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OEuvRES DE Descartes. 126-127

pouue\ eftrc ? Car combien de fois auons nous peu que des perfonnes Je font trompées en des chofes qu'elles penfoient voir plus clairement que le Soleil? Et partant, ce principe d'vne claire & dijlinâe connoif- fance doit ejîre expliqué fi clairement & fi dijîinclemcnt, que perfonne déformais, qui ait l'efprit raifonnable, ne puiffe eftre deceu dans les chofes qu'il croira fcaunir clairement & diflinclement ; autronoit nous ne voyons point encor que nous puijjions répondre auec certitude de la vérité d'aucune chofe.

En cinquième lieu,_^ la volonté ne peut iamais faillir, ou ne pèche point, lorfqu'elle fuit & fe laiffe conduire parles lumières claires & 163 dijlincles de l'efprit qui lagouuer)ie, & fi, au contraire, elle fe \ met en danger, lorj'qu'elle pourfuit & embrajfe les connoijfances obfcures & confufes de l'entendement, prene\ garde que de là il femble que l'on puijfe inférer que les Turcs & les autres infidèles non feulement ne pèchent point lorfqu'ils n'embraffent pas la Religion Chre/lienne & Catholique, mais mefme qu'ils pèchent lorfqu'ils l'embraffent, puif- qu'ils n'en connoiffent point la vérité uj^ clairement nr di/linàeinent. Bien plus, fi cette règle que vous établi [l'e\ eft vraye, il ne fera permis à la volonté d'embrajfer que fort peu de chofes, veu que nous ne con- naifons quafi rien auec cette clarté cS'- difinciion que vous requere-, pour former vue certitude qui ne puijfe e/lre fujette à aucun doute. Prene- donc garde, s'il vousplaift, que, \voulant ajfennir le partj- de la vérité, vous ne prouuie;[ plus qu'il iw faut, & qu'au lieu de l'apuyer vous ne la reinierfic:{.

En fixicme lieu, dans vos réponfcs aux précédentes objections, il femble que vous are'{ manqué de bien tirer la conclufion, dont voicj- l'argument : Ce que clairement & diftinclement nous entendons apartcnir à la nature, ou à l'ellence, ou à la forme immuable & vraye de quelque chofe, cela peut eftre dit ou affirmé auec vérité de cette chofe; mais (après que nous auons < affez > foigneufement obferué ce que c'eft que Dieu) nous entendons clairement & diftinftement qu'il apartient à l'a vraye & immuable nature, qu'il exille. Il fau- 164 droit conclure : Donc\ques (ap7-es que nous auons afi'e- foigneufement obferué ce que c'efl que Dieu), nouspouuons dire ou affirmer auec vérité, qu'il apartient à la nature de Dieu qu'il exi/le. D'oii il ne fuit pas que Dieu exifie en ejfeâ, mais feulement qu'il doit exifier, fi fa nature eft pofjible, ou ne répugne point ; c'e/t à dire que la nature ou l'ejfence de Dieu ne peut eftre conccuë fans exiftence, en telle forte que, fi cette effénce e/t, il exifie réellement. Ce qui fe raporte à cet argument que d'autres propofent de la forte : s'il n'implique ponil que Dieu foi I, il eft certain qu'il exifie; or il n'implique point qu'il exifie; doncques.