Constitution du Grand-Duché de Luxembourg de 1868

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Luxembourg
(p. 8-30).

CONSTITUTION
du
GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG
Chapitre Ier.
Du Territoire et du Roi Grand-Duc
Art. 1er.

Le Grand-Duché de Luxembourg forme un État indépendant, indivisible et inaliénable et perpétuellement neutre.

Art. 2.

Les limites et chefs-lieux des arrondissements judiciaires ou administratifs, des cantons et des communes ne peuvent être changés qu’en vertu d’une loi.

Art. 3.

La Couronne du Grand-Duché est héréditaire dans la famille de Nassau, conformément au pacte du 30 juin 1783, à l’art. 71 du traité de Vienne du 9 juin 1815 et à l’art. 1er du traité de Londres du 11 mai 1867.

Art. 4.

La personne du Roi Grand-Duc est sacrée et inviolable.

Art. 5.

Le Grand-Duc de Luxembourg est majeur à l’âge de dix-huit ans accomplis. Lorsqu’il prend les rênes du Gouvernement, il prête, aussitôt que possible, en présence de la Chambre des Députés ou d’une députation nommée par elle, le serment suivant :

« Je jure d’observer la Constitution et les lois du Grand-Duché de Luxembourg, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire, ainsi que la liberté publique et individuelle, comme aussi les droits de tous et de chacun de Mes sujets, et d’employer à la conservation et à l’accroissement de la prospérité générale et particulière, ainsi que le doit un bon Souverain, tous les moyens que les lois mettent à Ma disposition.

Ainsi Dieu me soit en aide ! »

Art. 6.

Si à la mort du Roi Grand-Duc Son successeur est mineur, la régence est exercée conformément au pacte de famille.

Art. 7.

Si le Roi Grand-Duc se trouve dans l’impossibilité de régner, il est pourvu à la régence comme dans le cas de minorité.

En cas de vacance du Trône, la Chambre pourvoit provisoirement à la régence. — Une nouvelle Chambre, convoquée en nombre double dans le délai de trente jours, pourvoit définitivement à la vacance.

Art. 8.

Lors de son entrée en fonctions, le Régent prête le serment suivant :

« Je jure fidélité au Roi Grand-Duc ; Je jure d’observer la Constitution et les lois du pays.

Ainsi Dieu me soit en aide ! »

Chapitre II.
Des Luxembourgeois et de leurs droits.
Art. 9.

La qualité de Luxembourgeois s’acquiert, se conserve et se perd d’après les règles déterminées par la loi civile. — La présente Constitution et les autres lois relatives aux droits politiques déterminent quelles sont, outre cette qualité, les conditions nécessaires pour l’exercice de ces droits.

Art. 10.

La naturalisation est accordée par le pouvoir législatif. Elle assimile l’étranger au Luxembourgeois, pour l’exercice des droits politiques. — La naturalisation accordée au père profite à son enfant mineur, si celui-ci déclare, dans les deux années de sa majorité, vouloir revendiquer ce bénéfice.

Art. 11.

Il n’y a dans l’État aucune distinction d’ordres. — Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi : seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi, pour des cas particuliers.

Art. 12.

La liberté individuelle est garantie. — Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu’elle prescrit. — Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu’en vertu de l’ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l’arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Art. 13.

Nul ne peut être distrait contre son gré de juge que la loi lui assigne.

Art. 14.

Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Art. 15.

Le domicile est inviolable. Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit.

Art. 16.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité.

Art. 17.

La peine de la confiscation des biens ne peut être établie.

Art. 18.

La peine de mort en matière politique, la mort civile et la flétrissure sont abolies.

Art. 19.

La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions religieuses, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés.

Art. 20.

Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte ni d’en observer les jours de repos.

Art. 21.

Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale.

Art. 22.

