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PELLEAS AND MELISANDE.

Pelléas. On pourrait nous voir des fenêtres de la tour. Viens ici ; ici, nous n'avons rien à craindre. — Prends garde ; on pourrait nous voir... MÉLISANDE. Je veux qu'on me voie... Pelléas. Qu'as-tu donc? — Tu as pu sortir sans qu'on s'en soit aperçu? MÉLISANDE. Oui ; votre frère dormait... Pelléas. Il est tard. — Dans une heure on fermera les portes. Il faut prendre garde. Pourquoi es-tu venue si tard? MÉLISANDE. Votre frère avait un mauvais rêve. Et puis ma robe s'est accrochée aux clous de la porte. Voyez, elle est déchirée. J'ai perdu tout ce temps et j'ai couru... Pelléas. Ma pauvre MéHsande!... J'aurais presque peur de te toucher... Tu es en- core hors d'haleine comme un oiseau pourchassé... C'est pour moi, pour moi que tu fais tout cela?... J'entends battre ton cœur comme si c'était le mien... Viens ici... plus près de moi. MÉLISANDE. Pourquoi riez-vous? Pelléas. Je ne ris pas ; — ou bien je ris de joie, sans le savoir... Il y aurait plutôt de quoi pleurer... AIÉLISANDE. Nous sommes venus ici il y a bien longtemps... Je me rappelle. Pelléas. Oui... Il y a de longs mois. — Alors, je ne savais pas... Sais-tu pourquoi je t'ai demandé de venir ce soir? Non. MÉLISANDE. Pelléas. C'est peut-être la dernière fois qu< je te vois... Il faut que je m'en ailU pour toujours... MÉLISANDE. Pourquoi dis-tu toujours que tu t'en vas?... Pelléas. Je dois te dire ce que tu sais déjà? — Tu ne sais pas ce que je vais te dire? MÉLISANDE. Mais non, mais non ; je ne sais rien... Pelléas. Tu ne sais pas pourquoi il faut que je. m'éloigue... // l'embrasse brusque- ment. Tu ne sais pas que c'est parce que je t'aime... MÉLISANDE (à voix bùssc). Je t'aime aussi... Pelléas. Oh! Qu'as-tu dit, Mélisande! Je ne l'ai presque pas entendu!... On a brisé la glace avec des fers rougis !... Tu dis cela d'une voix qui vient du bout du monde!... Je ne t'ai presque pas en- tendue... Tu m'aimes? — Tu m'aimes aussi?... Depuis quand m'aimes-tu? MÉLISANDE. Depuis toujours... Depuis que je t'ai vu. Pelléas. Oh ! comme tu dis cela!... On dirait que ta voix a passé sur la mer au prin- temps!... je ne l'ai jamais entendue jusqui'ici... on dirait qu'il a plu sur mon cœur ! Tu dis cela si franche- ment... Comme un ange qu'on inter- roge!... Je ne puis pas le croire, Mélis- ande!... Pourquoi m'aimerais tu? — Mais pourquoi m'aimes-tu ! — Est-ce vrai ce aue tu dis ? — Tu ne me trom- pes pas? — Tu ne mens pas un peu. pour me faire ^"-irire?...