Les Plantes grimpantes d’après M. Darwin

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LES


PLANTES GRIMPANTES


D’APRÈS M. DARWIN


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Les mouvemens et les habitudes des plantes grimpantes, par M. Charles Darwin,
traduit de l’anglais par le Docteur R. Gordon ; Paris 1876.


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La physiologie végétale est une science relativement moderne. Les botanistes de l’antiquité, Théophraste et Dioscoride, décrivirent et classèrent les plantes, mais ne cherchèrent à connaître ni la nature de leurs organes ni les fonctions qu’ils remplissent. Les Arabes et les savans du moyen âge continuèrent cette tradition. C’est seulement vers le milieu du xviie siècle que Leuwenhœck en Hollande, Grew en Angleterre, Malpighi en Italie, Camerarius en Allemagne commencèrent à étudier les organes et à analyser la structure intime des végétaux, tâche que l’invention récente du microscope avait rendue possible. Empédocle, Aristote, Théophraste, pressentirent la fécondation végétale, c’est-à-dire le rôle des étamines et du pistil, Camerarius et Vaillant l’affirmèrent. Perrault, Mariotte et Lahire entrevirent la circulation de la sève ; cependant la physiologie expérimentale n’était pas encore née ; elle fut fondée par un ecclésiastique anglais, Stephen Hales. La publication de la Statique végétale, en 1728, ouvrait la voie et enseignait la méthode à suivre pour découvrir et analyser l’ensemble des fonctions dont se compose la vie végétale. Hales n’eut point de successeur immédiat ; mais dans le xviiie siècle Priestley, Bonnet, Duhamel du Monceau, Sénebier, et dans le xixe Théodore de Saussure, Dupetit-Thouars, Robert Brown, De Candolle, Dutrochet, Treviranus, Liebig et Boussingault enrichirent les diverses branches de la physiologie végétale de leurs découvertes. Aujourd’hui un grand nombre de savans se livrent à ces études, dont l’importance augmente tous les jours, par leurs applications à la biologie générale dont M. Herbert Spencer vient d’esquisser les traits généraux, et à l’agriculture qui tend de plus en plus à devenir une science rationnelle basée sur la connaissance des principes nutritifs que les végétaux empruntent au sol et à l’atmosphère.

M. Ch. Darwin, dont les travaux ont éclairé toutes les branches des sciences naturelles, ne pouvait rester indifférent à la physiologie végétale, qui jette un jour si nouveau sur les relations qui tendent à assigner une origine commune aux deux règnes organisés de la nature, les végétaux et les animaux. Déjà dans son livre sur la Fécondation des Orchidées il avait dévoilé le rôle considérable que les insectes jouent dans la fécondation de ces belles fleurs qui sans leur intervention resteraient à jamais stériles. Depuis il a fait de longues et minutieuses expériences sur les plantes insectivores dont il a été rendu compte ici même[1]. Le volume sur les mouvemens et les habitudes des plantes grimpantes, traduit sur la seconde édition et publié récemment, n’est pas moins intéressant, car il nous montre que les végétaux comme les animaux exécutent des mouvemens variés dont le résultat contribue à l’accomplissement régulier de leurs fonctions de nutrition ou de reproduction. Une courte analyse suffira pour le prouver. M. Darwin a eu quelques prédécesseurs dans ce genre de recherches : Dutrochet, Hugo Mohl, Palm, Léon et H. de Vries ; il a mis leurs travaux à profit, les a contrôlés et complétés par ses expériences et ses observations personnelles. Son livre est donc un résumé de nos connaissances sur ce sujet.

L’auteur divise les plantes grimpantes en quatre classes : 1o les plantes volubiles, ce sont celles qui s’enroulent autour d’un tuteur ; 2o les végétaux qui grimpent à l’aide de leurs feuilles ; 3o ceux qui sont pourvus de vrilles préhensiles ; 4o ceux enfin qui sont munis de crampons.

