que rien ne pourrait être autrement. « Ce prince m’a paru un être si différent des autres hommes que, pendant deux années, j’ai plus d’une fois, je l’avoue, épié ses défauts pour essayer de consoler mon amour-propre : recherche vaine ; mes observations n’ont servi qu’à me faire mieux sentir sa supériorité, et je me suis dit que je ne devais point aspirer à une perfection fondée par la nature dans un de ses plus heureux moments. » Ce portrait, si remarquable par la finesse de la touche et qu’on sait d’une parfaite ressemblance, emprunte un intérêt particulier au nom de celui qui l’a tracé. Il a pour auteur cet autre homme de bien, M. de Montyon. Pères (rue des Saints) : Son vrai nom est SaintPieiu-e, provenant de la chapelle Saint-Pierre qui s’y trouvait. Ce nom fut changé d’abord en celui de SaintPère, puis Saints- Pères. Pétrelle (rue) : C’était le nom d’un propriétaire riverain . Pigalle {rue) : Le sculpteur Pigalle, né à Paris en 1714, y mourut en 1785. « Pigalle avait reçu de la nature un œil savant qui, dans chaque trait, découvrait mille traits, et dans chaque partie, une infinité de parties. Il aimait à peindre ce qu’il savait voir. Aucun artiste n’avait représenté avant lui cette multitude de détails que l’art aime à considérer nus, parce qu’il peut avoir besoin de les reproduire, mais que le bon goût se plait à couvrir de vpiles. Jamais il ne pouvait exprimer assez à

28 son gré tous les reliefs du corps humain, comme les anciens ne pouvaient jamais assez les ramener au contour. Il semblait s’être fait une loi rigoureuse de n’imiter que la vérité, telle non seulement que les yeux peuvent la voir, mais telle que les mains pourraient la toucher… On voit presque toujours, dans ses ouvrages, les deux extrêmes de la vie humaine, celui où la nature, animant le corps avec vigueur, en fait saillir toutes les parties, et celui où, l’abandonnant, elle les découvre et les désunit. Sans doute il a peint quelquefois la beauté, mais non cette ravissante beauté d’un corps « hôte d’une belle âme », pour employer avec le poète une expression qui semble née au pied de quelque statue antique. » {Joubert.) Picpus (rue) : Vers 1775, c’était un chemin qui traversait le territoire, dit de Pique-puce dont on a fait par corruption picpus. L’origine de cette dénomination est assez singulière, si l’on en croit M. L. Lazare, qui ne la donne^ d’après d’anciens auteurs, que sous réserves. Un mal épidémique se manifesta dans les environs «le Paris vers le milieu du XVP siècle. On voyait sur les bras des femmes et des enfants de petites tumeurs rouges qui ressemblaient à plusieurs piqûres faites par un insecte qui s’attachait de préférence aux mains blanches et délicates des personnes jeunes. Un religieux du couvent de Franconville près Beaumont, diocèse de Beauvais, venu pour fonder une maison dans les environs de Paris, à l’aide d’une certaine liqueur, guérit nombre de malades. On le retint par reconnaissance dans le village et le couvent qu’il y fonda s’appela Picjms.

p. 285 Dans cette même rue, se trouve le cimetière où furent enterrées les victimes de la Révolution qui périrent sur l’écliafaud dressé près la porte Saint-Antoine. On en compta d3o0, dans l’espacée de quarante jours seulement. Poissonnière (rue et faubourg) : Elle s’appelle ainsi à cause que c’était par cette voie qu’arrivaient les marchands de marée. PiejTe Sarrazin (rue) : À pris son nom d*un bourgeois nommé Pierre Sarrazin qui demeurait en cet endroit et y mourut vers 12oo. La rue Pierre Sarrazin Où l’on essaie maint roncin (cheval) Chacun an, comment on le happe= Pinel (rue) : Pinel, médecin aliéniste célèbre, né à Saint-Paul, près Castres, en 1745, mourut à Paris, le 25 octobre 1826. L’humanité doit une éternelle reconnaissance au docteur Pinel par le changement radical qu’il apporta, en dépit des oppositions venant de la routine, dans le traitement des infortunés privés de la raison par une cause ou par une autre. Sa conviction, que par ses écrits et son langage, il sut faire partager à beaucoup de ses confrères comme aux chefs de l’administration, c’était que les fous sont des malades qu’il faut traiter avec ménagement, justice et douceur, mais, une douceur où l’on sent au besoin la fermeté. Nommé en 1793, médecin en chef de l’hospice de Bicêtre, il y introduisit peu à peu, d’après ces principes, d’utiles et humaines réformes qui s’étendirent par la suite à toutes les maisons d’aliénés. Honneur à Pinel !

286 LES RUES DE TARIS. Planche (rue de la) : Ce nom lui vient du sieur Raphaël de la Planche, trésorier général des bâtiments de Henri lY, lequel avait donné au dit seigneur des lettres de privilège pour l’établissement d’une manufacture de tapisseries de haute-lice. Pont- au- Change : Ce pont, qui aboutit d’un côté au quai de l’Horloge, de l’autre au quai de la Mégisserie et qui fut pendant longtemps le seul moyen de communication de la cité avec la rive septentrionale, s’appela d’abord le Grand-Pont. Construit en bois, il fut à diverses reprises soit emporté par les inondations soit détruit par l’incendie comme en 1621, et rebâti mais non pas toujours exactement au même endroit. D’après un usage qui a persisté presque jusqu’à la moitié du siècle actuel, des maisons avec boutiques s’élevaient de chaque côté du pont dans toute sa longueur. En 1141, Louis VIT, dit le Jeune, ordonna que le Change se ferait sur ce pont à l’exclusion de tous autres endroits, d’où il prit son nom de Pont- au- Change. Pont-Neuf. La construction de ce pont fut commencée sous le règne de Henri III qui, accompagné de sa mère, Catherine de Médicis, de Louise de Lorraine, son épouse, et entouré des plus illustres personnages de la cour, en posa la première pierre avec grand appareil le 30 mai 1578. Les travaux furent poursuivis d’abord avec une grande activité, et les quatre piles, du côté de la rue Dauphine, s’élevèrent à fleur d’eau dès la première année ; mais l’ouvrage ensuite demeura suspendu sans doute par le manque d’argent. Pourtant, afin de fournir aux dépenses considérables de l’entreprises, on avait établi un impôt spécial ou dime sur le peuple et a le

p. 287 produit, dit Germain Brice, aurait fourni quatre fois plus qu’il n’était nécessaire, si cet argent, selon le terme des auteurs, n’avait pas été englouti par lesfavoris qui ne se mettent guère en peine du bien de la patrie, parce qu’ils ne songent qu’à leur fortune et à leur agrandissement. » La paix rétablie partout après les guerres de la Ligue, (( Henri IV, qui aimait la ville de Paris parce que le peuple l’aimait infiniment » fit reprendre les travaux et, dès l’année 1604, le pont était complètement achevé. (( Personne ne peut disconvenir que ce pont ne soit un des plus beaux et des mieux ordonnés de toute l’Europe. y&gt ; Guillaume Marchand, dans cette seconde période, dirigeait, comme architecte, les travaux. Le pont avait été commencé d’après les dessins et sous la direction du célèbre Du Cerceau à qui l’on doit le dessin de la galerie du Louvre. La statue de Henri IV, Le seul roi dont le peuple ait gardé la mémoire, qui s’élève sur le terre-plein du Pont- Neuf, due au sculp^ teur Lemot, fut érigée dans les premières années de la Restauration en remplacement de celle que la Révolution avait eu le tort de renverser. (( Ce monument, dit le judicieux Saint- Victor, est une preuve des plus frappantes de l’inconstance de la multitude et du mépris que méritent également sa haine et son amour. Pendant près de deux siècles, le souvenir de Henri IV fut cher au peuple de Paris et sa statue était pour ce peuple l’objet d’une sorte de culte. Dans les premiers jours de la Révolution, on l’avait vu forcer les passants à s’agenouiller devant l’image de ce bon roi :


environ deux ans après^ il l’abattit avec des cris de rage comme celle du plus afFreux tyran. » Ce n’était pas le vrai peuple qui agissait ainsi, mais cette triste plèbe, sédiment impur de toute société que les Révolutions font remonter à la surface, et dont les passions aveugles, fruit de l’ignorance, s’exaltent encore par les prédications des meneurs et les diatribes et calomnies de bas folliculaires. De la statue nouvelle, celle de Lemot, Saint- Victor nous dit : a C’est un monument d’un grand stjde, d’un dessin correct et savant : l’artiste a su allier la beauté des formes à la vérité de l’attitude ; la noblesse et la ressemblance parfaite des traits avec la franchise et la naïveté de l’expression. Il s’est montré d’une exactitude scrupuleuse dans les détails de costume et jusque dans les moindres accessoires, sans jamais descendre à l’imitation servile d’un copiste ; le mouvement du cheval est neuf et vraiment admirable ; toutes les parties en sont étudiées avec le plus grand soin et traitées dans la plus grande manière ; enfin, à la place d’une statue médiocre \ s’est élevée une statue digne d’un de nos plus grands rois. )) Poissonnerie (rue de la) : Jadis le chemin dit de la Vallée aux voleurs^ puis des Poissonniers, parce que les marchands de marée suivaient cette voie pour se rendre aux halles. Popincourt (rue de) : Elle doit son nom à Jean de Popincourt, premier président du parlement de Paris sous Charles YI, qui possédait en cet endroit une maison de campagne. ’ La Première, do Jean de Bologne.

