Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/2-8

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Deuxième partie. Le système vocalique.
Chapitre VIII. — Les diphtongues


Chapitre VIII
Les diphtongues

§ 190. On divise généralement les diphtongues en décroissantes (ou véritables diphtongues) et croissantes. Il existe bien dans notre parler des diphtongues décroissantes (ᴀᴜ, ᴀɪ, etc.) et des diphtongues croissantes (ᴜꞏə, ɪꞏə, etc.), si l’on se place au point de vue de l’ouverture relative des deux éléments. Mais, si l’on se place au point de vue de l’énergie articulatoire, toutes les diphtongues y sont décroissantes, toutes étant accentuées sur le premier élément, aussi bien ᴜꞏə et ɪꞏə, que ᴀᴜ et ᴀɪ. Il se manifeste bien dans quelques cas (cf. §§ 204 et 211) une tendance à faire passer le premier élément fermé à la demi-voyelle, mais il ne s’agit que d’exemples isolés, et qui ne modifient pas le système dans lequel les deux types de diphtongues jouent un rôle symétrique. Aussi a-t‑il paru préférable de ne pas les séparer ici.

§ 191. Ce qui constitue une diphtongue, c’est le passage progressif d’une position vocalique à une autre. La direction même du mouvement est un élément plus essentiel que le point de départ ou le point d’arrivée. On sait que ceux-ci peuvent être rapprochés par accommodation, la langue ne parcourant qu’une partie du chemin qui sépare les deux positions vocaliques (cf. Jespersen, Lehrbuch, 13, 9) ; une diphtongue ɑi est ainsi prononcée en réalité ɑɛ ou æɪ. Du moins en va-t‑il ainsi pour les diphtongues décroissantes. Pour les diphtongues croissantes, le deuxième élément, qui constitue un sommet vocalique net, est d’ordinaire assez précisément déterminé (op. cit., 13, 92). Mais justement, dans notre parler, ce deuxième élément étant atone, c’est en réalité le premier élément (plus fermé) qui constitue le sommet de la diphtongue ; aussi le deuxième élément n’est pas tenu pour particulièrement caractéristique et le cas ne se distingue pas de celui de la diphtongue décroissante.

§ 192. On peut classer les différentes diphtongues en fonction de la direction du mouvement, sans tenir compte de la position absolue des deux éléments : on aboutit ainsi à distinguer quatre types :

I. Diphtongues allant d’une position neutre (c’est-à-dire relativement proche de ə) vers une position haute d’avant.

II. Diphtongues allant d’une position neutre vers une position haute d’arrière.

III. Diphtongues allant d’une position haute d’avant vers une position neutre.

IV. Diphtongues allant d’une position haute d’arrière vers une position neutre.

§ 193. Cette direction du mouvement, qui constitue l’élément caractéristique de la diphtongue, n’exclut pas une grande latitude de variation du point de départ (premier élément) comme du point d’arrivée (deuxième élément) : ceux-ci sont déterminés en fonction des phonèmes environnants comme suit (cf. chap. ii) :

Élément ouvert (position neutre) : Dans un seul cas, celui de ì꞉a (§ 207), la position de l’élément ouvert est un élément constitutif de la diphtongue.

Dans tous les autres cas, celui-ci peut varier entre a (quand il est accentué, c’est-à-dire en premier élément) ou ə (quand il est atone, c’est-à-dire en deuxième élément) et une position moyenne d’avant, si la consonne avoisinante est palatale, ou moyenne d’arrière si la consonne avoisinante est vélaire. Cela, sans que l’identité de la diphtongue risque d’être méconnue. La mesure dans laquelle l’élément ouvert s’écartera plus ou moins de la position neutre et se rapprochera plus ou moins de la limite extrême de sa variation, où on aura par exemple α, ou ä ou ë ou ɛ après consonne palatale, ɑ ou ou ɔ après consonne vélaire, dépend en partie de la nature de l’autre élément, et varie, au reste, considérablement selon les individus et selon les localités.

L’élément fermé est, par nature, moins sujet à variation : il se modifie au contact d’une consonne dans la mesure où se modifierait la voyelle brève de même timbre : c’est ainsi qu’ devient λ devant consonne palatale, qu’i devient ɪ devant ou après consonne vélaire.

