The Works of the Rev. Jonathan Swift/Volume 12/From Marie St. John to Jonathan Swift - 1

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DE DAWLEY, CE PREMIER FEVRIER, 1726-7.


ON m'a dit, monsieur, que vous vous plaignez de n'avoir point recû de mes lettres. Vous avez tort: je vous traite commes les divinités, qui tiennent conte aux hommes de leurs intentions. II y a dix ans, que j'ai celle de vous écrire; avant que d'avoir l'honneur de vous connoître, l'idée que je me faisois de votre gravité, me retenoit: depuis que j'ai eu celui de voir votre révérence, je ne me suis pas trouvée assez d'imagination pour l'hazarder. Un certain M. de Gulliver avoit un peu remis en mouvement cette pauvre imagination ci éteint par l'air de Londres, & par des conversations dont je n'entend que le bruit. Je voulus me saisir de ce moment pour vous écrire mais je tombai malade, & je l'ai toujours été depuis trois mois. Je profite donc, monsieur, du premier retour de ma santé pour vous remercier de vos reproches, dont je suis très flattée, & pour vous dire un mot de mon ami M. Gulliver. J'apprends avec une grand satisfaction, qu'il vient d'être traduit en François, & comme mon séjour en Angleterre a beaucoup redoublé mon amitié pour mon pays & pour mes compatriotes, je suis ravi qu'ils puissent participer au plaisir que m'a fait ce bon monsieur, & profiter de ses découvertes. Je ne désespére pas même que 12 vaisseaux que la France vient d'armer ne puissent être destinés à une embassade chez messieurs les Houyhnhnms. En ce cas je vous proposerai, que nous fassions ce voyage. En attendant je sai bon gré à un ouvrier de votre nation, qui pour instruire les dames (lesquelles comme vous savez, monsieur, font ici un grand usage de leurs éventails) en a fait faire, ou toutes les aventures de notre véridique voyageur sont dépeintes. Vous jugez bien quelle part il va avoir dans leur conversation. Cela fera à la vérité beaucoup de tort à la pluie & au beautems, qui en remplissoient une partie, & en mon particulier je sera privée des very cold et very warm, qui sont les seuls mots que j'entends. Je conte de vous envoyer de ces éventails par un de vos amis. Vous vous en ferez un mérite avec les dames d'Irlande, si tant est que vous en ayez besoin; ce que je ne crois pas, du moins si elles pensent comme les Françoises. Le seigneur de Dawley, Mr. Pope, & moi sommes ici occupés à boire, manger, dormir, ou ne rien faire, priant Dieu qu'ainsi soit de vous. Revenez ce printems nous revoir, monsieur; j'attend votre retour avec impatience pour tuer le boeuf le plus pesant, & le cochon le plus gras, qui soit dans ma ferme: l'un & l'autre seront servis en entier sur la table de votre révérence, crainte que mon cuisinier n'use aucun déguisement. Vous brillerez parmi nous du moins autant que parmi vos chanoines, & nous ne serons pas moins empressés à vous plaire. Je le disputerai à tout autre, étant plus que personne du monde votre très humble & très obeissante servante.


  1. A French lady of great fortune, learning, and politeness, second wife to lord viscount Bolingbroke, who married her whilst in exile. She had been second wife of the marquis de Villette, chef d'escadre nephew or cousin to madame de Maintenon. See Voltaire, Siecle de Lewis XIV, tom. II. She died March 18, 1749. Lord Bolingbroke survived her, dying December 15, 1751, aged 78.