p. 2S0 Postes {lloiéi des) : Appartenait au comte de Morvillc, ministre et secrétaire d’état des affaires étrangères, lorsque le roi en ordonna l’ac-piisition en 1757, pour l’affecter au service des Postes. Poulies (rue des) : D’après Sauvai, ce nom lui vient des Poulies de l’hôtel d’Alençon et ces Poulies étaient un jeu ou exercice encore en usage en 1543. Jaillot croit que cette dénomination provient d’Edmond de Poulie qui possédait dans cette rue une grande maison et un jardin qu’il vendit à Alphonse, comte de Poitiers, frère de saint Louis. Prouv aires, (rue des) : M’en ving en la rue à Prouvaires, Où il a maintes pennes vaires (étoffes de couleurs variée ?). Dans cette rue s’élevait l’hôtel de maitre Jacques Ducliié, dont Guillebert de Metz, dans son livre original (1435), nous a laissé cette très-curieuse description : (( La porte duquel est entaillée de art merveilleux ; en la court estoient paons et divers oiseaux à plaisance. La première salle est embellie de divers tableaux et écritures d’enseignements attachés et pendus aux parois. Une autre salle remplie de toutes manières d’instruments, harpes, orgues, vielles, guiternes (guitares), psaltérions et autres desquels le dit maitre Jacques savait jouer de tous. Une autre salle était garnie de jeux d’échecs, de tables et d’autres diverses manières de jeux, à grand nombre. Item, une belle chapelle où il y avait des pupitres à mettre livres dessus, de merveilleux art, lesquels on faisait venir à divers sièges loin et près, à dextre et à senestre. Item une étude où les parois étaient couvertes de pierres précieuses et d’épices de souefve TOME III. 17

290 LES RUES DE TARIS. (suave) odeur. Item^ une chambre où étaient fourrures de plusieurs manières. Item, plusieurs autres chambres richement adoubées (ornées) de lits, de tables engigneusement (ingénieusement) entaillées et parées de riches draps et tapis à or frais. Item, en une autre chambre haute, étaient grand nombre d’arbalètes dont les aucunes étaient pointes à belles figures. Là étaient étendarts, bannières, pennons, arcs à main, piques, faussarts, planchons, haches, guisarmes, mailles de fer et plomb, pavois, targes, écus, canons et autres engins, avec planté (quantité) d’armures ; et brièvement il y avait aussi comme toutes manières d’appareils de guerre. Item, là était une fenêtre faite de merveillable artifice par laquelle on mettait hors une tète de plaques de fer creuse, parmi laquelle on regardait et parlait à ceux du dehors, si besoin était, sans douter (craindre) le trait. Item, par dessus tout l’hôtel, était une chambre carrée, où étaient fenêtres de tous côtés pour regarder par dessus la ville. Et quand on y mangeait, on montait ^ avalait (descendait) vins et viandes à une poulie, pour ce que trop haut eût été à porter. Et par dessus le pinacle de l’hôtel étaient belles images dorées. Cestui maître Jacques Duchié était bel homme, de honnête babil (langage) et moult notable ; si tenait serviteurs bien morigénés et instruits, d’avenante contenance, entre lesquels était un maître cliarpentier qui continuellement ouvrait (travaillait) à l’hôtel. Grand foison ^e riches bourgeois avait et d’officiers qu’on appelait petits royeteaux de grandeur \ )) ’ Guillebert de Melz. Description de Paris ; édition de Leroux de Lincy ; in-8» 1855.

C 291 PrucVhon (rue) : Pierre-Paul Prud’hon né à Dijon en 1760, mort à Paris eu 1822. « Ce peintre, dit Quatremère de Quincy, mettait aux moindres idées un tel agrément ; ce qu’il touchait recevait de lui Fempreinte d’une si aimable naïveté, d’une vérité si ingénue ; son maniement de crayon avait une suavité si particulière que le peintre habile s’y trahissait de toute part…. C’est que tout ce que le souffle du sentiment anime a la propriété de faire apercevoir plus qu’il ne montre. » On peut regretter souvent chez l’artiste le choix des sujets empruntés à la Fable, mais qu’à force de talent, et en dépit de la nudité, il élevait jusqu’à l’idéal. Sous le pinceau délicat de Prud’hon, la volupté, s’il était possible, deviendrait chaste. Puits qui parle, (rue du) : Ce nom vient d’un puits qui faisait écho et qu’on voit encore au coin de la rue des Poules.

Q

Quatre-Fils (rue des) : Ce nom vient d’une enseigne. Quatre- Vents (rue des) : Une enseigne aussi lui donna ce nom. Quinault (rue) : Auteur dramatique né en 1635 et mort en 1688. Malgré la vogue de quelques-unes de ses pièces, il ne fut pas ménagé par Boileau : Les héros chez Quinault parlent bien autrement^ Et jusqu’à : Je vous hais, tout s’y dit tendrement. On dit qu’on l’a drapé dans certaine satire ; Qu’un jeune homme. .. — Ah ! je sais ce que vous voulez dire.


À répondu notre hôte : « Un auteur sans défaut, « La raison dit Virgile et la rime Quinault. » — Justement, à mon gré la pièce est assez plate. Et puis blâmer Quinault !… Avez-vous lu VAstrate ? C’est là ce qu’on appelle un ouvrage achevé. Satire III Puisque vous le voulez, je vais changer de style. Je le déclare donc .- Quinault est un Virgile. Satire IX. Quincampoix (rue) : Elle fut ainsi appelée, dit-on, à cause du seigneur de Quincampoix qui, vers l’an 1300, fit construire la première maison. Suivant d’autres auteurs, ce nom lui venait de sa situation, parce qu’elle était de cinq paroisses différentes : quinque companis. (( Dans les années 1719 et 1720, cette rue dit Germain Brice, a rendu son nom fameux par le concours prodigieux des agioteurs d’actions de la nouvelle Banque Royale (création de Law), entre lesquels quantité ont fait des fortunes immenses et bien au-delà de ce qu’on peut imaginer. Le commerce de papier que l’on y a \a^i, pendant ces deux années, de plusieurs centaines de milliards, y avait attiré tous les juifs les plus ardents de divers endroits de l’Europe et tous les plus actifs usuriers. » Quinze-Vingts (Hospice des) : La fondation de cet établissement remonte à saint Louis. On choisit pour élever les bâtiments un terrain nommé le Champourri, situé à peu de distance du Louvre. D’après la tradition, l’hospice, dont le célèbre Eudes de Montreuil avait donné les plans, était destiné à servir d’asile à trois cents chevaliers pauvres et revenus aveugles de la croisade.

R. 293 Dans l’année 1701, l’établissement des Quinze-Vingts (ou des trois cents) ayant été transféré rue de Chareuton, le roi autorisa la vente des anciens bâtiments et des terrains qui en dépendaient, et c’est alors que s’ouvrirent les rues de Beaujolais, de Chartres, Rolian, Montpensier, etc.

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Rambuteau (rue) : Elle a pris ce nom en l’honneur de M. Claude-Philibert Berthelot, comte de Rambuteau, préfet de la Seine, lorsque cette voie fut ouverte en 1838. Rameau (rue) : Rameau, compositeur de musique, né en 1683 mourut à Paris en 1764. Il est auteur de plusieurs ouvrages sur la musique. Ramponneau (rue de) : Elle doit son nom à un certain Ramponneau, cabaretier et comédien à la façon de Gautier Garguille, et qui, vers 1760, attirait la foule dans son établissement par des joyeusetés et des facéties. Rats (rue des) : Cette rue fut bâtie sous la prévôté de Hugues Aubriot, au temps de Charles VI. Guillot nous dit : rue d’Aras Où l’on rencontre maints gros rats. Regard (rue du) : Elle aboutissait, du côté de la rue de Vaugirard, vis-à-vis d’un regard de la fontaine aujourd’hui supprimée, d’où lui vint son nom. Reuilly (rue de) : Ce nom est dû à un territoire remar quable par son antiquité où se voyait naguère un ancien palais de nos rois de la première race. Ce fut dans ce palais que Dagobert P’" répudia sa lemme Gomatrude pour épouser Nanthilde. Richelieu (rue) : Dans notre étude sur le célèbre cardinal (France héroïque, III) se trouve un portrait de Richelieu par Labruyère, portrait tiré des Caractères. Mais il en est un second par le même et illustre écrivain qui nous a paru curieux à reproduire. Nous laissons d’ailleurs au moraliste, devenu si ardent panégyriste, la responsabilité de ses jugements : (( Génie fort supérieur, il a su tout le fond et tout le mystère du gouvernement ; il a connu le beau et le sublime du ministère ; il a respecté l’étranger, ménagé les couronnes, connu le poids de leur alliance ; il a opposé des alliés à des ennemis ; il a veillé aux intérêts du dehors, à ceux du dedans ; il n’a oublié que les siens : une vie laborieuse et languissante, souvent exposée, a été le prix d’une si haute vertu. (( Comparez-vous, si vous l’osez, au grand Richelieu, hommes dévoués à la fortune, qui, par le succès de vos affaires particulières, vous jugez dignes que l’on vous confie les affaires publiques ; qui vous donnez pour des génies heureux et de bonnes têtes ; qui dites que vous ne savez rien, que vous n’avez jamais lu, que vous ne lirez point, ou pour marquer l’inutilité des sciences, ou pour paraître ne devoir rien aux autres, mais puiser tout de votre fonds. » Il savait quelle est la force et l’utilité de l’éloquence, la puissance de la parole qui aide la raison et la fait valoir, qui insinue aux hommes la justice et la probité,

R. qui porte dans le coeur du soldat l’intrépidité et l’audace, qui calme les émotions populaires^ qui excite à leurs devoirs les compagnies entières ou la multitude : il n’ignorait pas quels sont les fruits de l’histoire et de la poésie, quelle est la nécessité de la grammaire, la base et le fondement des autres sciences ; et que, pour conduire ces choses à un degré de perfection qui les rendit avantageuses à la république, il fallait dresser le plan d’une compagnie où la vertu seule fût admise, le mérite placé, l’esprit et le savoir rassemblés par des suffrages. »

Richepance {rue) : Le général Richepance, né en 1770, mourut à la Guadeloupe eu 180 : 2. Bock (église Saint) : Construite dans les dépendances et sur l’emplacement de l’hôtel Gaillon, cette église eut pour architecte Lemercier, architecte du roi Louis XIV qui posa la première pierre en 1653. Plusieurs des hommes illustres du XYIP siècle y furent enterrés : Pierre Corneille, Le Nôtre, Mignard, le duc de Créquy, etc.