Les plantes volubiles telles que le houblon, le haricot, les liserons, incapables de se soutenir elles-mêmes, contournent en hélice un corps cylindrique quelconque et s’élèvent ainsi au-dessus du sol. Presque toutes se contournent toujours dans le même sens, à savoir de gauche à droite ou de droite à gauche. Pour apprécier le sens de la rotation, le procédé le plus simple consiste à se placer en faisant face au nord devant une plante qui s’enroule autour d’un tuteur vertical. Considérons une portion visible de tige enroulée, c’est à dire comprise entre le tuteur et l’observateur ; si cette portion de tige monte de sa droite à sa gauche, la tige est dite se mouvoir comme le soleil du levant au couchant. Si au contraire elle monte de gauche à droite, elle se meut en sens inverse du soleil, à savoir du couchant au levant. Ainsi le houblon, le Tamus communis, le Lapageria rosea, se meuvent comme le soleil ; mais la plupart des plantes volubiles, la glycine, le haricot, les Ipomæa, le liseron des haies, les aristoloches, etc., etc., se meuvent de gauche à droite en sens inverse de la marche du soleil. La douce-amère, si commune dans nos haies, est la seule espèce européenne qui s’enroule indifféremment dans un sens ou dans l’autre. Cet enroulement est dû au contact de la tige avec un corps résistant qui détermine une irritation d’une nature inconnue, mais en vertu de laquelle la tige contourne ce corps en se tordant sur elle-même. Cependant la plante ne saurait contourner des corps cylindriques d’un diamètre quelconque : ainsi le haricot multiflore et l’Ipomæa purpurea sont, d’après les observations de Hugo Mohl, incapables d’embrasser un tuteur d’un diamètre supérieur à 7 centimètres ; la douce-amère ne s’enroule qu’autour de tiges minces, et c’est le long d’une ficelle tendue verticalement que le chèvrefeuille de la Chine (Lonicera flexuosa) grimpe le mieux. Toutefois M. Darwin a vu un chèvrefeuille Lonicera periclymenum qui avait embrassé un jeune hêtre de 0m,11 de diamètre, et dans les sombres forêts tropicales les plantes volubiles avides de sortir de l’obscurité et d’atteindre la lumière, s’élèvent en s’enroulant autour des plus gros arbres.

Une plante volubile sortant de terre, mais ne trouvant pas à sa portée un tuteur ou des branches sur lesquelles elle puisse s’appuyer, pousse d’abord droit couchée sur le sol, puis se courbe et comme elle continue à s’allonger et à se courber, il en résulte qu’elle tourne autour du point où elle est sortie de terre. Si en décrivant ce cercle elle rencontre un arbuste, un bâton, un tuteur quelconque, alors le contact détermine une inflexion plus forte, et la plante s’enroule en hélice autour de ce tuteur, souvent assez éloigné du point où elle a poussé primitivement. Poétiquement on peut dire que la plante cherche le tuteur qui doit la soutenir et qu’elle l’embrasse dès qu’elle l’a trouvé.

Le temps que la tige met à décrire une révolution autour de son tuteur, c’est-à-dire à se replacer verticalement au-dessus du point qu’elle avait atteint, n’est pas constant pour toutes les espèces ni pour les différentes périodes de végétation d’une même plante. Cependant on a constaté que le houblon accomplit cette révolution en deux heures environ, le Tamus communis et la glycine en trois heures, le liseron des haies en une heure et demie. Comme ses prédécesseurs, M. Darwin a vu que la tige volubile, en accomplissant ces révolutions, se tord sur son propre axe, c’est-à-dire qu’elle prend l’apparence d’une corde dont les différens brins sont tordus autour de l’axe de la corde.