L’intervention de l’État dans la nomination et l’installation des chefs des cultes, le mode de nomination et de révocation des autres ministres des cultes, la faculté pour les uns et les autres de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, ainsi que les rapports de l’Église avec l’État, font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des Députés pour les dispositions qui nécessitent son intervention.

Art. 23.

L’État veille à ce que tout Luxembourgeois reçoive l’instruction primaire.

Il crée des établissements d’instruction moyenne et les cours d’enseignement supérieur nécessaires.

La loi détermine les moyens de subvenir à l’instruction publique, ainsi que les conditions de surveillance par le Gouvernement et les communes ; elle règle pour le surplus tout ce qui est relatif à l’enseignement.

Tout Luxembourgeois est libre de faire ses études dans le Grand-Duché ou à l’étranger et de fréquenter les universités de son choix, sauf les dispositions de la loi sur les conditions d’admission aux emplois ou à l’exercice de certaines professions.

Art. 24.

La liberté de manifester ses opinions par la parole en toutes matières, et la liberté de la presse sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’exercice de ces libertés. — La censure ne pourra jamais être établie. Il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. — Le droit de timbre des journaux et écrits périodiques indigènes est aboli. — L’éditeur, l’imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi si l’auteur est connu, s’il est Luxembourgeois et domicilié dans le Grand-Duché.

Art. 25.

Les Luxembourgeois ont le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui règlent l’exercice de ce droit, sans pouvoir le soumettre à une autorisation préalable. Cette disposition ne s’applique pas aux rassemblements en plein air, politiques, religieux ou autres ; ces rassemblements restent entièrement soumis aux lois et règlements de police.

Art. 26.

Les Luxembourgeois ont le droit de s’associer. — Ce droit ne peut être soumis à aucune autorisation préalable.

L’établissement de toute corporation religieuse doit être autorisé par une loi.

Art. 27.

Chacun a le droit d’adresser aux autorités publique, des pétitions signées par une ou plusieurs personnes. Les autorités constituées ont seules le droit d’adresser des pétitions en nom collectif.

Art. 28.

Le secret des lettres est inviolable. — La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation du secret des lettres confiées à la poste.

La loi réglera la garantie à donner au secret des télégrammes.

Art. 29.

L’emploi des langues allemande et française est facultatif. L’usage n’en peut être limité.

Art. 30.

Nulle autorisation préalable n’est requise pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics, pour faits de leur administration, sauf ce qui est statué à l’égard des membres du Gouvernement.

Art. 31.

Les fonctionnaires publics, à quelque ordre qu’ils appartiennent, les membres du Gouvernement exceptés, ne peuvent être privés de leurs fonctions, honneurs et pensions que de la manière déterminée par la loi.

Chapitre III.
De la Puissance souveraine.
Art. 32.

Le Roi Grand-Duc exerce la puissance souveraine conformément à la présente Constitution et aux lois du pays.

§ 1er. De la Prérogative du Roi Grand-Duc.

Art. 33.

Le Roi Grand-Duc exerce seul le pouvoir exécutif.

Art. 34.

Le Roi Grand-Duc sanctionne et promulgue les lois. Il fait connaître Sa résolution dans les six mois du vote de la Chambre.

Art. 35.

Le Roi Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle.

Aucune fonction salariée par l’État ne peut être créée qu’en vertu d’une disposition législative.

Art. 36.

Le Roi Grand-Duc fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution.

Art. 37.

Le Roi Grand-Duc commande la force armée, déclare la guerre et fait les traités. Il en donne connaissance à la Chambre, aussitôt que l’intérêt et la sûreté de l’État le permettent, en y joignant les communications convenables. — Les traités de commerce et ceux qui pourraient grever l’État ou lier individuellement des Luxembourgeois, et en général tous ceux portant sur une matière qui ne peut être réglée que par une loi, n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment de la Chambre. — Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une loi. — Dans aucun cas, les articles secrets d’un traité ne peuvent être destructifs des articles patents.

Art. 38.