Rivoli (rue de) : Ainsi nommée en souvenir de la bataille gagnée par les Français sur les Autrichiens en Italie, le l’^’" janvier 1797.

Roch (rue de St) : S’appelait d’abord rue Michaut Riégncmt, et Michaud Régnant en 1521. Elle prit plus tard le nom de rue St-Roch parce que la principale entrée de l'ancienne église se trouvait dans cette rue. Aux n°^ 10 et 12, dit M. Lazare, était la communauté de Sainte-Anne. Nicolas Formont, grand audiencier de France, résolut de fonder un établissement dans lequel on apprendrait aux pauvres filles de la paroisse Saint Roch à gagner honorablement leur vie, en multipliant ainsi en leur faveur les instructions religieuses dans le but de les préserver des séductions si nombreuses dans les grandes villes. Cette création, empreinte d’un si noble et si touchant caractère, date du 4 mai 1683, et les lettres patentes d’autorisation accordées par le roi sont du mois de mars 1686. Cette œuvre toute de charité ne devait-elle pas être épargnée par la Révolution qui la supprima cependant en 1790 ; et la maison de SainteAnne fut vendue comme propriété nationale. Roi- Doré (rue) : Fut ainsi appelée à cause d’un buste du roi Louis XIII qui se voyait à l’une des extrémités de la rue. Rollin (rue) : Charles Rollin, né le 30 janvier 1661, à Paris, mourut dans cette ville le 14 septembre 1741. Fils d’un coutelier, il obtint une bourse au collège des Dix-huit dont il fut l’un des plus brillants élèves. À peine âgé de 22 ans, il remplaçait Hersan dans la chaire de seconde, puis dans celle de rhétorique et enfin dans la chaire d’éloquence du Collège royal. Après dix années de professorat, il quitta l’enseignement pour se livrer tout entier à l’étude. Le succès de son Histoire ancienne, parue, de 1730 à 1738, dépassa de beaucoup les espérances ou les prévisions de l’auteur. Cet ouvrage avait été précédé par le Traité des Etudes, publié en 1736, et dont un critique éminent, M. Yillemain, n’hésitait pas à dire : « Monument de raison et de goût, livre l’un des mieux écrits dans notre langue après les livres de génie. » VEistoire Romaine de Rollin, restée inachevée, fut terminée par Grevier. Roquette (rue de la) : La Roquette est une plante cru

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cifère à tleiirs jaiiiics «j[ui croît abondamment dans les lieux incultes. La prison de la Roquette, où furent enfermés les otages de la Commune, reste à jamais célèbre parle martyre de six des plus illustres ou des plus vénérables d’entre eux. Monseigneur Darboy, archevêque de Paris, le président Bonjean, l’abbé Deguerry, curé de la Madeleine, les pères Clerc et Ducoudray, jésuites, l’abbé AUard, missionnaire. Nous connaissons par divers récits, comme par le procès des assassins, les détails de cette horrible tragédie, et l’on ne sait ce qu’il faut admirer le plus, ou la magnanime attitude des victimes ou la froide et imbécile férocité des bourreaux. Les Iroquois et les Hurons n’auraient rien appris aux Peaux-Rouges de la Commune. Rossmi{Tue) : De cet illustre maestro dont la mort récente a causé tant de regrets, Scudo, critique si compétent mais sévère parfois pour les contemporains, disait, il y a quelques vingt ans : a C’est au milieu de ces idées et de ces formes musicales sonores, tendues et un peu creuses, qui ne sont pas sans analogie avec ce que nous appelons en France la littérature de l’Empire, que s’éleva Rossini, plein de jeunesse et d’audace, prenant son bien partout où il le trouvait parce qu’il savait s’approprier tout ce qu’il dérobait. Son œuvre, aussi considérable que varié, se fait remarquer par l’éclat de l’imagination, par l’abondance et la fraîcheur des motifs, par la puissance des accompagnements et la nouveauté des harmonies, par la véhémence^ la splendeur et la limpidité qu’il donne au langage de la passion. TOME III. 17*


Géuie éminemment italien, tout empreint de l’esprit bruyant et sensuel de son époque^ Rossini rompt violemment avec les maîtres qui Font précédé. Il débouche du huitième siècle comme d’une vallée ombreuse et paisible, et s’avance vers l’avenir en dominateur. » Ailleurs le critique dit encore, comparant l’auteur de Guillaume Tell avec Mozart : (( Homme de son temps et de son pays, pressé de vivre et de jouir des progrès accomplis, Rossini flatte la foule, il marie l’instrumentation allemande à la mélodie italienne dont il développe les proportions et retrempe la vigueur. Il excelle à peindre le choc des passions, l’irradiation de la gaîté et de la jeunesse, les agitations infinies de la vie, mais d’une vie qui ne doit pas avoir de lendemain. Jamais le rayon de l’invisible ne descend sur cette musique pleine de sang et de lumière qui respire la volupté. Le règne de Rossini est de ce monde, tandis que Mozart chante l’amour (]ui^ faute de la terre, aura le ciel pour récompense ^ » Roule (faubourg du) : À pris son nom de l’ancien village de Roule que Paris, en s’étend ant, a complètement absorbé. Ce village, d’après l’opinion de plusieurs savants, aurait été le Criolum dont il est parlé dans la vie de St-Eloi. Des actes du XIIP siècle nomment ce hameau Rolas, Rotulus, dont on fit Rolle et enfin Roule. Roule (rue du) : Ce nom lui vient de l’ancien fief du Roule dont le chef-lieu était situé à l’angle des rues du Roule et des Fossés Saint-Germain l’Auxerrois. Rousseau, (rue J. Jacques) : Elle s’appelait d’abord ^ Critique et littérature musicales, par Scudû.

R. 299 rue Platrière, à cause d’une fabrique de plâtre qu’on y voyait au XÎIP siècle. À une certaine époque de sa vie, l’auteur de la Nouvelle Uélohe, de VEmile, et autres livres fort goûtés duXAlIP siècle, liabita un petit appartement au 4*^ étage de la maison n’’ 2. La municipalité, de Paris, en souvenir de cette circonstance, sur la motion d’un de ses membres plus ou moins lettré, vota d’entliousiasme le changement de nom, et la rue Plâtrière s’appela rue /. Jacques Rousseau au lendemain de cette glorieuse séance. (4 mai 1791). Rien n’est nouveau sous le soleil. Au n° 20 de cette même rue, était établie la communauté de Ste-Agnès, fondée, en 1681, par Léonard de Lamet, curé de SaintEustache, et qui avait pour but de procurer aux jeunes filles pauvres du quartier des moyens d’existence en leur apprenant un état, couture, broderie, tapisserie, etc. C’était, à bien dire, ce qu’on appelle aujourd’hui une Ecole professionnelle, pour laquelle les dames de la paroisse vinrent à l’envi en aide au bon curé. Aussi moins de quatre années après, la maison qui, au début, se composait de trois sœurs seulement, comptait quinze sous-maîtresses et plus de deux cents élèves ou apprenties. Confirmé et consolidé par des lettres patentes du roi Louis XIV et doté par Colbert, sur sa fortune particulière, d’une rente de oOO livres, cet établissement, de plus en p]us prospère, rendit d’immenses services à la classe indigente. Il n’en fut pas moins supprimé en 1790, par de prétendus amis du peuple, et tous les bâtiments se trouvèrent confisqués. Pour en revenir à Rousseau, voici le jugement porté sur lui par Joubert : « Une piété irreligieuse, une sévé rite corruptrice, un dogmatisme qui détruit toute autorité ; voilà le caractère de la philosophie de Rousseau. Donner de l’importance, du sérieux, de la hauteur et de la dignité aux passions, voilà ce que J. J. Rousseau a tenté. Lisez ses livres : la basse envie y parle avec orgueil ; l’orgueil s’y donne hardiment pour une vertu ; la paresse y prend l’attitude d’une occupation philosophique et la grossière gourmandise y est fière de ses appétits. Il n’y a point d’écrivain plus propre à rendre le pauvre superbe. On apprend avec lui à être mécontent de tout, hors de soi-même. Il était son Pygmalion. » Rousselet (rue) : S’appelait au XVP siècles chemin des Vaches, nom qui fut changé, vers 1721, en celui de Rousselet, l’un des propriétaires riverains. Royer-Coîlard{vi\Q) : Pierre-Paul Pioyer-Collard, homme d’état célèbre sous la restauration, membre de l’Académie Française, était né en 1673, à Sompuis, près Vitry-le-Français : il mourut à Paris le 2 septembre ISiot Rubens (rue) : Pierre-Paul Rubens, né en 1577, est mort en 1640. Un maître et un grand maître que ce Flamand, pour les jeunes gens plus à admirer qu’à imiter et dont il faut un peu se défier, mais pas au point que voulait feu Ingres qui rondement l’excomunie en le déclarant hérétique. D’ailleurs quelle palette plus riche pour l’éclat et la fraîcheur des tons, encore que la couleur de Pierre Paul n’ait pas la solidité de celle du Titien ! On peut regretter sans doute, dans ces pages étonnantes par l’ampleur de la composition et la vigoureuse exécution, l’abus de certaines formes qui pèchent, même et surtout chez les femmes, au point de vue de l’élégance. Mais pourtant les tètes de ces corpulentes viragos sont

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s. 301 rarement vulgaires ; ou dirait autant de reines. Puis ({uelle vie dans ces personnages ! Comme tout chez eux semble d’accord, l’expression ainsi que le geste encore que l’un et l’autre se sentent de l’art décoratif ! Il faut l’avouer, malgré notre admiration pour ce maître, Rubens est le peintre des corps bien plus que des âmes, et si la lumière ruisselle à flots sur ses toiles étincelantes et met admirablement en relief les personnages, rarement elle les transfis : ure en faisant ravonner l’àme à travers la splendide enveloppe.

