Les Œuvres de François Rabelais (Éditions Marty-Laveaux)/LeQuartLivre/Prologue

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PROLOGVE DE L’AVTHEVR

M. François Rabelais
povr le qvatrieme livre
des faicts et dicts heroiqves
de Pantagrvel.
Aux lecteurs beneuoles.


Gens de bien, Dieu vous ſaulue & guard. Ou eſtez vous ? Ie ne vous peuz veoir.[1] Attendez que ie chauſſe mes lunettes. Ha, ha. Bien & beau s’en va Quareſme[2], ie vous voy. Et doncques ? Vous auez eu bonne vinee ? à ce que lon m’a dict. Ie n’en ſerois en piece marry. Vous auez remede trouué infinable contre toutes alterations ? C’eſt vertueuſement operé. Vous, vos femmes, enfans, parens, & familles eſtes en ſanté deſiree. Cela va bien, cela eſt bon : cela me plaiſt. Dieu, le bon Dieu, en ſoit eternellement loué : & (ſi telle eſt ſa ſacre volunté) y ſoiez longuement maintenuz. Quant eſt de moy, par ſa ſaincte benignité, i’en ſuys là, & me recommande. Ie ſuys, moiennant vn peu de Pantagrueliſme (vous entendez que c’eſt certaine gayeté d’eſprit conficte en meſpris des choſes fortuites[3]) ſain & degourt : preſt à boire, ſi voulez. Me demandez vous pourquoy, Gens de bien ? Reſponſe irrefragable. Tel eſt le vouloir du treſbon treſgrand Dieu : on quel ie acquieſce : au quel ie obtempere : duquel ie reuere la ſacroſaincte parolle de bonnes nouuelles, c’eſt l’Euangile, on quel eſt dict Luc. 4. en horrible ſarcaſme[* 1] & ſanglante deriſion au medicin negligent de ſa propre ſanté. Medicin, O, gueriz toymeſmes.

Cl. Gal. non pour telle reuerence en ſanté ſoy maintenoit, quoy que quelque ſentiment il euſt des ſacres bibles : & euſt congneu & frequenté les ſaincts Chriſtians de ſon temps, comme appert lib. II. de vsu partium, lib. 2. de differentiis pulsuum cap. 3. & ibidem lib. 3. cap. 2. & lib. de rerum affectibus (s’il eſt de Galen) mais par craincte de tomber en ceſte vulgaire & Satyrique mocquerie[* 2]. Ἰητρὸς ἄλλων αὐτός ἕλϰεσι βρύων.[4]

Medicin eſt des aultres en effect :
Toutesfois eſt d’vlceres tout infect.

De mode qu’en grande braueté il ſe vente, & ne veult eſtre medicin eſtimé, ſi depuys l’an de ſon aage vingt & huictieme iuſques en ſa haulte vieilleſſe il n’a veſcu en ſanté entiere, exceptez quelques fiebures Ephemeres[* 3] de peu de duree : combien que de ſon naturel il ne feuſt des plus ſains, & euſt l’eſtomach euidentement dyſcraſié[* 4]. Car (dict il libr. 5. de ſanit. tuenda) difficilement ſera creu le medicin auoir ſoing de la ſanté d’aultruy, qui de la ſienne propre eſt negligent. Encores plus brauement ſe vantoit Aſclepiades[5] medicin auoir auecques Fortune conuenu en ceſte paction, que medicin reputé ne feuſt, ſi malade auoit eſté depuys le temps qu’il commença practiquer en l’art, iuſques à ſa derniere vieilleſſe. A laquelle entier il paruint & viguoureux en tous ſes membres, & de Fortune triumphant. Finablement ſans maladie aulcune præcedente feiſt de vie à mort eſchange, tombant par male guarde du hault de certains degrez mal emmortaiſez & pourriz.

Si par quelques deſaſtre s’eſt ſanté de vos ſeigneuries emancipee : quelque part, deſſus deſſoubz, dauant darriere, à dextre à ſeneſtre, dedans dehors, loing ou pres vos territoires qu’elle ſoit, la puiſſiez vous incontinent auecques l’ayde du benoiſt Seruateur rencontrer. En bonne heure de vous rencontree, ſus l’inſtant ſoit par vous aſſerée, ſoit par vous vendiquee, ſoit par vous ſaiſie & mancipee. Les loigs vous le permettent, le Roy l’entend : ie vous le conſeille. Ne plus ne moins que les Legiſlateurs antiques authoriſoient le ſeigneur vendiquer ſon ſerf fugitif, la part qu’il ſeroit trouué. Ly bon Dieu, & ly bons homs, n’eſt il eſcript & practiqué par les anciennes couſtumes de ce tant noble, tant antique, tant beau, tant floriſſant, tant riche royaulme de France[6], que le mort ſaiſit le vif ? Voiez ce qu’en a recentement expoſé le bon, le docte, le ſaige, le tant humain, tant debonnaire, & equitable And. Tiraqueau, conſeillier du grand, victorieux, & triumphant roy Henry ſecond de ce nom, en ſa treſredoubtee court de parlement à Paris. Santé eſt noſtre vie, comme treſbien declare Ariphron Sicyonien. Sans ſanté n’eſt vie la vie, n’eſt la vie viuable, ΑΒΙΟΣ ΒΙΟΣ, ΒΙΟΣ ΑΒΙΩΤΟΣ[* 5]. Sans ſanté n’eſt la vie que langueur : la vie n’eſt que ſimulachre de mort. Ainſi doncques vous eſtans de ſanté priuez, c’eſt à dire mors, ſaiſiſſez vous du vif : ſaiſiſſez vous de vie, c’eſt ſanté.