§ 194. On voit que, théoriquement, chacun des quatre types de diphtongue énumérés peut comprendre quatre variétés selon que les consonnes précédentes et suivantes sont palatales ou vélaires. En fait quelques-unes de ces variétés sont rarissimes. Il vient en revanche s’ajouter à elles une diphtongue à premier élément long, ì꞉a, qui rompt la symétrie de ce tableau.

Il faut ajouter qu’après ou avant une diphtongue, comme après ou avant une voyelle longue, on peut avoir un glide explosif w ou j ou implosif ə ou i, soit quand une consonne vélaire précède ou suit un élément vocalique d’avant, soit quand une consonne palatale précède ou suit un élément vocalique d’arrière (certains cas possibles ne se rencontrent au reste pas dans la pratique). Les glides implosifs transforment les diphtongues en de véritables triphtongues (qui peuvent tendre à devenir disyllabiques, cf. §§ 196 et 202).

On a ainsi les diphtongues suivantes :

I : ai, ᴀɪᵊ, ëi (äi), äɪᵊ.
II : ᴀᴜ (ɔᴜ), aλ (aᴜⁱ), a, äλ (ëλ).
III : , , ɪə, ɪɛ (iꞏə, iꞏɛ, ɪꞏə, ɪꞏɛ).
IV : ᴜə, ᴜɛ ; λə et λɛ sont rarissimes. On peut aussi avoir ᴜꞏə, ᴜꞏɛ, comme dans le cas de iꞏə, iꞏɛ.

Au groupe III se rattache la diphtongue à premier élément long : ì꞉a.

§ 195. ai (écrit aidh, aigh, oimhi, adhai, aghai, aibh, ai devant ll, nn dans la même syllabe, etc.).

Le premier élément est semblable à la voyelle brève a ; le deuxième élément à la voyelle brève i.

ai se rencontre après consonne vélaire ou à l’initiale, devant consonne palatale. À l’initiale, le premier élément, n’étant pas appuyé sur une consonne vélaire précédente, tend à s’assimiler au deuxième élément, et la diphtongue tend vers αi, äi.

bainʹtʹⁱrʹəχ (baintreach) « veuve » ; kainʹtʹ (cainnt) « conversation » ; kailʹtʹɩ (caillte) « perdu » ; klairʹɩ (cladhaire) « coquin » ; maidʹən (maighdean) « vierge » ; dainʹ (doimhin) « profond » ; failʹ (faill) « falaise » ; faimʹ (faighim) « j’obtiens » ; rainʹtʹ (rainnt) « partager » : rairʹkʹ (radhairc), gén. de rᴀɪᵊrk (voir § suivant) ; stairʹɩ (staidhre) « escalier » ; saidʲu꞉ⁱrʹ (saighdiúir) « soldat » ; sainʹtʹ (sainnt) « avidité » ; taiʃɩ (taidhse) « apparition » ; sailʹʃu꞉ (soillsiughadh) « resplendir » où ai (écrit oi) est surprenant.

À l’initiale : aimʹʃɩrʹ (aimsir) « temps » ; aigʹ (aghaidh) « visage » ; ainʹtʹɩ (aibhnte), plur. de aλⁱnʹ (abhainn) « rivière » ; ainʹlʲᴜ꞉ (aidhnliughadh) « louvoyer sur place » ; aimʹ (aidhm) « penchant, inclination » ; airʹkʹɩ (adhairce), gén. de ᴀɪᵊrk (voir § suivant).

Dans ce dernier cas on entend fréquemment α et même ä par assimilation (voir plus haut) : nə hαinʹtʹɩ (na haibhnte) « les rivières », etc.

De même ə hαigʹ, ou häigʹ (a Thaidhg), et hαigʹ, ou häigʹ (Thaidhg), vocatif et génitif à l’initiale modifiée de tᴀɪᵊg (Tadhg), nom d’homme, en face du génitif non modifié : Taigʹ (Taidhg).

§ 196.
ᴀɪᵊ.

