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Importance du Folk-lore pour

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elle a des recherches d'élégance, une esthétique embryonnaire et un art de plaire et de donoier[2] qui sont inconnus à sa sœur aînée. Il faudrait ajouter qu'elle n'a point perdu le goût des sciences occultes, mais qu'elle ne daigne plus en faire l'occupation de ses longues heures de nonchalant loisir. Déjà Didon, dans Eneas, a recours à l'expérience d'une sorcière et c'est la "maistre"[3] de Fénice, qui lui prépare le philtre destiné à la laisser pure entre les bras de son mari.

Rest une dernière étude qui n'a pas, à mon su, été abordée

  1. Eneas, v. 7085, passage que M. Krabbes aurait, s'il l'avait connu, pu rapprocher de ceux qu'il emprunte fort judicieusement à Renaud de Montauban et à Raoul de Cambrai.
  2. Un de mes élèves prépare une dissertation sur la femme dans la société des xiie-xiiie siècles. De mes lectures il m'est resté un doute sérieux sur la délicatesse de cette petite élite qui semble alors dominer, au haut de l'échelle sociale, la grossièreté ordinaire des mœurs et des propos. Rappelons le langage intraduisible dans lequel l'un des auteurs de Tristan fait se disculper Yseut devant les rois Marc et Artus et les deux cours réunies, le reproche immonde fait à Eneas, reproduit par une femme, Marie de France, dans Lanval, 279 ss., et mis par elle dans la bouche d'une autre reine. Si nous interrogeons la geste elle nous ménage d'autres surprises. Le tastonnage, la sensualité toujours en éveil des jeunes filles payennes et chrétiennes, l'impudeur qui préside à des cééemonies sacrées, comme celle du baptême d'une sarrazine, tout cela nous révèle un état de civilisation bien rudimentaire encore et voisin de la nature. V. aussi d'intéressantes observations de M. G. Paris (Romania, xix, 332) à propos des Realien d'un texte de la fin du xiie siècle.
  3. Cligès, 3002, ss. Le type de la "maistre" a été sans doute emprunté au roman de Troie; il se perpétue à travers les siècles après avoir fourni quelques types à Chrétien (Lunète, Tessala) et Jean de Meun (La Vieille dans Rom. Rose) le léguera à Regnier (Macette). Il est encore vrai aujourd'hui, la sorcière d'Eneas n'est autre que ces vieilles, bigotes et magiciennes, qui jettent des sorts aux enfants et aux animaux et que nos paysans wallons, comme nos faubouriens de Liège et d'ailleurs, ont flétri d'un nom significatif, celui de makral (maquerelle). L'on salt le rôle qu'elles jouent dans les superstitions et les contes populaires.