I’ay ceſtuy eſpoir en Dieu qu’il oyra nos prieres, veue la ferme foy en laquelle nous les faiſons : & accomplira ceſtuy noſtre ſoubhayt, attendu qu’il eſt mediocre. Mediocrité a eſté par les ſaiges anciens dicte aurée, c’eſt à dire precieuſe, de tous louée, en tous endroictz agreable. Diſcourez par les ſacres bibles : vous trouuerez que de ceulx les prieres n’ont iamais eſté eſconduites, qui ont mediocrité requis. Exemple on petit Zachée, duquel les Muſaphiz[* 6] de S. Ayl pres Orleans ſe ventent auoir le corps & relicques, & le nomment ſainct Syluain. Il ſoubhaitoit, rien plus, veoir noſtre benoiſt Seruateur au tour de Hieruſalem. C’eſtoit choſe mediocre & expoſée à vn chaſcun. Mais il eſtoit trop petit, & parmy le peuple ne pouuoit. Il trepigne, il trotigne, il s’efforce, il s’eſcarte, il monte ſus vn Sycomore. Le treſbon Dieu congneut ſa ſyncere & mediocre affectation. Se præſenta à ſa veue : & feut non ſeulement de luy veu, mais oultre ce feut ouy, viſita ſa maiſon, & beniſt ſa famile.

A vn filz de prophete en Iſrael fendant du bois pres le fleuue Iordan, le fer de ſa coingnee eſchappa (comme eſt eſcript 4. Reg. 6.) & tomba dedans icelluy fleuue. Il pria Dieu le luy vouloir rendre. C’eſtoit choſe mediocre. Et en ferme foy & confiance iecta non la coingnee apres le manche, comme en ſcandaleux ſolœciſme[* 7] chantent les diables Cenſorins : mais le manche apres la coingnee, comme proprement vous dictes. Soubdain apparurent deux miracles. Le fer ſe leua du profond de l’eaue, & ſe adapta au manche. S’il euſt ſoubhoité monter es cieulx dedans vn charriot flamboiant, comme Helie : multiplier en lignee, comme Abraham, eſtre autant riche que Iob, autant fort que Sanſon, auſſi beau que Abſalon : l’euſt il impetré ? C’eſt vne queſtion.

A propos de ſoubhaictz mediocres en matiere de coingnee (aduiſez quand ſera temps de boire) ie vous raconteray ce qu’eſt eſcript parmy les apologues du ſaige Æſope le François. I’entends Phrygien & Troian, comme afferme Max. Planudes : duquel peuple ſelon les plus veridicques chronicqueurs, ſont les nobles François deſcenduz. Ælian eſcript qu’il feut Thracian : Agathias apres Herodote, qu’il eſtoit Samien. Ce m’eſt tout vn.

De ſon temps eſtoit vn paouure homme villageois natif de Grauot nommé Couillatris, abateur & fendeur de boys, & en ceſtuy bas eſtat guaignant cahin caha[* 8] ſa paouure vie. Aduint qu’il perdit ſa coingnee. Qui feut bien faſché & marry ce fut il. Car de ſa coingnee dependoit ſon bien & ſa vie : par ſa coingnee viuoit en honneur & reputation entre tous riches buſcheteurs : ſans coingnee mouroit de faim. La mort ſix iours apres le rencontrant ſans coingnee, auecques ſon dail l’euſt fauſché & cerclé de ce monde. En ceſtuy eſtris commença crier, prier, implorer, inuocquer Iuppiter par oraiſons moult diſertes (comme vous ſçauez que Neceſſité feut inuentrice d’Eloquence) leuant la face vers les cieulx, les genoilz en terre, la teſte nue, les bras haulx en l’air, les doigts des mains eſquarquillez, diſant à chaſcun refrain de ſes ſuffrages à haulte voix infatiguablement. Ma coingnee Iuppiter, ma coingnee. Rien plus, ô Iuppiter, que ma coingnee, ou deniers pour en achapter vne autre. Helas, ma paouure coingnee. Iuppiter tenoit conſeil ſus certains vrgens affaires : & lors opinoit la vieille Cybelle, ou bien le ieune & clair Phœbus, ſi voulez. Mais tant grande feut l’exclamation de Couillatris, qu’elle feut en grand effroy ouye on plein conſeil & conſiſtoire des Dieux.