Le premier élément est une voyelle ultra-basse d’arrière articulée sensiblement plus en arrière que la voyelle ɑ. Du moins en est-il ainsi après consonne vélaire ; pour la position à l’initiale, voir plus bas.

Le deuxième élément est la voyelle ɪ. La diphtongue ᴀɪ, ne se rencontrant que devant consonne vélaire, est toujours suivie d’un glide ə.

ᴀɪ peut être précédée de consonne vélaire ou se trouver à l’initiale. Dans ce dernier cas le premier élément, n’étant plus appuyé sur une consonne vélaire, tend à s’assimiler au deuxième élément et l’on entend communément ɑɪ.

fᴀɪᵊn (faigheann) « (il) obtient ».

gᴀɪᵊr (gadhar) « chien » ; lᴀɪᵊro꞉g (ladharóg) et lᴀɪᵊr (ladhar) « fourche des doigts » ; rᴀɪᵊrk (radharc) « regard » ; rᴀɪᵊd (raghad) « j’irai » ; slᴀɪᵊdɑ̃꞉n (slaghdán) « rhume » ; tᴀɪᵊg (Tadhg), nom d’homme.

A l’initiale : ᴀɪᵊrk (adharc) « corne » et ɑɪᵊrk (voir plus haut) ; de même : ᴀɪᵊməd (adhmad) « bois » ; ᴀɪᵊrtə (adharta) « manteau de la cheminée » ; ᴀɪᵊn (adhann) « chaudron » ; ou ɑɪᵊməd, ɑɪᵊrtə, ɑɪᵊn.

Il y a flottement entre ᴀɪ et ᴇ̈꞉ dans nᴀɪᵊvo꞉g (naomhóg) « barque », et slᴀɪᵊdɑ̃꞉n (voir plus haut), à côté de nᴇ̈꞉vo꞉g et slᴇ̈꞉dɑ̃꞉n.

Dans une triphtongue ᴀɪᵊ tendant vers ᴀɪə l’élément médian est plus fermé que les éléments qui l’encadrent, aussi constate-t‑on quelques exemples isolés de pronon­ciation disyl­labique : rɑjəd pour rᴀɪəd.

§ 197. ëi, äi (écrit eidh, eigh, ei devant m, ll dans la même syllabe).

Le premier élément est de hauteur très variable : c’est une voyelle mixte d’avant de position moyenne ou basse selon les sujets.

Le deuxième élément est analogue à la voyelle brève i.

ëi se rencontre entre consonnes palatales, ou à l’initiale devant consonne palatale.

ëirʹi꞉ (eirighe) « se lever » ; grʹëinʹ (greidhin) « terme d’affection » ; grʹëimʹ (greim) « prise » ; lʹëiʃ (leighis), gén. de aɪᵊs (leigheas) « remède » ; lʹëikʹɩdʹɩ (leidhcide) « chose, personne, bonne à rien » ; lʹëibʹɩ (leidhbe), gén. de äɪᵊb (leadhb) « bout, chiffon » d’où « langue ».

mʹëigʹ (meidhg) « mélange de lait frais et de lait caillé » mʹëirʹ (meidhir) « gaîté » ; ɩ vʹëimʹ (i bhfeidhm) « au pouvoir de » ; ɩ vʹëilʹ (i bhfeighil) « pour, en vue de » ; tʹëinʹ (tinn) « doulou­reux ».

La présence de la diph­tongue dans ëirʹi꞉ (écrite ei) et dans tʹëinʹ (écrite i) s’explique d’ailleurs mal.

§ 198.
äɪᵊ, (écrit eadh, eabh, eagh, eighea, etc.).

Le premier élément est une voyelle mixte d’avant, de hauteur variable, mais en général moins haute, chez un sujet donné, que le premier élément de la diph­tongue précé­dente. Le deuxième élément est analogue à la voyelle brève ɪ. On a toujours un glide ə. Cette diph­tongue ne se trouve en effet que devant consonne vélaire, et après consonne palatale.

On observe une tendance à abaisser le deuxième élément par assimilation avec ä et ə, la diphtongue se rapprochant de ä.

