Vie et opinions de Tristram Shandy/2/60

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Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome premier. Tome secondp. 155).



CHAPITRE LX.

Prenez-y garde.


C’est dans cette source précieuse que mon père puisoit tous les argumens qui pouvoient favoriser ses idées ; mais de tous les traités qu’il avoit lus et relus, il n’y en avoit point qui lui eût causé d’abord plus de peine que le célèbre colloque d’entre Pamphagus et Coclès, écrit par la chaste plume du grand et vénérable Érasme. Il rouloit tout entier sur la variété des longs nez, sur leur utilité, sur la manière de les mettre à profit, sur le temps d’en faire usage ; le style tant soit peu bigarré de ce célèbre écrivain déconcertoit de temps en temps mon père, et lui faisoit prendre une chose pour l’autre.

Et vous, à qui Satan voudroit faire niche, prenez garde, en lisant ce chapitre, que l’auteur de tout mal ne vous jette à califourchon, jambe deçà, jambe delà, sur quelque coursier rapide qui emporte trop loin votre imagination. Il ne faut qu’une gambade de côté, pour vous précipiter dans quelque abyme. Un rayon de soleil trop vif flétrit ainsi la plus belle fleur.