Quel diable (demanda Iuppiter) eſt là bas, qui hurle ſi horrificquement ? Vertuz de Styx[* 9], ne auons nous par cy deuant eſté, præſentement, ne ſommes nous aſſés icy à la deciſion empeſchez de tant d’affaires controuers & d’importance. Nous auons vuidé le debat de Preſthan roy des Perſes, & de Sultan Solyman empereur de Conſtantinople. Nous auons clos le paſſaige entre les Tartares & les Moſcouites. Nous auons reſpondu à la requeſte du Cheriph. Auſſi auons nous à la deuotion de Guolgotz Rays. L’eſtat de Parme eſt expedié : auſſi eſt celluy de Maydenbourg, de la Mirandole, & de Africque. Ainſi nomment les mortelz, ce que ſus la mer mediterranee nous appellions Aphrodiſium. Tripoli a changé de maiſtre, par male guarde. Son periode[* 10] eſtoit venu. Icy ſont les Guaſcons renians, & demandans reſtabliſſement de leurs cloches[7]. En ce coing ſont les Saxons, Eſtrelins, Oſtrogotz, & Alemans, peuple iadis inuincible, maintenant aberkeids[* 11][8], & ſubiuguez par vn petit homme tout eſtropié. Ilz nous demandent vengeance, ſecours, reſtitution de leur premier bon ſens, & liberté antique. Mais que ferons nous de ce Rameau & de ce Galland[9], qui capparaſſonez de leurs marmitons, ſuppous, & aſtipulateurs brouillent toute ceſte Academie de Paris ? I’en ſuys en grande perplexité. Et n’ay encores reſolu quelle part ie doibue encliner. Tous deux me ſemblent autrement bons compaignons, & bien couilluz. L’vn a des eſcuz au Soleil, ie diz beaulx & treſbuchans : l’autre en vouldroit bien auoir. L’vn a quelque ſçauoir : l’aultre n’eſt ignorant. L’vn aime les gens de bien : l’autre eſt des gens de bien aimé. L’vn eſt vn fin & cauld Renard : l’aultre meſdiſant, meſeſcriuant & abayant contre les antiques Philoſophes & Orateurs comme vn chien. Que t’en ſemble diz, grand Vietdaze Priapus ? I’ay maintes fois trouvé ton conſeil & aduis equitable & pertinent : & habet tua mentula mentem.[10] Roy Iuppiter (reſpondit Priapus defleublant ſon capuſſion, la teſte leuée, rouge, flamboyante, & aſſeurée) puis que l’vn vous comparez à vn chien abayant, l’aultre à vn fin freté Renard, ie ſuis d’aduis, que ſans plus vous faſcher ne alterer, d’eulx faciez ce que iadis feiſtez d’vn chien, & d’vn Renard. Quoy ? demanda Iuppiter. Quand ? Qui eſtoient ilz ? Ou feut ce ? O belle memoire, reſpondit Priapus. Ce venerable pere Bacchus, lequel voyez cy à face cramoiſie, auoit pour ſoy venger des Thebains vn Renard fée, de mode que quelque mal & dommaige qu’il feiſt, de beſte du monde ne ſeroit prins ne offenſé. Ce noble Vulcan auoit d’Ærain Moneſian faict vn chien, & à force de ſouffler l’auoit rendu viuant & animé. Il le vous donna : vous le donnaſtes à Europe voſtre mignonne. Elle le donna à Minos : Minos à Procris, Procris enfin le donna à Cephalus. Il eſtoit pareillement fée, de mode que à l’exemple des aduocatz de maintenant il prendroit toute beſte rencontrée, rien ne luy eſchapperoit. Aduint qu’ilz ſe rencontrerent. Que feirent ilz ? Le chien par ſon deſtin fatal doibuoit prendre le Renard : le Renard par ſon deſtin ne doibuoit eſtre prins[11]. Le cas fut rapporté à voſtre conſeil. Vous proteſtatez non contreuenir aux Deſtins. Les Deſtins eſtoient contradictoires. La verité, la fin, l’effect de deux contradictions enſemble feut declairée impoſſible en nature. Vous en ſuaſtez d’ahan. De voſtre ſueur tombant en terre naſquirent les chous cabutz. Tout ce noble conſiſtoire par default de reſolution Categorique[* 12] encourut alteration mirifique : & feut en icelluy conſeil beu plus de ſoixante & dix huict buffars de Nectar[* 13]. Par mon aduis vous les conuertiſſez en pierres. Soubdain feuſtes hors toute perplexité : ſoubdain feurent treſues de ſoif criées par tout ce grand Olympe[* 14]. Ce feut l’annee des couilles molles, pres Teumeſſe, entre Thebes & Chalcide. A ceſtuy exemple ie ſuis d’opinion que petriſiez ces Chien & renard. La Metamorphoſe[* 15] n’eſt incongneue. Tous deux portent nom de Pierre. Et par ce que ſcelon le prouerbe des Limoſins, à faire la gueule d’vn four ſont trois pierres neceſſaires, vous les aſſocierez à maiſtre Pierre du coingnet, par vous iadis pour meſmes cauſes petriſié[12]. Et ſeront en figure trigone equilaterale[* 16] on grand temple de Paris, ou on mylieu du Peruis poſees ces trois pierres mortes en office de extaindre auecques le nez, comme au ieu de Fouquet, les chandelles, torches, cierges, bougies, & flambeaux allumez : lesquelles viuentes allumoient couilloniquement le feu de faction, ſimulte, ſectes couillonniques & partialté entre les ocieux eſcholiers. A perpetuele memoire, que ces petites philauties[* 17] couillonniformes plus toſt dauant vous contempnées feurent que condamnées, I’ay dict.