äɪᵊb (leadhb) « bout, langue » ; äɪᵊbo:g (leadhbóg), dans äɪᵊbo:g ᴜ:ⁱnʹʃi: (leadhbóg óinsighe) « sotte fainéante » ; äɪᵊs ou äɪs (leigheas) « remède » ; tʹrʹäɪᵊdɑ̃:n (treaghdán) « pou ».

§ 199.
ᴀᴜ, ɔᴜ (écrit ‑amh(a)‑, ‑omh(a)‑, ‑abh(a)‑, ‑obh(a)‑, a ou o suivis de ll, m, nn).

Le premier élément varie considérablement, et il semble qu’ici on puisse distinguer des variations locales. La prononciation commune à Dunquin est ᴀᴜ, avec une voyelle ultrabasse non arrondie, mais située tout à fait à l’extrémité arrière des sons a (plus en arrière que français pâte) il existe par ailleurs une prononciation ɔᴜ, ou même oᴜ, avec assimilation du premier élément au deuxième élément ; on a alors une voyelle d’arrière arrondie, basse ou même moyenne, qui se distingue des sons o (ɔ ou o) qu’offre par ailleurs le parler en ce que ɔ premier élément de diphtongue est plus franchement d’arrière (voyelle du type d’anglais law). Cette deuxième prononciation est usuelle dans Paróiste Mórdhach et semble caractéristique de la région Nord-Est de Dunquin. Nous transcrivons régulièrement ᴀᴜ, mais signalons une fois pour toute que ɔᴜ se rencontre également.

ᴀᴜ ne peut se trouver en contact qu’avec des consonnes vélaires.

ᴀᴜ (abha) « rivière » ; cf. do:lhəχ ʃe ən ᴀᴜ (d’ólfadh sé an abha) « il boirait la rivière » ; bᴀᴜŋk (bannc) « banc de poissons » ; brᴀᴜntənəs (bronntanas) « présent » ; klᴀᴜn (clann) « progéniture » ; dᴀ̃ᴜ̃n (domhan) « monde » ; fᴀᴜn (fonn) « désir » : gᴀ̃ᴜ̃nə (gamhna), plur. de gãᴜ̃ⁱnʹ (gamhain) « veau » ; mᴀ̃ᴜ̃ntəχ (manntach) « brèche-dent » ; pᴀᴜl (poll) « trou » ; ə rᴀᴜs (an rabhas ?) « est-ce que j’étais ? » ; rᴀᴜrtə (rabharta) « grande marée » ; sᴀᴜl (sall) « de l’autre côté » ; tᴀᴜn (tonn) « vague (subst.) » ; trᴀᴜm (trom) « lourd ».

Pour flottement entre ᴀᴜ et o: ou ᴜ: cf. §§ 169 et 175.

§ 200.
aλ, aᴜⁱ (écrit abhai, ‑amhai‑, obhai, omhai).

Le premier élément est assez variable, mais moins que dans le cas de la diphtongue précédente. La prononciation usuelle à Dunquin est un a neutre. Là où l’on a ɔᴜ (oᴜ) pour la diphtongue précédente, le premier élément de aλ est aussi articulé plus haut et plus en arrière, mais n’est cependant pas arrondi.

Le deuxième élément est én général un peu avancé, et mal arrondi, même là où on n’a pas nettement λ (nous notons toujours aᴜ̃ⁱ lorsqu’il y a nasalisation, pour la commodité de la transcription, ce qui a d’autant moins d’inconvénients que le timbre du deuxième élément n’est pas toujours facile à préciser dans ce cas).

On a toujours un glide i, cette diphtongue ne se rencontrant que devant consonne palatale : l’élément médian de la triphtongue ainsi constituée étant relativement fermé il arrive qu’on ait une prononciation disyllabique : awi pour aᴜⁱ.

aλ se rencontre après consonne vélaire ou à l’initiale, devant consonne palatale.

aλⁱʃ ou awiʃ (amhais), plur. de ᴀᴜs (amhas) « jeune enfant (mais non bébé) » ; kaλⁱrʹ (cabhair) « secours » ; gaλⁱrʹ (gabhair), plur. de gᴀᴜr (gabhar) « chèvre » ; kaλⁱlʹ (cabhail) « buste », gén. kᴀᴜləχ (cabhlach) ; naᴜ̃ⁱdʹ (namhaid) « ennemi » ; sãᴜ̃ⁱnʹ (samhain) « 1er Novembre » ; taλⁱmʹ (toghaim) « je choisis ».