Le Roi Grand-Duc a le droit de remettre ou de réduire les peines prononcées par les juges, sauf ce qui est statué relativement aux membres du Gouvernement.

Art. 39.

Le Roi Grand-Duc a le droit de battre monnaie en exécution de la loi.

Art. 40.

Le Roi Grand-Duc a le droit de conférer des titres de noblesse, sans pouvoir jamais y attacher aucun privilège.

Art. 41.

Le Roi Grand-Duc confère les ordres civils et militaires, en observant à cet égard ce que la loi prescrit.

Art. 42.

Le Roi Grand-Duc peut Se faire représenter par un Prince du sang, qui aura le titre de Lieutenant du Roi et résidera dans le Grand-Duché.

Ce représentant prêtera serment d’observer la Constitution avant d’exercer ses pouvoirs.

Art. 43.

La liste civile est fixée à deux cent mille francs par an. Elle peut être changée par la loi au commencement de chaque règne.

Art. 44.

L’Hôtel de Gouvernement à Luxembourg et le château de Walferdange sont affectés à l’habitation du Roi Grand-Duc pendant Son séjour dans le pays.

Art. 45.

Les dispositions du Roi Grand-Duc doivent être contresignées par un conseiller de la Couronne responsable, à l’exception de celles qui ont pour objet la collation à des étrangers de décorations non destinées à récompenser des services rendus au Grand-Duché.

§ 2. De la Législation.
Art. 46.

L’assentiment de la Chambre des Députés est requis pour toute loi.

Art. 47.

Le Roi Grand-Duc adresse à la Chambre les propositions ou projets de lois qu’il veut soumettre à son adoption.

La Chambre a le droit de proposer au Roi Grand-Duc des projets de lois.

Art. 48.

L’interprétation des lois par voie d’autorité ne peut avoir lieu que par la loi.

§ 3. De la Justice.
Art. 49.

La justice est rendue au nom du Roi Grand-Duc par les cours et tribunaux.

Les arrêts et jugements sont exécutés au nom du Roi Grand-Duc.

Chapitre IV.
De la Chambre des Députés.
Art. 50.

La Chambre des Députés représente le pays. — Les députés votent sans en référer à leurs commettants et ne peuvent avoir en vue que les intérêts généraux du Grand-Duché.

Art. 51.

L’organisation et le mode d’élection de la Chambre sont réglés par la loi.

La loi électorale fixe le nombre des députés d’après la population. Ce nombre ne peut excéder un député sur quatre mille habitants, ni être inférieur à un député sur cinq mille cinq cents habitants.

L’élection est directe.

Art. 52.

Pour être électeur ou éligible, il faut :

1o être Luxembourgeois de naissance ou être naturalisé ;

2o jouir des droits civils et politiques ;

3o être âgé de vingt-cinq ans accomplis ;

4o être domicilié dans le Grand-Duché.

Aucune autre condition d’éligibilité ne peut être requise.

Pour être électeur, il faut réunir à ces quatre conditions celles déterminées par la loi et payer en outre le cens à fixer, lequel ne pourra excéder trente francs ni être inférieur à dix francs.

Art. 53.

Ne peuvent être ni électeurs ni éligibles :

1o les condamnés à des peines afflictives ou infamantes ;

2o ceux qui ont été condamnés pour vol, escroquerie ou abus de confiance ;

3o ceux qui obtiennent des secours d’un établissement de bienfaisance publique ;

4o ceux qui sont en état de faillite déclarée, les banqueroutiers et interdits, et ceux auxquels il a été nommé un conseil judiciaire.

Art. 54

Le mandat de député est incompatible :

1o avec les fonctions de membre du Gouvernement ;

2o avec celles de magistrat du parquet ;

3o avec celles de membre de la Chambre des comptes ;

4o avec celles de commissaire de district ;

5o avec celles de receveur ou agent comptable de l’État ;

6o avec les fonctions militaires au-dessous du grade de capitaine.

