Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/140

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licates ; avec l’âge elles deviennent plus sèches, plus dures et plus fortes ; mais, dans la vieillesse, elles sont tout à fait inflexibles, grossières, et mêlées quelquefois avec des humeurs superflues que la chaleur très-faible de cet âge ne peut plus dissiper. Car, de même que nous voyons que les fibres qui composent la chair se durcissent avec le temps, et que la chair d’un perdreau est sans contestation plus tendre que celle d’une vieille perdrix, ainsi les fibres du cerveau d’un enfant ou d’un jeune homme doivent être beaucoup plus molles et plus délicates que celles des personnes plus avancées en âge.

L’on reconnaîtra la raison de ces changements si on considère que ces fibres sont continuellement agitées par les esprits animaux qui coulent à l’entour d’elles en plusieurs différentes manières ; car, de même que les vents séchent la terre sur laquelle ils soufflent, ainsi les esprits animaux, par leur agitation continuelle, rendent pen à peu la plupart des fibres du cerveau de l’homme plus sèches, plus comprimées et plus solides, en sorte que les personnes plus âgées les doivent avoir presque toujours plus inflexibles que ceux qui sont moins avancés en âge ; et pour ceux qui sont de même âge, les ivrognes qui, pendant plusieurs années, ont fait excès de vin ou de semblables boissons capables d’enivrer, doivent les avoir aussi plus solides et plus inflexibles que ceux qui se sont privés de ces boissons pendant toute leur vie.

Or, les différentes constitutions du cerveau dans les enfants, dans les hommes faits et dans les vieillards sont des causes fort considérables de la différence qui se remarque dans la faculté d’imaginer de ces trois âges, desquels nous allons parler dans la suite.


CHAPITRE VII.
I. De la communication qui est entre le cerveau d’une mère et celui de son enfant. — II. De la communication qui est entre notre cerveau et les autres parties de notre corps, laquelle nous porte à l’imitation et in la compassion. — III. Explication de la génération des enfants monstrueux, et de la propagation des espèces. — IV. Explication de quelques dérèglements d’esprit et de quelques inclinations de la volonté. — V. De la concupiscence et du péché originel. — VI. Objections et réponses.


Il est, ce me semble, assez évident que nous tenons à toutes choses et que nous avons des rapports naturels à tout ce qui nous environne, lesquels nous sont très-utiles pour la conservation et pour la commodité de la vie, Mais tous ces rapports ne sont pas égaux. Nous tenons bien davantage à la France qu’à la Chine, au soleil qu’à quelque étoile, à notre propre maison qu’à celle de nos