Vous leurs fauoriſez (diſt Iuppiter) à ce que ie voy bel meſſer Priapus. Ainſi n’eſtes à tous fauorable. Car veu que tant ilz couuoient perpetuer leur nom & memoire, ce ſeroit bien leur meilleur eſtre ainſi apres leur vie en pierres dures & marbrines conuertiz, que retourner en terre & pourriture. Icy darriere vers ceſte mer Tyrrhene[* 18] & lieux circumuoiſins de l’Appennin[* 19] voyez vous quelles tragedies[* 20] ſont excitées par certains Paſtophores[* 21]. Ceſte furie durera ſon temps, comme les fours des Limoſins : puis finira : mais non ſi toſt. Nous y aurons du paſſetemps beaucoup. Ie y voy vn inconuenient. C’eſt que nous auons petite munition de fouldres, depuis le temps que vous aultres Condieux par mon oultroy particulier en iectiez ſans eſpargne, pour vos eſbatz ſus Antioche la neuſue. Comme depuis à voſtre exemple les gorgias, champions, qui entreprindrent guarder la fortereſſe de Dindenaroys contre tous venens, conſommerent leurs munitions à force de tirer aux moineaux. Puis n’eurent de quoy on temps de neceſſité ſoy deſſendre : & vaillamment cederent la place, et ſe rendirent à l’ennemy, qui ia leuoit ſon ſiege, comme tout forcené & deſeſperé : & n’auoit penſee plus vrgente que de ſa retraicte accompagnee de courte honte. Donnez y ordre filz Vulcan : eſueiglez vos endormiz Cyclopes[* 22], Aſteropes, Brontes, Arges, Polypheme, Steropes, Pyracmon : mettez les en beſoigne : & les faictes boire d’autant. A gens de feu ne fault vin eſpargner. Or depeſchons ce criart là bas. Voyez Mercure qui c’eſt ? & ſachez qu’il demande.

Mercure reguarde par la trappe des Cieulx, par laquelle ce que lon dict ça bas en terre ilz eſcoutent : & ſemble proprement à vn eſcoutillon de nauire. Icaromenippe diſoit qu’elle ſemble à la gueule d’vn puiz. Et veoid que c’eſt Couillatris, qui demande ſa coingnee perdue : & en faict le rapport au conſeil. Vrayement (diſt Iuppiter) nous en ſommes bien. Nous à ceſte heure n’auons aultre faciende, que rendre coingnees perdues ? Si fault il luy rendre. Cela eſt eſcripts es Deſtins, entendez vous ? auſſi bien comme ſi elle valuſt la duché de Milan. A la verité ſa coingnee luy eſt en tel pris & eſtimation, que ſeroit à vn Roy ſon Royaulme. Cza, ça, que ceſte coingnee ſoit rendue. Qu’il n’en ſoit plus parlé. Refoulons le different du clergé & de la Taulpeterie de Landerouſſe. Où en eſtions nous ?

Priapus reſtoit debout au coing de la cheminee. Il entendent le rapport de Mercure, diſt en toute courtoyſie & iouiale honeſteté. Roy Iuppiter, on temps que par voſtre ordonnance & particulier benefice i’eſtoys guardian des iardins en terre, ie notay que ceſte diction Coingnee eſt equiuocque à pluſieurs choſes. Elle ſignifie vn certain inſtrument, par le ſeruice duquel eſt fendu & couppé boys. Signifie auſſi (au moins iadis ſignifioit) la femelle bien à poinct & ſouuent gimbretiletolletee. Et veidz que tout bon compaignon appelloit ſa guarſe fille de ioye, ma Coingnee. Car auecques ceſtuy ferrement (cela diſoit exhibent ſon coingnouoir dodrental[* 23]) ilz leurs coingnent ſi fierement & d’audace leurs emmanchouoirs, qu’elles reſtent exemptes d’vne paour epidemiale entre le ſexe feminin : c’eſt que du bas ventre ilz leurs tombaſſent ſus les talons, par default de telles agraphes. Et me ſoubuient (car i’ay mentule, voyre diz ie memoire, bien belle, & grande aſſés pour emplir vn pot beurrier) auoir vn iour du Tubiluſtre[* 24], es feries de ce bon Vulcan en may, ouy iadis en vn beau parterre Ioſquin des Prez, Olkegan, Hobrethz, Agricola, Brumel, Camelin, Vigoris, De la Fage, Bruyer, Prioris, Seguin, De la Rue, Midy, Moulu, Mouton, Guaſcoigne, Loyſet compere, Penet, Feuin, Rouzee, Richardfort, Rouſſeau, Conſilion, Conſtantio feſti, Iacquet Bercan, chantans melodieuſement.