Les fonctionnaires se trouvant dans un cas d’incompatibilité ont le droit d’opter entre le mandat leur confié et leurs fonctions.

Art. 55.

Les incompatibilités prévues par l’article précédent ne font pas obstacle à ce que la loi n’en établisse d’autres dans l’avenir.

Art. 56.

Les députés sont élus pour six ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans, d’après l’ordre des séries déterminé par la loi électorale.

En cas de dissolution, la Chambre des députés est renouvelée intégralement.

Art. 57.

La Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet. — À leur entrée en fonctions, ils prêtent le serment qui suit :

« Je jure fidélité au Roi Grand-Duc, obéissance à la Constitution et aux lois de l’État. — Ainsi Dieu me soit en aide ! »

Ce serment est prêté en séance publique, entre les mains du président de la Chambre.

Art. 58.

Le député, nommé par le Gouvernement à ne emploi salarié qu’il accepte, cesse immédiatement de siéger, et ne reprend ses fonctions qu’en vertu d’une nouvelle élection.

Art. 59.

Toutes les lois sont soumises à un second vote, à moins que la Chambre, d’accord avec le Conseil d’État, siégeant en séance publique, n’en décide autrement. — Il y aura un intervalle d’au moins trois mois entre les deux votes.

Art. 60.

À chaque session, la Chambre nomme son président et son vice-président et compose son bureau.

Art. 61.

Les séances de la Chambre sont publiques, sauf les exceptions à déterminer par le règlement.

Art. 62.

Toute résolution est prise à la majorité absolue des suffrages. En cas de partage de voix, la proposition mise en délibération est rejetée.

La Chambre ne peut prendre de résolution qu’autant que la majorité de ses membres se trouve réunie.

Art. 63.

Les votes sont émis à haute voix, ou par assis et levé. Sur l’ensemble des lois il est toujours volé par appel nominal et à haute voix.

Art. 64.

La Chambre a le droit d’enquête. La loi règle l’exercice de ce droit.

Art. 65.

Un projet de loi ne peut être adopté par la Chambre qu’après avoir été voté article par article.

Art. 66.

La Chambre a le droit d’amender et de diviser les articles et les amendements proposés.

Art. 67.

Il est interdit de présenter en personne des pétitions à la Chambre.

La Chambre a le droit de renvoyer aux membres du Gouvernement les pétitions qui lui sont adressées. — Les membres du Gouvernement donneront des explications sur leur contenu, chaque fois que la Chambre le demandera.

La Chambre ne s’occupe d’aucune pétition ayant pour objet des intérêts individuels, à moins qu’elle ne tende au redressement de griefs résultant d’actes illégaux posés par le Gouvernement ou les autorités, ou que la décision à intervenir ne soit de la compétence de la Chambre.

Art. 68.

Aucun député ne peut être poursuivi ou recherché à l’occasion des opinions et votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

Art. 69.

Aucun député ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière de répression, qu’avec l’autorisation de la Chambre, sauf le cas de flagrant délit. — Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un de ses membres, durant la session, qu’avec la même autorisation. — La détention ou la poursuite d’un député est suspendue pendant la session et pour toute sa durée, si la Chambre le requiert.

Art. 70.

La Chambre détermine par son règlement le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

Art. 71.

Les séances de la Chambre sont tenues dans le lieu de la résidence de l’administration du Grand-Duché.

Art. 72.

La Chambre se réunit chaque année en session ordinaire, à l’époque fixée par le règlement.

Le Roi Grand-Duc peut convoquer la Chambre extraordinairement.

Toute session est ouverte et close par le Roi Grand-Duc en personne, ou bien en Son nom par un fondé de pouvoir nommé à cet effet.

Art. 73.

Le Roi Grand-Duc peut ajourner la Chambre. Toutefois l’ajournement ne peut excéder le terme d’un mois, ni être renouvelé dans la même session, sans l’assentiment de la Chambre.