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La Sablière (rue de la) : Madame de La Sablière fut la généreuse protectrice de La Fontaine (1636-1693) qui l’immortalisa dans ses vers dont nous citerons quelquesuns seulement : Iris, je vous louerais ; il n’est que trop aisé : Mais vous avez cent fois notre encens refusé En cela peu semblable au reste des mortelles Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles. Ce breuvage vanté par le peuple riraeur. Le nectar, que l’on sert au maître du tonnerre, Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre, C’est la louange. Iris, vous ne la goûtez point ; D’autres propos chez vous récompensent ce point : Propos, agréables commerces. Oij le hasard fournit cent matières diverses ; Jusque là qu’en votre entretien La bagatelle a part : le monde n’en croit rien ^etc.) ’. Fables, livre X* : Discours à Madame de la Sablière.


Sabot, (rue du) : Ce nom vient d’une enseigne. Dans le terrier de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, de 1523, on lit : « Maison rue du Four, faisant le coin de la rue Copieuse où pend le Sabot. » Le mot Sabot remplaça celui de Copieuse qui sait par quel caprice populaire ? Sablon (rue du) : Au temps de Sauvai servait d’égout : « Elle est toute puante des immondices qu’on y jette de la salle de l’Hôtel-Dieu et des maisons de la rue NeuveNotre-Dame. Deux portes de bois treillissées et armées de fichons de fer la ferment par les deux bouts. On les fit, en i 511, pour empêcher que la rue du Sablon ne servit de retraite aux vagabonds et aux voleurs. » À la bonne heure ! mais par l’entassement des immondices qui y séjournaient indéfiniment, l’impasse devenait un foyer permanent d’infection, ce qui ne valait certes pas mieux. Sandrié (passage) : Ce nom lui vient d’un certain François- Jérôme Sandrié, à qui le terrain sur lequel fut ouvert plus tard le passage, avait été loué à bail emphytéotique par les religieux Mathurins. La Révolution cassa le bail en dépossédant les propriétaires. Santé (rue et boulevard de la) : Cette rue s’appelait primitivement chemin de Chantilly. Ce nom fut changé en celui de la Santé parce que la voie conduisait à la maison de Santé ou hôpital fondé par la reine Anne d’Autriche. S artine {rue) : Antoine-Raymond-Jean-Guilbert-Gabriel de Sartiue fut lieutenant-criminel de police à Paris en 1774, puis ministre. Forcé au moment de la Révolution de quitter la France, il mourut dans l’exil à Tarragone (7 septembre 1801).

s. 303 Saussaies (rue des) : S’appelait d’abord des Carriers, puis de la Couldraie des Saussaies, en raison des Coudriers^ des saules qu’on voyait en grand nombre près de cet emplacement. Sauvai (Tue) : Sauvai (Henri), reçu avocat au parlement de Paris, abandonna l’exercice de sa profession pour se consacrer aux études historiques. Quoiqu’il eût employé plus de vingt années à ses recherches comme à la rédaction de son grand ouvrage : Histoire et Recherches des Antiquités de Paris, 3 vol. in-f°, ce livre, à sa mort, n’était pas entièrement terminé. Il ne put être publié qu’en 1724, par l’ami de Sauvai, le conseiller Rousseau qui avait pris soin de combler les lacunes. On regrette çà et là quelques détails de mœurs sur lesquels mieux eût valu glisser, parfois aussi de la prolixité et des répétitions ; l’auteur d’ailleurs fait preuve d’érudition et de sens critique ; assez souvent même il se montre écrivain. Scipion (rue) : Ce nom lui fut donné, non pas, comme on pourrait le croire, en l’honneur de l’illustre Romain, vainqueur d’Annibal, mais à cause d’un certain Scipion Saldini, gentilhomme italien, qui y fit construire un hôtel, sous le règne de Henri HI. Scribe (rue) : Eugène Scribe (1791-1861), auteur dramatique contemporain des plus féconds, mais d’ailleurs aidé par de nombreux collaborateurs. Il dut à des mérites réels quoique d’un ordre inférieur, une vogue prodigieuse ; aujourd’hui son nom a presque disparu des affiches. On peut critiquer dans son œuvre souvent le manque de style, le terre à terre des idées et la sentimentalité bourgeoise qui n’a pas peu contribué, ce semble, à l’énervement des caractères.


Saint- Séveriïij église fort ancienne dans la rue de ce nom. (( Quant à Saint-Séverin dont saint Cloud fut le disciple, comme on n’a aucune histoire de ce- saint, tout ce qu’on sait, c’est qu’il s’enferma dans une cellule ou monastère dans les faubourgs de Paris ; qu’il y vécut reclus pendant plusieurs années, tout occupé des exercices de la contemplation et que sa haute piété, qui porta saint Cloud à se ranger sous sa discipline, lui mérita aussi la vénération des peuples pendant sa vie et après sa mort \ » Le patron de l’église cependant ne paraît point avoir été le saint solitaire, mais un autre Séverin qui fut abbé d’Ayanne et dont la fête se célèbre le 24 novembre, jour de sa mort. C’est dans le cimetière de cette église qu’eut lieu la première opération de la pierre, a Au mois de jan\der, dit Sainte-Foix, les médecins et chirurgiens de Paris représentèrent à Louis XI que a plusieurs personnes de » considération étaient travaillées de la pierre, colique, » passion et mal de côté ; qu’il serait très-utile d’exami)) ner l’endroit où s’engendraient ces maladies ; qu’on ne )) pouvait mieux s’éclairer qu’en opérant sur un homme » vivant et qu’ainsi ils demandaient qu’on leur délivrât )) un Franc-A ?xher qui venait d’être condamné à être )) pendu pour vol et qui avait été souvent fort molesté » des dits maux. )&gt ; (( On leur accorda leur demande et cette opération qui est, je crois, la première qu’on ait faite pour la pierre, eut lieu publiquement dans le cimetière de ’ Félibien et Lobineau.

s. 305 réglisc Saiut-Séverin. « Après qu’on eut examiné et )) travaillé, ajoute la Chronique, on remit les entrailles » dans le corps du dit Franc- Archer qui fut recousu et par )) l’ordonnance du roi très-bieu pansé ; et tellement qu’en )) quinze jours il fut guéri et eut rémission de ses crimes )) sans dépens et il lui fut même donné de l’argent. » Sévigné {T\ie) : C’est à madame de Sévigné que La Bruyère, quoiqu’il ne la nomme pas, pensait sans doute lorsqu’il écrivait dans son chapitre des Ouvrages de l’Esprit : « Je ne sais si l’on pourra jamais mettre dans des lettres plus d’esprit, plus de tour, plus d’agrément, et plus de style que l’on en voit dans celles de Balzac et Voiture. Elles sont vides de sentiments, qui n’ont régné que depuis leur temps, et qui doivent aux femmes leur naissance. Ce sexe va plus loin que le nôtre dans ce genre d’écrire. Elles trouvent sous leur plume des tours et des expressions qui souvent en nous ne sont que l’effet d’un long travail et d’une pénible recherche : elles sont heureuses dans le choix des termes qu’elles placent si juste, que, tout connus qu’ils sont, ils ont le charme de la nouveauté, et semblent être faits pour l’usage où elles les mettent. Il n’appartient qu’à elles de faire lire dans un seul mot tout un sentiment, et de rendre délicatement une pensée qui est délicate. Elles ont un enchaînement de discours inimitable, qui se suit naturellement et qui n’est lié que par le sens. Si les femmes étaient toujours correctes, j’oserais dire que les lettres de quelques-unes d’entre elles seraient peut- être ce que nous avons dans notre langue de mieux écrit. » Sainte- Avoie (rue) : Reçut son nom d’un couvent de religieuses fondé, sous ce titre, par saint Louis pour les


femmes infirmes. « Ou nommait auparavant ces religieuses Béguines dit G. Brice parce qu’elles suivaient quelques constitutions données par sainte Bègue dont la règle est fort connue dans les Pays-Bas. » Sèvres (rue de) : Ce nom vient du village auquel la rue conduit. Sorbonne (rue de la) : Elle doit son nom à Robert dit de Sorbon, d’un village près de Rhétel qui fut le lieu de sa naissance. Robert fut le fondateur du collège si célèbre depuis : ce Le benoît Roi, dit le confesseur de la » Reine Marguerite, fit acheter maisons qui sont en )) deux rues assises à Paris, devant le palais des Ther)) mes, èsquelles il fit faire maisons bonnes et grandes )) pour ce que les écoliers, étudiant à Paris, demeuras» sent là toujours. » Richelieu fit rebâtir le collège et l’on voit son tombeau dans l’église. Suger (rue) : Cette rue existait dès la seconde moitié du XIP siècle (1179) et s’appelait alors rue aux Sachettes, parce qu’il s’y trouvait une maison des dites sœurs, ainsi nommées à cause de leur costume composé d’une robe en forme de sac. Ces religieuses vivaient d’aumônes et tous les matins elles se répandaient à cet effet dans les rues de Paris :

Ça d’j pain por Dieu aux Sachesses ! Par ces rues sont granz les presses.

lit-on dans les Crieries de Paris. Cette congrégation supprimée vers 1350, la rue s’appela des Deux Portes, puis du Cimetière St-Andrc des Arts. Ce n’est que récem

s. ment, par une ordonnance du 5 août 1844, qu’elle a pris le nom de Suger, le sage ministre de Louis VI et Louis VII.

Sully (rue) : Maximien de Béthune, duc de Sully, le fidèle ministre et ami de Henri IV, naquit à Rosny en 1560, et mourut à Villebon en 1641. (Voir la France héroïque.)

Sulpice (église Saint) : Elle existait comme paroisse des le commencement du XIIP siècle. L’église actuelle ne date que du XYIP siècle. Anne d’Autriche en posa la première pierre en 16i6, mais les circonstances contraires llrent plus d’une fois interrompre les travaux, et plusieurs architectes, Christophe Gamard, Louis le Veau, Daniel Gittard et Gille-Marie Oppenord concoururent à sa construction. Le portail tout entier est de Servandoni, qui l’avait presque terminé en 1745, lors de la consécration solennelle de l’église.

En 1793, l’église St-Sulpice devenait le Temple de la Victoire ; et, sous le Directoire, elle se vit profanée par les parades des Théophilanthropes dont la Reveillère-Lépaux s’était constitué le grand pontife. Le ridicule suffit d’ailleurs pour faire justice de ces sottises.