§ 201. au (s’écrit ‑eabh(a)‑, eamh(a)‑, ea devant ll, m, nn).

Se rencontre sous la forme öᴜ (mais aussi a) chez les sujets qui ont ɔᴜ pour ᴀᴜ. Cependant ici l’assimilation au deuxième élément, sans doute contrariée par le caractère palatal de la consonne précédente, est exceptionnelle, non régulière.

a se trouve après consonne palatale devant consonne vélaire ou à la finale, et est toujours précédé du glide j, quand il y a lieu.

aᴜn (ceann) « tête » ; klʹaᴜnəs et klʲaᴜnəs (cleamhnas) « arrangement matrimonial » ; aᴜrəv à côté de dʲɑ:rəv (deallramh) « apparence » : aᴜltə (geallta) « promis », de αlɩmʹ (geallaim) « je promets » ; glʲaᴜn et glʹaᴜn (gleann) « vallée » ; ãᴜ̃n (leamhan) « mite » ; äᴜ̃s (leamhas) « exultation » ; aᴜrəχ (meabhrach), gén. de maλⁱrʹ (meabhair) « raison » ; ɑnərʹaᴜr (anareamhar) « très gras », de rᴀᴜr (reamhar) « gras » ; ʃaᴜk (seabhac) « faucon » ; tʹrʹa (treabhadh) « labourer » ; aᴜntə (teannta) « proximité ».

§ 202.
äλ, ëλ (écrit ‑eabhai‑, ‑eamhai‑).

Le premier élément est une voyelle mixte d’avant dont la hauteur et l’ouverture varient selon les sujets, ä (voyelle basse) et ë (voyelle moyenne) se rencontrant concurremment.

J’ai noté une prononciation particulièrement fermée chez quelques vieillards, sans pouvoir cependant affirmer que la répartition soit toujours, ou généralement, fonction de l’âge.

äλ se rencontre seulement entre consonnes palatales et est toujours suivi d’un glide i. Comme dans le cas d’autres diphtongues on rencontre sporadiquement les prononciations disyllabiques äwi.

äλⁱgʹ (deabhaidh), gén. de a (deabhadh) « hâte » ; äλⁱrʹ (leabhair), gén. de aᴜr (leabhar) « livre » ; ʃlʹäλⁱnʹ (sleamhain) « glissant » ; ʃäλⁱkʹ (seabhaic), gén. de ʃaᴜk (seabhac) « faucon » ; tʹräʹλⁱmʹ (treabhaim) « je laboure » ; äλⁱrʹ (meabhair) « raison ».

Aussi : ʃlʹäwɩnʹ, äwɩrʹ, etc.

§ 203.
i·ə, (écrit ia, iabha, iadha, iagha, etc.).

Le premier élément se rencontre demi-long ou bref.

i·ə se rencontre après consonne palatale ou à l’initiale, devant consonne vélaire, sauf devant h dans la même syllabe.

bʹlʹi·əntə (bliadhanta), plur. de bʹlʹi·ɛnʹ (bliadhain) « année » ; fʹi·əχə (fiacha) « dettes » ; dʹi·əl (diabhal) « diable » ; fʹi·əl (fiall) « généreux » ; grʹi·ən (grian) « soleil » ; i·əl (iall) « lacet » ; i·ərən (iarann) « fer » ; lʹi·əχ (liach) « quantité » ; lʹi·ərnʹɩ (liaghairne) « fainéant » ; ʃi·ər (siar) « vers l’ouest » ; tʹi·ərnə (tighearna) « seigneur ».

Devant h, i·ə est parfois réduit à i long : klʹi·əhɑ̃:n ou klʹi:hɑ̃:n (cliathan) « côté » ; bʹrʹi·əhər ou brʹi:hər (briathar) « parole » ; krʹi·əhər ou krʹi:hər (criathar) « crible » ; ʃg̬ʹi·əhɑ̃:n et ʃg̬ʹi:hɑ̃:n (sciathán) « aile ».