Il y a des plantes grimpantes qui ne sont pas volubiles, ne s’enroulent pas autour des branches des arbustes placés dans leur voisinage, mais s’élèvent néanmoins en s’accrochant à tous les corps situés à leur portée : elles le font à l’aide de leurs feuilles ; telles sont les clématites, les capucines, certaines morelles (Solanum), les Lophospermum, etc. Étudions avec M. Darwin les clématites, dont une espèce est si commune dans les haies de toute la France. Ces arbrisseaux aux longues tiges souples et flexibles portent des feuilles composées de plusieurs folioles disposées comme les barbes d’une plume le long d’un pétiole commun. Dès que le pétiole secondaire d’une jeune foliole touche un corps quelconque, il s’infléchit, se courbe et embrasse ce corps en le contournant, à moins que son diamètre ne soit trop fort pour qu’il puisse le faire. Ce pétiole forme donc un crochet à l’aide duquel la tige est suspendue et fixée. L’expérience réussit très bien, si l’on place au contact d’une jeune feuille une branche mince, une feuille, une paille, un brin d’herbe, une ficelle, etc. Il suffit même de suspendre au pétiole une anse de fil pour qu’il la contourne et l’embrasse. Le poids le plus léger détermine ce mouvement ; ainsi une anse de fil pesant 4 milligrammes produit cet effet non pas instantanément, mais au bout d’un temps variable d’une ou de plusieurs heures. L’incurvation du pétiole de la foliole est suivie d’une modification dans la force et la texture de ce pétiole, qui assure définitivement la suspension de la tige : en effet, ce pétiole grossit, les faisceaux fibreux qui entrent dans sa composition se multiplient, forment un cercle complet, et la structure du pétiole devient analogue à celle de la tige qu’elle soutient. On peut facilement observer ces faits sur la morelle à fleurs de jasmin et sur les clématites.

Les plantes munies de vrilles forment la troisième catégorie des plantes grimpantes. Ces vrilles sont des feuilles ou des pédoncules de fleurs modifiés. Les feuilles, au lieu de s’épanouir en un limbe aplati, sont réduites à leur nervure centrale, qui acquiert alors la propriété de s’enrouler autour des corps minces avec lesquels elle se trouve en contact, — exemples : le pois commun, le Cobœa scandens, les Bignonia, etc. Les végétaux dans lesquels les pédoncules de la fleur se transforment en vrilles sont la vigne cultivée, les vignes vierges (Cissus et Ampelopsis), les passiflores, etc. La nature morphologique des vrilles des cucurbitacées (courges, melons, bryone) n’est pas encore bien éclaircie. Quelle que soit la nature de ces vrilles, qu’elles soient des pédoncules de fleurs ou des pétioles de feuilles, leur mode d’action est le même : elles s’accrochent aux branches qu’elles touchent, s’enroulent en spirale autour d’elles et permettent à la plante de s’élever au-dessus du sol au lieu de rester couchée à sa surface : le Cobœa, si communément cultivé dans les jardins, est une des plantes les mieux douées sous ce rapport. Ses vrilles sont terminées par de petits crochets rigides qui s’accrochent aux moindres aspérités, et les vrilles finissent par s’entortiller autour de la branche qu’elles ont saisie de façon à fixer solidement la plante. Les vrilles ont la même sensibilité que les pétioles des feuilles dans les plantes qui grimpent à l’aide de ces organes : le simple contact, un léger frottement, suffisent pour déterminer l’incurvation de la vrille ; la partie moyenne libre et non adhérente se contourne souvent en hélice, comme un tire-bouchon, et établit ainsi un lien élastique qui cède et ne rompt pas. On peut voir dans les haies la bryone fixée aux arbustes voisins par ses vrilles enroulées sur elles-mêmes en forme de tire-bouchon. Le vent le plus violent ne saurait détacher la plante de l’arbrisseau auquel elle est attachée ; quand il éloigne la plante du rameau qui la soutient la vrille cède, les tours de l’hélice s’écartent l’un de l’autre, mais, dès que la rafale a cessé, ils se rapprochent en vertu de leur élasticité, et la plante revient à sa position primitive.

La vigne vierge a, comme on le sait, la propriété de tapisser les murs les plus élevés et les plus lisses. Cette propriété résulte de deux facultés spéciales. D’abord les vrilles se dirigent toujours naturellement vers l’obscurité, c’est-à-dire du côté du mur, puis leurs ramifications semblables à une main se terminent par de petites pelotes qui sécrètent un suc particulier ; ce suc durcit et les fait adhérer aux corps les plus polis, le stuc, le plâtre, le bois, et cela avec une force telle qu’elles peuvent alors supporter des poids d’un kilogramme et davantage.

