Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/28

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delicateſſes & des douceurs tres rauiſſantes ; que les Mathematiques ont des inuentions tres ſubtiles, & qui peuuent beaucoup ſeruir, tant a contenter les curieux, qu’a faciliter tous les arts, & diminuer le trauail des hommes ; que les eſcris qui traitent des meurs contienent pluſieurs enſeignemens, & pluſieurs exhortations a la vertu qui ſont fort vtiles ; que la Theologie enſeigne a gaigner le ciel ; que la Philoſophie donne moyen de parler vrayſemblablement de toutes choſes, & ſe faire admirer des moins ſçauans ; que la Iuriſprudence, la Medecine & les autres ſciences apportent des honneurs & des richeſſes a ceux qui les cultiuent ; et enfin, qu’il eſt bon de les auoir toutes examinées, meſme les plus ſuperſtitieuſes & les plus fauſſes, affin de connoiſtre leur iuſte valeur, & ſe garder d’en eſtre trompé.

Mais ie croyois auoir deſia donné aſſez de tems aux langues, & meſme auſſy a la lecture des liures anciens, & a leurs hiſtoires, & a leurs fables. Car c’eſt quaſi le meſme de conuerſer auec ceux des autres ſiecles, que de voyaſger. Il eſt bon de ſçauoir quelque choſe des meurs de diuers peuples, affin de iuger des noſtres plus ſainement, & que nous ne penſions pas que tout ce qui eſt contre nos modes ſoit ridicule, & contre raiſon, ainſi qu’ont couſtume de faire ceux qui n’ont rien vû. Mais lorſqu’on employe trop de tems a voyaſger, on deuient enfin eſtranger en ſon païs ; & lorſqu’on eſt trop curieux des choſes qui ſe pratiquoient aux ſiecles paſſez, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui ſe pratiquent en cetuycy. Outre que les fables font imaginer pluſieurs euene-