Grand Thibault ſe voulent coucher
Auecques ſa femme nouuelle,

S’en vint tout bellement cacher
Un gros maillet en la ruelle.
O mon doulx amy (ce dict elle)
Quel maillet vous voy ie empoingner ?
C’eſt (diſt il) pour mieulx vous coingner.
Maillet ? diſt elle, il n’y fault nul.
Quand gros Ian me vient beſoingner,
Il ne me coingne que du cul.

Neuf Olympiades[* 25], & vn an intercalare[* 26] apres (ô belle mentule[13], voire diz ie, memoire. Ie ſolœciſe ſouuent en la ſymbolization & colliguance de ces deux motz) ie ouy Adrian Villart, Gombert, Ianequin, Arcadelt, Claudin, Certon, Manchicourt, Auxerre, Villiers, Sandrin, Sohier, Heſdin, Morales, Paſſereau, Maille, Maillart, Iacotin, Heurteur, Verdelot, Carpentras, Lheritier, Cadeac, Doublet, Vermont, Bouteiller, Lupi, Pagnier, Millet, Du mollin, Alaire, Marault, Morpain, Gendre, & aultres ioyeulx muſiciens en vn iardin ſecret ſoubz belle feuillade au tour d’vn rampart de flaccons, iambons, paſtez, & diuerſes Cailles coyphées mignonnement chantans.

S’il eſt ainſi que coingnee ſans manche
Ne ſert de rien, ne houſtil ſans poingnee.
Affin que l’vn dedans l’aultre s’emmanche
Prens que ſoys manche, & tu ſeras coingnee.

Ores ſeroit à ſçauoir quelle eſpece de coingnee demande ce criart Couillatris.

A ces motz tous les venerables Dieux & Deeſſes s’eclaterent de rire comme vn microcoſme[* 27] de mouches. Vulcan auecques ſa iambe torte en feiſt pour l’amour de s’amye troys ou quatre beaulx petitz ſaulx en plate forme. Cza, ça, (diſt Iuppiter à Mercure) deſcendez preſentement là bas, & iectez es pieds de Couillatris troys coingnees : la ſienne, vne aultre d’or, & vne tierce d’argent maſſiues toutes d’vn qualibre. Luy ayant baillé l’option de choiſir, s’il prend la ſienne & s’en contente, donnez luy les deux autres. S’il en prend aultre que la ſienne, couppez luy la teſte auecques la ſienne propre. et deſormois ainſi faictes à ces perdeurs de coingnee. Ces parolles acheuees Iupiter contournant la teſte comme vn cinge qui aualle pillules, feiſt vne morgue tant eſpouuantable, que tout le grand Olympe trembla.

Mercure auecques ſon chappeau poinctu, ſa capeline, talonnieres & caducee ſe iecte par la trappe des Cieulx, fend le vuyde de l’air, deſcend legierement en terre : & iecte es pieds de Couillatris les trois coingnees : Puys luy dict. Tu as aſſés crié pour boire. Tes prieres ſont exaulcees de Iuppiter. Reguarde laquelle de ces troys eſt ta coingnee, & l’emporte. Couillatris ſoublieue la coingnee d’or : il la reguarde : & la trouue bien poiſante : puis dict à Mercure. Marmes[* 28] ceſte cy n’eſt mie la mienne, Ie n’en veulx grain. Autant faict de la coingnée d’argent : & dict : Non eſt ceſte cy. Ie la vous quitte. Puys prend en main la coingnee de boys : il reguarde au bout du manche : en icelluy recongnoiſt ſa marque : & treſſaillant tout de ioye, comme vn Renard qui rencontre poulles eſguarees, & ſoubriant du bout du nez dict. Merdigues[* 28] ceſte cy eſtoit mienne. Si me la voulez laiſſer, ie vous ſacrifiray vn bon & grand pot de laict tout fin couuert de belles frayres aux Ides (c’eſt le quinzieme iour) de May[* 29]. Bon homme, diſt Mercure, ie te la laiſſe, prens la. Et pour ce que tu as opté & ſoubhayté mediocrité en matiere de coingnee, par le vueil de Iuppiter ie te donne ces deux aultres. Tu as de quoy dorenauant te faire riche. Soys homme de bien.

Couillatris courtoiſement remercie Mercure : reuere le grand Iuppiter : ſa coingnee antique attache à ſa ceincture de cuyr : & s’en ceinct ſus le cul, comme Martin de Cambray. Les deux aultres plus poiſantes il charge à ſon coul. Ainſi s’en va prelaſſant par le pays, faiſant bonne troigne parmy les paroeciens & voyſins : & leurs diſant le petit mot de Patelin : en ay ie ?[14] Au lendemain veſtu d’une ſequenie blanche, charge ſus ſon dours les deux precieuſes coingnees, ſe tranſporte à Chinon ville inſigne, ville noble, ville antique, voyre premiere du monde, ſcelon le iugement & aſſertion des plus doctes Maſſorethz[* 30]. En Chinon il change ſa coingnee d’argent en beaulx teſtons & aultre monnoye blanche : ſa coingnee d’Or, en beaulx Salutz, beaulx moutons à la grande laine, belles Riddes, beaulx Royaulx, beaulx eſcutz au Soleil. Il en achapte force meſtairies, force granges, force cenſes, force mas, force bordes & bordineux, force caſſines : prez, vignes, boys, terres labourables, paſtis, eſtangs, moulins, iardins, ſaulſayes : beufz, vaches, brebis, moutons, cheures, truyes, pourceaulx, aſnes, cheuaulx, poulles, cocqs, chappons, poulletz, oyes, iars, canes, canars, & du menu. Et en peu de temps feut le plus riche homme du pays : voyre plus que Mauleurier le boyteux.