Devant l’église se trouve la place St-Sulpice, ornée d’une fontaine monumentale d’un bel effet. À gauche s’élève le séminaire de St-Sulpice ^, qui a donné et donne encore à l’église de France tant de prêtres instruits, zélés, vertueux et saints. Des noms par centaines se pressent sous ma plume, je n’en citerai qu’un seul

’ Il eut pour fondateur le vénérable M. Olier, curé de St-Sulpice, dont il est parlé plus haut.


resté entre tous populaire^, celui du prêtre intrépide qui, prisonnier lui-même, fut eu quelque sorte l’aumônier des prisons pendant la Terreur, l’abbé Emery dont Feller nous fait ce portrait admirable autant que fidèle : (( Il savait combiner l’attacbement aux règles avec les tempéraments que nécessitaient les circonstances. II n’était point ami des mesures extrêmes, et se défiait de l’exagération eu toutes choses ; quelques-uns lui ont même reproché d’avoir poussé trop loin la condescendance et la modération ; mais dans tout le cours de la Révolution, il marcha constamment sur la même ligne. Il ne fut point ardent dans un temps, et modéré dans un autre ; il n’allait pas chercher l’orage, il l’attendait sans crainte ; il ne bravait pas l’injustice des hommes, mais il ne s’en laissait pas intimider ; l’intérêt de la religion le guidait toujours. Ceux qui ne jugent que d’après l’impulsion du moment lui trouvèrent trop de fermeté, quand ils en manquaient eux-mêmes, ou trop de mollesse quand ils étaient exaltés ; mais c’étaient eux qui changeaient. Pour lui, il fut toujours le même, sage, égal, mesuré ; sachant céder lorsqu’il le croyait utile : sachant aussi résister quand il le jugeait nécessaire * » .

Tombe-hoire ou Isouord{v\\Q à(i\d) : Ce nom vient d’une maison ainsi appelée et située près de l’ancienne barrière St- Jacques, au-dessus des carrières Montrouge. ’ Feller. — Dictionnaire historique.

p. 300 (( Un puits fut creusé dans le petit enclos attenant à cette maison, et les ossements, enlevés des charniers des Halles, y furentdescendus et déposés sur deux lignes parallèles et à six pieds de hauteur. Des prêtres en surplis et chantant l’office des morts suivaient les chariots. Lorsque le transport fut entièrement achevé, on éleva un mur en maçonnerie qui sépara ces nouvelles catacombes des autres parties des carrières, et l’archevêque lui-même y descendit pour les bénir. » (St-Yictor). Turgot (rue) : Turgot, économiste distingué et ministre du roi Louis XYI, né en 1727, mourut en 1781. « Il n’y a que vous et moi qui aimions le peuple » écrivait Louis XYI à son ministre. Cependant, peu longtemps après, cédant à de fatales influences, il remplaçait Turgot par le genevois Necker dont la fausse popularité lui faisait illusion. Tait haut (rue) : M. Taitbout, était greffier de la ville à l’époque où la rue fut ouverte (1775). Talma (rue) : Talma, le dernier grand tragédien et qui n’a point été remplacé (17GG-1826). Taranne (rue) : Appelée indifféremment au XIY’^ siècle rue aux Vaches, rue de la Courtille, rue Forestier, elle prit en 1418 le nom de rue Tarrennes en l’honneur de Simon de Tarrennes, échevin en 1-417. Taranne n’est qu’une altération. Temple (rue du) : Elle doit son nom au manoir des Templiers qui déjà s’y voyait à la fin du Xir siècle. Dans ses vastes dépendances, le manoir enfermait tout l’espace compris entre le faubourg du Temple et la rue de la Yerrerie, en englobant partie du marais qu’on appelait la Culture du Temple. Entouré de hautes et


solides murailles et de fossés profonds, le Temple était une véritable forteresse où l’Ordre renfermait ses trésors et qu’une milice nombreuse et aguerrie semblait pouvoir défendre avec succès même contre l’autorité royale. De là sans doute, la cupidité aidant, les ombrages de Philippe le Bel. Maintenant quelques mots sur l’ordre des Templiers. Guignes ou Hugues des Païens^ Geoffroi de St- Orner et sept autres chevaliers français le fondèrent, en 1 118, dans le but de secourir, de soigner et de protéger les pèlerins sur les routes de la Palestine, devoir auquel s’ajouta plus tard celui de défendre la religion chrétienne et le saint Sépulcre contre les Sarrazins. Baudouin II, roi de Jérusalem, donna aux chevaliers, pour leur servir d’habitation, un palais attenant à l’emplacement de l’ancien Temple, et c’est de là que vint leur nom. Forcés, en 1291, d’abandonner la Terre-Sainte avec ses derniers défenseurs, ils revinrent en Europe et établirent dansl’ile de Chypre le siège de l’Ordre placé jusqu’alors à Jérusalem. La même année, 1291, fut élu le dernier grand maître Jacques-Bernard de Molai, qui, avec Guy, grand prieur de Normandie, âgé de plus de 80 ans, fut brûlé vif (18 mars 1314) par l’ordre de Philippe le Bel qu’on ne saurait guère, dans toute cette grave affaire du procès des Templiers, excuser de passion et de cruauté. D’ailleurs, « ces moines étaient-ils innocents ou coupables ? Cette question, sur laquelle aucun historien raisonnable n’a jamais osé rien affirmer, est sans contredit la plus difficile, la plus obscure de toute l’histoire moderne, et les ténèbres qui la couvrent ne seront probablement jamais éclaircies. Gepen

p. : mi

dant Saintc-Foix, avoc son aiulace et sa légèreté ordinaires, ne mancjue point, à l’occasion du supplice de ces deux personnages, de renouveler en leur faveur ces déclamations si multipliées dans le siècle dernier ; déclamations dont le but était moins de prouver l’innocence des Templiers que d’insulter, avec quelr|ue apparence de raison, l’autorité politique et religieuse. ((…. Ceux qui défendent les Templiers ont souvent allégué en leur faveur l’invraisemblance des crimes qu’on leur reproche : « Est-il probable, s’écrient-ils, que » tant d’illustres guerriers, tant d’hommes d’une si )) haute qualité fussent coupables de crimes aussi atro» ces, d’aussi honteuses turpitudes ? » « Est -il vraisem» blable, pourrait-on leur répondre avec un auteur con» temporain (lîaluze), que ces personnages si nobles » eussent jamais avoué de telles infamies si l’accusation » n’eut été vraie ? » « Si les apologistes répliquaient que la torture leur arracha beaucoup d’aveux, il serait facile de donner la preuve que la plupart d’entre eux firent des aveux sans qu’on les eût torturés, de manière que les deux opinions, offrant un égal degré de vraisemblance, la question n’en deviendrait que plus embrouillée et plus indécise pour les esprits sages et non prévenus. » {Si- Victor.) L’ancien couvent du Temple servit, comme on sait, de prison au roi Louis XYI et à sa famille. C’est de la que l’infortuné monarque partit pour se rendre à la place de la Révolution. Nous avons raconté ailleurs {France héroïque) la mort admirable du îloi-martyr. Théâtre (rue du) : À Grenelle, Montmartre, etc. Quelques mots à ce sujet sur les origines de théâtre en


France ou mieux à Paris. Par lettres patentes du 4 décembre 1402, Charles YI autorisa les Confrères de la Passion à ouvrir, dans l’hôpital de la Trinité, un théâtre où l’on jouait des mystères et des farces appelées sotties. De ce mélange du sacré et du profane résultèrent des abus qui firent fermer le théâtre. Mais les confrères obtinrent, en 1548, de le rouvrir et s’installèrent, rue Françoise, dans l’hôtel dit de Bourgogne, parce qu’il avait appartenu à Jean-sans-Peur. Plus tard, ils cédèrent leur privilège à une troupe nommée des Enfants sans souci qui devinrent les comédiens de l’hôtel de Bourgogne. En 1659, deux nouvelles troupes leur firent concurrence, celle de Molière qui était venue se fixer à Paris, et celle du Marais, installée rue de la Poterie, à l’hôtel d’Argent. Mais par l’ordre de Louis XIV, quelques années après, les trois troupes durent se réunir et ne formèrent qu’une société qui devint le Théâtre Français. L’Opéra, lui, fut constitué en 1G72, par lettres patentes accordées au musicien Lully. On connaît les vers de Boileau, un peu sévères peut-être, à l’adresse du musicien : Et touiî ces lieux communs de morale lubrique Que Lully réchauffa des sons de sa musique. La Bruyère dit de son côté, à propos de ce genre de spectacle alors tout nouveau : (c L’on voit bien que l’Opéra est l’ébauche d’un grand spectacle, il en donne l’idée. « Je ne sais pas comment l’opéra, avec une musique

r. ’ M’.] si parfaite, et une dépense toute royale, a pu réussir à m’ennuyer. ^^ Cet homme assurément n’aime pas la musique. aurait dit Sosie. Pour la première fois cette année (1870), on a vu tous les théâtres fermés à cause du siège et la plupart même se sont convertis eu amluilances. Puissent-ils avoir ainsi racheté au moins en partie les scandales donnés par certains d’entre eux depuis quelques années surtout ! On a remarqué que, pendant la Terreur même et sous la première invasion, les théâtres étaient restés ouverts. Grâce à Dieu, cette fois, Paris en face du danger, s’est montré digne et sérieux, en se préparant à devenir héroïque. Thomas d’Aquin (église St) : Elle fut construite par les religieux de l’ordre des Jacobins (Dominicains), établis à Paris vers 1632. Les travaux, dirigés par l’architecte Pierre BuUet, commencèrent dès l’année 1G82, mais, par le manque d’argent, le monument ne put être terminé qu’en 1740. Le Musée et le Comité d’Artillerie occupent aujourd’hui les bâtiments de l’ancien couvent. Tiquetonne (rue) : Ce nom vient par altération de Roger de Quiquetonne, un riche boulanger qui demeurait dans cette rue vers 1339. Tirechape (rue) : Etait tout entière bâtie dès le commencement du XIIP siècle. Des fripiers surtout, juifs pour la plupart, occupaient les petites boutiques du rer de-chaussée et y exerçaient leur industrie. Ils ne se con TOME III. 18