Art. 74.

Le Roi Grand-Duc peut dissoudre la Chambre.

Il est procédé à de nouvelles élections dans les trois mois au plus tard de la dissolution.

Art. 75.

Il est alloué sur le trésor de l’État, à chaque député, à titre d’indemnité, une somme de cinq francs par jour de présence ou de déplacement. Ceux qui habitent la ville où se tient la session ne jouissent d’aucune indemnité.

Chapitre V.
Du Gouvernement du Grand-Duché.
Art. 76.

Le Roi Grand-Duc règle l’organisation le son Gouvernement, lequel est composé de trois membres au moins.

Il y aura, à côté du Gouvernement, un conseil appelé à délibérer sur les projets de loi et les amendements qui pourraient y être proposés, à régler les questions du contentieux administratif, et à donner son avis sur toutes autres questions qui me seront déférées par le Roi Grand-Duc ou par les lois. — L’organisation de ce conseil et la manière d’exercer ses attributions sont réglées par la loi.

Art. 77.

Le Roi Grand-Duc nomme et révoque les membres du Gouvernement.

Art. 78.

Les membres du Gouvernement sont responsables.

Art. 79.

Il n’y a entre les membres du Gouvernement et le Roi Grand-Duc aucune autorité intermédiaire.

Art. 80.

Les membres du Gouvernement on les commissaires qui les remplacent ont entrée dans la Chambre, et doivent être entendus quand ils le demandent.

La Chambre peut demander leur présence.

Art. 81.

En aucun cas, l’ordre verbal ou écrit du Roi Grand-Duc ne peut soustraire un membre du Gouvernement à la responsabilité.

Art. 82.

La Chambre a le droit d’accuser les membres du Gouvernement. — Une loi déterminera les cas de responsabilité, les peines à infliger et le mode de procéder, soit sur l’accusation admise par la Chambre, soit sur la poursuite des parties lésées.

Art. 83.

Le Roi Grand-Duc ne peut faire grâce au membre du Gouvernement condamné, que sur la demande de la Chambre.

Chapitre VI.
De la justice.
Art. 84.

Les contestations qui ont pour objet des droits civils, sont exclusivement du ressort des tribunaux.

Art. 85.

Les contestations qui ont pour objet des droits politiques, sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 86.

Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu’en vertu d’une loi. Il ne peut être créé de commissions ni de tribunaux extraordinaires, sous quelque dénomination que ce soit.

Art. 87.

Il est pourvu par une loi à l’organisation d’une Cour supérieure de justice.

Art. 88.

Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs, et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.

Art. 89.

Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique.

Art. 90.

Les juges de paix et les juges des tribunaux sont directement nommés par le Roi Grand-Duc. — Les conseillers de la Cour et les présidents et vice-présidents des tribunaux d’arrondissement sont nommés par le Roi Grand-Duc, sur l’avis de la Cour supérieure de justice.

Art. 91.

Les juges des tribunaux d’arrondissement et les conseillers sont nommés à vie. — Aucun d’eux ne peut être privé de sa place ni être suspendu que par un jugement. — Le déplacement d’un de ces juges ne peut avoir lieu que par une nomination nouvelle et de son consentement.

Toutefois, en cas d’infirmité ou d’inconduite, il peut être suspendu, révoqué ou déplacé, suivant les conditions déterminées par la loi.

Art. 92.

Les traitements des membres de l’ordre judiciaire sont fixés par la loi.

Art. 93.

Sauf les cas d’exception prévus par la loi, aucun juge ne peut accepter du Gouvernement des fonctions salariées, à moins qu’il ne les exerce gratuitement, sans préjudice toutefois aux cas d’incompatibilité déterminés par la loi.

Art. 94.

