Il faut toujours insister avec Marie-Louise. Elle se fâche et elle vous sort une bonne grosse sottise, bien bête, bien naïve, qui repose de la prétention de tant de gens ; ou elle vous raconte, comme exemple, une histoire en ajoutant : « Tu vas encore la mettre dans le Journal. J’espère au moins que tu m’offriras un chapeau avec cet argent-là ? »
La moitié de mes histoires se promène ainsi sur la tête de Marie-Louise ; et l’autre moitié sur son dos et même plus bas : les dessous de la littérature.
— Si je crois que vous êtes bêtes ? reprend Marie-Louise. Tiens, moi, n’est-ce pas, je n’ai point toujours vécu comme maintenant. À dix-sept ans, j’étais femme de chambre, avant d’être femme nue. J’ai vingt-trois ans ; je suis restée bien, d’accord…
J’approuve du chef et du sourire.
— … Mais ça ne fait rien : si tu m’avais connue à dix-sept ans, mon petit ! Ce que j’étais gentille avec ma robe noire proprement tirée sur les hanches et mon tablier festonné ! Rien que pour te donner une idée, faudra que je m’habille comme ça un jour.
— Non, merci. Je n’ai pas de passions ; et j’ai des idées, sans ça.
Marie-Louise continue :
— Donc, j’étais gentille et aimante ; aimante comme on est à cet âge-là. Vois-tu, aujourd’hui, ça n’est plus la même chose.
— N’insiste pas. Tu vas me donner des regrets.
— Je t’aime bien tout de même. Mais un que j’adorais alors, c’était mon premier.
— C’est une charade ? Et mon tout ?
— C’est toi, plaisante Marie-Louise. Mon premier ami (Marie-Louise prononce mon premier hami, avec un h aspiré), c’était un fils de famille, joli garçon, mais joli, et élégant, oh ! élégant…
Elle ne possède point le talent des descriptions. Elle répète seulement les mots importants d’un ton sincère, convaincu, passionné, avec une sorte de petit effort pour