314 LES RUES DE TARIS. tentaient pas d’inviter les passants à entrer chez eux, mais, joignant le geste à la parole, ils les tiraient par leurs chapes, espèces de robes, pour les décider. De là le nom de rue TirecJiape donné à la rue par nos ancêtres si prompts à saisir le côté pittoresque des choses. Croix du Tiroir (rue de la) : Elle n’existe plus, grâce à l’infatigable marteau des démolisseurs ; il nous semble utile néanmoins, tant de gens ayant connu cette rue dont le nom paraît étrange, de lui consacrer quelques lignes. Au milieu de la rue de V Arbre-Sec et près de la fontaine construite par l’ordre de François P*", on voyait anciennement une croix appelée du Tiroir, Trailhoner, Traihoir, Tirauer, Tyroiier, Tiroi, car l’orthographe a constamment varié. On comprend ainsi l’incertitude relative à l’origine de cette dénomination sur laquelle les historiens ont des opinions différentes et assez vagues. Ce qui paraît certain, c&gt ; st que, dans l’année 1636, la Croix, qui gênait la circulation, fut placée à l’angle du réservoir des eaux d’Arcueil, que le prévôt des marchands avait fait construire à l’extrémité de la rue de VArbre-Sec, du côté de la rue St-Honoré. Cette place était un lieu patibulaire ou place d’exécution et (( Sauvai, dit St- Victor, en a tiré cette conjecture fort raisonnable que la croix y avait été placée pour offrir une dernière consolation et montrer dans ces tristes moments le signe du salut aux malheureux qu’on y faisait mourir. » Tixeranderie (rue de la) : Ce nom lui vient d’une grande maison qui s’y trouvait et des nombreux tisserands qui autrefois l’habitaient.

T. 315 Tournelles (rue des) : Elle fut ainsi appelée de l’hôtel de ce nom qu’avait fait bâtir, sous le règne de Jean II dit le Bon, Pierre d’Orgemont, chancelier de France et de Dauphiné. Il appartint, après sa mort, à son fils qui le vendit au duc de Berry, lequel le céda au duc d’Orléans. Henri II y étant mort, par l’accident que l’on sait, Charles IX, à l’instigation de sa mère Catherine, en ordonna la démolition et sur le terrain déblayé s’ouvrit la Place- Roy aie, aujourd’hui Place des Vosges. Toiirnon (rue de) : François de Tournon, archevêque et cardinal, fut l’un des principaux conseillers de François I". Tour à tour ambassadeur en Italie, en Espagne, en Angleterre, il mourut à Paris en 1562. Tronchet (vue) : François-Denis Tronchet (1726-1806), avocat au parlement, s’honora comme l’un des défenseurs de Louis XYI. Après le 18 brumaire, cet émiuent jurisconsulte prit une part active à la rédaction du Code Civil. Trône (place du) : Doit son nom à un trône élevé aux frais de la ville de Paris et sur lequel Louis XIV et Marie-Thérèse d’Autriche se placèrent, le 26 août 1660, pour recevoir le serment de fidélité de leurs sujets. Les Tuileries. A^ers le milieu du XIV° siècle, sur le terrain dit de la Sahlonnière, s’élevaient trois grandes maisons où se fabriquait la tuile. Pendant le XV et le XYP siècle, ces bâtiments furent remplacés par deux hôtels, appelés tous deux hôtels des Tuileries. Ce fut aussi le nom que Catherine de Médicis donna au palais qu’elle fit construire sur ce même terrain acheté par elle. Les architectes Philibert Delorme et Jean Brillant dirigeaient les travaux interrompus par un caprice de Catherine et


repris plus tard par l’ordre de Henri IV, mais sans doute avec lenteur ; car le monument ne s’acheva que sous Louis XIV, d’après les dessins de Ducerceau qui modifia pour une bonne partie les plans de ses prédécesseurs. On s’explique ainsi la diversité d’ornements et d’ordonnances dont se trouve composée, tant sur la façade du jardin que sur celle du Carrousel, la masse totale de l’édifice. De nouveaux travaux, ayant pour but d’atténuer les disparates qui choquaient dans les constructions et de mettre plus d’ensemble dans les parties, s’exécutèrent par l’ordre de Louis XIV, sous la direction des architectes Lerau et d’Orsay. Le palais fut dès lors, à quelques changements près, ce que nous le voyons aujourd’hui. Le pavillon et la galerie, du côté de la rivière, viennent, comme on sait, d’être reconstruits. Le jardin, créé par un nommé Renard, en 1G30, sur un terrain défriché exprès, fut agrandi considérablement plus tard et planté tout de nouveau d’après les dessins du cél ’’bre Le Nôtre. Pas n’est besoin de dire que le jardin anglais, tracé devant le château, n’est pas de celui-ci ; car il y a peu d’années, il n’existait pas non plus que les fossés profonds qui lui servent de clôture. Qui nous eût dit, quand nous écrivions ces lignes, que ce glorieux monument, bientôt ne serait plus qu’une lamentabli, ’ ruine, après être devenu la proie des flammes allumées par des misérables qui n’avaient assurément de Français que le nom î Comme les Tuileries n’ont-ils pas incendié le palais du quai d’Orsay, la Légion-d’Ilonneur, l’Hôtel-de -Ville, le Ministère des Finances, le Palais de Justice, le Grenier

T. 317 irAJ)uii&lt ; lauce, ut combien d’autres édifices, Torgueil de Paris comme de la France ? Et assurément, si le temps ne leur eût manqué à ces infâmes, et que leur plan dans son ensem])le eût réussi, ils auraient pareillement brûlé la Sainte-Chapelle, Notre-Dame, le Louvre, toutes nos églises, tous nos monuments, aussi bien les maisons et habitations du panvre que celles du riche. Ce Paris en un mot, dont ils avaient fait leur conquête, on sait comment, plutôt que de le rendre, dans leur furieux désespoir de se voir arracher ce magnifique l)utin, ils voulaient tout entier le détruire !… Paris à cette heure, sans l’héroïsme et l’indomptable élan de l’armée, ne serait plus qu’un immense monceau de cendres, une vaste nécropole avec des milliers et des milliers de cadavres enfouis sous les décombres. Turenne (rue) : Quel plus bel éloge et plus complet que celui qui est contenu dans cette courte page de Madame de Se vigne écrite à propos de la mort du grand homme : (’ Ne croyez point, ma fille, que son souvenir soit déjà fini dans ce pays- ci ; ce fleuve qui entraîne tout n’entraîne pas sitôt une telle mémoire, elle est consacrée à l’immortalité. (( …. Tous ne sauriez croire comme la douleur de sa perte est profondément gravée dans les cœurs : vous n’avez rien par dessus nous que le soulagement de soupirer tout haut et d’écrire son panégynique. Nous remarquions une chose, c’est que ce n’est pas depuis sa mort que l’on admire la grandeur de son cœur, l’étendue de ses lumières et l’élévation de son âme ; tout le monde en était plein pendant sa vie, et vous pouvez penser ce que fait sa perte par dessus ce qu’on était déjà ; enfin, TOME III. 18*


ne croyez point que cette mort soit ici comme celle des autres. Vous pouvez eu parler tant qu’il vous plaira sans croire que la dose de votre douleur l’emporte sur la nôtre. Pour son àme, c’est encore un miracle qui vient de l’estime parfaite qu’on avait pour lui ; il n’eut toml)6 dans la tète d’aucun dévot qu’elle ne fût pas en bon état : on ne saurait comprendre que le mal et le péché pussent être dans son cœur ; sa conversion si sincère nous a paru comme un baptême ; chacun conte l’innocence de ses mœurs, la pureté de ses intentions, son humilité éloignée de toute sorte d’affectation, la solide gloire dont il était plein, sans faste et saus ostentation, aimant la vertu pour elle-même, sans se soucier de l’approbation des hommes, sa charité généreuse et chrétienne. Yousai-je dit comme il rhabilla ce régiment anglais ? il lui en coûta quatorze mille francs et il resta sans argent. Les Anglais ont dit à M. de Lorges qu’ils achèveraient de servir cette campagne pour venger la mort de M. de Turenne ; mais qu’après cela ils se retireraient, ne pouvant obéir à d’autres qu’à lui. Il y avait de jeunes soldats qui s’impatientaient un peu dans les marais, où ils étaient dans l’eau jusqu’aux genoux ; et les vieux soldats leur disaient : (( Quoi ! vous vous plaignez ? on voit bien que vous ne » connaissez pas M. de Turenne ; il est plus fàclié que » nous quand nous sommes mal ; il ne songe, à l’heure » qu’il est, qu’à nous tirer d’ici ; il veille quand nous dor» mons ; c’est notre père : on voit bien que vous êtes » jeunes » et ils les rassuraient ainsi. ({ Tout ce que je vous mande est vrai ; je ne me charge point des fadaises dont on croit faire plaisir aux

u. : m9 gens éloignés ; c’est abuser d’eux, et je choisis l&gt ; ieu plus ce que je vous écris, que ce que je vous dirais si vous étiez ici. Je reviens à son âme ; c’est donc une chose à remarquer que nul dévot ne s’est avisé de douter que Dieu ne l’eût reçue à bras ouverts, comme une des plus belles et des meilleures qui soient jamais sorties de ses mains ; méditez sur cette conliance générale de son salut, et vous trouverez que c’est une espèce de miracle qui n’est que pour lui. Vous verrez dans les nouvelles les effets de cette grande perte. » (Sévi gué). (( La vie deTurenne, a dit quelque part Montesquieu, est un hymne à la louange de l’humanité. » (Voir pour les détails la {Fronce héroïque).