Un dernier ordre de végétaux grimpans se compose de ceux qui adhèrent aux corps étrangers au moyen de radicelles appelées crampons. Bien différentes des vraies racines, qui ont la double fonction de fixer le végétal et d’absorber les liquides qui le nourrissent, ces crampons n’en ont qu’une seule, celle de le fixer. Le lierre commun est le type de ce genre de végétaux dont on retrouve les analogues dans les figuiers et les Bignonia. Le figuier rampant tapisse les murs d’un grand nombre de serres et adhère aux corps les plus lisses ; l’odoriférant Hoya carnosa fait de même. Dans les genres Bignonia et Tecoma, si riches en espèces grimpantes, il en est qui sont munies à la fois de vrilles foliaires et de crampons ; tel est le Tecoma Tweediana ; il en est même qui sont volubiles. Ces arbrisseaux réalisent ainsi le type le plus parfait d’une plante grimpante, puisqu’ils réunissent tous les modes qui sont isolés chez les autres : tiges volubiles, vrilles et crampons.

Dans ses remarques finales sur les plantes grimpantes, M. Darwin cherche à se rendre compte de l’origine, de la cause de ces propriétés dont un certain nombre de végétaux sont doués, tandis que la plupart des autres en semblent totalement dépourvus. Il fait d’abord observer que la plupart des familles végétales renferment des plantes grimpantes. Cette faculté n’est donc pas limitée à quelques groupes de végétaux spéciaux, tels que les cucurbitacées, les bignoniacées, les passiflorées, les convolvulacées, où l’immense majorité des plantes sont grimpantes. Cette propriété apparaît, pour ainsi dire, sporadiquement dans toutes les familles végétales, même celles des composées, des rubiacées, des liliacées, dont presque toutes les espèces ont des tiges droites et rigides. La faculté de grimper est donc inhérente aux végétaux en général, mais elle ne se manifeste que chez un certain nombre d’entre eux. Le besoin pour la plante de chercher la lumière a développé cette faculté ; ainsi nulle part les plantes grimpantes ne sont aussi communes que dans les sombres forêts de l’Amérique, où elles s’élèvent le long du tronc des arbres sous le nom de lianes, afin de les dépasser et d’épanouir au grand jour leurs feuilles et leurs fleurs. Les Bignonia, les Cobœa, les Ampelopsis sont tous des genres américains. Dans ces mêmes forêts, une foule d’animaux sont grimpeurs et vivent sur les arbres ; la même cause a produit ces deux effets.

En suivant les modifications de la faculté de grimper dans le règne végétal, on reconnaît que les tiges qui s’élèvent à l’aide de leurs feuilles ou de leurs vrilles descendent de végétaux qui étaient volubiles, car beaucoup de leurs congénères le sont encore ; les botanistes se rappelleront les antirrhinées, les morelles, les Cocculus, les Celastrus, les Periploca, etc. On peut voir aussi comment la faculté de grimper se perd dans certains genres. Ainsi les gesses ou Lathyrus, dont le pois de senteur fait partie, ont toutes des feuilles pennées, dans lesquelles les folioles sont disposées sur les deux côtés d’un pétiole commun, comme les barbes d’une plume. À la base de cette feuille composée, deux autres petites feuilles simples, appelées stipules, sont insérées sur la tige. Dans certaines espèces, il y a sur la feuille jusqu’à six paires de folioles, et les dernières seulement, réduites à leur nervure médiane, sont converties en vrilles ; mais, dans la plupart des espèces, il n’y a que trois, deux ou même une seule paire de folioles, toutes les autres sont remplacées par des vrilles. Ces vrilles, quelquefois actives, ne le sont pas toujours : au lieu de s’enrouler autour des branches qui sont à leur portée, elles se recoquillent sur elles-mêmes, ce qui indique déjà un affaiblissement dans la faculté de grimper ; mais il y a mieux. On trouve communément dans les champs une petite espèce de gesse (Lathyrus aphaca) chez laquelle toutes les feuilles avortent, et les vrilles se réduisent à un filament unique et sans usage ; par contre, les stipules sont énormément développées et remplissent les fonctions physiologiques des feuilles ; la plante n’est plus grimpante. Dans une autre espèce provençale et algérienne, le Lathyrus ochrus, toutes les folioles et les stipules manquent également ; les vrilles se réduisent à quelques filamens inutiles situés à l’extrémité du pétiole ; mais, en vertu de la loi du balancement des organes, ce pétiole s’est élargi et devient ce que les botanistes appellent un phyllode, qui remplit les fonctions d’une feuille. Dans une troisième espèce, le Lathyrus Nissolia, vrilles, folioles, stipules, tout manque, et les phyllodes, semblables aux feuilles des graminées et des Acacia de la Nouvelle-Hollande, représentent seuls tous ces organes disparus. L’espèce ne possède plus aucun des attributs d’une plante grimpante, elle est incapable de s’accrocher aux tiges ou aux branches voisines, tandis que beaucoup de ses congénères et d’autres appartenant à des genres voisins : pois, haricot, vesce, sont des plantes grimpantes pourvues des appareils variés que cette fonction nécessite.