Des lois particulières règlent l’organisation des tribunaux militaires, leurs attributions, les droits et obligations des membres de ces tribunaux, et la durée de leurs fonctions — Il peut y avoir des tribunaux de commerce dans les lieux déterminés par la loi. Elle règle leur organisation, leurs attributions, le mode de nomination de leurs membres, et la durée des fonctions de ces derniers.

Art. 95.

Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois. — La Cour supérieure de justice règlera les conflits d’attribution d’après le mode déterminé par la loi.

Chapitre VII.
De la Force publique.
Art. 96.

Tout ce qui concerne la force armée est réglé par la loi.

Art. 97.

L’organisation et les attributions de la gendarmerie font l’objet d’une loi.

Art. 98.

Il peut être formé une garde civique, dont l’organisation est réglée par la loi.

Chapitre VIII.
Des Finances.
Art. 99.

Aucun impôt au profit de l’État ne peut être établi que par une loi. — Aucun emprunt à charge de l’État ne peut être contracté sans l’assentiment de la Chambre. — Aucune propriété immobilière de l’État ne peut être aliénée, si l’aliénation n’en est autorisée par la loi. — Nulle création au profit de l’État d’une route, d’un canal, d’un chemin de fer, d’un grand pont ou d’un bâtiment considérable, ne peut être décrétée qu’en venu d’une loi spéciale. — Aucune charge grevant le budget de l’État pour plus d’un exercice ne peut être établie que par une loi spéciale. — Aucune charge, aucune imposition communale ne peut être établie que du consentement du conseil communal. — La loi détermine les exceptions dont l’expérience démontrera la nécessité relativement aux impositions communales.

Art. 100.

Les impôts au profit de l’État sont votés annuellement. — Les lois qui les établissent n’ont de force que pour un an, si elles ne sont renouvelées.

Art. 101.

Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts. Nulle exemption ou modération ne peut être établie que par une loi.

Art. 102.

Hors les cas formellement exceptés par la loi aucune rétribution ne peut être exigée des citoyens ou des établissements publics qu’à titre d’impôt au profit de l’État ou de la commune.

Art. 103.

Aucune pension, aucun traitement d’attente, aucune gratification à la charge du trésor ne peuvent être accordés qu’en vertu de la loi.

Art. 104.

Chaque année la Chambre arrête la loi des comptes et vote le budget. — Toutes les recettes et dépenses de l’État doivent être portées au budget et dans les comptes.

Art 105.

Une Chambre des comptes est chargée de l’examen et de la liquidation des comptes de l’administration générale et de tous les comptables envers le trésor public.

La loi règle son organisation, l’exercice de ses attributions et le mode de nomination de ses membres.

La Chambre des comptes veille à ce qu’aucun article de dépense du budget ne soit dépassé.

Aucun transfert d’une section du budget à l’autre ne peut être effectué qu’en vertu d’une loi.

Cependant les membres du Gouvernement peuvent opérer, dans leurs services, des transferts d’excédants d’un article à l’autre dans la même section, à charge d’en justifier devant la Chambre des Députés.

La Chambre des comptes arrête les comptes des différentes administrations de l’État et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce comptable nécessaire. Le compte général de l’État est soumis à la Chambre des Députés avec les observations de la Chambre des comptes.

Art. 106.

Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à charge de l’État et réglés par la loi.

Chapitre IX.
Des Communes.
Art. 107.

Il y aura dans chaque commune un conseil communal élu directement par les habitants ayant les qualités requises pour être électeurs ; la composition, l’organisation et les attributions de ce conseil sont réglées par la loi.

Le bourgmestre est nommé et révoqué par le Roi Grand-Duc, qui peut le choisir hors du sein du conseil.

Le conseil communal décide sur tout ce qui est d’intérêt purement communal, sauf l’approbation de ses actes dans les cas et suivant le mode que la loi détermine.

Les agents ou employés communaux, ceux de la police municipale, forestière et rurale sont nommés et révoqués de la manière déterminée par la loi.

