Page:Proust - Pastiches et Mélanges, 1921.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

SENTIMENTS FILIAUX
D’UN PARRICIDE

Quand M. van Blarenberghe le père mourut, il y a quelques mois, je me souvins que ma mère avait beaucoup connu sa femme. Depuis la mort de mes parents je suis (dans un sens qu’il serait hors de propos de préciser ici) moins moi-même, davantage leur fils. Sans me détourner de mes amis, plus volontiers je me retourne vers les leurs. Et les lettres que j’écris maintenant, ce sont pour la plupart celles que je crois qu’ils auraient écrites, celles qu’ils ne peuvent plus écrire et que j’écris à leur place, félicitations, condoléances surtout à des amis à eux que souvent je ne connais presque pas. Donc, quand Mme van Blarenberghe perdit son mari, je voulus qu’un témoignage lui parvînt de la tristesse que mes parents en eussent éprouvée. Je me rappelais que j’avais, il y avait déjà bien des années, dîné quelquefois chez des amis communs, avec son fils. C’est à lui que j’écrivis, pour ainsi dire, au nom de mes parents disparus, bien plus qu’au mien. Je reçus en réponse la belle lettre suivante, empreinte d’un si grand amour filial. J’ai pensé qu’un tel témoignage, avec la signification qu’il reçoit du drame qui l’a suivi de si près, avec la signification qu’il lui

211