§ 204.
i·ɛ (écrit ‑iai‑, ‑iabhai‑, ‑iadhai‑, ‑ia‑, etc.).

Le premier élément peut être demi-long ou bref.

i·ɛ se rencontre soit entre consonnes palatales ou à l’initiale devant consonne palatale, soit après consonne palatale à la finale ou devant h. Dans ce dernier cas, le deuxième élément, non appuyé sur une consonne vélaire suivante, s’est assimilé au premier.

bʹi·ɛ (biadh) « nourriture » : dʹi·ɛ (dia) « Dieu » ; dʹi·ɛlʹ (diabhail) gén. de dʹi·əl (diabhal) « diable » ; gə dʹi·ɛlʹ (go diail) « excellent » ; ɩ nʹi·ɛgʹ (i ndiaidh) « après » ; fʹi·ɛnʹ (fiadhain) « sauvage » ; i·ɛmʹ (iadhaim) « je ferme » ; lʹi·ɛh (liath) « gris argent ».

Il arrive que l’accent se porte sur le deuxième élément, le premier élément devenant demi-voyelle, d’où des pronon­ciations comme ə nɩ j·ɛgʹ, pour ə nɩ ji·ɛgʹ (i n-a dhiaidh) « après lui ».

§ 205.
ɪ·ə (écrit ia, iabha),

Variété de i·ə, avec premier élément abaissé et rétracté sous l’influence d’une consonne vélaire précé­dente, ɪ·ə se rencontre seulement après r initial (toujours vélaire) devant consonne vélaire.

rɪ·əvʹ (riamh) « jamais » ; rɪ·ən (rian) « trace » ; rɪ·əstə (riasta) « cicatrice » ; rɪ·əχ (riabhach) « une des nom­breuses défor­mations arbitrai­res employées pour éviter de prononcer le nom du diable, dʹi·əl ; » rɪ·əχtənəs (riach­tanas) « nécessité » ; rɪ·əχ (riabhach) « ramé (en parlant de la robe d’une vache) » ; rɪ·əvo:g (riabhóg) « petit oiseau de tourbière ».

§ 206.
ɪ·ɛ (écrit iai, ‑iabhai).

Variété de i·ɛ avec premier élément abaissé et rétracté (cf. § précédent). Se trouve seulement après r initial, devant consonne palatale.

rɪ·ɛlʹ (riaghail) « règle » ; rɪ·ɛhɩ (riabh­aiche), gén. fém. de rɪ·əχ (riabhach) « ramé » ; cf. l’ex­pression : lᴇ̈:həntə nə bo: rɪ·ɛhɩ (laeth­eannta na bó riabh­aiche) litt. « les jours de la vache ramée » ; « les derniers jours de Mars et les premiers jours d’Avril ».

§ 207.
ì:a, e:ɐ (écrit éa, eu).

Cette diph­tongue varie considé­rable­ment selon les sujets, et il semble bien qu’ici la variation soit fonction de l’âge : chez les sujets âgés le premier élément apparaît comme un son e: qu’on peut comparer à l’e danois, son beaucoup plus étroit et plus fermé que l’e: qu’on a dans le parler. Le deuxième élément est un ə bas et ouvert, de timbre assez obscur quoique tendant vers a. Chez les sujets plus jeunes le premier élément est un son ì:, inter­médiaire entre i: et e:, le deuxième élément a un timbre ouvert a, très clair et qui se diffé­rencie fortement du ə qu’on a par exemple dans i·ə. Il semble que d’une géné­ration à l’autre il y ait eu différen­ciation.

Il faut aussi tenir compte du fait que e:ə, conservé dans les récits tradi­tionnels et les prières, est considéré comme plus relevé que ì:a. J’ai entendu un conteur se reprendre, quand il laissait échapper ì:a (seule forme de cette diph­tongue qu’il employât dans la conver­sation), pour substi­tuer e:ɐ.

