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PELLEAS AND MELISANDE.

Arkel. Tu as du sang sur le front. — Ou'as- tu fait? GOLAUD. Rien, rien... j'ai passé au travers d'une haie d'ép»ines. MÉLIS.ANDE. Baissez un peu la tête, seigneur... Je vais essuyer votre front... GoL.UD (la repoussant). Je ne veux pas que tu me touches, entends-tu ? Va-t'en, va-t'en ! — Je ne te parle pas. — Où est mon épée? — Je venais chercher mon épée... MÉLISANDE. Ici; sur le prie-Dieu. GOLAUD. xApporte-là. — (A Arkel.j On vient encore de trouver un paysan mort de faim, le long de la mer. On dirait qu'ils tiennent tous à mourir sous nos yeux. — (A il/ÉLiSANDE.> Eh bien, mon épée ? — Pourquoi tremblez-vous ainsi? — Je ne vais pas vous tuer. Je voulais simplement examiner la lame. Je n'emploie pas l'épée à ces usages. Pourquoi m'examinez-vous comme un pauvre? — Je ne viens pas vous de- mander r aumône. Vous espérez voir quelque chose dans mes yeux, sans que je voie quelque chose dans les vôtres? — Croyez-vous que je sache quelque chose? — (A Arkel.) Aboyez- vous ces grands yeux? — On dirait qu'ils sont fiers d'être riches... Arkel. Je n'y vois qu'une grande inno- cence... GOLAUD. Une grande innocence!... lis sont plus grands que l'innocence!... Ils sont plus purs que les yeux d'un agneau... Ils donneraient à Dieu des leçons d'innocence! Une grande innocence! Ecoutez: j'en suis si près que je sens la fraîcheur de leurs cils quand ili clignent; et cependant, je suis moins loin des grands secrets de l'autre monde que du plus petit secret de ces veux!... Une grande innocence!... Plus que de l'innocence ! On dirait que les anges du ciel y célèbrent sans cesse un baptême!... Je les conanis ces yeux! Je les ai vus à l'œuvre ! Fermez-les ! Fermez-les ! ou je vais les fermer po«r longtemps !... — Ne mettez pas ainsi la main à la gorge ; je dis une chose très simple... Je n'ai pas d'arrière-pensée... Si j'avais une arrière-penjée, pour- quoi ne la dirais-je pas? Ah! ah! — ne tâchez pas de fuir ! — Ici ! — Don- nez-moi cette main ! — Ah ! vos mains sont trop chaudes... Allez-vous-en! Votre chair me dégoûte!... Il ne s'agit plus de fuir à présent! — (Il la saisit par les cheveux.) — Vous allez me suivre à genoux ! — A genoux ! — A genoux devant moi ! — Ah 1 ah ! vos longs cheveux servent enfin à quelque chose!... A droite et puis à gauche! — A gauche et puis à droite — Absalon ! Absalon ! — En avant ! en arrière ! Jus- qu'à terre! jusqu'à terre!... Vous voy- ez, vous voyez ; je ris déjà comme un vieillard... Arkel (accourant). Golaud !... GoLAUD (affectant un calme soudain). Vous ferez comme il vous plaira, voyez-vous. — Je n'attache aucune im- portance à cela. — Je suis trop vieux ; et puis, je ne suis pas un espion. J'at- tendrai le hasard; et alors... Oh! alors!... simplement parce que c'est l'usage ; simplement parce que c'est l'usage... // sort. Arkel. Ou'a-t-il donc? — Il est ivre? IMÉLiSANDE feu larmes). Non, non ; mais il ne m'aime plus... Je ne suis pas heureuse !... Arkel. Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du cœur des hommes...