Les francs gontiers & Iacques bons homs du voyſinage voyans ceſte heureuſe rencontre de Couillatris, feurent bien eſtonnez : & feut en leurs eſpritz la pitié & commiſeration, que au parauant auoient du paouure Couillatris, en enuie changee de ſes richeſſes tant grandes & inopinees. Si commencerent courir, s’enquerir, guementer, informer par quel moyen, en quel lieu, en quel iour, à quelle heure, comment, & à quel propous luy eſtoit ce grand theſaur aduenu. Entendens que c’eſtoit par auoir perdu ſa coingnee, Hen, hen, dirent ilz, ne tenoit il qu’à la perte d’vne coingnee, que riches ne feuſſions ? Le moyen eſt facile, & de couſt bien petit. Et doncques telle eſt on temps præſent la reuolution des Cieulx, la conſtellation des Aſtres, & aſpect des Planettes, que quiconques coingnee perdera ſoubdain deuiendra ainſi riche. Hen, hen. Ha, par Dieu, coingnee vous ſerez perdue, & ne vous en deſplaiſe. Adoncques tous perdirent leurs coingnees. Au diable l’vn à qui demoura coingnee. Il n’eſtoit filz de bonne mere, qui ne perdiſt ſa coingnee. Plus n’eſtoit abbatu, plus n’eſtoit fendu boys on pays en ce defaulct de coingnees. Encores dict l’Apologue Æſopicque, que certains petitz Ianſpill’hommes de bas relief, qui à Couillatris auoient le petit pré, & le petit moulin vendu pour ſoy gourgiaſer à la monſtre, aduertiz que ce theſaur luy eſtoit ainſi & par ce moyen ſeul aduenu, vendirent leurs eſpees pour achapter coingnees, affin de les perdre : comme faiſoient les payſans, & par icelle perte recouurir montioye d’Or, & d’Argent. Vous euſſiez proprement dict, que feuſſent petitz Romipetes vendens le leur, empruntans l’aultruy pour achapter Mandatz à tas d’vn pape nouuellement creé. Et de crier, & de prier, & de lamenter & inuocquer Iuppiter. Ma coingnee de cza, ma coingnee delà, ma coingnee ho, ho, ho, ho. Iuppiter ma coingnee. L’air tout au tour retentiſſoit au cris & hurlemens de ces perdeurs de coingnees. Mercure feut prompt à leurs apporter coingnees, à vn chaſcun offrant la ſienne perdue, vne aultre d’Or, & vne tierce d’Argent. Tous choiſiſſoient celle qui eſtoit d’Or, & l’amaſſoient remercians le grand donateur Iuppiter. Mais ſus l’inſtant qu’ilz la leuoient de terre courbez & enclins, Mercure leurs tranchoit les teſtes, comme eſtoit l’edict de Iuppiter : Et feut des teſtes couppees le nombre equal & correſpondent aux coingnees perdues. Voyla que c’eſt. Voyla qu’aduient à ceulx qui en ſimplicité ſoubhaitent & optent choſes mediocres. Prenez y exemple vous aultres gualliers de plat pays, qui dictez que pour dix mille francs d’intrade ne quitteriez vos ſoubhaitz. Et deſormais ne parlez ainſi impudentement, comme quelque foys ie vous ay ouy ſoubhaitans. Pleuſt à Dieu que i’euſſe preſentement cent ſoixante & dix huict millions d’Or. Ho, comment ie triumpheroys. Vos males mules. Que ſoubhaiteroit vn roy, vn Empereur, vn pape d’aduentaige ? Auſſi voyez vous par experience, que ayans faict telz oultrez ſoubhayts, ne vous en aduient que le tac & la clauelée : en bourſe pas maille : non plus que aux deux beliſtrandiers ſoubhaiteux à l’vſaige de Paris. Desquelz l’vn ſoubhaytoit auoir en beaulx eſcuz au Soleil autant que a eſté en Paris deſpendu, vendu, & achapté, depuys que pour l’edifier on y iecta les premiers fondemens iusques à l’heure præſente : le tout eſtimé au taux, vente, & valeur de la chere annee, qui ayt paſſé en ce laps de temps. Ceſtuy en voſtre aduis eſtoit il deſgouté ? Auoit il mangé prunes aigres ſans peler ? Auoit il les dens eſguaſſées ? L’aultre ſoubhaitoit le temple de noſtre Dame tout plein d’aiguilles aſſerées, depuys le paué iusques au plus hault des voultes : & auoir autant d’eſcuz au Soleil, qu’il en pourroit entrer en autant de ſacs que l’on pourroit couldre de toutes & vne chaſcune aiguille, iusques à ce que toutes feuſſent creuées ou eſpoinctees. C’eſt ſoubhayté celà. Que vous en ſemble ? Qu’en aduint il ? Au ſoir chaſcun d’eulx eut les mules au talon[15], le petit cancre au menton, la male toux au poulmon, le catarrhe au gauion, le gros froncle au cropion : & au diable le bouſſin de pain pour s’eſcurer les dens.