Enfin il est un autre genre de preuves qui n’a pas encore attiré l’attention des observateurs, mais dont la valeur n’est pas moindre, c’est celui qui est tiré des phénomènes d’atavisme. On désigne sous ce nom la réapparition accidentelle chez les descendans de particularités qui existaient chez leurs ancêtres. Cette loi s’applique aux végétaux et aux animaux comme à l’homme. Si donc nous trouvons sur quelques individus d’une plante nullement grimpante des organes propres à cette fonction, nous pouvons en conclure que les ancêtres phylogéniques de cette plante étaient des végétaux grimpans. Tout le monde connaît le muflier commun (Antirrhinum majus), qui pousse spontanément sur les murs et est cultivé souvent dans les jardins comme plante d’ornement. J’ai observé deux pieds de muflier qui présentaient à l’aisselle de leurs feuilles des ramuscules grêles, longs et flexibles, enroulés autour du muflier lui-même et des branches d’un rosier voisin. Ces pieds avaient donc accidentellement des organes préhensiles comme les plantes grimpantes ; ces organes ont disparu dans presque tous les individus de cette espèce et de ses congénères, mais la faculté de grimper s’est conservée intégralement dans les espèces des genres voisins, Lophospermum, Maurandia et Rodochiton, qui sont toutes grimpantes.

Les mouvemens exécutés par les plantes volubiles ou grimpantes à l’aide de leurs feuilles ou de leurs vrilles, pour s’élever au-dessus du sol en s’appuyant sur d’autres végétaux plus robustes, et les mouvemens encore plus marqués propres aux plantes sensitives ou insectivores, ont fait disparaître une différence que l’on croyait décisive entre le règne animal et le règne végétal. Les animaux, disait-on, se meuvent et se déplacent pour chercher leur nourriture ; les végétaux au contraire sont immobiles et fixés au sol d’où ils la tirent. On oubliait qu’il existe une foule d’animaux aquatiques qui sont également immobiles, c’est-à-dire fixés à des roches ou à d’autres corps ; tels sont les polypes, les coraux, les éponges, les actinies, les holothuries, les balanes, les huîtres, les moules, etc. Les mouvemens de ces animaux sont tout à fait comparables à ceux que les botanistes ont signalés dans les végétaux ; ce sont, comme Lamarck l’avait déjà dit en 1809 (Philosophie zoologique, t. II, p. 278), des mouvemens dus uniquement à l’excitation produite par des agens extérieurs. Ainsi l’abîme qui séparait jadis les deux règnes organisés de la nature se comble peu à peu, et nous voyons apparaître le magnifique tableau du règne organisé sous la forme d’un arbre immense, dont le tronc est formé par les protistes, êtres ambigus, intermédiaires entre les végétaux et les animaux. Ce tronc commun se divise ensuite en deux embranchemens : d’un côté les végétaux, dont les plus parfaits sont ceux qui germent avec deux cotylédons et portent des fleurs complètes ; l’autre embranchement, c’est le règne animal qui s’échelonne hiérarchiquement, depuis le corail le plus simple jusqu’à l’homme, seul capable de comprendre l’origine, la majesté et l’harmonie de ce grand ensemble.


CH. MARTINS.
  1. Voyez, dans la Revue du 1er février, l’étude de M. Planchon sur les Plantes insectivores.