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Mme de Saverny ne savait pas combien le silence d’une seule personne peut gâter un succès. — Si parfois l’amour rend fous les gens d’esprit, l’amour-propre les rend souvent imbéciles ». Dans l’ordre littéraire : « Pour un grand nombre de gens, le jugement qu’on doit porter sur un ouvrage est tout entier dans le nom de l’auteur. » Au point de vue féministe : « Les succès littéraires des femmes ne peuvent être disputés que par des hommes médiocres », pensée ambiguë, qui suggère une habileté tactique aux femmes de lettres. Au point de vue social, l’auteur a la perspicacité de discerner que, chez ses contemporains, la préoccupation de sacrifier l’individu à la famille n’est déjà plus dans les idées courantes, observation dont l’importance se vérifie de nos jours, puisqu’elle est à la base du mouvement de dépopulation qui inquiète tant de bons esprits.

Preuve indubitable du succès d’Anatole : ce prénom devient à la mode. Et consécration historique de ce succès : au matin du jour où Napoléon quitte la Malmaison pour prendre le chemin de son dernier exil, il tend un volume au baron Fain en lui disant :

— Voilà un livre qui m’a distrait cette nuit.

L’exemplaire d’Anatole qui adoucit pour l’empereur les heures d’insomnie de la dernière nuit passée à la Malmaison, va recevoir une magnifique reliure, et rester dans la bibliothèque du baron Fain[1].

Peu après, une singulière aventure apprend à

  1. Manecy : Une famille de Savoie, p. 29. — Th. Gautier : Portraits contemporains, p. 28.