Soubhaitez doncques mediocrité, elle vous aduiendra, & encores mieulx, deument ce pendent labourans & trauaillans. Voire mais (dictes vous) Dieu m’en euſt auſſi touſt donné ſoixante & dixhuict mille, comme la trezieſme partie d’vn demy. Car il eſt tout puiſſant. Vn million d’Or luy eſt auſſi peu qu’vne obole. Hay, hay, hay. Et de qui eſtez vous apprins ainſi diſcourir & parler de la puiſſance & prædeſtination de Dieu, paouures gens ? Paix. St, St, St.[* 31] Humiliez vous dauant ſa ſacrée face, & recongnoiſſez vos imperfections.

C’eſt, Goutteux, ſus quoy ie fonde mon eſperance, & croy fermement, que (s’il plaiſt au bon Dieu) vous obtiendrez ſanté, veu que rien plus que ſanté pour le preſent ne demandez. Attendez encores vn peu, auecques demie once de patience. Ainſi ne font les Geneuoys, quand au matin auoir dedans leurs eſcriptoires & cabinetz diſcouru, propenſé, & reſolu, de qui & de quelz celluy iour ilz pourront tirer denares : & qui par leurs aſtuces ſera beliné, corbiné, trompé & affiné, ilz ſortent en place, & s’entreſaluant diſent, Sanita & guadain meſſer. Il ne ſe contentent de ſanté : d’abondant ilz ſoubhaytent guaing, voire les eſcuz de Guadaigne. Dont aduient qu’ilz ſouuent n’obtienent l’vn ne l’aultre. Or en bonne ſanté touſſez vn bon coup, beuuez en trois, ſecouez dehoit vos aureilles, & vous oyrez dire merueilles du noble & bon Pantagruel.


  1. Sarcaſme. mocquerie poignante, & amere
  2. Satyricque mocquerie. comme eſt des antiques Satyrographes Lucillius, Horatius, Perſius, Iuuenalis. C’eſt vne maniere de meſdire d’vn chaſcun à plaiſir, & blaſonner les vices : Ainſi qu’on faict es ieux de la Bazoche par perſonnaiges deſguiſez en Satyres
  3. Ephemeres fiebures. lesquelles ne durent plus d’vn iour naturel : ſçauoir eſt 24. heures
  4. Dyſcraſié. mal temperé, de mauuaiſe complexion. Communement on dict biſcarié en languaige corrompu
  5. Ἄϐιος βίος &c. vie non vie. vie non viuable
  6. Muſaphiz. en langue turque & Sclauonicque, docteurs, & prophetes
  7. Solœciſme. vicieuſe maniere de parler
  8. Cahu caha. Motz vulgaires en Touraine, tellement quellement. Que bien que mal
  9. Vertus de Styx. C’eſt vn paluz en Enfer, ſcelon les Poëtes, par lequel iurent les Dieux, comme escript Virgile 6. Aeneid. & ne se periurent. La cause est, pour ce que Victoire fille de Scyx feut à Iupiter fauorable en la bataille des Geantz : pour laquelle recompenser Iupiter octroya que les Dieux iurans par sa mere, iamais ne fauldroient, &c. Lisez ce qu’en escript Seruius on lieu dessus allegué
  10. Periode. reuolution. clauſule. fin de ſentence
  11. Aber Keids. en Allement, vilifiez. Biſſo
  12. Categoricque. plene, aperte, & reſolue
  13. Nectar. vin des dieux, celebre entre les poetes
  14. Olympe. le Ciel, ainſi dict entre les Poëtes
  15. Metamorphoſe. Transformation
  16. Figure trigone æquilaterale. ayant troys angles en eguale diſtance vn de l’autre
  17. Philautie. amour de ſoy
  18. Mer Tyrhene. pres de Rome
  19. Appennin. les Alpes de Boloigne
  20. Tragœdies. tumultes & vacarmes excitez pour choſe de petite valeur
  21. Paſtophores. pontifes, entre les Aegiptiens
  22. Cyclopes. forgerons de Vulcan
  23. Dodrental. long d’vne demye coubtee, ou de neuf poulſees Romaines
  24. Tubiluſtre. onquel iour eſtoient en Rome beniſtes les trompettes dediees aux ſacrifices, en la baſſe court des tailleurs
  25. Olympiades. maniere de compter les ans entre les Grecs, qui eſtoit de cinq en cinq ans
  26. An intercalare. onquel eſcheoit le Biſſexte comme eſt en ceſte preſente annee. 1552. Plinius lib. 2. cap. 47
  27. Microcoſme. petit monde
  28. a et b Marmes. Merdigues. iuremens de gens villageoys en Touraine
  29. Ides de May. esquelles naſquit Mercure
  30. Maſſorethz. interpretes & gloſſateurs, entre les Hebrieux
  31. St. St. St. vne voix & ſifflement par lequel on impoſe ſilence. Terence en vſe in Phor. & Ciceron de Orarore
  1. Gens de bien… Ie ne vous peuz veoir. Voyez ci-dessus, p. 168, la note sur la l. 3 de la p. 232.* Cette espèce de dicton a été bien souvent répétée : « Ha ! gens de bien, ie ne vous puis voir, mon chappeau eſt percé. » (Du Fail, t. I, p. 297.) — « Bonnes gens, je ne vous puis voir, comme dit Maiſtre François dans ſon livre. » (La Fontaine, Lettres, au prince de Conti, nov. 1689)