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i Iricli : Avenue, ci-devant, de V Impératrice. Le nom du général Ulrich sera désormais légendaire. Il mérite d’être inscrit en lettres d’or dans nos annales le nom du vaillant soldat qui commandait à cette population héroïque, ne se résignant qu’à regret, et faute de munitions et de vivres, à capituler, alors qu’elle eut préféré s’ensevelir sous les ruines de la cité glorieuse et si opiniâtrement défendue. Le siège de Strasbourg est à jamais mémorable, et qui n’eut pas applaudi, avec tout Paris ou mieux toute la France, à ci ; t effort du patriotisme qui, dans la défaite même, apparait sublime et nous offre un si magnifique exemple ! Université (rue de 1’) : En 1639, l’Université, ayant aliéné le terrain dit le Pré aux Clercs, des constructions

3 : s’élevèrent le long de l’ancien chemin des Treilles, qui prit le nom de rue de V Université. Ursins (rue des) : Elle doit son nom à Jean Juvénal des Ursins, le célèbre prévôt des marchands sous Charles VI. Ursulines (rue des) : Nom qui vient des religieuses de cette observance établies autrefois dans le faubourg Saint-Jacques, et dont la fondation offre d’intéressants détails. En 1608, Françoise de Bermont et Lucrèce de Monte, appartenant à la congrégation des Ursulines d’Aix, vinrent à Paris. D’abord logées à l’hôtel SaintJacques, et assez à l’étroit, elles s’occupaient de l’éducation des jeunes filles. Une dame de la paroisse, Madeleine Leullier, veuve du président Sainte-Beuve, personne d’une grande piété et dont l’intelligence égalait le cœur, les ayant connues, fut touchée de leur zèle et songea aux moyens de leur assurer un établissement stable. Elle acheta un terrain près de l’hôtel Saint-André, et fit bâtir une maison vaste et commode qu’elle donna aux Ursulines « à la condition, disent les historiens, que ces filles, qui, jusque-là étaient séculières et sans clôture, fussent désormais religieuses et cloîtrées, et qu’outre les trois vœux ordinaires de religion, elles en fissent un quatrième particulier de vaquer à l’instruction des jeunes filles. » Elle passa, en outre, un contrat de 2, 000 livres de rente perpétuelle pour l’entretien de douze religieuses. La chapelle attenant au couvent par la suite devint trop petite et la présidente Sainte-Beuve fit construire une nouvelle église terminée en 1627. Elle y fut enterrée l’année suivante et jusqu’à la Révolution qui détrui

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sit l’église, on y vit son tombeau, objet de vénération pour les Ursuliues reconnaissantes comme pour leurs élèves.

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] al- de -Grâce (église du) : Cette église fut construite ou reconstruite par les ordres d’Anne d’Autricbe qui avait fait vœu, si Dieu mettait un terme à sa longue stérilité, de lui bâtir un temple magnifique. Après vingt-deux ans d’attente, la reine eut un fils qui fut Louis XIV. L’église, commencée en 1645, ne put, à cause des troubles de la Fronde, être terminée qu’en 1G65. Les architectes du monument furent François Mansard, Jacques Lemercier, Pierre Lemrut et Gabriel Leduc. Les peintures de la coupole sont dues à Mignard. La communauté des religieuses du Val-de-Grâce de Notre-Dame de la Crèche, qui avait donné son nom à Féglise, fut supprimée en 1790. Les bâtiments, que les sœurs occupaient, près de l’église, d’abord transformés en vastes magasins, devinrent, sous l’Empire, l’hôpital spécial des malades de la garnison. Vcdkubert (place) : Le général Valhubert, dont le nom est inscrit sur l’Arc-de-Triomphe de l’Étoile, fut tué à Austerlitz. Ayant eu la jambe emportée par un boulet, il tomba de cheval. Des soldats aussitôt s’empressent pour le relever et le porter à l’ambulance. (( Laissez, mes amis, laissez, leur dit ce martyr de la )) discipline ; souvenez-vous de l’ordre du jour qui

322 LES RUES DE TARIS. » défend de quitter les rangs quoi qu’il arrive. Si vous » êtes vainqueurs, vous m’enlèverez du champ de ba)) taille ; si vous êtes vaincus, que m’importe un reste » d’existence ! » Puis il ajoute après quelques ins)) tants : a Que n’ai-je perdu plutôt un bras, je pourrais » combattre encore avec vous et mourir pour mon )) pays. » Valhubert succomba le lendemain à ses blessures. L’empereur, par un décret, ordonna qu’une des rues nouvelles de Paris porterait son nom. Vœineau (rue) : Ainsi nommée, en souvenir de l’élève de l’École Polytechnique, tué à l’attaque de la caserne de Babylone (29 juillet). Vaugward (rue de) : Signifie vallée de Girard. Girard de Moret, abbé de St- Germain des Prés, avait fait bâtir dans cette rue une maison de convalescence pour les malades. Vendôme (place) : Ouverte, par suite d’un arrêt du conseil de l’année 1686 et de lettres patentes du roi (1699), sur l’emplacement ’qu’occupait l’hôtel Vendôme démoli à cet effet. Mansart, le célèbre architecte, fut chargé des nouvelles constructions. Au milieu de la place s’élevait, dès l’année 1799, une statue équestre en bronze de Louis XIV, qui fut renversée en 1792. Elle se voyait à l’endroit où maintenant se dresse la Colonne en l’honneur de la Grande Armée. Ventadour{v\\ç) : Nom d’une famille qui y avait im hôtel. Verdelet (rue) : Cette rue se nommait autrefois rue Merderiau, Merderai ou Merderet, expressions tant soit peu rabelaisiennes, mais que nos pères eux-mêmes trou

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vaient assez mal sonnantes. Le mot fut a&lt ; lonci par le changement de denx lettres et, dès le commencement du XYII’’ siècle, la rue s’appelait comme aujourd’hui : Verdelet. \erthois (rue) : Comme cet endroit était, au XYP siècle, tout en marais et en jardins, il est assez vraisemhle que le nom de Verthois lui vient des arbres qui environnaient de ce côté l’enclos du prieuré St-Martin avant qu’on eût percé la rue. Verrerie (rue de la) : Primitivement (1386) de la Voisie, puis de la Verrerie sans doute à cause de plusieurs verreries qui s’y trouvaient. Verneidl {vwQ de) : Doit son nom à Henri de BourJjon, duc de Verneuil, abbé de Saint- Germain des Prés, qui la fit ouvrir en 1640. Vertus (rue des) : Ce nom lui fut donné par antiphrase à cause de certaines dames ou demoiselles qui l’habitaient et dont la conduite ne faisait point honneur au sexe. Vero-Dodat (passage) : L’un des premiers construits à Paris, ce passage doit son nom au propriétaire qui avait fait une grande fortune dans la boutique de cliarcuterie établie à l’angle de la rue Croix-des-Petits-Champs et de la rue Montesquieu. Victoires (place des) : Elle fut construite par François, vicomte d’Aubusson, de la Feuillade, maréchal de France, qui fit, dans ce but, abattre, en 1684, une partie de l’hôtel de la Ferté qu’il avait acheté. « Ayant reçu de la cour des bienfaits extraordinaires, il a voulu laisser à la postérité une marque éclatante de sa reconnaissance )) dit G. Brice.

324 LES RUES DE TARIS. Pour ce motif, il fit ériger au miliou de la place une statue de Louis XIV, renversée pendant la Révolution et dont voici la description faite par un contemporain : (( La statue est élevée sur un grand piédestal de marbre Idanc veiné, de vingt-deux pieds de hauteur en y comprenant un soubassement de marbre bleuâtre, avec des corps avancés du même profil. Sur ce piédestal, le Roi est représenté dans les habits dont on se sert aux cérémonies du sacre à Reims, et que l’on conserve dans le trésor de Saint-Denis. Il a un Cerbère à ses pieds, et la Victoire derrière lui, montée sur un globe, qui semble d’une main lui mettre une couronne de laurier sur la tète, et de l’autre, elle tient un faisceau de palmes et de branches d’olivier dans une attitude noble et hardie. Toutes ces choses ensemble font un groupe de treize pieds de hauteur, d’un seul jet, où l’on a employé près de trente milliers de métal. Et ce qui rend encore ce monument d’une apparence plus magnifique, quoique bien des gens de bon goût n’en soient pas contents, c’est qu’on l’a doré entièrement pour le faire paraitre et briller plus loin. » Sur le piédestal de la statue on lisait cette inscription : VIRO IMMORTALI. Notre- Dame- des-Victoires y {vmq) : Elle s’appelait anciennement le chemin Herbu « mais, depuis qu’une enseigne haute en couleur eût été pendue à l’une de ses maisons, enseigne où, sous le nom de Notre-Dame-des Victoires, la Vierge est représentée, aussitôt elle quitta son premier nom pour celui-ci », dit un historien. On la nomme aussi des Petits Pères ou des Petits Augustins à

