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LETTERS TO AND FROM


MAY 12, 1719.


JE vous fais des complimens sur votre perfection dans la langue Françoise. Il faut vous connoître long temps avant de connoître toutes vos perfections; toujours en vous voyant et entendant, il en paroît des nouvelles, qui étoient auparavant cachées; il est honteux pour moi de ne sçavoir que le Gascon et le Patois, au prix de vous. Ill n'y a rien à redire dans l'ortographie, la propriété, l'élégance, le douceur et l'esprit. Et que je suis sot moi de vous repondre en même langage, vous qui étes incapable d'aucune sottise, si ce n'est l'estime qu'il vous plaît d'avoir pour moi; car il n'y a point de mérite, ni aucun preuve de mon bon goût, de trouver en vous tout ce que la nature a donné un mortel, je veux dire l'honneur, la vertu, le bon sens, l'esprit, la douceur, l'agrément, et la fermetê d'ame; mais en vous cachant, commes vous faites, le monde ne vous connoît pas, et vous perdez l'éloge des millions de gens. Depuis que j'ai l'honneur de vous connoître, j'ai toujours remarqué que ni en conversation particulière, ni générale, aucun mot a échappé de votre bouche, qui pouvoit être mieux exprimé. Et je vous jure, qu'en faisant souvent la plus sévère critique, je ne pouvois jamais trouver aucun défaut en vos actions, ni en vos paroles: la coquetterie, l'affectation, la pruderie sont des imperfections que vous n'avez jamais connues. Et avec tout cela, croyez pas vous, qu'il est possible de ne pas vous estimer au dessus du

reste