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342 I SIXIÈMES OBIECTIONS

faites par diuers Théologiens & Philofophes.

Après aiioir leu aiiec attention vos Méditations, & les réponfes que vous aue:{ faites aux difficulté^ qui vous ont ejté cy-deuant objeâêes, il nous rejle encore en l'efprit quelques /crapules, dont il ejl à propos que vous nous releuie-.

I Le premier elT:, qu'il ne femble pas que ce foit vn argument fort certain de noflre ejlre, de ce que nous penfons. Car, pour ejlre certain que vous penfe-, vous deuei auparauant fçauoir quelle eji la nature de la penfêe & de l'exijlence; &, dans l'ignorance oit vous efles de ces deux chofes, comment pouue--vous fçauoir que vous penfe^^, ou que vous ejles? Puis donc qu'en difant : ie penfe, vous ne fçaue- pas ce que vous dites; & qu'en adioujlant : donc ie fuis, vous ne vous en- tendeipas non plus; que niefine vous ne fçaue\ pas fi vous dites ou fi 343 vous penfe\ quel\que chofe, ejîant pour cela necejfaire que vous con- noiffie^ que vous fçaue\ ce que vous dites, & derechef que vous /ça- chie\ que vous connoijfe- que vous fçauei ce que vous dites, & ainft iufques à l'infiny, il efï euident que vous ne pouue\ pas fçauoir fi vous ejles, ou mefmc fi vous penfe~.

Mais, pour venir au fécond fcrupule, lorfque vous dites : ie penfe, donc ie fuis, ne pouroit-on pas dire que vous vous ti-ompe^, que vous ne penfez point, mais que vous eftes feulement remué, â que ce que vous attribue^ à la penfêe n'e/i rien autre chofe qu'vn mouuement corporel? perfonne n'ayant encore pu comprendre voftre raifonne- ment, par lequel vous prétende'^ auoir démontré qu'il n'y a point de mouuement corporel qui puife légitimement ejlre apelé du nom de penfêe. Car penfei-vous auoir tellement coupé & diuifé, par le moyen de voftre analyfe, tous les mouuemens de vojlre matière fubtile, que vous foye\ aff'uré, & que vous nous puiffie\ perfuader, à nous qui femmes tres-alteiitifs £■ qui penfons ejlre affe^ clairuoyans, qu'il y a de la répugnance que nos penjées foient répandues dans ces mouue- mens corporels ?

Le troifiéme fcrupule n'eft point différent du fécond ; car, bien que quelques Pères de l'EgliJé ayent crû, auec tous les Platoniciens, que les Anges ejloient corporels, d'oii vient que le Concile de Latran a