ì:a (e:ɐ) se trouve après consonne palatale ou à l’initiale, devant consonne vélaire :

bʹì:al (béal) « bouche » ; bʹì:as (béas) « coutume » ; kʹì:ad (céad) « cent » ; fʹì:ar (féar) « herbe » ; fʹì:aso:g (féasóg) « moustache » ; gʹi:ag (géag) « bras » ; ì:ad (éad) « jalousie » ; ì:asg̬ (éasc) « nœud, défaut du bois » ; ì:adᵊrəm (éadrom) « léger » ; lʹì:an (léan) « regret » ; mʹì:arnɑ:ⁱlʹ (méarnáil) « tâtonner » ; pʹlʹì:asg̬ə (pléascadh) « exploser » ; sg̬ʹì:al (scéal) « histoire » ; sg̬ʹì:an (scéan) « terreur » ; tʹrʹì:an (tréan) « violent ».

Aussi, quoique orthogra­phiées différem­ment : mʹì:as (mias) « plat » ; mʹì:an (mian) « volonté, désir » et mʹì:aχ (mianach) « tempé­rament, caractère ».

§ 208.
ᴇə (écrit ea).

Un exemple unique de cette diph­tongue est fourni par vʹᴇəχ (bheach) « (il) serait ».

§ 209.
ᴜ·ə, ᴜə (écrit ua, uabha, uadha, etc.).

Le premier élément de cette diph­tongue, comme de celles qui suivent, peut être demi-long ou bref, comme dans le cas des diph­tongues commen­çant par , ɪ· (q. v.).

ᴜ·ə ne peut se trouver en contact qu’avec des consonnes vélaires.

bᴜ·ələ (bualadh) « frapper » ; kᴜ·ən (cuan) « port » ; krᴜ·əχ (cruach) « tas » ; dᴜ·ə (duagh) « peine » ; fᴜ·əsg̬ʷɩlʹtʹ (fuascailt) « délivrer » ; fᴜ·əh (fuath) « haine » ; fu·əχt (fuacht) « froidure » ; gᴜ·əl (gual) « combus­tible » ; lᴜ·əsg̬ə (luascadh) « balancer » ; trᴜ·ə (truagh) « pitié » ; rᴜ·ə (ruadh) « roux » ; ᴜ·əsəl (uasal) « noble » ; ᴜ·əhə (uatha) « d’eux ».

§ 210.
λ·ə.

Une diphtongue λ·ə peut s’entendre après repré­sentant l’adoucis­sement de r initial (cf. § 84) : ɑnərʹλə (anaruadh) « très rouge » ; mais il s’agit là d’un cas tout à fait isolé.

§ 211.
ᴜ·ɛ, ᴜɛ (écrit ‑uai‑, ‑uabhai‑, ‑uadhai‑).

ᴜ·ə se rencontre après consonne vélaire ou à l’initiale, devant consonne palatale.

bᴜ·ɛlʹɩmʹ (buailim) « je frappe » ; krᴜ·ɛgʹ (cruaidh) « dur » ; krᴜ·ɛmʹ (cruadhaim) « je durcis » ; dᴜ·ɛgʹ (duaigh), gén. de dᴜ·ə (duagh) « chagrin » ; dᴜ·ɛʃ (duais) « récom­pense » ; fᴜ·ɛmʹ (fuaim) « son » ; lᴜ·ɛmʹ (luadhaim) « j’agite » ; sᴜ·ɛnʹəs (suaineas) « repos, tran­quillité » ; ᴜ·ɛʃlʹəχt (uais­leacht) « noblesse » ; ᴜ·ɛrʹ (uair) « heure, fois » ; ᴜɛnʹ (uain), gén. de ᴜ·ən (uan) « agneau » ; ᴜ·ɛmʹ (uaim) « de moi ».

Quelques exemples spora­diques décèlent une tendance à faire passer l’accent sur le deuxième élément, avec ce résultat que le premier élément devient demi-voyelle : on a générale­ment wɛnʹɩ (uaine) « vert », non ᴜ·ɛnʹɩ. On entend aussi, quoique non régulière­ment : kɑt tɑ: wɛtʹ (cad tá uait) « qu’est-ce qu’il te faut ? » ; vwɛlʹ ʃe· (bhuail sé) « il frappa » pour vᴜɛlʹ ʃe· : nə hwɛʃlʹɩ (na huaisle) « les gens chics » pour nə hᴜ·ɛʃlʹɩ.