V. 325 cause des Augustiiis déchaussés qui y avaient un couvent. On sait que, depuis vingt ou vingt-cinq ans, ce sanctuaire est devenu un lieu de pèlerinage des plus célèbres. Qui de nous n’y va pas de temps en temps prier ? ]’ictoire {me de la) : S’appelait d’abord Chantereine, nom qu’elle échangea contre celui de la Victoire quand le général Bonaparte, au retour de la première campagne d’Italie, vint l’habiter. Vierge j (rue de la) : Ce nom vient d’une statue de la sainte Vierge qui se voyait à l’une des extrémités de la rue. Vignes (impasse des) : Ce nom lui fut donné parce que les maisons s’élevèrent dans un grand clos de vignes appartenant aux religieuses de Sainte- Geneviève. Hôtel-de-Ville (y) : En 1357, le Prévôt des marchands et les Échevins de la Ville de Paris achetèrent, au prix de 2, 880 livres, la Maison de Grève, autrement la i/taison aux piliers, parce qu’elle était soutenue par devant sur des piliers. Elle avait appartenu aux deux derniers dauphins du Viennois ; Charles V, n’étant que dauphin, y avait demeuré, et l’avait donnée à Jean d’Auxerre, receveur des gabelles, en considération des ser\’ices que le dit Jean lui avait rendus. Ce fut sur l’emplacement de cette maison et de plusieurs autres qui l’environnaient que l’on commença à bâtir l’Hôtel-de-Ville en 1553 ; il ne put être achevé qu’en 1605. Dans ces derniers temps, il a été fort augmenté et en partie reconstruit. Pourquoi maintenant nous faut-il ajouter : ce monument si superbe, ce palais splendide, il y a si peu de TOME ni. 19


mois encore, iuceudié comme tant d’autres par les sectaires de la Commune ct.lcs séides de l’Internationale, n’est plus qu’une ruine, ruine imposante d’ailleurs et que nous serions assez d’avis (comme on l’a proposé) de laisser dans cet état pour l’enseignement des générations à venir. Mais de cet enseignement, de ces leçons si formidables, profiteront-elles quand sur les contemporains il semble que l’impression en ait été trop fugitive ? Quel miracle de la Providence faudrait-il pour guérir ce malbeureux peuple de la cécité comme de la surdité ? Ville-rEvèque (rue de la) : Son nom lui vient du territoire sur lequel elle est située et qui appartenait à l’Évèque et au chapitre. Léonard de Vinci (rue) : Peintre, poète, écrivain, cet illustre Italien (1459-1519) est connu de nous surtout par ses tableaux et ses dessins et aussi par une précieuse et ancienne copie de la Cène, cette fresque célèbre, hélas ! aujourd’hui presque entièrement effacée. Le portrait de la Joconde (Monna Lisa) une des merveilles de l’art, suffirait, seul, à la gloire, du maître. Dans cette figure étrange on ne sait ce qu’il faut admirer davantage ou la finesse prodigieuse et l’intensité de l’expression, ou la touche si savamment dissimulée et le modelé qui tient du miracle. Quel étonnant visage ! et la main donc, la main ! Vivienne (rue) : Elle a pris ce nom d’une famille connue au XVP siècle et qui fit bâtir les premières maisons de la rue. Louis Yivien, seigneur de Saint-Marc, était échevin de la ville de Paris en 1599, sous la prévôté de Jacques Danès. 7rois- Visages (rue des) : « Le nom qu’elle a mainte

V. 327

liant, dit Sauvai, vient de iroii^ tète^ ou troiii visages de pierre et tous trois de relief que j’ai vus autrefois à l’une de ses maisons. Présentement il en reste encore une. )) Volta (ruo) : Yolta, physicien célèbre par la découverte de l’électro-moteur, naquit à Come en 1745. Appelé à Paris en 1801 par Bonaparte qui l’avait connu en Italie, il répéta devant l’Académie des Sciences ses curieuses expériences sur l’électricité. Comblé d’honneur par Napoléon I", fait sénateur et comte, Yolta jouit paisiblement de sa gloire à laquelle, dès lors, il parut peu soucieux d’ajouter. Il mourut, octogénaire, le 6 mars 18 : 2G. Voltaire (rue et quai) : Joubert, dont feu Ste-Beuve faisait si grand cas et qu’il a loué pour son goût exquis comme pour sa modération, n’hésite pas à dire de Voltaire : « Voltaire avait le jugement droit, l’imagination riche, l’esprit agile, le goût viî et le sens moral détruit. …. Voltaire est l’esprit le plus débauché, et ce qu’il y a de pire, c’est qu’on se débauche avec lui. La sagesse, en contraignant son humeur, lui aurait incontestablement ùté la moitié de son esprit. Sa verve avait besoin de licence pour circuler en liberté. Et cependant jamais homme n’eut l’àme moins indépendante. Triste condition, alternative déplorable, de n’être, en observant les bienséances, qu’un écrivain élégant et utile, ou d’être, en ne respectant rien, un auteur charmant et funeste. Ceux qui le lisent tous les jours s’imposent à eux-mêmes, et d’une imincible manière, la nécessité de l’aimer. Mais ceux qui, ne le lisant plus, observent de haut les influences que son esprit a répandues, se font un acte d’équité, une obligation rigoureuse et un devoir de le haïr.


…. Voltaire a, comme le singe, les mouvements charmants et les traits hideux. On voit toujours en lui, au hout d’une hahile main, un laid visage. » Quand le sage critique parle ainsi, faut-il s’étonner d’entendre le poète satirique qu’on vit : Fouetter d’un vers sanglant les grands hommes du jour, faire tonner, lui victime infortunée de la secte, contre l’Idole sou alexandrin énergique ? Sous peine d’être un sot, nul plaisant téméraire Ne rit de nos amis et surtout de Voltaire. On aurait beau montrer ses vers tournés sans art, D’une moitié de rime habillés au hasard, Seuls et jetés par ligne exactement pareille ; De leur chute uniforme importunant l’oreille, Ou, bouffis de grands mots qui se choquent entre eux. L’un sur l’autre appuyés, se traînant deux à deux ; Et sa prose frivole, en pointes aiguisée, Pour braver l’harmonie incessamment brisée ; Sa prose, sans mentir^ et ses vers sont parfaits ; Le Mercure, trente ans, l’a juré par extraits ; Qui pourrait en douter ? Moi, cependant j’avoue Que d’un rare savoir à bon droit on le loue ; Que ses chefs-d’œuvre faux, trompeuses nouveautés. Etonnent quelquefois par d’antiques beautés ; Que par ses défauts même il peut encore séduire. Talent que peut absoudre un siècle qui l’admire ’. » À propos du vers souligné par nous, on peut rappeler ce passage de Téminent critique déjà cité : a Mépriser et décrier, comme Voltaire, les temps dont on parle, c’est ôter tout intérêt à l’histoire qu’on écrit. )) ’ Gilbert : Mon Apologie.

V.

Vosges (place des) : Autrefois Place Royale, commencée en 1604 par l’ordre de Henri IV, et terminée en 1612. Au milieu de la place ou plutôt du jardin, se voit une statue équestre de Louis XIII qui rappelle en partie celle que le cardinal de Richelieu fit ériger, le 27 septembre 1639, en l’honneur du roi. « Elle était élevée sur un piédestal de marbre blanc, dit Saint- Victor. Le prince y était représenté le casque en tète, vêtu à la romaine, retenant d’une main la bride de son cheval et étendant l’autre en signe de commandement. »

Sur les diverses faces du piédestal ou lisait de longues inscriptions en français et en latin, et entre autres un curieux sonnet de Desmarets de Saint-Sorlin qui n’y fut gravé, il est juste de le dire, qu’après la mort du roi et de son ministre.

Que ne peut la vertu ? Que ne peut le courage ?
J’ai dompté pour jamais l’hérésie et son fort ;
Du Tage impérieux j’ai fait trembler le bord.
Et du Rhin jusqu’à l’Ebre accru son héritage.

J’ai sauvé par mon bras l’Europe d’Esclavage ;
Et si tant de travaux n’eussent hâté mon sort.
J’eusse attaqué l’Asie, et d’un pieux effort.
J’eusse du saint Tombeau vengé le long servage.

Armand, le grand Armand, l’âme de mes exploits,
Porta de toutes parts mes armes et mes lois,
Et donna tout l’éclat aux rayons de ma gloire.

Enfin il m’éleva ce pompeux monument.
Où, pour rendre à son nom mémoire pour mémoire.
Je veux qu’avec le mien il vive incessamment.

La grille qui entoure la place ne fut placée qu’en 1685. On la dut à la libéralité des propriétaires des 35 pavillons qui composent ce quadrilatère et qui souscrivirent chacun pour une somme de 1,000 livres. Au commencement de xixe siècle, Saint-Victor écrivait : « Ces maisons, regardées naguère comme les plus grandes et les plus superbes de Paris, servaient autrefois de demeure à ce qu’il y avait de plus illustre à la cour et à la ville, elles sont aujourd’hui presque abandonnées ainsi qu’une partie de celles qui les environnent, ou du moins elles sont devenues l’asile de la médiocrité ou même de l’indigence. »

Il n’en est plus ainsi maintenant, et il ne faut pas être pauvre pour habiter même l’étage le plus élevé de l’un de ces pavillons.

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Watt (rue de) : James de Watt, né à Greenock en Écosse, le 19 juin 1736, mourut le 25 août 1819. « On l’a surnommé, dit un biographe, le Christophe Colomb de la mécanique. »

Watteau, (rue) : Antoine Watteau, né à Valenciennes, en 1684, mourut à Paris en 1721. Le fameux connaisseur Mariette a dit de ce maître : « Quoique la vie de Watteau ait été fort courte, le grand nombre de ses ouvrages pouvait faire croire qu’elle aurait été très-longue, au lieu qu’il montre seulement qu’il était très-laborieux. En effet, ses heures même de récréation et de promenade ne se passaient point sans qu’ils étudiât la nature et qu’il la dessinât dans les situations où elle lui paraissait plus admirable. »

La nature cependant qu’il nous montre d’habitude est une nature toute de convention ; Taillasson a donc eu raison de dire : « Il a surtout bien saisi l’esprit des hommes qui portaient ces costumes, leur gaîté de comédie, leur finesse recherchée, leur sensibilité de masque ; se revêtant d’habits de bal, ils prenaient aussi une âme de bal ; c’est cette âme que Watteau a parfaitement sentie, n

Waterloo (passage) : Je comprends qu’à Londres, une rue, un passage, un pont, porte ce nom si pénible à des oreilles françaises, je ne le comprends pas à Paris.

X

Xaintroilles (rue) : Bien placée entre la rue de Domrémy et la place Jeanne d’Arc,

Z

Zacharie (rue) : S’appelait autrefois sac-à-lie.

Zouaves (sentier des) : Conduit à Yanves et … à la gloire.


  1. Quelques chiffres seulement. Un poulet ordinaire se vendait de 3 à 40 francs, un lapin idem ; une oie ou une dinde 90 et 100 francs, la livre de beurre 36 francs, un œuf 2 fr. 50 et 3 francs (etc.). Quand tant d’autres faisaient preuve d’un si généreux patriotisme, il faut bien reconnaître que Messieurs les marchands de comestibles songeaient surtout à faire leurs affaires en spéculant sur notre détresse !
  2. Apollon et Orphée.