Aucune imposition communale ne peut être établie ou supprimée sans l’autorisation du Roi Grand-Duc.

Les comptes et budgets sont rendus publics.

Le Roi Grand-Duc peut suspendre ou annuler les actes des autorités communales qui excèdent leurs attributions ou qui sont contraires à la loi ou à l’intérêt général. La loi règle les suites de cette suspension ou annulation.

Le Roi Grand-Duc a le droit de dissoudre le conseil.

Art. 108.

La rédaction des actes de l’état civil et la tenue des registres sont exclusivement dans les attributions des autorités communales.

Chapitre X.
Dispositions générales.
Art. 109.

La ville de Luxembourg est la capitale du Grand-Duché et le siége du Gouvernement. — Le siége du Gouvernement ne peut être déplacé que momentanément pour des raisons graves.

Art. 110.

Aucun serment ne peut être imposé qu’en vertu de la loi ; elle en détermine la formule.

Tous les fonctionnaires publics civils, avant d’entrer en fonctions, prêtent le serment suivant :

« Je jure fidélité au Roi Grand-Duc, obéissance à la Constitution et aux lois de l’État- Ainsi Dieu me soit en aide ! »

Art. 111.

Tout étranger qui se trouve sur le territoire du Grand-Duché, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi.

Art. 112.

Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d’administration générale ou communale n’est obligatoire qu’après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.

Art. 113.

Aucune disposition de la Constitution ne peut être suspendue.

Art. 114.

Le pouvoir législatif a le droit de déclarer qu’il y a lieu de procéder à la révision de telle disposition constitutionnelle qu’il désigne. — Après cette déclaration, la Chambre est dissoute de plein droit. — Il en sera convoqué une nouvelle, conformément à l’art. 74 de la présente Constitution. — Cette Chambre statue, de commun accord avec le Roi Grand-Duc, sur les points soumis à la révision. — Dans ce cas, la Chambre ne pourra délibérer, si trois quarts au moins des membres qui la composent ne sont présents, et nul changement ne sera adopté, s’il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages.

Art. 115.

Aucun changement à la Constitution ne peut être fait pendant une régence.

Chapitre XI.
Dispositions transitoires et supplémentaires.
Art. 116.

Jusqu’à ce qu’il y soit pourvu par une loi, la Chambre des Députés aura un pouvoir discrétionnaire pour accuser un membre du Gouvernement, et la Cour supérieure, en assemblée générale, le jugera, en caractérisant le délit et en déterminant la peine. — Néanmoins, la peine ne pourra excéder celle de la réclusion, sans préjudice des cas expressément prévus par les lois pénales.

Les conseillers de la Cour faisant partie de la Chambre, s’abstiendront de toute participation à la procédure et au jugement.

Art. 117.

À compter du jour où la Constitution sera exécutoire, toutes les lois, tous les décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires, sont abrogés.

Art. 118.

La peine de mort, abolie en matière politique, est remplacée par la peine immédiatement inférieure, jusqu’à ce qu’il y soit statué par la loi nouvelle.

Art. 119.

En attendant la conclusion des conventions prévues à l’art. 22, les dispositions actuelles relatives aux cultes restent en vigueur.

Art. 120.

Jusqu’à la promulgation des lois et règlements prévus par la Constitution, les lois et règlements en vigueur continuent à être appliqués.

Art. 121.

La Constitution d’États du 12 octobre 1841 est abolie.

Toutes les autorités conservent et exercent leurs attributions, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, conformément à la Constitution.

Au Loo, le 17 octobre 1868.

GUILLAUME.

Le Ministre d’État, Président du Gouvernement,

E. Servais.

Le Directeur-général des affaires communales,

Ed. Thilges.

Le Directeur-général de la justice,

Vannerus.

Le Directeur-général des finances,

de Colnet-d’Huart.

Par le Roi Grand-Duc :

Le Secrétaire pour les affaires du Grand-Duché,

G. d’Olimart.