    *

  2. Bien & beau s’en va Quareſme. Cette formule est le titre d’un des jeux de Gargantua. Voyez t. I, p. 82.
  3. Meſpris des choſes fortuites. Budé a écrit un traité : De Contemptu rerum fortuitarum.
  4. Ιητρὸς… βρύων. Plutarque, dans son Discours contre l’épicurien Colotès, attribue ce vers à un tragique grec qu’il ne nomme point.
  5. Plus brauement ſe vantoit Aſclepiades. Voyez Pline, VII, 37.
  6. Tant riche royaulme. Il y a un premier tirage de ce prologue, dans lequel après riche on lit : & triumphant, et où les épithètes grand, victorieux & triumphant (l. 25) n’accompagnent pas le nom de Henri II. Elles ont probablement été ajoutées lorsqu’il fut entré victorieux dans Metz le 18 avril.
  7. Demandans reſtabliſſement de leurs cloches. Les habitants de la Guyenne s’étant révoltés contre la gabelle, on leur avait retiré leurs cloches en 1549. Rabelais n’avait garde d’oublier leurs réclamations, qui semblent fournir une suite au discours de Janotus à Gargantua.
  8. Aberkeids. « Vilifiés, » dit la briefue declaration. Les commentateurs n’ont accepté ni ce texte, ni cette traduction, et veulent changer l’un et l’autre ; mais tous, même Régis, y perdent leur… allemand. Ce qu’il y a de sûr c’est que le sens réclame un mot opposé à invincible, et que vilifié, avili, est, à ce point de vue, fort satisfaisant.
  9. Rameau & …Galland. Galland venait de mêler Rabelais à leur querelle en écrivant en 1551, dans sa réponse à une harangue de Ramus (7e ft. vo) : « Melior pars eorum qui haſce nugas lectitant. Rame… non ad fructum aliquem ex iis capiendum, ſed veluti vernaculos ridiculi Pantagruelis libres ad luſum & animi oblectationem lectitant. »
  10. Et habet… mentem. « Et ta mentule a de l’esprit. » Jeu de mots entre mentula et mens, esprit, intelligence. Voy. ci-après la note sur la p. 263.
  11. Le Renard par ſon deſtin ne doibuoit eſtre prins. Voyez Pollux (Onomascicon, V, 5) et Pausanias (IX, 19). Furetière a reproduit ce récit à la fin du Roman bourgeois (liv. II, p. 132, éd. Jannet.) : « Le hazard voulut qu’un jour le chien fée fut laſché ſur le lièvre fée. On demanda là-deſſus quel ſeroit le don qui prévaudroit : ſi le chien prendroit le lièvre, ou ſi le lièvre échapperoit du chien, comme il eſtoit écrit dans la deſtinée de chacun. La réſolution de cette difficulté eſt qu’ils courent encore. »
  12. Pierre du coingnet… pour meſmes cauſez petrifié. Voyez Satyre de maiſtre Pierre du Cuignet ſur la Petromachie de l’Vniuerſité de Paris, Œuvres poétiques de Joachim du Bellay, t. II, p. 408, La Pléiade françoiſe.
  13. O belle mentule. Voyez ci-dessus la note sur la l. 6 de la p. 259.*

    * Et habet… mentem. « Et ta mentule a de l’esprit. » Jeu de mots entre mentula et mens, esprit, intelligence. Voy. ci-après la note sur la p. 263.

  14. En ay ie ? Il disait ce « petit mot » en montrant sa coignée, comme Pathelin (Farce de Pathelin, P. 25) en montrant à sa femme le drap qu’il lui avait promis de se procurer, et qu’il venait de dérober au marchand.
  15. Les mules au talon. Ce sont les engelures. On lit dans la proclamation du roi des fous à Poligny (1494) : « Pauures gens allant à pied, faute de cheual, ayant les mules au talon, faute de ſouliers. » Cette expression entrait souvent dans des imprécations rotesques, grossièrement rimées. Les enfants du Jura criaient jadis aux montagnards :

    Montagnon la rougne,
    Quatre pieds de chougne (crotin)
    La mule aux talons
    Grave montagnon.

    Voyez Toubin, Supplément au dictionnaire des patois jurassiens, aux mots chougne et mule. Mémoires de la Société d’émulation du Jura.